dimanche 30 septembre 2007

Our moon is full

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Le premier single et le 25 cm de Strings Of Consciousness étaient plutôt alléchants, musique instrumentale utilisant aussi bien l’énergie de sons organiques (via une instrumentation classique) que les manipulations électroniques (laptop) et la bidouille (platine, boite à rythmes). Seul regret, relativement minime, la courte durée des titres: pas assez longs à mon goût pour laisser s’installer une réelle atmosphère. Cette dernière réticence est très largement balayée par le premier album du groupe, Our Moon Is Full paru comme le single sur le label de Barry Adamson, Central Control International. Sur chaque titre de ce disque figure un intervenant extérieur, un chanteur (également auteur de ses paroles) ce qui donne définitivement un tout autre caractère à la musique de Strings Of Consciousness, en exagérant un peu on pourrait presque parler d’un disque de chansons.
Asphodel
voit l’intervention de J.G. Thirlwell (Foetus) dans un registre assez différent de celui qu’il pratique habituellement, un peu déconcertant au début mais réussi, presque lancinant. Asphodel est une bonne introduction au disque, dévoilant déjà tout le côté hybride de la musique. Sur le second titre (Crystallize It) on reconnaît tout de suite Scott McCloud -en écoutant ses mots, sa voix, sa façon de chanter, la classe intégrale du bonhomme frappe immédiatement et fait amèrement regretter que son groupe Girls Against Boys se fasse si rare ces temps ci. Crystallize It est également le morceau le plus ouvertement rock du disque. Ces premiers deux titres sont ceux qui sont littéralement chantés : le reste ou presque de Our Moon Is Full opère en effet sur un mode résolument récitatif.
Dans ce registre quelques grands noms attirent tout de suite l’attention. Sur Cleanliness Is Next To Godliness Eugene Robinson (Oxbow) étale tout son art de la tension, le titre se termine sur un beat très réussi se mariant parfaitement avec les éructations du géant boxeur sumotori, on est pas là pour rigoler. Pete Simonelli est le maître incontesté du genre et il le prouve une fois de plus sur In Between. Ce type qui avec son groupe Enablers, trop injustement méconnu, ne pratique que ce style plutôt difficile (parce que souvent source d’ennui) du récitatif et du chant parlé étonne à chaque fois par cette capacité à capter l’attention, tordre le cours sinueux de la musique par son flow impressionnant mais sobre -lui aussi est un expert en tension absolue mais sans avoir l’air d’y toucher, qui plus est il a toujours cette voix grave magnifique.
Des voix graves pourtant il n’en manque pas sur ce disque avec celle de Barry Adamson qui sur Sonic Glimpses (une première version, différente et instrumentale, figure sur le single) démarre lui aussi sur un mode parlé avant de s’envoler littéralement vers un chant fébrile et touchant tandis qu’une guitare délicatement noisy entrecroise une mélodie typée bien qu’un peu étrange et qui donc reste longtemps en mémoire. En ce qui me concerne Black Sifichi est le parfait inconnu du disque. Pourtant il est le seul à intervenir sur deux titres, While The Sun Burns Out Another Sun et Midnight Moonbeams. Le premier est mon préféré, avec cette lente progression sur presque rien et s’achevant sur une plage là encore noisy teinté de post rock (celui de Tortoise) ; le second est le titre le moins captivant de Our Moon Is Full, plutôt orienté trip-hop mais finissant en roue libre sur un texte certes beau et poétique mais desservit par une voix qui appuie plus qu’elle n’émeut -c’est la limite du genre mais c’est bien mon seul regret à propos de ce disque.

vendredi 28 septembre 2007

Tied + Tickled Trio

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En plus de The Notwist (que je n’ai jamais aimé) je ne compte pas les projets musicaux des frères Acher : Potawatomi et sa noise violente et directe -de ce groupe je ne connais qu’un mini album et un single- puis Ogonjok qui déjà défrichait quelques espaces pop mais toujours bancals -un 25 centimètres et un LP en guise de souvenirs- et surtout Village Of Savoonga né dans le punk assez primaire et rectiligne mais déviant rapidement vers quelques atmosphères contradictoires et tendues pas très éloignées de ce qu’a fait Bästard en France -trois LPs plus un live posthume bien représentatif et bien enlevé, amen. Il y a quelques autres projets qui traînent de ci de là, parfois plutôt éphémères et pas toujours passionnants, une liste incomplète et son illustration sonore se trouvent sur une compilation intitulée The Day My Favourite Insect Died qui regroupe également des titres préhistoriques de Schneider TM, Console ou autre Blond. Tous ces disques sont peut être encore disponibles via les labels Hausmusik et Kollaps.




















J’ai volontairement oublié Tied + Tickled Trio dans cet inventaire : c’est un groupe dont je ne me souvenais plus, que je n’écoutais plus -en vérité c’est un groupe qui ne me plaisait qu’à moitié, je n’aimais pas tous les titres de leurs albums et d’ailleurs je n’ai jamais réellement accroché sur les deux premiers (un sans titre en 1998 et EA1 EA2 en 1999), non c’est le seul et unique album Electric Avenue Tape (2001) que j’ai écouté en boucle -et surtout le magnifique Sevastopol Version- album dynamique réussissant le pari risqué qui a toujours été l’ambition de Tied + Tickled Trio c'est-à-dire fusionner sans grosses traces de soudure ni prothèses en plastique un dub électronique minimal et un jazz modal lorgnant vers un free plus débridé. Même en étant complètement électronique Sevastopol Version était marqué par ce sens musical là, tirant vers l’organique. D’un autre côté Van Brunt/Van Ness et son saxophone ascensionnel faisait le chemin inverse en dérapant du côté electro. Un disque toujours aussi magnifique.
Je suis tombé par hasard sur un DVD en concert du groupe qui n’est pas sans présenter les défauts habituels (ce côté jazzy dans le salon de papa m’énerve toujours autant) mais qui comporte également quelques grands moments, les plus dub et les plus electro, comme ce Tamaghis. Les images en elles-mêmes sont impossibles à regarder : il ne se passe pas grand-chose pendant un concert de Tied + Tickled Trio aussi il y a plein d’effets video ridicules qui n’aident pas à passer le temps (aucun intérêt de voir des bulles numériques se pixeliser sur un écran) mais cela à l’avantage de ne considérer ce DVD que comme un disque (parfois très bon) avec des images en plus… et de faire autre chose en l’écoutant. Son aspect dichotomique est le plus marquant : à un titre majoritairement jazz succède un autre plus radicalement électro, comme si le groupe finalement n’avait jamais réussi à réitérer l’exploit de Electric Avenue Tape, presque un aveu d’impuissance ou alors une recette trop rabâchée.
Quelques recherches rapides m’ont permis de constater que depuis Electric Avenue Tape Tied + Tickled Trio n’a publié qu’un album en 2003 (pas écouté) sur Morr Music qui est désormais le label attitré du groupe et qui réédite d’ailleurs ses deux premiers disques. Il y a aussi le tout récent Aelita, nouvel enregistrement datant de 2007 et là c’est une toute autre histoire. Une autre histoire parce que ce disque (sur lequel on retrouve Tamaghis) est sans cuivres ni instruments à vent : fini le confort du salon de papa et les mélodies, parfois très riches, sont assurées par un vibraphone, du mélodica, du synthé au son bien ringard -Aelita est avant tout un album d’electro dub pas vraiment révolutionnaire mais qui possède un certain sentiment mélancolique que l’on croirait directement hérité du post rock, dans le genre c’est vraiment très réussi.

mercredi 26 septembre 2007

Oren Ambarchi, cet inconnu

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C’est en collaborant avec Sunn O))) -pour l’album Black One- qu’Oren Ambarchi s’est fait un peu plus connaître : qui est donc ce bonhomme venu de nulle part qui se permettait ainsi de jouer avec le sacro saint des groupes drone/doom/etc, les accompagnant y compris en concert ? Pour couronner le tout Ambarchi a même publié grâce à Stephen O’Malley un assez bel album sur Southern Lord, Triste, bien que celui-ci ne soit qu’un disque de plus au milieu d’une discographie déjà pléthorique, via notamment le label britannique Touch.
Oren Ambarchi a commencé en tant que batteur au sein de Phlegm, un trio à la réputation ultra noise basé à Sidney en Australie. Je n’ai jamais écouté un seul enregistrement de ce groupe pour lequel la rumeur était allée en s’amplifiant mais les langues bien pendues qui s’autorisent (même sans savoir) affirment que l’album The Alter Rebbe's Nigun publié par Tzadik en 1999 et enregistré sous le nom de Ambarchi/Avenaim (soit les deux tiers de Phlegm, ne manquait que Nik Kamvissis) donne un bon aperçu du chaos improvisé et bruitiste perpétré par le trio. Soit. Ce disque alliant saturations, larsens et percussions paraissait déjà daté au moment de sa sortie. Un témoignage peut être, histoire de garder une trace studio de ce grand bordel extra musical mais c’est tout.














Comme son ami, voisin et collègue de label Christian Fennesz, Oren Ambarchi joue maintenant de la guitare sans avoir l’air d’y toucher. Si l’autrichien privilégie les harmoniques (voire les mélodies) passées au filtre de ses rêveries grâce au traitement de l’informatique et un laptop customisé, Ambarchi a lui une approche à la fois plus fréquentielle et plus pointilliste. Il applique des petits points sonores sur des horizons vierges mais résonnants, les encoches ainsi dessinées vibrent plus ou moins longtemps, bourdonnent, prennent peu à peu la forme de notes -on pourrait presque au bout d’un certain temps arriver à discerner les cordes de la guitare qui vibrent et les doigts de celui qui joue glisser sur le manche. In The Pendulum’s Embrace, le dernier album (pour l’instant) toujours chez Touch va beaucoup plus loin dans ce processus de construction fragile de l’instantané et poursuit la voie déjà bien explorée par l’album précédent, Grapes Of The Estate. Il y a comme une logique des silences sur ce disque bien que les silences n’y soient qu’à l’état de suspension, entre un point qui s’est presque effacé, tout en douceur, et un autre qui surgit déjà, s’impose mais pour pas très longtemps. Sur Inamorata un violon intervient, lancinant, jouant franchement la carte de la mélopée sans pour autant casser le processus résonnant de la guitare. Le troisième et dernier titre prend lui opportunément le chemin d’une chanson, on y entend très clairement la voix d’Oren Ambarchi mais sans pouvoir découvrir ses mots -pixellisation sonore, atomisation du blues, poésie des sons et matérialisation des mots. Un beau disque.

mardi 25 septembre 2007

La nostalgie dans les poubelles

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Nos ordures ménagères sont de retour ! Jon Spencer et Matt Vertay-Ray publient déjà un deuxième album (Going Way Out With Heavy Trash chez YepRoc records) dans la droite lignée de leur premier et ce qui ne semblait n’être au départ qu’une récréation et une soupape pour un Jon Spencer à bout de souffle avec son Blues Explosion se transforme en un groupe beaucoup plus prometteur, excitant et prolifique -au passage, une compilation de singles, raretés, inédits, etc. est annoncée pour d’ici la fin 2007 du côté du Blues Explosion, sans beaucoup plus de précisions.
Au mois de mai Heavy Trash avait annulé sa prestation lyonnaise -pour des raisons obscures comme d’habitude résumées par une histoire de problème de passeport (?)- et c’est bien regrettable tant la musique du duo, qui innove en rien et ce n’est d’ailleurs pas le but recherché, est l’une des plus rafraîchissante du moment pour peu que l’on goûte aux plaisirs des racines fifties de la musique populaire américaine. Il est même fortement question de rock-a-billy dans le sens le plus conservateur du terme : tout y est avec la quasi omniprésence d’une contrebasse sur tous les titres, l’écho du bon docteur Philips rigoureusement appliqué aux voix de Jon Spencer et Matt Verta-Ray, le dépouillement des arrangements et les mélodies résolument tournées vers le passé (Crazy Pritty Baby est même un pompage intégral du Summertime Blues d’Eddie Cochran).
Comme d’habitude, nos deux gars jouent à peu près de tous les instruments sur ce disque, ce qui ne les empêche pas de se faire aider sur certains titres par The Sadies (que je me rappelle avoir vus en concert accompagnant un André Williams atomisé par deux bouteilles de Rhum). Ils s’autorisent également quelques arrangements plus touffus mais toujours cheap tels un peu de saxophone par ici, de l’orgue par là, des choeurs au milieu. Quelques chansons country-folk et balades au clair de lune se détachent de ce disque au primitivisme réactionnaire, rappelant parfois les trémolos du Presley de l’époque de From Elvis In Menphis et si on ajoute à ça un peu de blues méphistophélique à la gloire du pepsi-cola (?) ce disque est un petit bonheur de passéisme.
Les illustrations -très réussies- de la pochette montrent Jon Spencer et Matt Verta-Ray mi clochards chantants mi cow-boys de l’espace -extra-terrestres à tentacules et gros yeux globuleux côtoient train de la conquête du far west et saloon à putes. Ce côté très cartoon et décalé de la présentation du disque n’enlève cependant rien au fait que Going Way Out With Heavy Trash est un pur monument funéraire à la gloire des héros de jadis, un hommage dépassé par le poids de la tradition, un cénotaphe audiophile pour la postérité.

lundi 24 septembre 2007

L'horreur et le désastre


J’avais vraiment été surpris lorsque j’avais lu des infos concernant la parution du premier album de The Horrors. Quoi ? Un premier album en 2007 ? Pour moi The Horrors c’est ce trio américain qui avait publié deux excellents disques -dans une veine très Jon Spencer (chant, deux guitares et batterie) mais en encore plus crade si possible, pire que les deux premiers albums du new-yorkais- sur le label In The Red, un label dont le catalogue ne laisse planer aucun doute sur les mauvaises intentions rock’n’roll de ses propriétaires. Non, le The Horrors en question, celui de 2007, est un groupe anglais composé de cinq garçons habillés en pantalons cigarettes boule-burnes (quand je pense que dans les 80’s tout le monde se foutait de la gueule d’Iron Maiden avec leurs collants à rayures), chaussés de rocking boots et coiffés par Jacques Dessange : musicalement c’est un peu la rencontre entre les Fuzztones et n’importe quel sous-groupe gothique britannique, ce ne sont pas les exemples qui manquent. L’engouement dont ils sont l’objet est incroyable et intenable -quelle classe ultime, évidemment acclamée comme un geste de bravoure et de révolte, lorsque au printemps ils ont osé annuler leur concert à Limoges parce qu’ils jugeaient les conditions techniques mauvaises alors qu’ils n’avaient tout simplement pas envie de jouer (ils ont parait-il quand même empoché leur cachet).
Tant qu’à jeter son dévolu sur un groupe revivaliste autant le faire sur The Holy Kiss de San Francisco, groupe qui pratique un Birthday Party light parfois un peu trop scolaire mais suffisamment émouvant pour attirer l’attention -à l’actif de ces jeunes gens un bon album, quelques singles (dont un split avec Swann Danger) et une compilation. Leur chanteur n’arrivera jamais à égaler la folie du jeune Nick Cave d’antan mais ce n’est pas très grave puisque la conviction est bien là. Un groupe à suivre, et jusqu’à Limoges s’il le faut.























Sinon, il reste toujours le cas des Eighties Matchbox B-Line Disaster, anglais tout comme The Horrors mais avec infiniment plus de classe. Depuis le premier album paru en 2002 c’est un peu la dégringolade : je ne sais pas comment ces gentils foutraques avait réussi à signer chez Island/Universal pour ce disque court, intense et violent -mais avec un son énorme, hein- parce que le second (en 2004) s’est retrouvé disponible uniquement en import et le fait qu’il soit plus calme -mais pas plus mauvais- n’a rien arrangé à l’affaire, le groupe s’est apparemment fait virer par la major. Depuis c’était un peu le silence radio ou presque. L’annonce de la parution d’un quatre titres intitulé In The Garden sur Degenerate Records (qu’est ce que c’est que ce label ?) pour début septembre 2007 a fait plaisir a plus d’un. L’écoute des chansons en question n’apporte rien de plus à ce que l’on connaît déjà des Eighties Matchbox B-Line Disaster qui manient toujours aussi bien leur goth-a-billy et mélangent Dead Kennedys, Cramps, Bauhaus, Motörhead et Jerry Lee Lewis avec un certain aplomb non dénué de réussite. Mais ce n’est pas plus (ni moins d'ailleurs) convaincant qu’auparavant. Voilà un groupe qui semble désormais s’accrocher à la formule magique qu’il a trouvé.
Par contre ce disque est un peu pénible à se procurer, et si j’en crois les liens donnés par le groupe lui-même sur son dernier site internet officiel en date (foireux parce que pas vraiment fini) il vaut mieux être sujet de sa royale majesté pour acheter In The Garden, lequel existe en vinyle et en double CD -le deuxième disque propose des enregistrements en concert à la qualité sonore variable et disparate qui ne peuvent réjouir que les accros.

dimanche 23 septembre 2007

Dirge : la longueur en plus

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Dirge ? A vrai dire j’ai pour la première fois entendu parler de ce groupe lorsque son chanteur/guitariste a annoncé qu’il abandonnait son autre projet, Dither, pour se consacrer pleinement à celui-là. J’étais plutôt partisan de Dither -même si les albums se sont enchaînés sans se ressembler du tout- depuis un split album en compagnie de Fragile (le projet électro d’Hervé Thomas alors guitariste/chanteur de Hint) et j’en ai suivi toute la discographie, notamment via le label M-Tronic. Dither était le versant electro d’un metalhead avouant avoir été fortement influencé par la musique et le cheminement de Mick Harris/Scorn. Je me suis donc intéressé à la musique de Dirge -au passage ce nom signifie quelque chose comme chant funèbre (brrrr), en ce qui concerne Dither la signification est un peu plus compliquée- musique plutôt marquée par Godflesh à ses débuts (avec boite à rythmes) puis ayant évolué vers un metal atmosphérique, très lent et très sombre, brrrr again. Les allergiques à la sainte trinité Neurosis/Isis/Cult Of Luna n’aiment pas du tout Dirge.





















Ce groupe ne donne pas dans le doom à proprement parler -même si c’est du genre à laisser des espaces parfois interminables entre chaque coup de caisse claire- ni dans le post hard core (ah, le petit jeu des étiquettes) dont il utilise quelques artifices calibrés -la voix, les montées de guitares- mais élargit son champ d’action à des atmosphères très post rock voire gothique, dans le sens My Dying Bride du terme comme lorsque un violon plaintif est couplé avec des voix récitatives. Il y a beaucoup de changement d’humeur et d’ambiance dans cette musique là et les titres sont très très longs, par exemple sur le dernier double album Wings Of Lead Over Dormant Seas le morceau du même nom dépasse même les soixante minutes, battant haut la main Overmars et son Born Again. Parfois ce n’est pas sans poser quelques problèmes à l’auditeur qui risque de se perdre en chemin et réalise un peu tard que la pétarade de porcinet qu’il vient d’écouter était due à un didgeridoo alors qu’une voix éthérée de vampirette susurre déjà une fin de partie morbide. Plus loin l’utilisation intensive d’une trompette sur un rythme tellement rabâché rappelle les grandes heures de Hint (décidemment, époque 100 % White Puzzle). Je résume : dans la musique de Dirge il y a du metal, de l’ambient, de l’ethnique, de la douleur et des cris, sacré mélange.
Les deux derniers albums sont très facilement trouvables grâce au label (top metal) Equilibre et là je suis un peu partagé : la réédition de And Shall The Sky Descend (2004) gagne des points parce que ce disque est le plus court et qu’au bout d’un heure de musique tout cela est largement suffisant mais Wings Of Lead Over Dormant Seas et ses deux CDs voit une utilisation plus intensive d’éléments électroniques, ce qui plait toujours à mon côté cérébral. Dans cette vieille interview au webzine Prémonitions Marc T. avait déclaré ne jamais abandonner l’un de ses deux groupes pour l’autre pas plus qu’il n’envisageait de mélanger ses deux styles de prédilections. Comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis.

jeudi 20 septembre 2007

Zëro : pas de complications inutiles

C’est difficile de parler de Joke Box, le premier album de ZËRO, sans tomber dans l’injustice : évoquer la suite de l’aventure Bästard est peut être nécessaire mais reste incomplet, n’est guère satisfaisant. Tout comme il avait fallu s’affranchir du choc Deity Guns pour envisager sereinement Bästard il va falloir apprendre à parler de Zëro sans épiloguer sur Bästard ou même Narcophony. Certes il y a de ces deux autres groupes dans le nouveau mais pas seulement. Il y a beaucoup d’autres choses même, qui parfois m’ont un peu déstabilisé, puis interpellé. Il m’a fallu beaucoup d’écoutes pour vraiment découvrir toutes les richesses de Joke Box, je me rappelle d’ailleurs qu’il m’en avait fallu de même pour le dernier album de Bästard, Radiant, Discharged, Crossed-off. J’était un peu bloqué dans l’après de leur premier LP, même les somptueux maxi et 25 centimètres (Death On A Pale Horse puis Chinatown) ne m’avaient pas préparé à cela, à ce débordement de simplicité, ces épures sonores, les lyonnais donnaient ainsi leur propre définition du post rock (Radiant, Discharged, Crossed-off avait été enregistré à Chicago au studio Idful Music Corporation, l’antre de Tortoise, et mixé par Andy Bryant) sans tirer un trait sur leurs influences plus new-yorkaises -un envol définitif dans le paysage musical d’alors pour ne jamais plus réatterrir, même si malheureusement Bästard s’est séparé dès 1997.

1997 c’est déjà très loin et entre temps Eric Aldéa a composé des musiques de danse pour la compagnie d'Abou Lagraa (les CDs Saturno O Cipolla ? et Cutting Flat), a rencontré Yvan Chissone avec lequel il a fondé Narcophony pendant que Frank Laurino s’investissait dans Love Advice et surtout Spade & Archer. Ces trois là ont fini par retrouver François Cuilleron, ancien Bästard, et nous voilà avec le line-up de Zëro.
En écoutant Joke Box ce qui frappe d’emblée c’est le chant, plus présent et comme jamais auparavant depuis Deity Guns, sur quasiment les deux tiers des titres. Bien qu’Eric Aldea s’en défende un peu, il sait chanter, il a cette façon assez distanciée de poser sa voix tout en sachant imposer sa présence. Sur le titre Drag Queen Blues (déjà sur le 25 centimètres paru au mois de mai) il est même fortement question de rock’n’roll dopé à l’électro, la voix rappelle aussi bien Alan Vega pour l’écho sépulcral que Jon Spencer pour le côté exagéré -d’ailleurs, c’est à se demander si c’est réellement lui qui chante. Automodown/Space Girl Blues regroupe en fait deux reprises combinées de Devo (décidemment à nouveau très à la mode par les temps qui courent) et si le traitement de ces deux chansons est à mi chemin entre un Led Zeppelin bublegum et un Captain Beefheart enfermé dans un caisson à oxygène, la voix elle prend quelques risques et ose là aussi quelques extravagances. Ces deux (trois ?) titres me font toujours hurler de rire.

Il y a assurément des vrais plans noise chez Zëro -ainsi Big Screen/Flat People confirme que nous avons bien affaire à un groupe de guitares- mais le post rock déjà largement maîtrisé et amplifié par les groupes précédemment évoqués est aussi largement représenté avec de très beaux morceaux (parmi lesquels Go Stereo, Luna Park). Surtout l’instrumentation est sidérante -en fait Aldéa, Chiossone et Cuilleron sont tous trois multi instrumentistes- et cela fourmille de détails, comme la présence de synthés, d’ondes ou d’un Thérémin (?) qui perturbent toujours le fond du paysage sonore, virevoltent discrètement, passent parfois au premier plan. De même il y a toujours une certaine élégance -je veux dire que si la musique est d’apparence compliquée ce n’est pas inutilement ni pesant- lorsque quelques plans de guitares ou de basse vraiment majestueux apparaissent, emportent tout de suite l’adhésion et n’empêchent aucunement la tension de s’installer. Ainsi, Cars, Buses, Etc., le mystérieux et dernier titre, est sûrement le pinacle d’un disque peut être un peu court (trente cinq minutes) mais d’une richesse renouvelée à chaque écoute. Un grand bravo et un grand merci.

mercredi 19 septembre 2007

Blague n °2 : les moyens alternatifs de distribution

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Ne pas dormir, des fois, cela donne beaucoup trop d’envies, surtout lorsque pour attendre que le reste du monde se réveille et passe d’un cauchemar à un autre je lis des chroniques désopilantes (pas comme ce texte, tu ferais mieux d’arrêter tout de suite de le lire) à propos de disques improbables et argumentant sur des théories fumantes concernant la division musicologique de la géographie de notre beau pays. Quelle heure était il ? Je n’en sais rien mais après avoir écouté et m’être laisser persuadé que dans Monosourcil il y a un transfuge d’une secte d'adorateurs de Charles Manson j’ai envoyé un mail stupidement enthousiaste à ce groupe du Grand Est en les suppliant de me dire comment faire pour obtenir leur disque -par la même occasion je suis devenu un de leurs tonzamis, ce qui n’est pas très intelligent non plus, je le concède. La réponse ne s’est pas fait trop attendre du genre héhé toi aussi tu aimes perdre ton temps à te palucher sur des sites pourris, ok tu nous envoies un chèque sinon tu demandes au label, . Le label ? Je n’avais qu’à y regarder de plus près, Gaffer records (avec des gens de SoCRaTeS dedans) c’est presque un voisin, un quart d’heure en vélo tout au plus, des je te croise des fois aux concerts même si je ne sais pas qui tu es, le meilleur moyen de ne pas payer des frais de port à la poste pour un disque (vinyle + CDr) au prix ridiculement bas, cinq euros avec les taxes et même sans, une affaire.
La vérité c’est que ce disque a mis peut être deux mois pour arriver jusque sur ma platine, la faute à des rendez-vous manqués, à mon incapacité notoire à me servir d’un téléphone portable et à quelques oublis. Je n’ai même pas osé répondre à un récent mail du transfuge mentionné plus haut qui me demandait si j’avais bien eu mon exemplaire, la honte sur moi. Une envie incontinente qui se transforme en crise de rétention.
La honte parce qu’en plus la rétention chez Monosourcil ils ne savent pas ce que c’est : onze titres d’éjaculateurs précoces et puis c’est tout. De la no wave affûtée par les rigueur de l’hiver continental. Une basse agile et bourdonnante qui swingue parfois lourdement, une batterie qui appuie comme il faut, une certaine propension à commencer ou terminer les titres par un larsen, la guitare qui plante autant d’accords répétitifs et nauséeux qu’il en faut généralement pour ce genre de musique c’est à dire rarement plus d’un, et un chant que j’attendais dans un registre porcin et qui n’est peut être que tout simplement féminin. Voilà, je l’ai gagné mon slip mouillé, ma satisfaction éphémère -je n’ai plus qu’à mettre mon ridicule qui ne tue pas où je pense, à la place j’ai gagné un disque gravé que sur un seul côté (l’autre face est destinée à être dessinée au tipex qu’ils disent), des inserts mystérieux, une pochette toute molle (qui n’est pas celle que j’ai mise ici) et un CD fait maison pour écouter tout ce bruit sans risquer d’abîmer le vinyle mais à bien y réfléchir ce disque est encore meilleur avec les craquements d’usage. Analog as fuck.

mardi 18 septembre 2007

Blague n °1 : les nouvelles techniques de vente

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Comme souvent lorsque j’ai un moment à perdre entre deux autres trucs de prévus je tripotais des pochettes de disques dans les bacs d’un magasin du centre ville. Ce n’est pas que je trouve toujours quelque chose ni que je me force à quoi que ce soit -c’est juste une façon de passer le temps que je préfère à tant d’autres et qui me permet au passage de me rendre compte qu’avec des prix pareils internet finira bientôt par tuer tous les disquaires, que ce soit à cause du téléchargement ou simplement parce que les disques sont jusqu’à deux à trois fois moins chers sur le net. Mais rien ne remplace le bon vieux tripotage de disques et dans le bac à 45 tours de ce magasin il y avait toute une série de singles avec pochettes en papier calque et vinyles transparents, des jolis petites choses édités par Euphrate, un label du coin. J’avais dans les mains Extended Play, un disque de Passe Montagne, groupe comprenant le batteur de Chevreuil et qui a aussi publié chez Ruminance un LP ayant pour titre Long Play (il y a une certaine logique dans tout ça) mais je l’ai tout de suite reposé : c’est l’une de mes manies de vieux garçon vinylique, je ne prends jamais le premier disque d’une pile, je pense toujours qu’il est abîmé, écorné voire rayé, une véritable horreur. J’ai donc pris un autre exemplaire.

J’étais assez content de l’avoir trouvé celui-là (même si je ne me suis jamais cassé pour ça) et lorsque de retour chez moi j’ai découvert que le 45 tours avec pochette en papier calque et vinyle transparent publié par Euphrate que j’avais pris était en fait un single de Crëvecoeur j’ai maudit mes petites manies de psychorigide du disque. Il y avait donc plusieurs références dans la pile et avec l'opacité des pochettes due au claque je ne m'étais aperçu de rien.
Je n’avais pas été particulièrement touché par l’album de Crëvecoeur, sorti après le single : la musique de ce trio, instrumentale et bricolée, se veut cinématographique et est accompagnée de projections lors des concerts. En écoutant celui-ci j’ai été séduit par le côté campagnard/forestier, genre s’il s’agit justement d’un film ce serait un western dans le grand nord canadien à la fin de l’automne et avec soleil couchant (que des clichés magnifiques de ma part) -ces sons de xylophone, le violon, les guitares légères et tous les petits riens presque invisibles qui peuplent ces douces balades de musique vivante. J’ai décidé de garder ce single, en plus il est très beau, je me suis promis également de rejeter une oreille attentive sur l’album de ces jeunes gens bucoliques et de retourner acheter le disque de Passe Montagne. Et si tout ça n’était qu’une abominable technique de vente ?

lundi 17 septembre 2007

Ouvrir la boite à blagues

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Lorsque j’avais récupéré une copie en avance de Radiant, Discharged, Crossed-off c’était sur une cassette audio et j’étais fou de joie : j’allais pouvoir écrire l’un de mes premiers articles et en plus il serait sur un groupe que j’aimais par-dessus tout. J’ai fait quelques copies de cette cassette pour tous les potes de la radio, Bästard est passé en heavy rotation (ha ha) sur les ondes lyonnaise et la Ferarock toujours bloquée du bulbe sur les nouveaux chanteurs français et les groupes héritiers de l’alternatif hexagonal devait en avoir marre de nos messages dithyrambiques et de nos playlists gorgées de Locate Radiations, It Ain’t Funny At All et autre 200 Miles From Hanoï.
C’était la grande euphorie dans sa version 1996 et j’ai à peu près écrit tout et n’importe quoi sur ce disque, l’article même pas terrible a quand même été publié et j’ai rendu la cassette à la personne à qui elle était destinée à l’origine -j’avais rendez-vous dans un bar, pour y aller j’ai pris le métro où je me suis fait copieusement latter la tronche par un géant rouquin complètement défoncé (pas Josh Homme, un autre) alors j’ai du faire un détour par chez moi pour essuyer tout le sang et changer de t-shirt, lorsque j’ai enfin rendu la cassette j’étais dans un état complètement second et abruti, je suis reparti en courant pour me cacher.

L’histoire recommence avec ZËRO et je suis toujours aussi fou de joie, cela fait deux jours que j’écoute Joke Box en boucle, j’ai à nouveau un article à faire, je vais encore employer des mots beaucoup plus gros que moi pour tenter de décrire tout le bien que je pense réellement de ce disque. Pour me calmer je tente parfois la diversion (Ghost Will Come And Kiss Your Eyes de Hrsta ou White Chalk de PJ Harvey qui me met terriblement en colère tellement je le trouve académique et mauvais) mais toute cette douceur et toute cette retenue en guise de mi-temps ne fonctionnent pas du tout pour contrer le bouillonnement qui me reprend dès que je repose le CD de Joke Box dans la platine (c’est fini les vieilles cassettes pourries et pour limiter les dégâts je suis allé récupérer le disque en vélo, on sait jamais).
La seule chose dont je suis à peu près certain, c’est que comme pour Discharged, Radiant, Crossed-off que j’ai du écouter un nombre incalculable de fois pour vraiment le découvrir dans sa plus simple expression, Joke Box ne se laisse pas apprivoiser facilement non plus : j’ai parfois été déconcerté par certains passages, j’ai aussi retrouvé mes petits plus tard et ailleurs, en fait plus j’écoute et plus l’évidence s’installe, pleine et entière, c’est peu dire que je trouve ce disque absolument formidable même si je n’arrive pas encore à trouver les mots pour le dire correctement.

dimanche 16 septembre 2007

Young Marble Giants

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En 2007 je ne sais toujours pas si j’aime les Young Marble Giant. La réédition chez Domino (et en trois Cds !) de leur seul et unique album Colossal Youth agrémenté de maxis, de démos, de radio sessions (tout ça n’ajoutant rien à l’intérêt du disque et se révélant donc parfaitement inutile) plus d’un livret évangéliquement copieux ne m’a pas plus convaincu. Mais ne m’a pas rebuté non plus. Je n’ai aucun coeur.
Voici ce qu’en a dit Simon Reynolds dans Rip It Up And Start Again (aux éditions Allia) : Les Young Marble Giants semblaient faire des chansons pour introvertis, par des introvertis. Moxham affirma dans une interview qu’il cherchait un son semblable à ‘celui d’une radio coincée entre deux stations, qu’on écouterait dans son lit, à quatre heures du matin, avec ses super sons d’ondes courtes et ces fragments venus d’autres fréquences’. Beaucoup de gens avaient inconsciemment attendu l’arrivée d’une musique aussi insidieuse et effacée, ci bien que le premier album du groupe, ‘Colossal Youth’ devint la deuxième meilleure vente de la courte histoire de Rough Trade.

Young Marble Giant jouit de ce statut de groupe secrètement adulé et donc forcément rare. Il y a tout un culte autour de la musique de ces trois là -deux garçons, une fille mais un seul couple- ce qui n’est pas le moindre des paradoxes : en créant des anti-chansons à la limite de l’anorexie ils ont en même temps réalisé l’exploit de devenir, pour certains, indispensables et donc inoubliables. Un vrai mystère pour moi mais dont je me garderais bien (pour une fois) de me moquer, même si je suis en pleine période frontale et réactionnaire : comme une certaine méfiance paranoïaque vis-à-vis de ce que l’on présente comme mystérieux, secret ou insidieux. Mais je dois bien avouer aussi que je retourne souvent vers ce disque, alors ? Alors rien.

[Comme tout le monde ou presque les Young Marble Giant se sont reformés : la prochaine cérémonie aura lieu du côté de Boulogne-Billancourt le 28 octobre prochain, soit à peu près vingt cinq années après la séparation du groupe.]

samedi 15 septembre 2007

Back in town

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J’ai beau avoir beaucoup déblatéré sur eux ici ou là depuis quelques semaines je n’avais plus du tout envie d’aller au concert de Don Niño et nlf3 (trio). Une bonne semaine lamentable couronnée par l’incontournable et insultante obligation du pain quotidien : franchement j’avais plutôt envie de murs du son que de folk à tiroirs (même électriques) ou de pop cérébrale, tout ce que je voulais c’était du bourre-pif et du déboîte-cervelle.
A peine une soixantaine de personnes en ce vendredi soir, inutile de dire que les Gentils Organisateurs étaient un peu déçus, ils espéraient une horde de lecteurs des Inrockuptibles et de Trax assoiffés de cocktails onéreux et peu avares sur leurs finances. Ce sera pour une prochaine fois, très bientôt je l’espère car la survie de ce genre de lieu est d’une actualité quotidienne et épuisante : il faut avoir des couilles et de l’abnégation pour gérer une telle salle et lutter contre l’uniformisation et le nivellement de la qualité lorsque la quantité semble n’être plus que le seul critère retenu par les média d’information et les politiques (locales ou non) en matière de culture et divertissement -en fait de divertissement on ferait mieux de parler de diversion tant la fonction avérée d’un spectacle/concert relève du palliatif social.























C’est Don Niño qui commence, en fait le chanteur/guitariste/etc Nicolas Laureau accompagné d'un batteur -je dis ça parce que je n’ai absolument pas reconnu Ludovic Morillon et que je n’ai pas osé lui parler- pas de Erik Minkkinen ou de Shane Aspegren à l’horizon. Il annonce que cela fait un moment qu’il n’est pas venu jouer dans cette ville (plus précisément depuis 2001), pour ma part la dernière fois que j’ai vu tous ces braves gens c’était pour un concert de Prohibition au regretté Pezner, il y a dix ans. Il précise aussi qu’il va jouer en alternance des reprises -celles qu’il a enregistrées sur son dernier album Mentors Menteur !- et des compositions originales, c’est parti pour trois quart d’heure de blind test. Cela démarre on ne peut mieux par Bela Lugosi’s Dead et Expressway To Your Skull, les interprétations ont plus d’ampleur que sur les versions studio, plus de guitares aussi, le chant est plus assuré et plus grave -les conditions live s’avèrent bénéfiques à Don Niño qui y gagne en épaisseur (cela n’enlève rien aux disques que j’apprécie) malgré quelques essoufflements, baisses d’intensité et une version un peu en deçà de A Day In A Life.
C’est la pause et pour patienter la sono diffuse l’album (seul et unique) de Young Marble Giants qui alimente durablement les conversations, sa récente réédition est l’occasion d’une grosse découverte pour beaucoup, pas mal d’enthousiasme aussi mais moi je baille un peu. C’est au tour de nlf3 (trio) (en fait les deux mêmes plus le bassiste/bidouilleur/etc Fabrice Laureau) de jouer. Je suis tout de suite conquis par les deux premiers titres, rythmiques hypnotiques et répétitivité des motifs harmoniques -comme un petit côté This Heat- et les titres suivants, dont certains sont beaucoup plus influencés par Tortoise et C° et même s’ils sont moins évidemment prenants, gardent tous mes sens en alerte. Je reconnais quelques passages des disques mais tout est enchaîné, le rendu général est pas mal et le final me donne l’occasion d’applaudir.

Après le concert je m’amuse à aller jeter un petit coup d’oeil sur la scène : j’ai rarement vu autant de matériel, de pédales d’effets et autres entassés sur une aussi petite surface. Pour un groupe qui bidouille autant (samples, boucles, boites à rythmes…) nlf3 (trio) a su garder une belle spontanéité et une forte présence en live. D’ailleurs cela m’a fait rire de retrouver certaines des grimaces que fait le bassiste lorsqu’il joue, toujours très concentré, je le revoyais dix années en arrière. Sur la batterie ou les pieds de micro sont collés quelques photos : je reconnais Leonard Cohen, peut être Marc Bolan, plus loin il y a Ringo Starr et un dessin mexicain de crâne, j’ai une pensée émue pour Jacques Martin qui vient juste de mourir, le pauvre bâtard. Je me suis un peu attardé, comme d’habitude, et j’ai également eu le droit de goûter au fondant au chocolat particulièrement coulant et onctueux concocté à l’intention des musiciens -comme l’a fait remarquer l’un d’eux ça va directement alimenter le foie. Oui mais qu’est ce qu'il était bon.

vendredi 14 septembre 2007

Gros dégueulasses

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Todd essaie vraiment de passer pour un groupe de porcs, je ne sais pas s’ils mangent avec les doigts et s’ils s’essuient sur le t-shirt du voisin en rotant de satisfaction mais la musique de ces londoniens sent le cocktail de foutre et d’huile de tournesol à plein nez, jusqu’à un écoeurement assez prodigieux et jouissif -étonnant même qu’ils soient britanniques : quel est le dernier bon groupe à guitares réellement bruyant (et non métallique) sorti de ce pays avant eux ? Ok, Craig Clouse le guitariste/chanteur est un expatrié, il vient du Texas, l’état américain où le rock psychotique est autant une spécialité que l’élevage de derricks à dollars mais je suis toujours surpris qu’il ait réussi à trouver à Londres des gens capables de le suivre sur le terrain glissant du rock bestial et sans protection.
Ils sortent leurs disques essentiellement chez Southern records, sur leur dernier LP paru en 2005 il y a même Eugène Robinson d’Oxbow venu en ami mettre la main au cul et pousser la chansonnette, une sacrée équipe de choc. L’un de leurs plus récents méfaits est un 45 tours à la pochette reprenant une illustration enfantine : un titre sur la première face de ce vinyle très épais (plus épais même que le split avec Part Chimps) et très bleu, deux titres sur la seconde. Cela commence donc par Forget The Minions qui est une reprise de Karp -Karp c’est le groupe dont tout le monde parle parce que dedans il y avait Jared Warren, maintenant dans Big Business, Big Business c’est le groupe dont tout le monde parle depuis qu’ils font également partie du line-up des Melvins, les Melvins c’est le groupe dont tout le monde parle parce que cela fait plus de vingt ans qu’il nous casse les oreilles et le reste aussi. Sur la face B de ce single (on y revient) il y a deux inédits de Todd.
La reprise de Karp est impeccable de gras avec des bouts dedans et le couple Permanent Marker/Hark Hark The Dogs Do Bark ressemble à une bonne séance de fist fucking, du Todd quoi. Sur le moment je me disais vaguement tiens c’est peut être un peu en deçà par rapport à d’habitude. L’habitude c’est ce truc moche qui pousse les gens à faire n’importe quoi mais surtout pas ce qu’ils devraient faire en réalité, un concept qui colle donc très mal à Todd alors j’ai réécouté pour mémoire les deux albums de ce groupe bête, sale et méchant et la réponse est non, ce single est à la hauteur de tout le reste -Todd bande toujours aussi fort.

jeudi 13 septembre 2007

Trois guitares sinon rien


Voilà, le premier concert de la rentrée avec des guitaristes qui ont l’air de faire n’importe quoi et des batteurs qui tapent comme des sourds c’était lundi avec l’Orchidée d'Hawaï et surtout VAZ, un nom peut être terrible lorsqu’on est américain mais qui prononcé avec l’accent lyonnais fait tout de suite plus rigoler dans les chaumières. En parlant de rire, il s’agit apparemment du parti pris du premier groupe qui a joué ce soir, ils n’étaient pas vraiment déguisés comme à leur habitude mais ces quatre garçons de Chambery (c’est eux également qui organisaient ce concert ?) se sont présentés un peu comme un orchestre de bal chargé d’animer le mariage de ta soeur au camping de Pontcharra Sur Turdine, ont mis des fleurs en plastique qui pue sur leurs pieds de micro et jouent du latino surf à tendance balkanique. Oui. Ce n’est pas toujours de très bon goût, je suis moi-même très loin d’être un boute-en-train (à mon âge je m’habille toujours en noir) mais la jeunesse sonique présente ce soir là avait l’air d’apprécier la musique de ces fins techniciens -pas de problème de ce côté-là, ils savent vraiment bien jouer- et a donc fortement applaudi.

Je n’ai jamais vu Vaz en concert lorsque ce groupe était un duo et encore moins lorsque il est devenu un trio et j’étais assez content de revoir ces gars-là, non cette phrase n’est pas une preuve supplémentaire de mon syndrome d’Alzheimer galopant mais dans Vaz il y a Paul Erickson et Jeff Mooradian respectivement ex bassiste et ex batteur d’Hammerhead c'est-à-dire des bons gars experts en noise hypersonique et lourdingue. Sauf que dans Vaz Erickson joue de la guitare et chante. Avec ses deux premiers albums (un, deux) Vaz a très largement prolongé l’héritage d’Hammerhead (rythmes implacablement carrés, murs de guitares et mélodies catchy) mais tous les experts s’accordent généralement à dire qu’avec le troisième les choses ont dégénéré : un troisième membre (et second guitariste) faisant son apparition pour pas grand-chose ou presque. Moi j’aime beaucoup ce disque là, il va bien avec mes vêtements.
Avant le concert je m’approche d’Erickson et lui demande s’ils ont sorti un nouvel album (j’ai cru voir un Pink Confettis traîner quelque part sur leur myspace). Il me bredouille que non, qu’ils ont des choses de prêtes et quelques projets mais c’est tout. Il a l’air aussi loquace et enjoué que moi dans mes pires jours. Et un peu raide aussi, ce qui bien sur favorisera plus tard les blagues comme il a l’air vaseux Erickson (toujours avec l’accent). Je me ramasse un regard noir, achète un single que je n’ai pas (pressage dégueulasse) et dis merci, pas vraiment de réponse.

Le changement de plateau entre les deux groupes est super long parce que les Vaz ont eu la bonne idée d’arriver très tard d’Italie où ils jouaient la veille. Lorsqu’ils commencent leur set la grosse surprise est qu’ils sont désormais quatre avec un troisième guitariste, à ce rythme de croissance là ils pourront bientôt jouer l’intégrale des symphonies de Glenn Branca les doigts dans le nez. Le batteur fait des moulinets dans l’air avec ses bras pour s’échauffer, ça c’est le signe qu’il va taper comme un killer. Clairement sa frappe est ultra sèche et très précise, il est aussi le roi de la grosse caisse. Ce qui me gène le plus c’est que je ne vois pas tout de suite l’utilité d’un troisième guitariste (cela me rappelle quelque chose…), je n’arrive pas à savoir ce qu’il fait et ce qu’il apporte au groupe. La voix aussi me paraît brouillonne -alors que le contraste entre un chant mélodieux mais ni mélo ni odieux et la violence des guitares est la grande marque de fabrique de Vaz- et je suis un peu déçu. J’abandonne le devant de la scène envahie par des freaks décibelophiles mais bardés de protections auditives (?!!) et, bonne surprise, le son est bien meilleur derrière avec une voix qui s’impose clairement et surtout les guitares qui deviennent toutes discernables. De là où je suis le concert devient une véritable bombe. Je ne reconnais pas tous les morceaux (alors, Paul, ce nouvel album ?), mais ils fonctionnent parfaitement. Une vieillerie me réjouit plus que les autres c’est vrai et dans l’ensemble je commence à sentir poindre chez moi un certain enthousiasme. Pour fêter ça je commande une autre bière, l’endroit où le son est bon est justement vers le bar, alors que demande le peuple ? Encore des concerts bien sûr. Bravo les gars.

lundi 10 septembre 2007

En attendant...













C’est sûrement l’un des albums français les plus attendus -en tous les cas le label met le paquet dans son descriptif - et il me tarde donc vraiment d’être au 15 octobre. Juste quelque chose qui me chagrinait et j’ai enfin trouvé quoi. L’illustration utilisée par Zëro pour la pochette de Joke Box l’a donc déjà été par 4 Walls (le groupe que les membres de Roof ont fondé après la mort de Tom Cora) pour l’album Which Side Are You On en 2004. Il s’agit d’un dessin, que j’aime beaucoup, de J.Mohrs intitulé Proofs. Je ne connais pas cet artiste, je n’ai rien trouvé sur lui. N’empêche que cette coïncidence (je ne pense pas que ce soit un hommage volontaire à Roof/4 Walls) est amusante, peut être qu’elle fera moins rire les anciens Bästard.
Ce n’est pas fini puisque dans un tout autre genre Overmars publie l’énorme morceau fleuve Born Again enregistré avec l’aide de Nicolas Dick et qu’à cette occasion est organisée une release party au Grrrnd Zero de Lyon le 26 octobre avec les potes de Impure Wilhelmina, One Second Riot et Binaire. Manquerait presque Year Of No Light. En tout cas pouvoir écouter Born Again d’une seule traite au lieu de se fader les même extraits depuis des mois ça va être un vrai soulagement.
Dernière parution locale, il s’agit de Underground Wobble, le quatrième album de High Tone, les rois du dub électro militant. Pour compléter ce bonheur le groupe est à l’affiche de la neuvième édition du festival Riddim Collision organisé par Jarring Effects -ce sera le 2 novembre, le même jour que Filastine. Si j’ai bien tout compris, en plus de Scorn (et Enduser !) le 3 novembre il y aura également au programme Strings Of Consciousness et Double Nelson le 31 octobre, en résumé que du bon.

dimanche 9 septembre 2007

De la vielle à roue, des guitares et du violon

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Au programme du premier concert de cette rentrée de septembre, cinq musiciens donnant dans la répétitivité, l’empilement et les variations tenues, ce qu’il est en général convenu d’appeler minimalisme (quoique ce terme peut aussi désigner une musique n’ayant ni commencement ni fin). J’aurais préféré un concert avec des guitares jouant trois accords, une vraie batterie et un chanteur poilu hurlant son incapacité machiste à aimer et à être aimé mais ce sera donc une soirée drone. Un curieux débarqué par hasard et qui semble vouloir s’attarder un peu croit comprendre qu’il va assister à un concert drôle, ce sera parfois un peu le cas.
Yann Gourdon joue en premier avec sa vielle à roue et un dispositif de transformation du son assez simple. J’adore cet instrument qui me rappelle les vacances en famille et l’inévitable fête du village, quelques musiciens ont su en tirer un parti vraiment très intéressant (Phil Niblock, Keiji Haino, Jim O’Rourke) et Yann Gourdon s’inscrit dans une logique progressive d’empilement et de déformation des fréquences -on est en plein dans le sujet. Sa prestation finit par un parasitage en bonne et due forme. Applaudissements.
C’est le tour de Tamagawa et c’est un peu une surprise parce qu’ils sont deux (un rigolo de service affirmera qu’au dessus d’une personne ce n’est plus du minimalisme et que la soirée est foutue) et musicalement cela change assez : plus précisément, une fois allumé le gyrophare posé à même le sol au fond de la scène, j’assiste à une prestation qui fait plus que lorgner sur Spacemen 3 et c’est réussi. J’aurais au moins vu une fois dans ma vie le groupe de Sonic Boom et j’apprends avec plaisir qu’il habite désormais du côté de Saint Etienne, nous nous reverrons donc sûrement.
Manu Holterbach sera le seul de la soirée à ne pas se vautrer dans un fort volume sonore. Au début de sa prestation il réclame le silence et l’attention. Il va successivement jouer quatre pièces à l’aide de sons très tenus, presque inaudibles (détail amusant les micros captent en même temps les grincements de la passerelle métallique de secours située juste derrière la scène) mais si je peux apprécier à la maison et les yeux fermés là je m’ennuie et me retrouve rapidement dehors à papoter avec notamment quelques anciens combattants de l’organisation de concerts qui ont jeté l’éponge depuis longtemps mais s’accrochent toujours à leur bière.






















C’est avec les mêmes que je me retrouve dans la loge pendant le set d’Igor Cubrilovic, il joue de la guitare tout seul mais pas assez fort : le début de sa prestation me fait assez penser à Elliot Sharp et sa double guitar bass puis cela vire inévitablement au plan de l’avion qui décolle -le même rigolo que tout à l’heure balance sa millième blague stupide de la soirée et je pouffe d’un vrai rire sonore qui rameute du monde pour voir ce qui se passe, aucun respect dites donc.
Le concert que j’attends le plus c’est celui d’Agathe Max et je ne vais pas être déçu. Même si elle semble être une inconditionnelle du violon de Tony Conrad la demoiselle est très loin d’en être une pâle copie. Le volume est conséquent et très prenant, elle joue beaucoup avec ses effets, casse régulièrement les plans qu’elle vient de construire patiemment pour en monter un nouveau encore plus époustouflant que le précédent, je ne sais pas où elle trouve ces idées de mélodies qui m’hallucinent complètement. Parfois, il ne reste plus que le son électrifié de son violon, elle joue toujours plus et bien, sans effets déformant le son ni empilements de boucles, je reste tétanisé par tant de beauté d’exécution. Après le concert j’ose timidement lui demander si elle envisage de sortir un disque : ce sera un concert enregistré au mois de février au même endroit sur un petit label de Saint Etienne, après on verra.

vendredi 7 septembre 2007

North Star Deserter

























Je dois avouer que je ne connais rien de Vic Chesnutt ou plutôt que comme tout le monde ou presque j’avais un jour jeté une oreille sur l’un de ses vieux disques -Drunk ? Is The Actor Happy ?- peut être charmé par la voix et l’attitude poétique du bonhomme. Mais en ce début des années 90 je n’allais quand même pas m’emmerder à traduire les textes de ce type pour vérifier s’il chantait vraiment ce dont il avait l’air et je l’ai donc rangé dans une petite case mentionnant quota obligatoire de chanteurs/musiciens handicapés pour la bonne conscience des élites intellectuelles, juste aux côtés de Robert Wyatt. D’autant plus qu’à cette époque il y avait toutes sortes de musiques qui me passionnaient tout autrement.
Vic Chessnutt a donc publié Norton Star Deserter chez Constellation et -en plus- il a enregistré cet album avec des musiciens issus de groupes maison du label de Montréal, vers la fin 2006/début 2007 dans leur studio habituel et tout le tremblement. On retrouve essentiellement des membres de Godspeed (un peu), Silver Mount Zion (beaucoup), Hanged Up (aussi) mais également Guy Picciotto (Fugazi). Le fait que ce disque porte la marque Constellation joue évidemment en sa faveur et étant moi même un gros snobinard -parce que j’ai découvert Godspeed You! Black Emperor avant tout le monde- je n’ai pas agi autrement et ai donc décidé d'écouter North Star Deserter que pour cette seule et unique raison.
Et j’ai ressenti un soulagement intense. Jamais, depuis qu’A Silver Mount Zion (etc.) a semble t-il définitivement délaissé les complaintes à bases de guitares atmosphériques mais bruyantes (en gros les deux premiers albums) au profit des chants de boy-scouts autour d’un feu de joie (toujours en gros, les deux derniers disques), jamais je n’avais pu regoûter avec autant de vérité à la musique de ce groupe. Je dirais même plus : A Silver Mount Zion s’est enfin trouvé un vrai chanteur, virez Efrim et ses bêlements messianiques ou alors qu’il se taise enfin et se contente de ne jouer que de la guitare. Les plans habituels du groupe sont une nouvelle fois rabâchés -montées de guitares qui s’entrecroisent, brutales accalmies, choeurs mystico-patchoulis, violonades discrètes ou impérieuses, gratouillis lointains- mais avec la voix lugubre, amère et nasillarde de Vic Chesnutt c’est tout simplement parfait, oui parfait. Tout cela ne transpire pas forcément la joie, lorsque on chante des trucs comme I Am A Stranger/Lurking Along In My Own Vicious Wilderness/While The Meat In My Chest/Squeezes And Teases A Hulking Hunger/Groping In Motion (et ainsi de suite) il ne faut pas s’attendre à des hymnes sucrés à la gloire du beach sex adolescent mais à un album qui oscille entre ballades funèbres (Warm, Marathon) et suicides noisy (Everything I Say, Debriefing).
Mon principal problème avec ce disque c’est que je n’aime plus A Silver Mount Zion depuis un paquet de temps mais -eurêka!- je sais maintenant exactement pourquoi. En prêtant allégeance au folk chevrotant de Vic Chesnutt, la bande d’Efrim a certes trouvé la formule définitive de son épanouissement (j’ai déjà dit que je trouvais ça parfait) mais c’est le genre de formule à laquelle je tourne consciencieusement le dos -lassé des complaintes, agacé par les comas éthyliques, énervé par le grelottement insignifiant des guitares (sèches), autant de cliquetis maladifs symptomatiques d’un mal-être auquel je n’adhère pas.

jeudi 6 septembre 2007

Pousse toi de mon soleil























Aïe aïe aïe, je ne sais pas ce qui avait pris à Coalesce d’enregistrer des reprises de Led Zeppelin pour un album tribute (première publication en 1999) mais je n’ai jamais eu envie d’écouter ce disque : je l’ai croisé régulièrement pendant des années dans un magasin spécialisé dans les occasions et je n’ai jamais basculé dans le vide de la tentation, je précise aussi que je ne suis absolument pas amateur du grand dirigeable, ni du chant de castra permanenté de Robert Plant et encore moins des folkeries retro-celtiques qui hantaient la musique de ce groupe à partir de son troisième album. Je concède tout de même un petit Dazed And Confused, chanson qui d’ailleurs n’a pas été reprise par Coalesce, sûrement trop compliquée.
There Is Nothing New Under The Sun
c’est le titre de l’hommage rendu à Led Zeppelin par les champions américains du metal core et le label Hydra Head le publie donc pour la seconde fois et avec deux fois plus de titres -pour la petite histoire l’artwork original qui comprenait une photo de David Lynch a été remplacé par un graphouillage dont Aaron Turner (patron d’Hydra Head et tête pensante d’Isis) a le secret : le grand David se serait il aperçu de l’emprunt et aurait il demandé des droits ? On s’en fout. La nouvelle pochette est beaucoup moins laide que l’ancienne. Et puis en plus des sept reprises initiales de Led Zeppelin il y en a deux de plus, ainsi qu’une reprise des Get Up Kids, deux de Boy Sets Fire, une de Undertow et une dernière de Black Sabbath. L’heure est donc à l’hommage. Mais au fait, où est passée la reprise du Jealous Again de Black Flag ?
La voix du chanteur Sean Ingram -une sorte de mélange entre gutturalités death et hoquet slammé- est peut être le cap le plus difficile à passer pour qui n’a jamais écouté les albums studio de Coalesce (en particulier le fulgurant Functioning On Impatience) mais ce n’est rien à comparer des titres acoustiques (That’s The Way et Thank You) qui suivent avec chant évangélique à la clef, ni des voix féminines en doublette histoire sûrement de rappeler le lyrisme de Robert Plant, ni du chant geignard sur le neuvième (ou dixième) titre dont j’ai immédiatement déduit que Coalesce a aussi l’emo pour le dire, ni de l’infâme version de Supernaut shuntée pour une obscure raison (ils veulent achever Ozzy ou quoi ?), ni… A quoi bon ?
Merci à Hydra Head pour le recyclage de l’inutile et du grotesque. Prochain rendez-vous avec ce label pour la parution de l’album Black Madonna de Austerity Program dont j’ai ressorti le premier EP Terra Nova du placard, pas si mal à vrai dire.


mercredi 5 septembre 2007

Coltrane at Newport

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Impulse ! édite un live de John Coltrane -My Favourite Things : Coltrane At Newport- et malgré le peu de soin apporté à la présentation du disque (le montage d’une photo pourrie du saxophoniste avec un halo lumineux qui vire de l’argenté au doré, fallait oser) et malgré aussi l’absence de titres inédits ou presque cette nouveauté qui donc n’en est pas réellement une se révèle passionnante.
On commence par un concert de 1963 et c’est un choc : le batteur a un jeu assez particulier de caisse claire, très présent et je n’arrive pas à savoir si le son qu’il obtient est du à l’utilisation d’un balai avec lequel il tape plus qu’il ne frotte ou si la peau de la caisse a tout simplement été légèrement distendue. Cette impression durera tout le long de ces enregistrements qui culminent avec une version de plus de vingt-trois minutes de Impressions (et cette fois ci complète, à la différence de celle de la première édition). Le quartet commence réellement à se remettre de sa séparation d’avec Eric Dolphy et Coltrane a enfin retrouvé les moyens de se repousser lui-même dans ses derniers retranchements. Impressions comporte un long duo saxophone/batterie qui préfigure ce que fera Coltrane quatre années plus tard avec Rashied Ali (Interstellar Space). Reste ce batteur qui m’étonne. En fait, lors de ce concert, Elvin Jones était en pleine cure de désintoxication et c’est le très respecté Roy Haynes qui le remplaçait.



















Là où cela devient vraiment intéressant c’est avec le deuxième concert, toujours à Newport mais cette fois ci en 1965 et avec Elvin Jones à la batterie (première parution sur un split album partagé avec Archie Shepp) : le quartet vient d’enregistrer les mythiques sessions d’Ascension avec un line-up élargi, ce qui conduira à terme aux départs du pianiste McCoy Tyner et de Jones. C’est l’une des formations les plus en vue du moment, le jazz free est là en train de se créer dans l’une de ses manifestations les plus parfaites et les plus pures -qu’on appelle encore fort pudiquement New Thing, Albert Ayler n’a pas encore réussi à foutre sa merde dans le petit monde du jazz- et ces quatre musiciens ensemble sont à leur sommet, les fissures qui commencent à marquer leurs relations ne se sentent pas -c’est l’absolu de la beauté musicale.
Surtout, l’étrangeté de l’interprétation 1963 de My Favorite Things est encore plus flagrante après l’écoute de l’enregistrement de 1965. Elvin Jones a repris sa place depuis longtemps et son jeu est un peu plus axé sur les roulements de toms et la polyrythmie des cymbales, se révèle plus percussif et plus dynamique, incantatoire. Son départ du groupe au début de l’année 1966 sera une grosse perte pour Coltrane qui choisira en Rashied Ali (en fait les deux batteurs ont cohabité mais l’ego de Jones ne l’a pas supporté) un batteur de puissance pure s’alliant parfaitement avec le jeu tout en circonvolutions éruptives de Coltrane à la fin de sa vie.

[Et ce serait quand même pas mal qu’Impulse se décide enfin à rééditer correctement les concerts de Seattle (1965) et ceux du Japon de l’année d’après.]

mardi 4 septembre 2007

L'album de la rentrée

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L’annonce de la venue des Liars pour le 21 novembre à Lyon m’a un peu incité à me replonger dans leur dernier album que j’avais vraiment détesté la première fois -entre temps j’ai lu des chroniques superlatives mais surprenantes : est ce que par hasard j’aurais manqué quelque chose ? Non, pas du tout. Je suis même encore plus refroidi par ce disque que je trouve toujours plus faiblard et vide à chaque nouvelle écoute. Je ne comprends pas les éloges dont il a été l’objet.
Courageusement je me suis également lancé à corps perdu dans la discographie complète (?) d’Animal Collective histoire de ne pas mourir idiot (également en concert : ce sera le 25 octobre) et il y a de quoi faire car voilà un groupe bouillant, boulimique et énervant comme parfois je les aime, genre on va s’enregistrer en train de faire caca et on samplera les ploufs pour faire la rythmique. J’ai frôlé l’overdose et le mal de ventre, été souvent agacé par ces quatre garçons débordants d’idées parfois géniales. Heureusement j’avais décidé de ne pas croire tout ce qui est crié, hurlé, propagandé sur Animal Collective -si j’ai apprécié certaines choses comme Spirit They're Gone, Spirit They've Vanished ou le petit dernier Strawberry Jam (mais rarement il est vrai un album sur toute sa longueur) c’est en faisant abstraction du côté gentil hippie volontairement abscons que j’ai toujours trouvé énervant voire suspect : en 1967 sur The Parable Of Arable Land Red Crayola faisait déjà la même chose mais de manière beaucoup plus inquiétante et violente. Le revival psychédélique ? Allez, tout le monde reprend un suppositoire.























Alors c’est quoi le disque de la rentrée ? Très certainement celui d’Angels Of Light (We Are Him) sur lequel Michael Gira retrouve parfois quelques lointains accents des défunts Swans sans tomber dans la redite. Phil Puleo (Cop Shoot Cop, Red Expendables) qui avait participé à la tournée d’adieu des Swans en 1997 joue d’ailleurs sur ce disque. Tout comme les habituels Akron/Family, Bill Rieflin (Ministry !), la merveilleuse Ester Balint, Siobhan Duffy (God Is My Copilot) et quelques autres que je ne connais pas. Les illustrations de la pochette rappellent celles du diptyque Love Of Life/White Light From The Mouth Of Infinity avec ses petits lapins duellistes mais sur We Are Him le folk d’Angels Of Light est très loin de l’emphase et de l’écho sépulcral de ces deux albums. Pas beaucoup de rapport non plus avec le premier album de Skin, ce duo entre Michael Gira et Jarboe démembrant déjà le folk américain et n’en recrachant que les os. Angel Of Light pratique la retenue expansive (ou le débordement refoulé ?), il y a bien parfois une tension/torsion directement héritée des Swans mais c’est comme lorsque on passe sous une ligne électrique dont on entend le crépitement sans pouvoir réellement mesurer la force invisible qui circule au dessus de nos tête. La voix de Gira est tout simplement belle et d’une rare économie. The Man We Left Behind bucolise dans le noir alors que My Brother Man met à vif, Siobhan Duffy fait un petit miracle de fragilité sur le final de Not Here/Not Now et toujours le son particulier de cet album, étrangement dur mais d’une pureté qui nous hante jusqu’au final de State Chaser, merveilleuse balade offerte en guise de conclusion. C’est ça, pur : je ne trouve pas d’autres termes appropriés pour décrire cette alchimie philosophale.

[J’ai bien failli passer à côté de ce disque -j’ai un peu laissé tomber Michael Gira ces dernières années- mais
heureusement que certains veillent au grain, merci.]

dimanche 2 septembre 2007

Elvis à l'usage des mécréants et des infidèles
























Il n’aura échappé à personne qu’en cette belle année 2007 nous fêtions le trentième anniversaire de la mort d’Elvis Aaron Presley : nouvelles éditions de compilations, tous les nanars du king en tête de gondole (et les B.O. avec), albums remasterisés, le 68 Comeback Special en 3 DVDs mais surtout une abondante littérature digne de l’évènement et de sa célébration.
Il était également difficile d’échapper à la parodie religieuse développée lors de cet anniversaire puisqu’on va à Graceland comme on va à La Mecque, à Jérusalem ou Saint Jacques de Compostelle, puisque on se recueille en écoutant la musique de Presley comme on laisse abdiquer son libre arbitre devant parole d’évangile. Surtout Elvis fait un excellent prophète, sa mère Gladys est une parfaite sainte vierge castratrice, le frère jumeau mort-né (Jesse Garon Presley) fait office de saint esprit, Priscilla est cette pute de Marie Madeleine, le colonel Parker remplit à la fois les rôles de Saint pierre et de Judas, il ne manque que dieu le père mais non où ai-je la tête, dieu c’est le rock’n’roll bien évidemment, ouf.

Le rock est mort, c’est à la fois tant mieux et regrettable. Tant mieux parce qu’ainsi il a permis et permet encore toutes les parodies et/ou toutes les déviances (sans ordre chronologique et comme ça me vient : Captain Beefheart, les Cramps, Gun Club, The Fall, Birthday Party, Venom, Turbonegro, Pere Ubu, Hasil Adkins, les Cows, Black Sabbath, Oxbow, Marilyn Manson, les Damned, Melt Banana, Lubrificated goat, etc) pouvant certes parfois très mal finir lorsque elles se transforment en mission de vérité prise avec le plus grand sérieux (encore Black Sabbath et Marilyn Manson, au départ de simples plaisanteries). Regrettable parce que comme pour toutes les morts magnifiques le rock a aussi engendré un culte mystique qui n’a plus rien à voir avec l’écho mystérieux inventé par Sam Phillips dans les studios Sun : il faut toujours formater le mystère et/ou réduire à néant le non désir de son élucidation, c’est le boulot de la religion du rock et de ses directeurs en marketing contre la révolte et la poésie (option romantisme exacerbé). De faire du rock on est passé à faire rock et pour le commun des mortels avoir une double vie devient alors possible : la vie rêvée et donc accessible que par l’entremise du cérémonial et du sacré (le rock’n’roll), et la vie de la pratique quotidienne, celle où on en chie mais que l’on supporte grâce à la première. Le rock’n’roll a ainsi gagné à la fois sa fonction religieuse de soumission et sa fonction consumériste de déculpabilisation.


Les Cramps justement, puisque un petit malin a eu la bonne idée il y a quelques années de publier cette compilation bootleg intitulée Songs The Cramps Taught Us qui regroupe tous les titres repris, pillés ou pompés par le groupe de Poison Ivy et Lux Interior. Il existe en tout trois volumes avec des illustrations toutes aussi classes ( numéro deux et numéro trois) et on y trouve aussi bien Red Crayola que André Williams, The Standels que Roy Orbison mais aussi les Trashmen (bien sûr), Count Five, Jimmy Lloyd, Bo Diddley, Johnny Burnette, les Sonics… plus tout un ramassis de formations trash rock’n’roll et garage parfois obscures, souvent délirantes. Les livrets sont bien documentés et drôles et ces trois disques traînent toujours ça et là dans les bacs, je les ai vus il n’y a encore pas très longtemps. Aux deux extrêmes se trouvent une reprise hyper violente de Jailhouse Rock par Dean Carter (rien à voir avec la famille country du même nom) et l’humiliation du king en personne avec ce Do The Clam (extrait de la B.O. de Girl Happy en 1965) où Presley invente une nouvelle danse et invite tout le monde à faire la palourde (sic). Ces deux titres représentent toute l’histoire de cette musique, de la fracture à l’entertainment, toute son ambivalence aussi et ce qu’elle est devenue : l’accompagnement d’une nouvelle liturgie qui ne vaut pas mieux que les autres.