mercredi 5 septembre 2007

Coltrane at Newport

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Impulse ! édite un live de John Coltrane -My Favourite Things : Coltrane At Newport- et malgré le peu de soin apporté à la présentation du disque (le montage d’une photo pourrie du saxophoniste avec un halo lumineux qui vire de l’argenté au doré, fallait oser) et malgré aussi l’absence de titres inédits ou presque cette nouveauté qui donc n’en est pas réellement une se révèle passionnante.
On commence par un concert de 1963 et c’est un choc : le batteur a un jeu assez particulier de caisse claire, très présent et je n’arrive pas à savoir si le son qu’il obtient est du à l’utilisation d’un balai avec lequel il tape plus qu’il ne frotte ou si la peau de la caisse a tout simplement été légèrement distendue. Cette impression durera tout le long de ces enregistrements qui culminent avec une version de plus de vingt-trois minutes de Impressions (et cette fois ci complète, à la différence de celle de la première édition). Le quartet commence réellement à se remettre de sa séparation d’avec Eric Dolphy et Coltrane a enfin retrouvé les moyens de se repousser lui-même dans ses derniers retranchements. Impressions comporte un long duo saxophone/batterie qui préfigure ce que fera Coltrane quatre années plus tard avec Rashied Ali (Interstellar Space). Reste ce batteur qui m’étonne. En fait, lors de ce concert, Elvin Jones était en pleine cure de désintoxication et c’est le très respecté Roy Haynes qui le remplaçait.



















Là où cela devient vraiment intéressant c’est avec le deuxième concert, toujours à Newport mais cette fois ci en 1965 et avec Elvin Jones à la batterie (première parution sur un split album partagé avec Archie Shepp) : le quartet vient d’enregistrer les mythiques sessions d’Ascension avec un line-up élargi, ce qui conduira à terme aux départs du pianiste McCoy Tyner et de Jones. C’est l’une des formations les plus en vue du moment, le jazz free est là en train de se créer dans l’une de ses manifestations les plus parfaites et les plus pures -qu’on appelle encore fort pudiquement New Thing, Albert Ayler n’a pas encore réussi à foutre sa merde dans le petit monde du jazz- et ces quatre musiciens ensemble sont à leur sommet, les fissures qui commencent à marquer leurs relations ne se sentent pas -c’est l’absolu de la beauté musicale.
Surtout, l’étrangeté de l’interprétation 1963 de My Favorite Things est encore plus flagrante après l’écoute de l’enregistrement de 1965. Elvin Jones a repris sa place depuis longtemps et son jeu est un peu plus axé sur les roulements de toms et la polyrythmie des cymbales, se révèle plus percussif et plus dynamique, incantatoire. Son départ du groupe au début de l’année 1966 sera une grosse perte pour Coltrane qui choisira en Rashied Ali (en fait les deux batteurs ont cohabité mais l’ego de Jones ne l’a pas supporté) un batteur de puissance pure s’alliant parfaitement avec le jeu tout en circonvolutions éruptives de Coltrane à la fin de sa vie.

[Et ce serait quand même pas mal qu’Impulse se décide enfin à rééditer correctement les concerts de Seattle (1965) et ceux du Japon de l’année d’après.]