jeudi 11 octobre 2007

Politique d'austérité

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Je ne donnais pas cher de la peau d’Austerity Program. Un premier EP il y a quatre ans, Terra Nova, qui ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable et qui avait fini remisé quelque part dans le placard, au milieu de tous les disques inutiles. Et depuis aucune nouvelle. Comme un groupe bien mort et enterré. Je me suis toujours demandé pourquoi les gens d’Hydra Head -encore eux- avaient sorti ce disque… Avant que le même label n’annonce la parution d’un nouvel album, un vrai, un long, pour septembre 2007. La méfiance était alors de mise et ce n’est pas l’horrible pochette avec motif de toile cirée ou de foulard pour grand-mère qui me poussait à écouter à nouveau la musique d’Austerity Program : pour mémoire j’ai toutefois remis une oreille sur Terra Nova et, surprise, quelques années d’isolement dans le noir et au sec ont été profitables, la piquette s’est transformée en honnête vin de table même si le mal de tête guette toujours un peu.
J’ai donc espéré que l’album, Black Madonna, n’ait pas besoin du même traitement. Quelques écoutes ont suffi à me persuader que non. D’abord il y a encore moins de chant qu’auparavant (chant qui était l’un des gros points noirs de Terra Nova), la musique d’Austerity Program est de plus en plus instrumentale. Instrumentale? En fait, juste une guitare, une basse et une boite à rythmes. C’est sûrement pour cette raison que le duo a tellement été comparé à Big Black -des comparaisons avec Godflesh aussi, mais là je comprends beaucoup moins. En fait Austerity Program n’est ni l’un ni l’autre.
Les titres sont longs, très longs même parfois (jusqu’à quatorze minutes) et c’est sûrement pour s’amuser que le groupe a posté ici l’une des rares cavalcade dont il est capable. Et c’est répétitif en diable, le même plan de guitare et de basse qui tourne jusqu’à ce que l’on n’en puisse plus -on croirait presque entendre une méthode assimil pour guitariste apprenti : allez mon gars, répète avec moi le même riff jusqu’à ce que tes petits doigts se mettent à saigner. L’épuisement n’est donc jamais loin sur Black Madonna, mais jamais l’ennui. Il y a aussi un très net progrès en ce qui concerne la programmation de la boite à rythmes -dans le genre j’apprends à me servir de toutes les fonctionnalités de ma petite machine l’intro du premier titre du EP était vraiment à mourir de rire (mais il parait que c’était fait exprès, n’est ce pas ?)- boite à rythmes donnant un côté encore plus mécanique et froid, inexorable. Un côté diaboliquement hypnotique même, la faute également à ces lignes mélodiques qui envoûtent et n’en démordent pas, les deux premières minutes du deuxième titre feraient presque penser à Wire avec cette capacité à être à la fois immédiat et distancié. Donc on y revient toujours, vers ces tranches de bruit uniquement dénommées par un numéro, façon nomenclature et procès verbal. De quoi rebuter un peu plus les amoureux de poésie et de belles phrases. Un disque intrigant qui sait se rendre indispensable.