vendredi 2 novembre 2007

Burn, baby, burn

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Jusqu’ici, lorsque j’écoutais les deux précédents disques de Clockcleaner, je pensais invariablement à un bouquin d’Harry Crews (Feast Of Snakes je crois) avec cette scène d’anthologie, je résume de mémoire : je te prends, je te retourne, je t’encule puis tu me suces. Ton mari et ma femme sont à côté qui nous attendent, ils s’occupent des enfants. De la poésie du grand sud américain dans toute sa splendeur -du foutre, de la merde et la mort inéluctable au bout du chemin, mais avant il va falloir en baver un minimum, hein, la mort ça se mérite et ça nécessite bien quelques souffrances insupportables. Sinon pas de rédemption.
Les paroles déversées par John Sharkey valent largement les obsessions d’Harry Crews, comme sur Interview w/ A Black Man où un type raconte à un autre qu’il vient de croiser sa copine sortant d’un centre d’avortement au bras d’un autre. Et tout l’album Nevermind (Repitilian records, 2005) est fait du même bois -bien dur et bien droit- celui qui bastonne à grands coups d’histoires au sexisme dégueulasse, racisme ordinaire et homophobie déclarée, un bois qui rend forcément Clockcleaner odieux et insupportable dès que tout ça est uniquement pris au premier degré. Voilà un groupe qui joue sur le fil du rasoir, penche dangereusement d’un côté avant de se rattraper d’un bon coup de rein, au risque cette fois de tomber de l’autre côté et de se ramasser dans son propre vomi. Pour brouiller un peu plus les pistes Clockcleaner a engagé une blondasse à gros seins comme nouvelle bassiste. Puis a enregistré Babylon Rules, disponible depuis déjà de nombreuses semaines chez Load records -un label toujours plus gros qui je l’espère permettra au groupe de gagner suffisamment en notoriété et de faire un tour en Europe et pas seulement un périple des grandes capitales du vieux continent.















Babylon Rules
confirme et surprend. D’abord les accents ouvertement noise rock des disques précédents sont quasiment abandonnés, les Clockcleaner se démarquent des grands anciens et des références un peu trop encombrantes. Fini le chant d’alcoolique en train de taper sa femme et de mordre son chien (l’inverse ?), place à une certaine langueur nauséabonde -la gueule de bois qui a déjà un goût de reviens-y- qui toutefois ne laisse aucun doute sur le caractère violemment sexuel de tout ça. Le principal artisan de ce changement d’angle de vue est une reverb monstrueuse qui transforme le chant en complaintes sanguinaires. Dès le premier titre -New In Town- le ton est donné, ce disque sera lourd et poisseux, avec une vague odeur héritée d’un cadavre en putréfaction planqué dans la tourbe. Deuxième titre, Vomiting Mirrors et son piano stoogien sur une seule note qui démontre que Clockcleaner est également très fort dès que le rythme s’accélère un peu : on a là affaire à un vrai groupe de rock, capable de lâcher un solo de guitare approximatif sans avoir l’air ridicule ou opportuniste, avec des vraies chansons composées de vrais couplets et de vrais refrains, un groupe de rock que l’on tient et qui nous tient par les couilles (le premier qui rira sera une tapette), un groupe qui redore le blason des groupes américains à guitares dans un pays où faire plein de jolies notes et les faire durer le plus longtemps possible est à la mode, une mode exaspérante. La reverb mentionnée un peu plus haut (à propos de la voix) vient aussi gangrener les guitares, et de fort belle manière. Daddy Issues fait même carrément penser à du Gun Club, pas très loin d’un certain esprit du sud (on revient à Harry Crews) et se traduisant par une sorte de rock-a-billy gothique. La basse (une six cordes ou bien une guitare baryton ?) tient toutes ses promesses et n’est pas pour rien dans tout ce déferlement inquiétant de boue et de stupre, difficile de ne pas avoir envie de bouger son corps. Je cours m’acheter à boire et je retourne tout de suite écouter ce disque.