dimanche 4 novembre 2007

On/Off : Scorn @ Riddim Collision

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Mercredi 31 octobre -veille du jour où tout le monde feraient mieux de manger ses morts au lieu de s’offrir des fleurs par cadavres interposés- et c’est le gros plan lose : j’avais le choix entre trois concerts et je n’en ai fait aucun. J’aurais pu choisir entre du poinque aus Frankreich organisé par des vieux cafards encore fringants, de la pop moderne et dansante (ou quelque chose comme ça) et la première soirée du festival Riddim Collision à l’Epicerie Moderne avec entre autres Strings Of Consciousness et Double Nelson -cette dernière option avait d’ailleurs ma préférence, et même très nettement. Au lieu de ça, j’ai préféré la version grog/pantoufles/robe de chambre à la maison et je crois que si j’avais pu disposer de l’option interrupteur derrière l’oreille pour débrancher mon cortex cérébral de toutes velléités de fonctions vitales je l’aurais fait, en un mot comme en cent : j’étais crevé.
Bien décidé à remonter la pente je m’étais juré de me rabattre sur le concert de Scorn du samedi 3 novembre, toujours dans le cadre du Riddim Collision. Lequel festival a eu quelques problèmes de localisation, le chapiteau initialement prévu pour les quatre soirs a été remplacé par quatre lieux différents (et avec toute l’organisation que cela suppose : démontage et remontage tout les jours d’un imposant matériel et de toutes les infrastructures, ouch) et pour le 3 novembre cela se passait au marché de gros, maintenant fermé et délocalisé en périphérie parce que devenu trop petit pour subvenir aux besoins alimentaires d’une agglomération toujours grandissante et vorace. Une friche industrielle, quoi, bientôt démolie et sûrement remplacée par des immeubles haut standing (pognon inside) et peut être le genre de lieu parfait pour assister à un concert de musique électronique lourde.






















En fait la configuration est assez bizarre, tout en long mais l’installation a été bien pensée, il y a eu un sacré travail de fait. Passés les golgots de l’entrée je débouche dans une grande cour, il y a des braseros pour se réchauffer, des stands de marchandising, de quoi boire et un peu de monde. Il est 10 heures et le deuxième groupe de la soirée, Uzul Prod (alias Uzul de Kaly Live Dub et Tit’o de Picore) vient juste de commencer. Le son fourmille d’idées rebondissantes d’inspiration ethniques véhiculées par des (grosses) basses et des beats entraînants mais a parfois du mal a tout contenir, plus particulièrement la guitare de Tit’o n’est pas toujours très discernable et c’est regrettable, j’adore le son de ce guitariste que l’on peut rapprocher de celui des Cure aux débuts des années 80, avec un peu plus de lyrisme peut être. En tout cas pas mal de reverb.
Juste après c’est le tour de Scorn. Mick Harris arrive et avec sa casquette camouflage, son visage rond et son petit nez retroussé il me fait penser au chasseur crétin qui passe son temps à poursuivre Bugs Bunny -tout ça sans avoir bu une seule bière, n’importe quoi. L’avantage des soirées électro c’est que les changements de plateaux sont minimes. L’inconvénient est qu’il n’y a aucun spectacle, pourtant tout est configuré comme pour un concert normal : un public devant une scène et qui regarde ce qui s’y passe -en général pas grand-chose, donc gare si la musique est mauvaise.
Mick Harris balance ses premières boucles, celles qui en général servent de trame mélodique/décorative à sa musique et le son est déjà très fort : j’en déduis que lorsque les basses et les rythmes vont arriver cela va vraiment être d’une violence énorme et effectivement c’est un véritable souffle qui aspire le public qui s’est massé pour assister au concert de Scorn. La principale différence avec les enregistrements studio -outre le niveau sonore- c’est que le mix est bien différent : les basses et les rythmes s’ils restent prépondérants sont moins dominateurs, ainsi des fioritures toujours plus élaborées feront leur apparition tout au long de ce concert non-stop (quasiment une heure), apportant un formidable relief aux fréquences basses implacables des canevas rythmiques. Petit à petit une sorte de mécanique ondulatoire s’est emparée de moi pour ne plus me lâcher, les échos métalliques des beats lourdissimes imprimant un inéluctable mouvement. Tout est oublié, le froid, les parois de verre qui vibrent sur ma droite, les boomers déchirent l’atmosphère -ce n’est pas la prestation de Mick Harris en elle-même qui remplit le rôle du concert mais c’est bien le son, glacial mais dantesque, lourd mais irrésistible, qui est tout simplement spectaculaire. Voilà ce que devrait toujours être un concert electro. Pour finir, Mick Harris transforme Scorn en Lull, c'est-à-dire son projet ambiant, et balance d’énormes nappes de son tourbillonnant pendant quelques minutes. Les rythmes ne reprendront pas mais je suis totalement comblé.

Au sortir de Scorn je n’en peux vraiment plus. Dans la cour il me semble qu’il y a plus de monde que lorsque je suis arrivé tout à l’heure. Un coup d’oeil sur le déroulement du programme m’apprend que l’excellent Enduser ne jouera pas tout de suite après mais plus tard dans la nuit alors je n’hésite pas une seule seconde, je reprends mon vélo pour retraverser la ville dans l’autre sens, je m’accompagne mentalement des pulsations rythmiques que Mick Harris a laissées imprimées dans mon cerveau et lorsque j’arrive chez moi, plus rapidement que d’habitude, je n’ai alors aucun mal à trouver ce fameux interrupteur derrière l’oreille pour me déconnecter totalement de toute réalité.