jeudi 10 janvier 2008

Supersilent #8

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Encore un disque publié par Rune Grammofon. Supersilent, quartet norvégien d’impro lorgnant aussi bien vers l’electro ambiant facile que le free prog indigeste est enfin de retour, l’album précédent, 6, datant tout de même de 2003. Ce groupe arrive à cristalliser tous les sentiments contradictoires que l’on peut éprouver face à ce genre de musique cérébrale -des moments de pure grâce côtoyant les roucoulades neuronales les plus indigestes. En fait, la discographie de Supersilent avait formidablement commencé dès 1998 grâce à un triple disque d’improvisation totale et brute, avec un son sale et sans concessions au maniérisme : en écoutant on arrivait à deviner qu’il s’agissait là de longues jams éditées et découpées par la suite, certains titres démarrant là où d’autres autres s’arrêtaient, le tout pas forcément dans l’ordre et disséminé au gré des trois disques. Si le quatrième album continuait dans une veine un peu plus sophistiquée, comprendre mieux enregistrée et plus canalisée, 5 et 6 (6 étant d’une mollesse contemplative sidérante, trip-hop vangelisé et jazz new age) montraient quant à eux une certaine dégringolade, de moins en moins d’intensité, de plus en plus de nombrilisme et Supersilent commençait à justifier son nom -taisez vous pendant qu’on joue- qui perdait alors toute signification ironique. Le visionnage du DVD 7 publié en 2005 en guise de bouche-trou est assez fastidieux, trop de cérémonial et de respectabilité.
Aux frontières du jazz, du rock, de la musique contemporaine et de l’electro (comme Rune Grammofon se plait à décrire Supersilent) la musique du groupe s’était peu à peu atrophiée, cadenassée et auto parodiée. Une vaste étendue sans accidents de parcours.













Je ne sais pas ce qu’ont foutu les quatre membres de Supersilent pendant ces quatre dernières années (ils ont tous de multiples projets à côté) mais cette longue pause discographique a été salvatrice au groupe. Il est illusoire d’espérer un retour au bouillonnement des premiers essais -le fait que le huitième album ait été enregistré dans le même studio que les sessions de 1998 ne prouve absolument rien puisque l’album 6 a également été mis en boite au même endroit- mais 8 renoue avec une certaine envie, une plus grande diversité de propos et surtout étouffe un peu les options démonstratives du groupe. Ou alors celui-ci sait davantage déshabiller ses tentations cérébrales pour en extraire un supplément d’instinct.
La première chose est qu’avec 8 Supersilent reprend partiellement le chemin des rythmes énervés -c’est l’occasion de recherches sonores plutôt intéressantes- et s’essaie également aux voix. La musique ne se contente plus d’une optique narrative de décorum (la très grosse faiblesse de 6) et installe d’emblée, grâce au premier titre, une atmosphère réellement sombre et inquiétante, presque lourde, chatouille la brutalité hard core puis le bruit sismique sur la plage numéro sept, s’énerve comme il faut sans trop de préavis -pas de longues montées introductives en guise d’avertissement- et renoue avec la tension de la corde raide. Malheureusement certains passages viennent un peu tout gâcher comme les flûtiots angéliques à la fin du cinquième titre et certains sons de synthés qui feraient passer Depeche Mode pour les rois de la dissonance cacophonique.
Techniquement 8 a la même présentation monacale que ces prédécesseurs avec sa pochette monochrome ornée d’un code barre. Comme d’habitude les différents titres ne sont désignés que par un numéro (de 8.1 à 8.9) et l’ensemble a été produit par Helge Sten, également membre de Motorpsycho et plus connu sous le nom de Deathprod.