vendredi 29 février 2008

Agathe Max vs David Daniell

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J’allais un peu exagérer en racontant qu’il n’y a pas de mois sans qu’Agathe Max n’apparaisse dans la programmation du Sonic… Bon, c’est vrai, j’en rajoute, le concert de mercredi soir a seulement été le troisième depuis le mois de septembre. Mais je ne m’en lasse pas. Toujours de belles surprises. A mon goût, pas assez de gens se sont déplacés pour une affiche alléchante également composée de David Daniell (un musicien américain figurant au catalogue du très élégant et très racé label Table Of The Elements) et dont je n’ai jamais écouté les disques solo mais qui fait aussi partie d’un excellent trio, San Agustin, découvert il y a quelques années en arrière lors d’un concert au Pezner -au passage on peut retrouver un bout de la musique jouée ce soir là sur ce disque, juste cet éternel regret que les gens du label aient choisi un extrait un peu fade et peu représentatif du talent de San Agustin mais les disques du groupe étant rares, on est bien obligé de se contenter de ce que l’on a. En ce qui concerne David Daniell, je ne sais pas trop à quoi m’attendre, un solo de guitare-bidouille et après tout on verra bien.























Comme pas mal de personnes je suis (re)venu pour (re)voir Agathe Max. Son installation est toujours aussi minimale : son violon sonorisé et trois pédales d’effet qui lui servent à modifier ou à mettre en boucle ses sons. Une fois de plus je suis complètement bluffé par la musique qu’elle arrive à sortir de son instrument. Avec, qui plus est, cette surprise d’un premier titre plutôt calme, plein de retenue, sinuant doucement, des boucles installées délicatement, des mélodies aériennes, des effets angéliques, je n’en peux plus et suis complètement charmé. Le deuxième titre joué renoue avec ce côté tellurique que peut avoir la musique d’Agathe Max, un titre jouant sur les cassures, le fracas, les effondrements, les montées en flèche, les surimpressions et les débordements -c’est peu dire que je n’en peux encore moins que tout à l’heure et que pourtant j’en demande.
Encore ? Elle annonce un dernier petit morceau qui en fait sera le plus beau de la soirée et peut être même aussi le plus long. Je suis incapable de répondre à cette question toute simple : est ce qu’Agathe Max improvise totalement ou joue t-elle des compositions ? Ce troisième titre pourrait répondre à cette interrogation, je jurerais l’avoir déjà entendu, cette intro subtile, le thème récurrent, mais je m’y perds rapidement, retrouve quelques points de repères qui s’effacent aussitôt. Et, après tout, qu’importe, c’est tout simplement magnifique et incroyable de richesse harmonique. Agathe Max annonce David Daniell, sa prestation est terminée, mais je sais déjà qu’elle reviendra le 31 mai pour un concert en compagnie de Carla Bozulich et Abronzius. Ouf.






















Je me dis que cela ne va pas être facile pour l’américain de passer après la petite lyonnaise. J’aurais préféré me tromper. A comparer, son dispositif à lui est ultra élaboré : plein de pédales, des racks, des accessoires, une chaise et une Gibson SG noire (encore un instrument qui m’a toujours impressionné). Le début du set est totalement réfrigérant, le son de guitare, clair, lorgne du côté d’une sorte de folk expérimental et aérien. C’est froid et sans passion. La musique évolue vers quelque chose de plus magmatique, David Daniel n’arrête pas d’appuyer sur ses grosses pédales et c’est rigolo, on dirait qu’il fait du pédalo mais cela lui sert surtout à générer des sons délivrant plus d’intensité à défaut d’intérêt. Je continue de m’ennuyer. C’est bien fait, presque trop joli mais cela reste ultra lisse et propre, où sont les harmoniques ? Déception. Tous les gadgets électroniques de David Daniell ne lui permettent pas d’atteindre ne serait ce que la moitié du degré d’intensité et d’émotion atteint précédemment par Agathe Max.
En sortant de la salle la prestation de l’américain est déjà oubliée. Preuve s’il en est que les artistes publiés par Table Of The Elements ne sont pas tous de la trempe d’un Tony Conrad ou d’un Rhys Chatham -autre exemple et pour en revenir au concert de San Agustin : ce soir là ils avaient joué avec leurs collègues Presocratics, un affreux groupe expérimental folkeux indus et marxiste- et je me fais cette réflexion qu’Agathe Max, elle, serait par contre parfaitement à sa place sur le label américain. Cela tombe bien, elle vient d’enregistrer quelque chose dans un studio et il ne lui manque qu’une maison de disques pour la publier, un tourneur pour la faire voyager. C’est tout ce qu’elle mérite.


mercredi 27 février 2008

Hallux Valgus et Death To Pigs au Sonic (25/02/2008)

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Soirée Gaffer records pour finir le week-end, cela va me changer de la musique pour intellos de la veille mais j’ai eu un mal fou à émerger pendant toute la journée du dimanche, tout comme j’avais eu un mal fou à décoller samedi soir : je crains le pire, mon état ne me le permet pas, je me sens tout mou, buvez éliminez tout ça c’est qu’un ramassis de conneries, mais j’y vais quand même, j’ai beaucoup trop envie de voir les Death To Pigs.
Dix concerts enchaînés en dix jours d’affilée, ce sont des petits gars qui savent ce qu’ils veulent et en ce dimanche soir c’est leur dernière date avant un retour dare-dare à la maison (Nancy). Je sors donc de la mienne -de maison- et pour réussir cet exploit j’ai carburé au 1000 mg toute la journée alors je fais ce que je peux pour me dépêcher, je ne veux pas rater non plus Hallux Valgus, duo guitare/batterie et voix composé du big boss de Gaffer records et d’un Death To Pigs encore plus fracassé que moi, c’est dur la vie d’artiste.
























Hallux Valgus c’est quand même le groupe qui a réussi à me faire réappuyer sur la touche on de mon vieux lecteur cassettes après tant d’années de non utilisation et d’exhibition poussiéreuse dans un coin d’appartement : le seul enregistrement du groupe est disponible uniquement sous ce format là, une bande magnétique au son bien cabossé -alors du coup j’ai même ressorti tout un tas de vieilleries du placard, vieilleries que je n’ai pas réécoutées pour autant, faut pas déconner quand même, mais je ne serai jamais assez reconnaissant à ce duo de m’avoir permis de regoûter au kitch de la cassette audio et comme la leur est d’un beau plastique orange cela ne gâche rien. Sur cette cassette justement, tout est consciencieusement saturé ou presque, ça grésille sur toutes les fréquences et c’est bien.
Le son en concert d’Hallux Valgus est nettement plus clair, on pourrait presque comprendre ce que raconte le batteur lorsqu’il se décide à chanter (mais je n’ai pas envie de comprendre), le jeu de batterie est beaucoup plus lisible tout comme la guitare qui fait de jolies choses dissonantes comme je les aime. Je suis même impressionné par la maîtrise dont font preuve les deux gaillards, cela me parait appuyé et appliqué, surtout en comparaison d’une prestation précédente et excellente pendant laquelle ils avaient allègrement collectionné les plantages et les problèmes techniques avec une bonne humeur et un sens de l’à-propos à rendre jaloux tous les losers de la terre entière. Ce qu’Hallux Valgus semble avoir un peu perdu en spontanéité et en exécution accidentée (du moins pour ce concert là), le groupe l’a gagné en efficacité et en sècheresse. Mais comme c’est toujours aussi Skin Graftien dans l’âme j’en profite le plus possible.
























Place à Death To Pigs, le guitariste d'Hallux Valgus reste à sa place mais change de matériel. Le bassiste utilise une Rickenbacher ce qui, pour les gens comme moi qui n’y connaissent rien en instruments de musique mais se laissent facilement éblouir par le superflu des apparences, m’impressionne toujours autant. Comme les tennismen il porte un bandeau au poignet, sauf que le sien est noir et extra-large, encore un qui doit mouliner dru et je sens qu’on va y avoir droit à ce gros son de basse qui casse tout sur le premier et tout récent LP du groupe, Carnal Carnival. Le batteur, moustachu et tatoué, s’entraîne un peu (frappe sèche et puissante) tandis que le chanteur chausse des lunettes de plongeur, de soudeur ou je ne sais quoi.
Et c’est parti. Les morceaux défilent, efficaces, rapides, entraînants. Effectivement la rythmique est impressionnante, le bassiste est suffisamment hargneux et le batteur ne tarde pas à se retrouver en sous-vêtements, trop chouette marcel à grosse mailles. La guitare vrille dans son coin, étale sobrement des parties incandescentes mais c’est le chanteur qui assure la plus grosse partie du spectacle (même s’il aime bien se mettre dos au public), se tordant, sautant et crachant ses mots. Sa façon de chanter peut faire penser à celle d’un David Yow, celui de Jesus Lizard, mais ses intonations ressemblent plus à celle d’un Rotten/Lydon -c’est flagrant sur un titre tel que It’s Alive, et lorsque Death To Pigs a la bonne idée de le jouer enfin c’est le frisson assuré, un vrai tube. Parce que, indéniablement, ce groupe s’y connaît aussi foutrement bien en troussage de torpilles tubesques.


















C’est la fin, déjà, et le batteur (expert en lancers verticaux de crachats) plaisante avec le chanteur sur le fait que la prochaine fois ils devraient peut être commencer leur tournée par Lyon. Franchement, c’est ça la bonne idée du jour. Mais c’est surtout l’heure de laisser la place au dernier groupe. Avant le concert, je m’étais vaguement renseigné sur The Lost Boys, non je ne connais pas, du moins je ne crois pas. Une bonne partie du public est venue pour eux -ce n’était pas une mauvaise opération de les avoir programmés parce que pour un dimanche soir il y a plutôt du monde- et c’est devant une audience attentive et toute chaude que le groupe démarre son set. Je me mets à penser à autre chose très rapidement, ce mix entre Negative Approach et Verbal Abuse, du bon gros hard core primaire et vraiment old school, ce n’est vraiment pas ce dont j’avais envie. Je pars fissa comme un pauvre lâche après quelques (courts) morceaux -en fait je fuis littéralement parce que c’est beaucoup trop pour moi. Il est à peine onze heure et demi du soir : vive les poules.


mardi 26 février 2008

Dan Burke/Illusion Of Safety

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C’est la soirée culturelle du week-end : de la performance puis de la musique, euh, électro-acoustique avec Marie-Claire Cordat et surtout (en ce qui me concerne) Illusion Of Safety. Je suis étonné d’entendre des gens se demander qui est le gugusse qui jouera en second, qu’est ce qu’il fait comme musique -MC Cordat a son petit public, ses performances ont toujours attiré un peu de monde, certaines ont d’ailleurs été mises en pages accompagnées de textes sous la forme d’un livre, Induration, publié par Eclectik Lab, et c’est vrai qu’une personne capable de se faire payer par la Biennale d’Art Contemporain de Lyon uniquement pour picoler de la bière et se pisser dessus (éventuellement aussi pisser sur quelques officiels dont madame la ministre de la Culture) mérite une attention soutenue.
Mais n’exagérons rien, il n’y aura pas non plus foule et comme l’a si bien résumé un amateur éclairé arrivé un peu tôt en début de soirée : à croire qu’Illusion Of Safety cela n’intéresse plus grand monde. Et pourtant…




















 



La première fois que j’ai vu une performance de Marie-Claire Cordat remonte à une époque si lointaine que le pauvre petit garçon tout gentil et innocent que j’étais alors n’en croyait pas ses yeux qu’il puisse exister une fille assez folle pour hurler dans un micro, se foutre à poils en moins de cinq minutes, se tartouiller de ketchup (plus pratique et moins cher que du vrai sang, même de porc) et se branler la chatte avec un cadavre de lapin dépecé. Je ne me souviens pas du sujet exact de cette performance là, ni de celui des suivantes auxquelles j’ai pu assister au cours des années (parce que sujet il y a, je n’en doute pas) et l’héritage revendiqué par Marie Claire Cordat de trucs genre actionnistes viennois jouant avec leur chair et leur caca ou son intérêt porté à Antonin Artaud sont des thématiques qui ne m’ont jamais interpellé et encore moins intéressé. Réflexe de petit bourgeois de sexe mâle je veux bien en convenir.
Je passe rapidement sur la musique catapultée par Antropik, bidouille sonore à fort volume qui tient aussi bien du harsh japonais que du breakcore (parfois on arrive à discerner un semblant de rythme concassé) passé à la moulinette et à la distorsion. La surprise vient de la présence de Tit’o, guitariste de Picore et de Uzul Prod, qui n’aura de cesse d’en rajouter plusieurs couches en maltraitant son instrument favori et en tourneboulant à l’envie les boutons de ses pédales d’effets. La voix de Marie-Claire Cordat a un peu de mal à passer par-dessus tout ça, de plus elle est malade, mais elle braille ses né en France, élevé en France, abattu en France avec conviction tout en cinglant l’atmosphère d’une bonne vieille baguette de pain. Si elle était arrivée sur scène déguisée en mouton, elle se retrouve déjà toute nue, tente de s’enfiler je ne sais quoi avant de dévorer la carcasse crue d’un poulet et d’en recracher des bouts de partout.



















 



Tout est placé sur le mode de la dérision et peut être pour la première fois je ne ressens aucune agression ni aucun dégoût -je n’ai pas l’impression d’assister à un spectacle dont le but serait simplement de me couper les couilles. Je ne peux toujours pas dire que j’aime, mais, malgré le simplisme du propos et de son illustration parodique, je sens le côté humain : ou bien j’ai vieilli, ou bien c’est elle.
Si c’est elle, elle arrive encore à s’épargner toute forme de ridicule et de pathétique, son engagement est total. J’en arrive donc à éprouver une certaine admiration qui n’a rien à voir avec de quelconques critères esthétiques. Mention spéciale pour le final sur fond de Papayou du défunt Carlos (trois jours après, je me réveille encore avec cette satanée chanson dans la tête) : Marie Claire Cordat s’est alors dotée d’un gros ventre, d’une barbe, d’un gode et sodomise une carcasse de poulet (le même que tout à l’heure) en rythme -papayou/papayou/papayou papayoulélé, c’est grandiose.

















Dan Burke, unique membre d’Illusion Of Safety (même si cela n’a pas toujours été le cas), ne jouera pas sa musique depuis la scène mais a installé tout son dispositif sur le côté, là où d’ordinaire se tient le stand de marchandising des groupes. Un écran est déployé au fond de la salle, il y aura des projections tout du long, les personnes étant restées pour assister au set d’Illusion Of Safety regardant une scène vide tapissée de vidéos par forcément très intéressantes, même si j’ai bien apprécié le long passage avec les yeux.
J’hésite un peu sur l’endroit où je dois me mettre, après quelques allers et retours je m’assois par terre à mi distance des enceintes, le son est parfait, riche, scintillant, fourmillant d’une multitude de détails qui jamais ne semblent être le fruit d’une superposition ou d’une greffe. Construite ni sous forme de blocs ni sous forme de flux, la musique d’Illusion Of Safety est l’une des plus belles que je connaisse, déjouant les facilités des montées en puissance, se moquant des conventions types surlignages ostentatoires -basses fréquences en tir de barrage, sons aigrelet et vaguement irritant en première ligne- et sans aucun recours à un schéma rythmique. Pourtant de rythme (vital ?), il en est bien question avec la musique d’Illusion Of Safety, ce fourmillement actif de détails dont j’ai déjà parlé et qui efface toutes considérations visant à créer des distinguos entre le fond et la forme.

















Je finis par fermer les yeux -après, justement, la séquence vidéo remplie de globes oculaires-, la tête appuyé sur les mains et c’est comme si je dormais, peut être ai-je même réellement dormi. L’une des caractéristiques de cette musique c’est de rejeter toute utilisation de l’étouffement -que ce soit par écrasement comme chez les bruitistes ou par asphyxie comme chez les tenants des musiques dites de l’effacement- mais de jouer sur la dualité née de ces deux façons de procéder : il n’y a jamais véritablement de silence chez Illusion Of Safety, comme il n’y a pas plus d’assourdissement, on peut juste respirer tout en ne sachant jamais ce que l’on va respirer l’instant d’après. Ce n’est même pas une question de fluidité, d’élasticité ou de souplesse mais de liberté, totale et donc contrainte -une contrainte endogène, naturelle, expiatoire.
Lorsque les sons se font plus ténus, la conversation de personnes qui apparemment s’ennuient au bar vient un peu trop perturber l’écoute. Et comme malheureusement toute la fin du set d’Illusion Of Safety est de plus en plus aérée, il faut se concentrer pour faire fi de ces conversations et c’est dommage, cela gâche une bonne partie du plaisir. Cette musique n’est pas, comme je l’ai entendu alors, un bon moyen de redescendre après un bon week-end de teuf. Imperturbable, Dan Burke poursuit lui sa progression musicale quelques instant encore, puis tout finit par s’effacer dans le silence de la même façon dont tout s’était construit auparavant, presque inexplicablement. Magique.


samedi 23 février 2008

Une page de publicité : Illusion Of Safety

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Voilà un concert qui devrait se passer de publicité mais quand même : ce n’est pas tous les jours que l’on peut écouter et apprécier ce qu’il est bon d’appeler un génie de la musique ambiant/expérimentale/concrète/électro acoustique : Dan Burke alias Illusion Of Safety.

Et on pourra compter également sur Marie Claire Cordat et Antropik pour mettre de l’ambiance en début de soirée.

vendredi 22 février 2008

Waiting for the Sunn

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Il y a quelques temps déjà qu’aucune nouvelle fraîche de Stephen O'Malley ne nous était parvenue mais on se doute bien que le bonhomme ne reste jamais inactif. Pour preuve la parution aux Editions Mego d’un enregistrement estampillé O’Malley en compagnie d’Attila Csihar et répondant au doux nom de 6°F Skyquake. Le descriptif donné par le label est des plus simples : il s’agit encore d’une musique composée pour une installation sonore du sculpteur/plasticien Bank Violette (comme pour l’album Oracle de Sunn). Initialement cette musique était prévue pour une diffusion sur un triple système audio mais bien évidemment le CD en présente uniquement une version stéréo, captée lors d’une présentation de l’installation et à un endroit donné et fixe, ce que nous entendons donc n’est que l’une de versions possibles de 6°F Skyquake. Tout le côté perception physique du son est donc absent de cet enregistrement alors qu’il était le sujet même de l’installation. Peut être pour pallier à ce manque et, il faut bien le dire, à la pauvreté du matériel sonore, il a été rajouté la voix d’Attila Csihar (le Bugs Bunny du Black Metal) chantant profondément, avec moult écho, un texte inspiré parait il du Japon médiéval.
Il n’y a pas grand-chose d’autre à dire sur ce disque. Pendant la grosse demi heure qu’il dure, l’auditeur a droit à une fréquence suraiguë bien que ténue, quelques sons assez vagues et à un moine défroqué qui chante au fond d’une grotte un truc qui ressemble à une messe noire à la gloire du Malin. C’est aussi vide que grandiloquent bien que subtilement relaxant. Idéal pour relire une vingtième fois Le Moine de Matthew G. Lewis ou Les Elixirs Du Diable d’Hoffmann à la lumière d’une bougie Ikea.























On prend les mêmes -ou presque- et on recommence : sous le nom de Burial Chamber Trio officient Greg Anderson (la moitié de O'Malley dans Sunn), Csihar mais également Oren Ambarchi. La formation a donné quelques performances européennes -comme celle de Berlin- au tout début de l’année 2007 et a publié via Southern Lord un 25 centimètres pictures enregistré lui à Rotterdam, WVRM. L’objet est plutôt beau, avec des gros vers de terre concentriques, un peu éventrés et sanguinolents sur le vinyle et plein d’autres petits vers grouillants sur les inserts transparents, c’est délicieusement dégueulasse et absolument pas kitsch.
WVRM est largement plus intéressant que 6°F Skyquake, il s’y passe quelque chose, il y a des bourdonnements de guitares, des croassements maléfiques (bien sûr), de la bidouille rampante et quelques applaudissements à la fin de la deuxième face, l’honneur est sauf. Sur la pochette il est écrit only vinyl is real mais devant la pauvreté du rendu sonore de l’enregistrement, la faible passion que celui-ci suscite, l’impression d’avoir affaire uniquement à un joli objet (parfait pour être cloué au mur et obtenir ainsi une ambiance gothique du tonnerre), on se demande si le duo Anderson/O’Malley ne devrait pas, de temps en temps, prendre des vacances et goûter au joie du beach volley ou de la randonnée en raquettes -tout dépendra de leurs goûts à eux et de la saison en cours… Rendez-vous quand même pour le prochain album de Sunn.

jeudi 21 février 2008

Domestic Powerviolence

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Agoraphobic Nosebleed qui ralentit le rythme ? Ce n’est pas une mauvaise blague ? Et bien non, l’exemple récent du split avec Total Fucking Destruction en est la preuve et déjà le single A Clockwork Sodom/Tentacles Of Destruction paru courant 2007 démontrait un fort désir de passer à autre chose. Oui, mais quoi ? Et bien entre ces deux disques a été publié chez Relapse -le label habituel d’Agoraphobic Nosebleed- un curieux split album en compagnie d’Apartment 213 : Domestic Powerviolence. Encore un joli vinyle gerbex jaune avec des stries de vomis sanguin au milieu et emballé dans un artwork soigné en hommage à la journée internationale de la femme du 8 mars, décidément Relapse s’y connaît toujours autant pour trousser des objets cliniquement cruels sur fond de dérision cartoon et parfois gore.
Je n’ai à rien à dire d’intelligent et de lumineux sur Apartment 213 si ce n’est que ce groupe manifeste une fascination toute américaine pour le phénomène des serial killers, le nom du groupe est me semble t-il une référence au petit Jeffrey Dahmer, cannibale et homosexuel (rien à voir), un gros taré du ciboulot ayant officié pendant toutes les années 80 du côté du Milwaukee. Apartment 213 est également un titre de Macabre, autre groupe versant dans l’amour du meurtrier en série mais je crois qu’il n’y a strictement aucun rapport entre ces deux groupes. Je n’ai jamais compris et ne comprendrai certainement jamais ce goût immodéré pour la thématique du serial killer, franchement je connais mieux comme exutoire à ses propres tourments et penchants -tu parles d’un transfert que celui lié à une fascination morbide et, pour le coup, complaisante.
Apartment 213 est en fait un vieux groupe ayant sévi au milieu des années 90 et reformé depuis peu (2007 ?) : les vieilles légendes metal/hard core underground américaines devraient parfois savoir rester à l’état de cadavre putrescent tant la musique d’Apartment 213 -un peu de grind, beaucoup de hard core mid tempo- n’est qu’une collection de poncifs (le chanteur qui braille des gros fuck toutes les dix secondes sur le premier titre, sûrement pour faire croire qu’il a une grosse bite alors que je parierais qu’il a plutôt de gros tatouages), poncifs éternellement fatigants et pas seulement parce que déjà entendus cent mille fois. Marre de la testostérone et du viagra core. La voix du chanteur est particulièrement énervante, je l’ai déjà dit, et les titres sont un peu construits n’importe comment, notamment avec ces passages grind qui débaroulent sans crier gare au milieu d’un beau gros hard core bien trop mosh. Il y a c’est vrai ce petit truc à la guitare qui m’interpelle sur le quatrième titre (je crois) mais c’est tout. Et franchement cela ne fait vraiment pas assez.























Lorsqu’un split album permet de découvrir un nouveau groupe, c’est bien. Dans le cas de ce Domestic Powerviolence c’est donc totalement raté. Marche arrière toute et écoute de la première face, celle avec Agoraphobic Nosebleed, le groupe porteur comme on dit. Les trois titres enregistrés par le duo Scott Hull/J. Randall datent de 2006 et il n’y a aucune hésitation à avoir, ces gens manifestaient déjà la volonté d’aller voir ailleurs : pas ou presque pas de grind machine à l’horizon mais plutôt du gros lent qui tâche.
Unusual Cruelty débute par une programmation de boite à rythmes accompagnée de samples pour un vague effet indus et soudain le cauchemar est de retour, Randall parait bien enroué, pour ne pas dire englué -le temps de lire les notes sur la pochette et il faut se rendre à l’évidence, le chanteur d’Apartment 213 est sur la guest list. Il n’y a pas à dire, je déteste la voix de ce type, ce côté étouffé. C’est dommage parce que la musique me plait, surtout cette basse omniprésente qui fait tout le boulot, disons à 90%. Ejector Seat est à peu près dans la même veine, Steve 213 est malheureusement toujours là, c’est une catastrophe mais non je ne vais pas m’énerver pour si peu. Le titre s’achève sur des synthés qui donnent envie de brûler une église avec Lisa Gerrard enfermée à l’intérieur, je commence alors à mieux comprendre cette thématique/fascination du serial killer. Reste un Unwelcome Remarks dont le début trompe son monde, et oui ce titre aussi sera exécuté sur un rythme mesuré. Inutile de préciser que le chanteur de qui vous savez n’est toujours pas sorti du studio et qu’il ne suce toujours pas des pastilles de codétricine à la vitamine C.
Je regarde une dernière fois les illustrations de ce disque, surtout le dessin d’une blonde poussée dans un immense hachoir électrique par un bras viril et poilu. De la violence pour pas cher, un peu comme la musique de ce split qui se révèle très décevante. Finalement la couleur du vinyle me ferait plutôt penser à l’oeil chiasseux d’un hépatique durement frappé par de la conjonctivite.


mercredi 20 février 2008

Total Fucking Nosebleed

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Je ne vais pas épiloguer une fois de plus au sujet de la beauté supérieure du vinyle sur toute autre forme de support physique en matière de musique mais en fait, si, j’insiste : ce split single pressé par Bones Brigade et réunissant Agoraphobic Nosebleed avec Total Fucking Destruction est un pur délice de mauvais goût. L’illustration spéciale petit démon à grosse queue en skate de la mort est assez parfaite dans le genre. Mais le fin du fin est que cet artwork est réversible, la pochette est gatefold donc on peut mettre l’intérieur à l’extérieur et vice versa. L’intérieur c’est justement un truc dégueulasse concocté par ce grand malade de Jay Randall (la douce voix d’Agoraphobic Nosebleed), de belles photos d’arrachage de nez qui aurait très bien pu se retrouver comme illustrations d’un vieux disque d’Unsane.
Ce Noisegrind EP permet d'écouter des titres inédits des furieux d’ANb, ici en duo et peut être le seul groupe capable de tenir la dragée haute aux non moins furieux Total Fucking Destruction, même en trichant beaucoup puisque les premiers comme chacun sait fonctionnent avec boite à rythmes alors que les seconds ont dans leurs rangs le seul beat man digne de ce nom, c'est-à-dire le batteur Rick Hoax, également dans Brutal Truth. C’est la guerre des noms ridicules, c’est à celui qui en fera plus que l’autre, c’est la connerie qui n’a pas de limite et le grind core qui n’en a pas non plus (mais ça n’a strictement rien à voir).























Commençons par la face Agoraphobic Nosebleed, c’est un split single alors je fais ce que je veux avec. Le premier titre, Self Detonate, confirme les dernières intentions en date du groupe de ralentir fortement la cadence : ce n’est pas ce qui lui va le mieux, le résultat est même un peu longuet et chiant, il faut bien l’avouer et ce n’est pas la présence de Pete Ponitkoff de Benümb à la voix qui relève le niveau. Reste deux autres titres où ANb retrouve ses vieux réflexes mais, définitivement, cela manque de fun, de cette pointe de dérision carnassière et assassine dont le groupe savait pourtant faire preuve avec tellement de talent.
Je retourne la galette toute bleue, de ce bleu dont on fabrique les tupperwares à salade ou les bassines pour se laver les pieds, et c’est au tour de Total Fucking Destruction de faire parler la poudre. Et visiblement c’est de la bonne, bien chargée et pas trop coupée. Le premier titre est une sorte de rap metal avec un son de guitare synthétique horrible mais très drôle, la voix hache le propos d’une façon parodique tout à fait réjouissante tandis que la batterie tient un rythme à moitié syncopé (avec de monstrueux roulements de grosse caisse de temps à autres). Cela me fait un peu penser à Institutionalized, un vieux titre de Suicidal Tendencies, sur le premier album -et le seul à peu près valable- des californiens sauf que, contrairement à la bande de Mike Muir, Total Fucking Destruction ne fait pas ça du tout en se prenant au sérieux. Pour parfaire cet esprit punk/crust, le groupe enchaîne directement sur une reprise gravissime de Sid Vicious Was Innocent d’Exploited, formidable j’ai à nouveau treize ans et je saute à pieds joints sur le canapé du salon rien que pour emmerder mes parents sauf que là c’est mon canapé à moi et que ma progéniture me regarde d’un air interrogateur. Je remets directement cette face Total Fucking Destruction -champions du monde, les gars.

mardi 19 février 2008

Nadja / Bliss Torn From Emptiness

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Allez encore un petit pour la route et -c’est promis, croix de bois, croix de fer et mousse de bouche- ce sera le dernier avant la parution du nouvel album Desire In Uneasiness : Nadja (dont on parle décidément beaucoup ici) a encore réenregistré l’un de ses vieux disques pour le republier, c’est fois ci sur le label Profound Lore records, il s’appelle Bliss Torn From Emptiness et était au départ disponible chez Fargone records. La politique de reconstruction et de lifting des CDr du groupe toucherait ainsi à sa fin. Le pire est que, pour l’instant, aucune de ces rééditions ne s’est révélée inutile, si tant est bien sûr que l’on apprécie Nadja et son sludge/doom core atmosphérique.
Plus ça va et plus je me dis que Nadja doit énormément à Godflesh. C’est principalement flagrant sur tout le début de la deuxième partie de
Bliss Torn From Emptiness
(et oui, encore un disque de Nadja en forme de partition d’un ensemble mais c’est bien la seule caractéristique mathématique que l’on peut trouver à ce groupe), deuxième partie où la lourdeur abyssale des rythmes fait un concours de lancers francs de monolithes en granit avec une basse toujours aussi terriblement efficace. Il n’était pourtant pas évident d’apprécier sans conditions ce disque après la parution, fin 2007, de Radiance Of Shadows (déjà une réédition, etc…), précédent album qui pour l’instant peut faire figure de chef d’oeuvre incontournable et caractéristique de Nadja. Un disque qui plaçait la barre très haut, les comparaisons sont inévitables.
Mais allons-y : La première plage de
Bliss Torn From Emptiness
est particulièrement décevante, tout comme la fin de la deuxième, cet disque souffre assurément de baisses intenses de régime, les plans ambiants/indus sont longuets et déjà entendus, cela sent le remplissage et dire que la version initiale était plus courte… et bien il aurait peut être fallu la laisser telle quelle, éviter le délayage -même au white spirit. L’effet girouette est donc garanti avec ce disque, l’intérêt succède rapidement à l’ennui et inversement. La troisième partie avance doucement mais sûrement, le paroxysme devenant de plus en plus palpable même s’il semble toujours aussi éloigné. Le vide des minutes précédentes aura au moins préparé le terrain à cette longue tirade sludge un brin cafardeuse et qui va s’intensifiant -recette habituelle chez Nadja- pour se laisser dépasser par un capharnaüm indus qui prend progressivement et définitivement la main (un peu comme le final de Radiance Of Shadows, justement). Difficile à ce moment là de rester persuadé que les couches sonores qui s’empilent sont bien toujours de la guitare, même noyée sous une tonne d’effets. De bien belles dernières minutes, mais qui n’apportent rien de nouveau.

lundi 18 février 2008

Merrell, Baker & Jordan

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Aucune raison pour le branleur moyen de jeter une oreille, même distraite, sur Nagual, un CD publié par Archive recordings. Encore un disque de paysages électroniques ambiants où il ne se passe pas grand-chose, la terre qui copule avec le ciel ou l’inverse (je ne sais pas) pendant que le soleil se couche dans son coin et que le panos se diffuse plus rapidement dans le sang grâce à une bonne rasade de vodka glacée. Trip intérieur et recroquevillement en position foetale assurés. Promis demain je sors de mon lit et je prends une douche. Mais la curiosité est plus forte que le chat, même à l’heure de la sieste dans la chaleur d’un rayon de soleil : sur ce disque jouent un certain Todd Merrell ainsi que Patrick Jordan, ces deux là manipulent les ondes courtes, les transforment avec des petites machines dont le secret de l’utilisation m’est autant inconnu que le curriculum vitae des deux protagonistes. Deux ? Ah non, en fait il y en a un troisième, celui qui fait que ce disque se fraye un peu plus facilement que la moyenne un chemin vers les platines ou les ordinateurs domestiques : Aidan Baker, l’homme derrière Nadja est également de la partie, avec sa guitare toute trafiquée -à la fois le cauchemar revendiqué et le désir inavouable de tout guitar hero en pleine crise de mysticisme.
La photo de la pochette (une forêt avec un effet miroir) est plutôt réussie, merci monsieur Seldon Hunt, et elle a le mérite de servir d’avertissement à l’auditeur : mon petit gars tu vas en avoir du beau et du long dans les oreilles. Et c’est l’exacte vérité. Ces quatre titres évoluent majestueusement à la vitesse d’un escargot monégasque parti en pole position sur la croisette mais rattrapé par un troupeau de post rockeux en plein ralenti moteur. Les sons électroniques ne sont ni exaspérants ni perturbants, les guitares sont cristallines, s’il se met à pleuvoir ce n’est pas très grave parce que mon kway a une capuche et que j’ai mis mes bottes en caoutchouc, j’espère bien trouver quelques champignons au pied de ce bosquet pour mon omelette du soir.
Nagual
est gentiment prévisible, raisonnablement expérimental, correctement beau, doucement soporifique, parfaitement dispensable, subtilement atmosphérique, c’est de l’anti Whitehouse mais -malgré le côté musique pour sonars et ventilateurs parfois un peu trop poussé- ce disque apporte avec succès une réponse, pas très personnelle il est vrai, à la question de l’inutilité de la chose artistique comme palliatif à la vacuité de l’existence. Allez, encore un panos pour la route.

dimanche 17 février 2008

J'entends toujours les guitares

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Je me suis bien remis de la déception du concert de Lydia Lunch, merci. Par contre, je regrette encore d’avoir fait le mauvais choix : je ne suis pas allé au concert de Don Vito qui avait lieu le lendemain même (le mercredi 13) avec, qui plus est, deux premières parties locales de qualité -SoCRaTeS et The Rubiks- et d’après tout le bien que l’on m’en a raconté, je n’ai plus qu’à m’en mordre les doigts ou me faire fouetter en place publique. C’est qu’en plus, un bon concert de groupes à guitares, c’est exactement ce dont j’avais alors besoin -pas de guitares metal, post rock, post hard core, prépubère ou autres, non, de la guitare typée noise et sans graillon. Des piqûres d’aiguilles.
C’était bien sûr sans compter sur la venue, le vendredi 15, de Trumans Water : je sentais bien que j’allais enfin pouvoir obtenir ce que j’espérais, c'est-à-dire me faire laver l’intérieur des oreilles et le dessous du crâne par de la bonne six cordes plus équilibriste qu’haltérophile, dentellière et non pas bétonnière. Trumans Water fait parti de ces groupes américains du début des années 90, une époque où le génie et le talent étaient à chercher du côté de l’indie rock US à fortes consonances noisy et surtout pas dans la mélasse britpop alors fort en vogue. Trumans Water c’est encore un de ces groupes d’illustres inconnus, un groupe rare dans tous les sens du terme -d’une qualité jamais démentie et suffisamment dilettante pour que je ne réussisse à les voir en concert que toutes les deux (trois ?) années bissextiles.

















Pour cette tournée européenne, les gars de Portland ont emmené The Bugs dans leurs valises. Il s’agit d’un duo guitare/batterie qui, après un premier titre country très inquiétant pour la suite des évènements, se révèle pratiquer une musique garage pop avec une constance et un respect des canons à faire pâlir d’envie un académicien français bloqué sur la lettre Q. Détail amusant, les deux blondinets du groupe sont interchangeables, le binoclard abandonne sa guitare et le micro au bout de quelques titres pour s’installer derrière la batterie et inversement. Le changement sera effectué plusieurs fois pendant le set sans que cela n’empêche la bonne marche des évènements, The Bugs emballe son affaire sans prétention et avec efficacité, ça bouge et ça sourit dans le public clairsemé. Toutefois, c’est la premier formule qui fonctionne le mieux : le guitariste myope joue mieux que son petit camarade, surtout il se révèle un bien moins bon batteur donc lorsque les deux échangent leurs rôles, ce n’est pas toujours pour le meilleur. C’est amusant aussi de constater qu’ils ont un timbre de voix assez similaire, très aigu et nasillard.
Avant le début du concert, j’avais entendu dire que l’un de ces deux nerds jouait également dans Trumans Water mais comme je ne reconnais ni l’un ni l’autre j’opte un peu au hasard pour le porteur de lunettes mais sans trop savoir pourquoi, sûrement à cause de son air niais.


















Et bien je me suis trompé, c’est l’autre qui joue également dans Trumans Water, il y tient même la basse d’une façon discrète mais efficace, et oui il y a à nouveau un bassiste dans le groupe. Il y a aussi un énième nouveau batteur, qui se révèlera tout simplement fantastique. Les deux frères Branstetter -Kevin et Kirk- sont toujours aux commandes, après toutes ces années. Kevin parle très bien le français, puisqu’il habite ici depuis 1995 et il ne manquera pas d’en faire usage entre les titres -ça commence à sentir la transpiration ici, merci Kevin- pendant que les autres se lanceront dans des blagues à n’en plus finir, Trumans Water c’est le sens total de la décontraction.
De la décontraction mais pas du relâchement. Il y a deux types de morceaux de Trumans Water : ceux qui commencent directement avec leur sujet -rythmique punkoïde au taquet, guitares dissonantes et voix à côté de la plaque- avant de dévier dans un n’importe quoi apparent, de l’impro dont on ne sait pas où elle va mais que l’on suit avec bon cœur tellement c’est bon et toujours naturellement surprenant , et -type numéro deux- les titres qui naissent dans le bordel le plus total, on se demande alors si le groupe a encore réellement l’intention de jouer quelque chose, avant de prendre forme de façon plus ramassée et identifiable. Trumans Water est toujours à la hauteur de sa réputation, celle d’un groupe s’amusant constamment à niquer ses bases arrières, à saper ses fondements, à détruire l’équilibre de ses chansons, à partir en courant et à reculons dans la direction opposée juste pour que nous, public en transe, ne nous rendions pas compte qu’ils sont dans le bon sens. La fête.

vendredi 15 février 2008

Comme à la télé : Jean Michel Basquiat, Arto Lindsay, Tim Wright et Ikue Mori dans le film 'Downtown 81'





Le titre que joue DNA dans cette séquence n’est autre que Blonde Red Head, dans une version sensiblement différente de celle que l’on peut retrouver sur le EP A Taste Of DNA et compilé par la suite sur le CD DNA On DNA chez No More Records.


jeudi 14 février 2008

Rotten Sound / Cycles






















 


Cycles, le nouvel album des finlandais de Rotten Sound est resté intégralement en ligne pendant plusieurs semaines sur le site officiel du groupe, peut être même y est il encore. C’est Spinefarm, déjà responsable de la sortie de l’excellent Exit (2005) et du mini album Consume To Contaminate (2006), qui assure également celle de Cycles -et apparemment le label en attend beaucoup. Depuis quelques années, la recette pratiquée par Rotten Sound est toujours aussi simple : du grind core ultra produit -ici on n’est pas dans la cave où Napalm Death a enregistré la première face de Scum- avec un son plein de gras comme tout ce qui se fait du côté de la Scandinavie en matière de death metal. Que du très lourd. Du compact. De la poésie au hachoir électrique.
Grind core et death metal sont donc les deux mamelles de ces quatre trublions, ce en quoi ils ne font preuve d’aucune originalité mais ce n’est pas un reproche à leur faire puisque ceux-là bastonnent depuis 1993 déjà, ce qui fait d’eux quasiment des vétérans. Rotten Sound chercherait à occuper la place laissée vacante par Nasum que cela ne m’étonnerait pas -d’ailleurs l’album Exit tout comme son prédécesseur l’insurpassable Murderworks avaient été produits par Mieszko Talarczyk- et s’il y a de nombreux groupes à postuler au titre suprême, peu s’en sortent avec réussite. Entre autres, les amis et voisins suédois de Sayyadina ont récemment prouvé leur capacité à charger leur musique en metal sans en saper l’esprit crust et hard core. Mais c’est Rotten Sound qui avait ouvert la voie, le vautrage dans la précision technique et la froideur digitale en plus. Cycles est l’aboutissement de ce blindage en bonne et due forme, opération qui malheureusement présente quelques défauts et ratages.
Car à trop vouloir tout écraser sur son passage ce disque perd son centre de gravité, en fait il le descend tellement bas -parfois au ras des pâquerettes- que l’effet obtenu va à l’encontre de celui escompté : pesant au lieu d’être lourd, violent à la place de puissant et au final marqué par quelques passages sans aucune passion ni excitation. Le nouveau batteur (il occupe ce poste depuis le précédent mini album) est peut être le roi du blast, les guitares sont peut être carnassières -et d’ailleurs : j’aurais préféré un petit peu plus de basse- tout ceci ne finit par relever que de la caricature. Les passages trop ouvertement death sont les plus pénibles, tout comme les mid tempos (Castre System, Trust) qui lorgnent trop vers le power metal pour ados en pleine rébellion testostéronée. D’une manière générale, il y a beaucoup trop de titres sur Cycles qui démarrent à fond les ballons et s’achèvent dans des plans lents et insipides ou qui se retrouvent entrecoupés par des breaks inutilement compliqués et poseurs.
En fait -et malgré justement un final lourdaud- mon titre préféré est Blind, une courte poussée hard core/crust avec un solo de guitare ridicule, un titre comme Disfear a été incapable d’en faire sur son dernier album. Egalement au palmarès, Deceit est la vraie réussite formelle de Cycles, un titre à la fois crust, grind et technique, preuve que Rotten Sound était bien capable d’y arriver. Corponation et sa fausse simplicité linéaire ne sont pas mal non plus, surtout le chant moins aboyé et plus tordu/acide qu’à l’accoutumée.
C’est sûrement la limite du genre que de s’enfermer dans l’impasse de la technicité, de la production rigoureuse et des riffs au rendement, l’année dernière les suédois de Coldworker se sont largement fourvoyés dans cette voie. Moi je préfère les groupes qui prennent la direction opposée, celle de la boue, même si celle-ci est également une impasse -des groupes comme Regurgitate par exemple, des groupes qui n’apportent rien d’autre qu’un bon motif de défoulement crasseux.

mercredi 13 février 2008

Lydia Lunch et Pumice au Sonic

























Lydia Lunch, un concert pour les vieux organisé par des vieux et en ce mardi soir il y a affluence, j’en suis même légèrement épaté. A croire que dans cette ville il ne se passe jamais rien d’intéressant. Quelques corbeaux à cheveux longs et ongles noirs aussi, un petit peu d’anthropologie n’a jamais fait de mal à personne.
En attendant que Pumice s’installe pour son set, l’un des organisateurs du concert (branche canal historique) envoie dans la sono une compilation dont il a le secret, au passage je reconnais quelques balles comme les Detroit Cobras ou Hot Snakes -on n’est jamais assez punk n’est ce pas- et c’est finalement la bande son idéale pour les conversations habituelles qui vont bon train, quelques ragots qui me font mourir de rire circulent et j’apprends, outré, que je n’avais pas quitté le bar d’un centimètre lors du concert de Scorn la semaine précédente, franchement je devais me trouver dans un bien drôle d’état.


















Stefan Neville, le gars de Purnice, monte sur scène avec son sac à dos, il vient sûrement d’arriver d’une randonnée à la campagne. Il prend le temps d’enlever chaussures et chaussettes, il va jouer de sa batterie ultra minimale pieds nus mais je ne suis pas sûr qu’il agisse ainsi en hommage à Grant Hart. En fait il actionne la grosse caisse avec le pied droit et la caisse claire (couchée et munie d’un pédalier) du pied gauche. Il joue aussi d’une guitare minuscule -c’est un jouet ?- toute bricolée et toute rafistolée. Quelques pédales d’effet sont posées sur la grosse caisse. Il chante, mal mais on s’en fout, d’une voix hyper lointaine noyée dans de la reverb. Le son est bizarroïde, saturé et dégueulassé à point, il n’y a pas beaucoup de changements dans le dispositif par rapport à ce que j’avais pu deviner sur quelques vieilles photos, il n’y a pas non plus de différences notoires avec les disques sauf que cela ne me le fait pas. Le son est certes un peu faiblard -je suis devant la scène mais j’arrive quand même à entendre les conversations des poivrots au bar loin derrière moi- mais là n’est sûrement pas l’explication au manque de relief et d’attrait de la musique de Purmice sur scène. J’avoue que Stefan Neville a quand même eu du cran de jouer devant une salle pleine dont l’audience n’a jamais entendu parler de lui et s’est déplacée pour quelqu’un d’autre. Je décide moi aussi de rejoindre le bar lorsque Purmice entame un titre dont l’intro rythmée me conquiert mais c’est trop tard, je suis démotivé et ne rentrerai jamais dans ce concert.


















Un peu de mondanités, des cigarettes fumées à l’extérieur dans le froid et des bières pour se réchauffer. Les gens se sont massés devant la scène, il est évident que Lydia Lunch est très attendue. Je remarque un écran blanc dans le fond, il va donc aussi y avoir des projections. Le kit de Ian White est essentiellement composé de toms et d’une caisse claire. Tout le reste de la musique sera sur bandes. Mélanie Gautier, chargée de la traduction en direct des textes de Lydia Lunch s’installe sur la gauche et la reine de l’underground arrive à son tour, robe noire et sobre.
A priori le système de traduction est bien maîtrisé : Lydia Lunch et Mélanie Gautier alternent, la seconde ne traduisant d’ailleurs pas toujours l’intégralité des spoken words de la première. La musique est plutôt atmosphérique avec à l’occasion un fort accent jazzy et Lydia Lunch est assez forte pour lâcher ses mots de sa voix traînante et désormais plutôt grave (et oui on n’est plus à l’époque de Teenage Jesus). Malheureusement la traduction gâche un peu tout : je n’ai rien contre Mélanie Gautier, belle voix au demeurant et une certaine présence, mais les passages où Lydia Lunch parle seule sont les meilleurs. Le jeu de percussions de Ian White ne me convainc guère non plus, trop démonstratif et n’apportant pas grand chose, surtout pas de l’action ce qui est un comble.


















Le manque d’action c’est même ce qui fait cruellement défaut à cette performance. Il est heureux que Lydia Lunch ait abandonné les velléités musicales de son album Smoke In The Shadows (2004) et cet espèce de trip hop jazzy avec vocaux à moitié rapés mais la formule des spoken words mis en musique se révèle plate, sans émotion, sans conviction, éteinte. Il ne se passe toujours pas grand chose lorsque je quitte pour la deuxième fois de la soirée le devant de la scène pour aller me réfugier au fond de la salle où j’entends mieux ce qui se passe mais où, c’est certain aussi, je décroche complètement. J’essaie de me focaliser un peu sur les textes mais les histoires de sexe vaudou, de dépendance, de sang et de fantômes de Lydia Lunch ne m’intéressent pas plus que cela -s’il y a un quelconque message, du moins une impression à en tirer, je passe complètement à côté. Je sors carrément mais je n’ai pas longtemps à attendre avant de me rendre compte que c’est déjà fini et que tout le monde s’en va -peu ou pas d’intensité, timing maigrichon, je préfère penser que ce soir là c’était juste un jour sans pour Lydia Lunch.

mardi 12 février 2008

Blood Is Just Memory Without Language

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Gros morceau aujourd’hui avec la venue de Lydia Lunch. Blood Is Just Memory Without Language est le nom donné à cette performance. Sur scène il y aura également Ian White (batteur de Gallon Drunk) et Mélanie Gautier, chargée d’assurer live la traduction des textes de Lydia Lunch.

En première partie, du folk néo-zélandais (?) avec Pumice, aka Stefan Neville, entre Gastr Del Sol bouseux et bricolage lo-fi. Quelques beaux disques publiés -entre autres- sur Last Visible Dog.


lundi 11 février 2008

Yellow Swans & Birchville Cat Motel


Continuons un peu de parler de Birchville Cat Motel et plus précisément de l’album publié en commun avec les Yellow Swans en 2006 (sans titre et chez Important records). La première précision -et sûrement la plus essentielle- c’est que ce disque a été enregistré en Nouvelle Zélande pendant l’année 2005 : pas d’échanges de fichiers son via internet, du vrai bordel en commun, du kolkhoz bruitiste à trois en prise directe et sans les lenteurs inhérentes à l’éloignement géographique (même avec l’aide des nouvelles technologies…). Donc, pour une fois, il s’agit d’un vrai disque et pas d’un assemblage ou d'un remix de matériaux enregistrés séparément.
La deuxième précision d’importance concerne l’artwork qui reprend le type de visuels utilisés par Campbell Kneale pour son propre label, Celebrate Free Phenomenon : si ce n’est pas du papier peint pour pépés et mémés je me demande bien ce que cela peut être et effectivement le néo-zélandais est crédité comme Saint Maclou, le grand patron des frises à fleurs, dans les maigres notes intérieures. Enregistrement à domicile et responsabilité de la pochette pour Birchville Cat Motel, est ce que cela signifie que les Yellow Swans ont du se contenter de faire tapisserie ? En fait pas vraiment. Le premier titre, Terminal Saints, qui est le plus nuancé et le plus détaillé, porte la marque des productions solo de Campbell Kneale mais globalement ce sont les californiens Pete Swanson et Gabriel M. Saloman qui l’emportent haut la main -sur le deuxième et dernier titre Marble Carcass cela ne fait aucun doute.














 




Terminal Saints démarre assez bas au niveau du volume sonore et de l’échelle de densité : on a largement le temps de discerner et d’apprécier tous les sons, les plaintes métalliques comme des vieux rouages tout rouillés, les stridences, les modulations de larsens, les vagues parasitaires. Derrière il y a toujours un ou plusieurs détails d’un calme et d’un stabilité en complète opposition avec le reste : quelques notes de guitare au son clair par exemple ou des voix, fantomatiques mais pas réellement menaçantes, ce sont celles des deux Yellow Swans. Il y a une fréquence continue pendant toute cette première partie, on dirait presque un orgue dont une touche serait restée bloquée et dont le son serait saturé. Sans atteindre le degré de densité et d’occupation du terrain auditif habituel aux californiens, on est loin également de la respiration cosmique chère à Birchville Cat Motel : l’espace sonore est rempli et bien rempli. L’intervention d’une guitare -blindée de saturation cette fois ci- change la mise. On frise désormais le drone doomesque cher à Sunn et compagnie, mais en plus acidifié. Terminal Saints prend alors un virage plus incantatoire et torturé sans laisser plus de place à d’éventuelles aérations du propos. Un son cristallin entêtant vient toutefois rappeler que c’est bien en Nouvelle Zélande que ce disque a été enregistré.
Marble Carcass
démarre à blocs et ne sortira jamais de la zone rouge. C’est du lourd, du massif, du qui fait mal : la bonne vieille méthode harsh qui consiste à saturer les sens pour en faire ressortir des nuances harmoniques complètement insoupçonnées au départ. Un titre qui s’écoute très fort et qui plait forcément aux amateurs de CCCC/Hijo Kaidan et consort mais avec une différence de taille : on n’y décèle aucune trace de volonté d’autodestruction, tout nihilisme en est absent -faire du bruit est une question ludique, presque une plaisanterie, pas un manifeste.

dimanche 10 février 2008

Birchville Cat Motel


Je me suis réveillé l’autre jour, d’un bond et totalement fumace, en me disant que merde, j’avais complètement oublié le concert de Birchville Cat Motel. Pourtant je l’avais bien noté sur le petit calendrier qui me sert de pense-bête. J’étais absolument furieux. C’est en écoutant un split album (une collaboration plutôt) avec Fear Falls Burning publiée par Conspiracy records en 2007 que je me suis souvenu que j’avais quelque part un vieil album de Birchville Cat Motel, sur le label Corpus Hermeticum : We Count These Prayers (As They Are Recited). Un label néo-zélandais tout comme Campbell Kneale, l’unique membre de ce groupe. Une collection de gratouillis à la guitare et autres sonorités éparpillées tout à fait dans la lignée de ce qui se fait aux antipodes du côté de tous ces groupes de branleurs qui se shootent à la disto pas chère (Dead C, Gate, Grey Daturas) mais dans une version ambiant.
Depuis que je l’écoute -et cela fait déjà quelques mois- je n’arrive toujours pas à faire un sort au disque avec Fear Falls Burning. Il faudrait que j’arrive à trouver et à écouter un disque solo de ce dernier (en fait il s’agit encore d’un one man band) pour me rendre compte de ce qu’il fait. L’album de Fear Falls Burning avec Nadja, toujours chez Conspiracy, est lui tout à fait dans mes cordes et j’ai constaté que ce type -Dirk Serries pour les intimes- multipliait les collaborations mais sur ces disques en commun je ne l’entends pas, je ne sais pas ce qu’il fait. Est il capable de faire un enregistrement tout seul et que cela ressemble à quelque chose ? Sûrement que oui puisque de tels choses existent, tels que ce I’m One Of Those Monsters Numb With Grace chez Equation records. Jamais écouté.
Pour en revenir à Birchville Cat Motel, Campbell Kneale multiplie lui aussi les splits, projets, collaborations, publications, etc. S’en est même impressionnant et déconcertant. J’ai trouvé un album avec les formidables Yellow Swans et un autre en solo (mais avec la participation de Matthew Bower de Skullflower), le tout chez Important records. Deux disques qui ne ressemblent en rien à We Count These Prayers (As They Are Recited). Il y a aussi tous les albums et CDr publiés par Celebrate Psy Phenomenon, le propre label de Campbell Kneale. Quant au fameux concert que j’ai raté, il avait purement et simplement été annulé, tout comme le reste de la tournée de Birchville Cat Motel -motif invoqué : raisons familiales. Je me suis senti un peu moins con.



















Seventh Ruined Hex est un album miraculeux et aérien pour un truc prétendument bruitiste et casse neurones. Je ne vais pas dire que ça sent les beaux paysages et la nature ensoleillée mais -entre tous les bruits indéterminés, les fréquences désagréables, les rythmiques subliminales, les frottements de plaques continentales, les collisions d’astéroïdes, les guitares customisées au laminoir, les micro contacts dans la bouche, les grincements du quotidien- il y a énormément d’espace, de contournement, de fluidité, de mouvements. Là où un Merzbow, un Zibgniew Karkowski ou les potes de Yellow Swans jouent la carte du coup de poing, du monobloc et de l’écrasement, Birchville Cat Motel éclaire sa musique de l’intérieur, l’habite littéralement d’une sensibilité toute organique, extrait un supplément de vie des longs étalages ou des collisions sonores formant la matière des cinq longs titres de ce disque.
Cela me parait extravagant de penser que ce disque est reposant voire même apaisant mais c’est ainsi. Le volume d’une telle musique en conditions live doit être conséquent et impérieux… je regrette d’autant plus que ce concert n’ait pas eu lieu que j’imagine que l’expérience doit être franchement grandiose et non dénuée de beauté. En espérant donc que les nasty reasons de Campbell Kneale ne l’empêcheront pas à l’avenir de revenir en Europe.

samedi 9 février 2008

Michael Flower/Chris Corsano duo

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C’est en trouvant un LP du trio Wally Shoup/Chris Corsano/Paul Flaherty -Blank Check paru chez Tyyfus, ce disque est la suite d’un premier volume, Bounced Check chez Records (oui c’est bien le nom du label), et avec ces deux LPs on est assuré d’avoir l’intégralité d’un concert de free fulgurant- que je me suis remémoré l’album de Chris Corsano enregistré avec Michael Flower et publié par Textile records, The Radiant Mirror. Un disque consciencieusement laissé de côté pour cause d’ennui, peut être un peu trop habitué que je suis aux duos Flaherty/Corsano, ces deux là jouent tellement ensemble qu’ils ont d’ailleurs un site en commun. Une association qui ne m’a que rarement déçu, de la freeture incandescente, tout dans l’instantané, pas forcément beaucoup d’innovation mais toujours une musique rafraîchissante et bien menée, le même genre de satisfaction que l’on peut éprouver avec un énième groupe punk qui ramone encore et encore : l’absence de prétention et le plaisir absolu.













C’était donc l’occasion de me replonger dans le soporifique Radiant Mirror, jugement qui je m’en rends compte maintenant était hâtif et trop tranché, encore un disque qu’il faut savoir laisser mûrir. Pas la peine de présenter Chris Corsano, jeune batteur pas si désinvolte que ça et que tout le monde s’arrache, un goût vestimentaire plutôt douteux et une force de frappe plus axée sur les peaux que sur les cymbales, le roi de la caisse claire et des roulements de toms c’est lui. Son petit camarade m’est beaucoup moins connu, mis à part le fait qu’il participe au Vibracathedral Orchestra. C’est plutôt l’instrument dont il joue sur The radiant Mirror qui m’a interpellé : au début je pensais avoir affaire à une guitare électrique toute trafiquée, puis je lis dans le livret qu’il s’agit de japan banjo -de quoi ? Les Instants Chavirés où ce concert a été enregistré parlaient eux de shahi baaja c'est-à-dire de guitare électrique indienne. Va pour le shahi baaja, un instrument qui ressemblerait à ceci.
Le son développé par Michael Flower est assez étonnant. Il passe par une amplification qui lui donne un velours saturé qui après plusieurs écoutes ne me laissait pas sans interrogations. Où avais-je déjà entendu de telles stridences acidulées, ces pépites granuleuses sortant de la masse et explosant sur la longueur ? Je crois bien qu’il y a certaines similitudes entre ce son là et celui de Laddio Bolocko, l’album Strange Warmings et pour être précis le titre Y Toros. Alors, too fortiche Michael Flower ? Evidemment que non, s’il y a un génie dans cette histoire, c’est plutôt Drew St. Ivany qui, lorsque Laddio Bolocko existait encore, arrivait à l’occasion à faire sonner sa guitare comme un instrument indien bouffé de saturation ou je ne sais quoi.

Mais revenons à The Radiant Mirror : le son, qui possède un effet de strates spatialisées devait être impressionnant en concert mais les motifs de shahi baaja ressemblent à ce que tout occidental inculte se fait comme idée de la musique indienne, même s’il a eu un jour la chance de voir au cinéma de Le Salon de Musique de Satyajit Ray et -pire- ils accumulent assez facilement tous les poncifs exportés chez nous depuis que Georges Harrisson et Brian Jones ont vu la lumière. Il y a un effet traînant comme ça, plaisant et décontractant au début mais qui peut se révéler irritant à la longue, les couches s’empilent et se chevauchent, tout ça me parait un peu facile, j’ai un mauvais karma. La grosse curiosité du disque est -on aurait pu s’en douter- le jeu de Chris Corsano qui tente de suivre les ondulations concentriques de son camarade et y arrive sacrément bien. Il ne s’énerve qu’à de rares reprises, évite de tout donner d’un seul coup d’un seul, développe son jeu de peaux par palliers et renvoie Michael Flower pisser dans le Gange. Au bout d’un moment, on finit par ne plus écouter que lui, ses roulements, ses coups, reléguant la sauce indienne au rôle d’arrière plan.

vendredi 8 février 2008

Scorn au Sonic (07/02/2008)





Mick Harris va beaucoup mieux, merci pour lui. Trois mois après la venue de Scorn pour le Riddim Collision (festival, oserais-je le rappeler, organisé tous les ans par Jarring Effects et, au passage, 2008 en verra la dixième édition), le monstre est déjà de retour. Malgré une prestation plutôt courte la fois précédente et malgré le froid ce jour là au marché de gros -ni plus ni moins qu’une friche industrielle avec des bâtiments tout en longueur et en courants d’air- Mick Harris avait bien réchauffé tout le monde, chaloupé les esprits et donner des picotements dans les colonnes vertébrales. Sa venue au Sonic était donc le genre de date à marquer d’une croix rouge sur un calendrier de la poste, le bonhomme étant paraît il particulièrement motivé à l’idée de jouer sur une péniche.
Après une longue traversée du désert, un silence discographique inquiétant de cinq années et bien qu’il ait à la dernière minute annulé une session studio initialement prévue au mois de janvier avec John Zorn et Bill Laswell devant marquer la première réunion du Painkiller originel depuis des années, le bonhomme a retrouvé le sourire, peut à juste titre s’enorgueillir d’avoir publié en 2007 l’un des meilleurs albums de Scorn, s’est au passage retrouvé catapulté parrain d’une chapelle electro -le dubstep- alors qu’il n’en demandait sûrement pas tant (les joies du marketing je vous dis). Il s’est également remis à la batterie pour effectuer quelques dates avec Black Engine… alors que demande le peuple ? Un énorme concert de Scorn avec des basses sismiques et des rythmiques qui cisaillent, du down tempo industriel à s’en arracher les vertèbres et les cordes vocales.























La mauvaise nouvelle du début de soirée c’est que les subs ont pété dans l’après midi. L’équipe de Jarring Effects qui organise le concert est partie chercher du matériel de remplacement, il est impossible d’envisager un tel concert sans basses. Le public arrive petit à petit mais le timing est serré : la première formation commence alors que la salle se remplit. Je suis incapable de dire s’il s’agissait de Led Piperz ou de Flatmate, plusieurs personnes très bien intentionnées essayeront à plusieurs reprises de m’expliquer qui est qui fait quoi mais non je m’embrouille, je confonds et en plus j’ai décidé de ne faire aucun effort. Pourtant à plusieurs reprises je remarque qu’il y a du son, un passage bien dub couplé avec un bpm rapide en arrière plan me plait bien, j’ai presque envie de gigoter et je reprends un verre.
L’organisateur avait prévenu : Scorn jouera en milieu de programme et pendant une heure et demi. J’ai entendu parler de prestations qui s’étaient terminées par un gros final ambiant/drone electro, un peu ce que Mick Harris avait essayé de faire au Riddim Collision mais visiblement plus longuement, avec des nappes de son bien lourdes, dans la droite lignée de Lull. En attendant les réjouissances, placement obligatoire devant la scène mais pas trop, histoire de bien profiter de la puissance sonore.















 



Mick Harris a effectivement bien joué pendant une heure et demie. Comme avec l’âge j’ai une forte tendance à devenir complètement sourd, je n’ai pas trouvé le concert horriblement fort : de bonnes basses, des beats métalliques qui claquent, de la bidouille en direct bien amenée. Peut être l’effet de surprise en moins par rapport à la dernière fois puisque justement cette dernière fois est encore relativement récente. Mais je me suis fait avoir, comme beaucoup, par la construction du set. Le début est des plus minimalistes et dépouillés, tout se passe littéralement dans la rythmique, sèche, spartiate mais écrasante, ces coups d’enclume dans la tête et l’impossibilité cette fois de refuser de bouger. Vient le premier moment de bravoure -il y en aura plusieurs pendant le concert- avec une montée uniquement orchestrée à partir de sons aigus/médiums, même pas le temps de comprendre quoi que ce soit que rythme et basse ont repris le dessus. Un petit plantage plus loin, c’est un passage à la limite de Merzbow qui scotche. Le temps passe et je ne le sens pas, Mick Harris non plus apparemment puisqu’il vient de se lancer dans une nouvelle ascension dont il a le secret, quelques cris dans le public, Tit’o de Picore et Uzul Prod passe sur le côté de la scène pour faire signe à Mick Harris qu’il faut qu’il termine bientôt son set, encore une grosse poussée de Scorn et donc pas de final ambiant ce que finalement je ne regrette absolument pas. Une heure et demi de bonheur.


















Toutes ces émotions méritent bien un remontant. Deux gars s’installent derrière la console de son et des laptops, beaucoup de personnes sont déjà sorties pour s’engoudronner les trachées pulmonaires, un bon nombre d’entre elles ne reviendra pas ce qui fait que cette dernière partie jouera devant beaucoup moins de monde. Pour ma part je ne m’approcherai pas une seule fois de la scène, me contentant de constater de loin que toutes celles et ceux qui se sont amassés devant ont vraiment l’air d’aimer ça et de prendre du bon temps. Encore une fois la question se pose, Led Piperz ou Flatmat ? La réponse se perd à nouveau dans la conversation, ma stupidité assumée et ma surdité n’ayant fait qu’empirer au cours de la soirée. J’attends sans raison que la musique cesse, que tous les gens s’en aillent, que les derniers verres se vident et que même mon compagnon d’insouciance ne se décide lui aussi à partir. Demain ça va être dur.

dimanche 3 février 2008

Biosphere réédité par Beat Service

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A chaque fois que l’on évoque devant moi le nom de Biosphere je ne peux pas m’empêcher de rire en repensant à ce concert de Bel Canto -un groupe ersatz de Cocteau Twins en version new age- pendant lequel un type s’escrimait à jouer des percussions sur un genre de poteries tandis qu’une chanteuse vocalisait en chemise de nuit et qu’un deuxième type balançait des sons gentiment glaciaux -ce dernier n’était autre que Geir Jenssen, alias Biosphere.
Depuis ces débuts ridicules (mais ce n’était pas vraiment de sa faute, du moins s’en est il rendu compte très vite puisque il a quitté Bel Canto au bout du deuxième album) Geir Jenssen s’est lancé dans des projets nettement plus atmosphérique, a pratiqué le field recording et est devenu une référence de l’electro ambient, genre facilement ennuyeux mais dans lequel Biosphere a su tirer son épingle du jeu en insufflant toujours un soupçon de mouvement à des compositions qui réussissent à la fois à être imagées et froides -le garçon est norvégien je le sais mais je ne vais pas en profiter pour m’embarquer dans les habituelles métaphores pour décrire sa musique bien qu’il soit exact que des albums tels que Cirque (2000) possèdent fortement un goût de fjord (sans sucre ajouté), de permafrost et de banquise qui fond.




















Le label norvégien Beat Service vient de rééditer les premiers travaux de Jenssen sous le nom de Biosphere, à savoir Microgravity (1991), la bande originale du film Insomnia (1997) et surtout l’album Patashnik (1994), connu du grand public pour contenir le titre Novelty Waves ayant servi aux alentours de 1995 de support à un spot tv pour une marque de jeans tellement célèbre qu’elle fait coudre ses pantalons par des petites mains indiennes ou chinoises, le libéralisme est un exotisme ou quelque chose comme ça. Novelty Waves est un bel exemple de techno minimale du début des années 90, l’archétype du genre étant représenté par les trois premiers albums de Riou chez Kk records, avec toutefois un côté racoleur assez prononcé -la ligne de basse et sa pétomanie acide, les interventions mélodiques sans surprise, les cassures de rythmes qui relance la machine- et sans l’intransigeance ascétique qui transforme l’envie de danser en mécanique de hachoir.
Cet album, un peu trop marqué par son temps donc, n’échappe pas aux sonorités désuètes (Patashnik) ou à l’utilisation abusive des samples de voix et ce sur quasiment tous les titres, façon musique industrielle sans imagination. Par contre il préfigure un peu les ambitions futures de Geir Jenssen : rythmes ralentis voire cotonneux et dub (The Shield), tentatives d’épure des compositions, prismes sonores déformants (Botanical Dimensions et le très bon Caboose avec ce bourdonnement de basse). Mais il retombe bien vite dans le kitsch electro et la musique d’ambiance pour voyage en voiture de luxe (Seti Project). Au final, et malgré les gratouillis de guitare de En-Transe, c’est l’aspect sautillard et dancefloor intello dont on se souvient le plus, pas l’esthétique de la nature des travaux suivants de Biosphere, ni les mouvements pendulaires cryogènés pour amateurs de tisane en mal de sensations lysergiques.


samedi 2 février 2008

Double Nelson / Pousser La Voiture

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Sur la pochette du Grand Cornet -peut être bien l’album de Double Nelson que je préfère- on voit cette drôle de caverne éclairée de l’intérieur, il se pourrait aussi que ce soit la bouche d’un poisson géant, et on n’a qu’une seule envie, c’est d’y pénétrer au plus vite, de quitter cet environnement extérieur tout noir, quitte à prendre le risque de croiser dedans ces drôles de bestioles qui foisonnent toujours dans les artworks du groupe, et ce depuis le début : reptiles trisomiques, mollusques enguirlandés, robots suceurs de cailloux. C’est qu’un disque de Double Nelson est toujours à la fois tordu, azimuté, d’apparence bordélique et en même temps on s’y sent bien, c’est accueillant, confortable, rigolo (ça donne même franchement envie de rire) et on se dit en fin de compte que toutes ces bestioles sont terriblement humaines, que le déviant est dans le droit chemin, que le mutant porte ses boutons purulents sur la gueule comme autant de signes d’intelligence, qu’il y a une façon de concevoir de la musique barrée sans tomber dans la chianteur, qu’il y a moyen d’être joyeux, en tout cas fantaisiste, sans passer pour un décérébré festif et que ce secret musical s’appelle Double Nelson. Avec Pousser La Voiture le duo en est -si j’ai bien compté- à son septième album, un disque enregistré par eux-mêmes pour tous ceux qui le veulent et distribué à la demande, il ne faut absolument pas hésiter, si ces deux là tardent à répondre c’est uniquement qu’ils sont très occupés ailleurs. C’est comme ça que j’ai pu jeter une oreille sur ce disque -en même temps que sur celui d’avant, The So Sorry Spaceman, The So Sick Spaceman And The Noisy Shadow VS. Double Nelson (2003) à côté duquel j’étais complètement passé.




















A l’intérieur du boitier il est écrit © 2006 mais le site du groupe annonce une parution datant de 2007… quoiqu’il en soit, Double Nelson sait prendre son temps -même si quelque chose me dit qu’ils n’ont pas eu trop le choix- et question musique Pousser La Voiture ne déroge pas à la règle de ses prédécesseurs : toujours ces basses aquatiques en apnée, les rythmes bricorigolos, du funk rachitique et indansable, des samples incroyables dont on n’est jamais sûr qu’ils n’ont pas été inventés de toutes pièces, de la guitare au son lyophilisé, des synthés en plastic, des textes dadaïstes, Love Me tender qui revient plusieurs fois sous différentes formes, des fourmis carbonisées, un son finalement inimitable mais reconnaissable entre tous, hors temps, hors norme, hors champs bien que terriblement incrusté par la réalité contemporaine -une sorte de croisement entre un Captain Beefheart anisé et je ne sais quel bande de bidouilleurs électronisés (pas DAT Politics, un truc beaucoup plus signifiant). Un disque élégamment foutraque et salement jouissif, encore une fois mille bravos.

[La page média du site de Double Nelson est plus que très fournie mais semble hors service à l’heure actuelle, dommage. Un peu de son ici.]