vendredi 29 février 2008

Agathe Max vs David Daniell

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J’allais un peu exagérer en racontant qu’il n’y a pas de mois sans qu’Agathe Max n’apparaisse dans la programmation du Sonic… Bon, c’est vrai, j’en rajoute, le concert de mercredi soir a seulement été le troisième depuis le mois de septembre. Mais je ne m’en lasse pas. Toujours de belles surprises. A mon goût, pas assez de gens se sont déplacés pour une affiche alléchante également composée de David Daniell (un musicien américain figurant au catalogue du très élégant et très racé label Table Of The Elements) et dont je n’ai jamais écouté les disques solo mais qui fait aussi partie d’un excellent trio, San Agustin, découvert il y a quelques années en arrière lors d’un concert au Pezner -au passage on peut retrouver un bout de la musique jouée ce soir là sur ce disque, juste cet éternel regret que les gens du label aient choisi un extrait un peu fade et peu représentatif du talent de San Agustin mais les disques du groupe étant rares, on est bien obligé de se contenter de ce que l’on a. En ce qui concerne David Daniell, je ne sais pas trop à quoi m’attendre, un solo de guitare-bidouille et après tout on verra bien.























Comme pas mal de personnes je suis (re)venu pour (re)voir Agathe Max. Son installation est toujours aussi minimale : son violon sonorisé et trois pédales d’effet qui lui servent à modifier ou à mettre en boucle ses sons. Une fois de plus je suis complètement bluffé par la musique qu’elle arrive à sortir de son instrument. Avec, qui plus est, cette surprise d’un premier titre plutôt calme, plein de retenue, sinuant doucement, des boucles installées délicatement, des mélodies aériennes, des effets angéliques, je n’en peux plus et suis complètement charmé. Le deuxième titre joué renoue avec ce côté tellurique que peut avoir la musique d’Agathe Max, un titre jouant sur les cassures, le fracas, les effondrements, les montées en flèche, les surimpressions et les débordements -c’est peu dire que je n’en peux encore moins que tout à l’heure et que pourtant j’en demande.
Encore ? Elle annonce un dernier petit morceau qui en fait sera le plus beau de la soirée et peut être même aussi le plus long. Je suis incapable de répondre à cette question toute simple : est ce qu’Agathe Max improvise totalement ou joue t-elle des compositions ? Ce troisième titre pourrait répondre à cette interrogation, je jurerais l’avoir déjà entendu, cette intro subtile, le thème récurrent, mais je m’y perds rapidement, retrouve quelques points de repères qui s’effacent aussitôt. Et, après tout, qu’importe, c’est tout simplement magnifique et incroyable de richesse harmonique. Agathe Max annonce David Daniell, sa prestation est terminée, mais je sais déjà qu’elle reviendra le 31 mai pour un concert en compagnie de Carla Bozulich et Abronzius. Ouf.






















Je me dis que cela ne va pas être facile pour l’américain de passer après la petite lyonnaise. J’aurais préféré me tromper. A comparer, son dispositif à lui est ultra élaboré : plein de pédales, des racks, des accessoires, une chaise et une Gibson SG noire (encore un instrument qui m’a toujours impressionné). Le début du set est totalement réfrigérant, le son de guitare, clair, lorgne du côté d’une sorte de folk expérimental et aérien. C’est froid et sans passion. La musique évolue vers quelque chose de plus magmatique, David Daniel n’arrête pas d’appuyer sur ses grosses pédales et c’est rigolo, on dirait qu’il fait du pédalo mais cela lui sert surtout à générer des sons délivrant plus d’intensité à défaut d’intérêt. Je continue de m’ennuyer. C’est bien fait, presque trop joli mais cela reste ultra lisse et propre, où sont les harmoniques ? Déception. Tous les gadgets électroniques de David Daniell ne lui permettent pas d’atteindre ne serait ce que la moitié du degré d’intensité et d’émotion atteint précédemment par Agathe Max.
En sortant de la salle la prestation de l’américain est déjà oubliée. Preuve s’il en est que les artistes publiés par Table Of The Elements ne sont pas tous de la trempe d’un Tony Conrad ou d’un Rhys Chatham -autre exemple et pour en revenir au concert de San Agustin : ce soir là ils avaient joué avec leurs collègues Presocratics, un affreux groupe expérimental folkeux indus et marxiste- et je me fais cette réflexion qu’Agathe Max, elle, serait par contre parfaitement à sa place sur le label américain. Cela tombe bien, elle vient d’enregistrer quelque chose dans un studio et il ne lui manque qu’une maison de disques pour la publier, un tourneur pour la faire voyager. C’est tout ce qu’elle mérite.