dimanche 30 mars 2008

Go Away White


Qui, après tant d’années, écoute encore ses vieux albums de Bauhaus ? Je veux dire : pas le live Press The Eject And Give The Tape mais bien l’un des quatre albums studio du groupe ? Ou alors le double LP Swing The Heartache qui regroupe toutes les BBC sessions ? Il doit bien y avoir du monde qui le fait, puisque Bauhaus a encore un public et a eu l’insigne honneur (avec un gros cachet) de figurer à l’affiche 2005 du festival Coachella avec le succès que l’on sait et surtout une tournée mondiale à la clef (un passage à Paris en février 2006…).
Depuis tous ces concerts, le groupe s’est à nouveau engueulé, Peter Murphy est parti bouder dans son coin, a annoncé un nouvel album solo peut être suivi d’une tournée tandis que ses trois camarades ont eux reformé Love And Rockets, le groupe qui pendant des années a servi de palliatif à beaucoup de personnes en état de manque. Avant cette énième séparation -annoncée une fois de plus comme définitive- Bauhaus a eu le temps d’enregistrer un album intitulé Go Away White paru à titre posthume au début de mois de mars. Le groupe fait partie de ces rares exemples de reformation à être allé jusqu’au bout d’une logique artistique et à l’assumer. Un disque donc. Mais pour quoi faire ? Qui écoute encore les vieux albums de Bauhaus ? Qui va écouter le nouveau ? Moi, par exemple.




















Ce disque a prétendument été enregistré pendant une période féconde (sic) et d’intense créativité (re-sic), refléterait un aspect immédiat et direct de la musique de Bauhaus. Un disque composé puis enregistré sur une si petite période ? Un disque de vieux punks qui veulent éjaculer sans se poser plus de questions ? C’est en partie vrai mais pas seulement : l’écoute de Go Away White dévoile quelques overdubs et un peu de post production qui viennent atténuer le mythe de l’album poussée de fièvre. Un bon album, finalement, si on aime le groupe. Dans le cas contraire, il vaut mieux passer son chemin.
Il n’y a rien de déshonorant ici, quelques erreurs sûrement, mais pas d’égarements. Bauhaus fait du Bauhaus c'est-à-dire du glam groovy dopé au gothique et avec du khôl autour des refrains. Too Much 21st Century est un début un peu timide pour un disque ultime mais le bien nommé Adrenalin et son piano stoogien donne envie de danser comme le corbeau moyen, les pieds statiques et avec de grands mouvements de bras. Et ça continue : Undone, malgré une ligne de chant un peu étrange au départ et des synthés un peu trop envahissants, renoue avec les lignes de basses dub de David J. International Bullet Proof Talent est du genre brûlot glam avec un Peter Murphy impérial dans son imitation de lui-même en train d’imiter David Bowie. Endless Summer Of The Damned par contre ronronne un peu, on pouvait s’attendre à mieux surtout que Kevin Askins y joue de ces roulements qui dans le passé avaient un peu été sa marque de fabrique.
A partir du très beau Saved, on commence à se dire que Bauhaus a bel et bien réussi sa sortie : enfin du saxophone de la part de Daniel Ash et un fabuleux lyrisme de la part d’un Peter Murphy plus précieux que jamais. Mirror Remains est le titre le plus typiquement Bauhaus de Go Away White avec ce son de guitare de Daniel Ash qui vrille tandis que Peter Murphy n’en peut vraiment plus. Black Stone Heart, de facture classique, confirme que cette deuxième moitié d’album est bien meilleure que la première alors que The Dog’s A Vapour s’impose comme la pièce maîtresse du disque, avec ce final emphatique à la guitare mi plaintive mi déchirante. Zikir, en pente douce, pose cette dernière question avant la fin : Loves Me/Loves Me Not ? Ben voyons. On attend une reformation pour 2010 et un sixième album en 2015, sans déconner.