vendredi 18 avril 2008

Un temps de chien, deux flics et un concert


Un concert qui tourne autour de l’unique association basse/batterie, sans aucune guitare, pourquoi pas ? Initialement il était prévu Chick Peas de Lyon, Gâtechien d’Angoulême et Bear Claw de Chicago. Chercher l’erreur. L’erreur c’est Gâtechien qui a annulé pour je ne sais quelle raison et qui donc ne sera pas là. Une annulation faite suffisamment de temps à l’avance pour que tout le monde soit au courant mais je ne crois pas que la très faible affluence de ce jeudi soir puisse s’expliquer uniquement par la désaffection du duo qui jouit d’une très bonne réputation en concert par ailleurs. Non, il s’est mis à pleuvoir des cordes en début de soirée, il va pleuvoir toute la nuit, le lyonnais le sait bien et le lyonnais n’est pas toujours très courageux (au moins autant qu’un supporter du PSG mais ça c’est pas bien dur). Je suis venu pour voir Bear Claw, alléché par leurs deux albums pleins de tension made in Chicago et avec une pointe d’emo à la Washington DC -le vrai emo, celui de Fugazi en tête, pas les niaiseries à la Engine Down.
Je fume sous la pluie et sur la terrasse de la péniche où le Sonic a élu domicile. Un américain m’adresse la parole, il ne sait pas à qui il a affaire le gars, le roi du yaourt recraché avec une patate dans la gueule c’est moi mais il a l’air de comprendre mes réponses alors la conversation s’engage. Je suis certain qu’il fait partie de Bear Claw et il m’explique qu’il a voyagé toute la journée sous la pluie et qu’il en a un peu marre. Je compatis (mollement), conscient toutefois qu’avec le temps les gens ne viendront pas assister au concert. Bear Claw, malgré de très bonnes critiques, n’est pas un groupe assez connu.
























C’est donc Chick Peas qui attaque en premier, l’attitude désinvolte de ces trois garçons est pleine d’humour et de décontraction, genre on est quand même là pour bien rigoler. Le groupe se compose d’un batteur, d’une première basse qui joue plutôt les gardes-barrière et d’une seconde basse qui elle assure le boulot question accroches et hameçons. Le deuxième bassiste chante également mais pas trop, certains titres sont totalement instrumentaux.
Dans un premier temps la musique du groupe est entraînante, puissante et carrée (ce qu’elle restera toujours plus ou moins) mais passés les premiers titres, la lassitude s’installe. Les Chick Peas ont trop tendance à resservir les mêmes schémas, le batteur frappe toujours aussi fort et comme un furieux sur la même cymbale, des breaks comme il faut, là où il faut. Le groupe fonctionne à l’énergie et vu que le public ne lui en donne pas beaucoup (malgré les blagues et les apostrophes du chanteur), cela ne fonctionne pas. La trentaine de personnes présentes assistent froidement et de loin à une agitation dont elles ont l’air de penser qu’elle ne les concerne pas. Avec plus de monde, plus d’enthousiasme et plus de booze, le concert aurait très certainement décollé bien davantage.
Le groupe quitte la scène après un dernier titre joué à même le sol, devant la scène, c’est qu’il y a de la place, avant de regretter l’absence de Gâtechien. Je cours immédiatement m’installer au bar pour me transformer en vache à bière et attendre que Bear Claw investisse la scène.






















Et les gars de Chicago ne vont pas y aller de main morte : ils ont débarqué en Europe (pour leur première tournée ici) avec deux tonnes de matériel, quinze amplis, une batterie complète, un chauffeur et un roadie/homme à tout faire, en fait l’américain avec qui j’avais papoté en début de concert et que j’avais pris pour un membre du groupe. Autant dire une sacrée organisation -en résumé : cinq personnes mais seulement trois musiciens- pour une formation qui n’amène pas tant de monde que ça, on en a vu des beaucoup plus connus venant jouer en Europe les mains dans les poches ou presque et en empruntant le matériel des groupes locaux de première partie. Une vraie débauche de moyens.
C’est frappant comme les petits gars de Bear Claw ont l’air jeune. Le bassiste de gauche, celui qui se spécialise dans la rythmique shellac-quienne à l’air d’un ado mal dans sa peau avec sa mèche de cheveux qui lui tombe devant les yeux. Le batteur est au moins deux fois aussi gros que tous ses petits camarades réunis (roadie et chauffeur compris). Le deuxième bassiste semble assez lointain, c’est lui qui va se charger de pulser la musique de Bear Claw avec un jeu impressionnant de savoir-faire, aidé par une basse cinq cordes.
Le set démarre et je reconnais plusieurs titres du dernier album en date, Slow Speed : Deep Owls, mais avec un son d’une puissance et d’une âpreté évoquant plutôt le premier album. Surtout, la rythmique est formidable, typiquement de l’école de Chicago (Rapeman/Jesus Lizard/Shellac) avec ce sens parfait de la métronomie qui ne laisse aucune chance. Les voix sont le seul point faible de Bear Claw, c’est la batteur qui assure le chant le plus évidemment héritier des groupes de Washington déjà évoqués, le guitariste de droite est un braillard parfois maladroit.



















Au bout d’une petite demi heure le trio semble avoir atteint sa vitesse de croisière, entamant un titre sur lequel le bassiste rythmique (à gauche donc) se fait visiblement terriblement plaisir en articulant une ligne de basse diaboliquement construite et imparable, le concert devient vraiment très bon mais malheureusement -et bien que je ne m’en doute pas- il approche de sa fin : encore deux titres et Bear Claw s’arrête, il n’y aura pas de rappel, le bassiste de droite prétextant qu’il n’arrive plus à chanter. Sur le moment c’est assez frustrant. Il est encore très tôt, à peine onze heures et demi.
L’une des personnes s’occupant du Sonic me demande alors si je les ai vus. Qui ça ? Explication de ce qui s’est passé pendant la prestation de Bear Claw : deux policiers en civil ont débarqué, pas vraiment menaçants (j’ai encore en mémoire cette première descente opérée lors d’un concert de Café Flesh, neuf flics et une attitude comme s’ils étaient dans le repère de dangereux malfaiteurs), avec cette petite intention de faire remarquer pour la énième fois que le Sonic ne respecte pas les normes en matière de sonorisation -en particulier la salle ne possède pas encore de limiteur, coût de son éventuelle installation : 3000 euros. Même si les problèmes d’affichages sont partiellement résolus, mais on en reparlera, la pression continue donc contre la salle lyonnaise. L’originalité et l’indépendance d’esprit ne sont décidément pas bien vues dans cette ville.