jeudi 29 mai 2008

Heavy Metal Thunder


Un concert le lundi, quelle idée. Evidemment : cela restera toujours la meilleure façon de débuter ce qui s’annonce être une bonne grosse semaine de merde et ce sera au passage ma seule incursion du mois dans le monde farouche et sauvage du heavy metal. OK, je suis venu pour Black Cobra (comment pourrait il en être autrement?) mais je reste assez curieux de découvrir ce que peut donner Saviours sur une scène. L’écoute des disques du gang californiens ne m’a pas emballé plus que ça. Et je ne parle pas de la réputation ni des commentaires on ne peut plus désobligeants qui circulent à propos du groupe. Faut il vraiment être un fanatique de W.A.S.P. ou de Mötley Crüe pour apprécier la poésie cloutée enrichie en plomb de ces bikers chevelus et tatoués ? Et bien non, comme la suite le prouvera. Seule concession aux râleurs et aux obsédés de l’orthodoxie : le heavy rock de Saviours est rempli jusqu’à la gueule de guitares qui font plein de notes et qui se la pètent -mais ça, ça fait partie du grand spectacle.























Je suis assez surpris d’apprendre qu’il y a également un troisième groupe, je n’ai après tout qu’à prendre la peine de lire les messages que l’on m’envoie et surtout apprendre à lire les flyers cryptiques, tout ça c’est de ma faute. Bref, ce troisième groupe s’appelle Maïno et est composé de quatre garçons. Ils sont jeunes et beaux et comme beaucoup des beaux et jeunes gens que l’on croise de nos jours ils pratiquent un genre de post hard core. Le leur est purement instrumental et à tiroirs, avec de bonnes montées, des explosions, des passages aériens, tout le catalogue. Ils ont appris à jouer (le bassiste bluffe bien avec sa six cordes) et démontrent une certaine ambition -musicale, j’entends. Je n’ai aucune envie d’écouter ce genre de musique aujourd’hui, c’est bientôt l’été et je me sentirais presque d’humeur tropicale, mais je me laisse aller sur les deux ou trois premiers titres qui me semblent contenir de bonnes idées. Mais, paradoxalement, le manque de diversité entre les compositions qui tendent un peu trop à toutes se ressembler et la trop grande longueur de celles-ci (prog not dead) ont raison d’une patience bien émoussée. Alors je fais machine arrière pour assister à la fin du concert du fond de la salle mais je ne sors pas, ce soir j’ai décidé de me comporter comme un garçon bien élevé. En guise de conclusion et à ma grande surprise -qu’est ce que je peux détester avoir tort- la musique de Maïno est pleine de promesses et d’ailleurs l’écoute des titres que le groupe a mis en ligne est agréablement convaincante.


















Gros changement de matériel entre les groupes, notamment changement du kit complet de batterie ce qui dans une salle aussi petite que le Sonic n’est pas forcément très pratique mais vu qu’il n’y a pas grand monde ce soir (quarante entrée payante dont une fois de plus quelques stéphanois venus en pèlerinage au vrai pays du football) l’opération se fait sans douleur et rapidement. La bande de chevelus qui composent Saviours s’installe, l’occasion pour les moqueurs de ricaner des t-shirts du bassiste/chanteur (Alice Cooper) et de l’un des guitaristes (Metallica). Un rapide line check, le groupe n’a pas fait de balances avant et à ce que l’on raconte son sonorisateur dort comme une masse dans la camion, épuisé par une précédente nuit blanche très agitée.























Impossible d’empêcher son cul de se mettre à bouger tout seul lorsque le groupe démarre son premier titre. Saviours joue très fort -ça on s’en doutait un peu- mais surtout nos quatre barbares ont le chic pour remettre au goût du jour les vieux riffs heavy metal, agrémentés à la sauce punk, mélange casse-gueule sur le papier (et sur les disques, comme on l’a dit). Tempos virils, guitares doublées, soli avec plein de doigts dedans -ça c’est pour le côté metal. Mais c’est joué à la bourrinade échevelée, le batteur est assurément un spécialiste et c’est implacable : à plusieurs reprises on croirait entendre du très vieux Maiden -époque Killers- joué par Motörhead. Quelques rares passages à la double caisse suffisent également à mon bonheur. On est vraiment peu de chose.
La sueur coule à flots sur les caisses des guitares, à chaque pause c’est bière pour tout le monde puis c’est le retour du gras et du lourd, du grand jubilatoire. Les quelques personnes du public convaincues par Saviours continuent de se balancer en rythme et à headbanger, un unique moment d’euphorie. Le groupe ose le titre instrumental pour, nous explique le bassiste, lui permettre de reposer sa beautiful voice -c’est vrai qu’il chante n’importe comment- et Saviours repart dans un final incroyable, encore les guitares en doublé, encore ces breaks plus lents pendant lesquels le guitariste de droite puis celui de gauche ont tout loisir de se tricoter une cotte de mailles pour l’hiver prochain. L’équation est toute simple et sans inconnue : Saviours = un vrai groupe de losers magnifiques.






















 Après autant de plaisir furieux, on était honnêtement en droit de se demander si cela n’allait pas être difficile pour Black Cobra de faire impression. C’était bien mal connaître le duo de San Francisco : comparé à Saviours, les deux Black Cobra ont peut être l’air de gamins mais ils vont exécuter un set d’une intensité et d’une violence tout bonnement incroyables.
Le batteur a déjà enlevé son t-shirt et se retrouve torse nu que le concert n’a pas commencé. Il va effectivement faire très chaud : Black Cobra a décidé de rentrer immédiatement dans le vif du sujet et ne voudra jamais en ressortir. Le sludge du groupe prend ses aises hard core, le guitariste aligne des riffs sévèrement monstrueux tandis que le batteur percute en rafales. Il faudra juste un tout petit temps d’adaptation pour se faire au (relatif) dépouillement de la musique de Black Cobra après la luxuriance (assumée) de Saviours : le temps en fait de se rendre compte que l’on est plus là pour rigoler. Saviours donnait complètement envie de bouger alors que Black Cobra méduse tout le monde sur place -bon c’est vrai : il y a des amateurs complètement électrisés qui commencent à s’agiter dans le public mais pas moi- avec sa furie grandissante, impériale mais complètement maîtrisée. Ce n’est pas comme si les deux lâchaient les chiens et attendaient de voir ce qui se passe ensuite : leur effort sera soutenu, s’amplifiera, les parties lentes et (très) lourdes donneront le tournis, les accélérations -dont une intro à la limite du grind- donneront encore plus cette impression de spirale infernale.



















Black Cobra enchaîne, la tonalité générale est à la rapidité, pas de temps à perdre, les quelques rares pauses entre les titres sont comblées par des boucles. Le guitariste ne se réaccorde pas, il a ce son typique et bloqué dans les graves, énorme encore une fois. Finalement, tout au long du set -court mais on s’en contentera vu l’intensité de la chose- c’est la lourdeur oppressante, limite glauque, qui primera mais dans une version maelstrom implacable. Aucune concession aux fioritures ni aux enluminures, une impression assez semblable à celle qu’avait pu me laisser Unsane la première fois que j’avais vu les new-yorkais (aux alentours de l’album Total Destruction) au millénaire précédent. Une très bonne expérience extrême et prenante. Ne ratez pas Black Cobra le jour où le groupe passera près de chez vous.