mardi 21 octobre 2008

La fête à Doppler
























Lorsque je regarde sur une carte, aller à Oullins n’est pas plus loin que d’aller au Grrrnd Zero de Vaise. Oullins : jolie petite ville du sud de Lyon, sa municipalité UMP, sa grande rue pleine de commerces florissants, son centre culturel qui fait prout (le Théâtre de la Renaissance) et sa MJC. A un détail près, je me croirais dans mon quartier de bourgeois catholiques, le détail c’est justement cette MJC et l’organisation de concerts -prenant le nom de Musique à l’Ouest dans les années 80- où j’ai pu assister à deux ou trois trucs qui maintenant me feraient passer pour un préretraité, dans le désordre : Alto Bruit, Resistance, Mano Negra (si si) ou les Deity Guns avec Treponem Pal. Depuis une bonne paire d’année l’activité purement musicale du lieu est regroupée sous l’appellation de Clacson.
C’est là que les trois Doppler ont décidé de fêter la sortie de leur deuxième album, le puissant et magnifique Songs To Defy disponible depuis la mi-septembre grâce à S.K. records. Le groupe en a profité pour inviter quelques amis, les rémois de 37500 Yens et les vieux routards de Ned -faut il rappeler que S.K. est le label maison de Ned et que c’est sur celui-ci qu’a été publié un split single en compagnie de Doppler en 2001, le début d’une longue histoire ? Ce concert s’annonce sous les meilleures auspices, il n’y a plus qu’à y aller, c'est-à-dire descendre le long des quais de la Saône en longeant deux ou trois vieilles propriétés tellement immenses que je saurais bien me contenter de la maison du gardien.
























Les deux 37500 Yens commencent devant un public clairsemé, tout le monde n’est pas encore arrivé, les autres s’en foutent peut être et ce sera tant pis pour eux ! Dès les premières notes la magie du groupe opère : musique instrumentale décomplexée mais surtout décomplexifiée, la classification math rock colle décidément très mal au duo qui préfère d’ailleurs l’appellation de hard core/ambient ce qui est assez bien vu. Tout se passe au niveau des atmosphères, alternances de moments chargés de plomb et d’épines noise et de passages atmosphériques (mais jamais niais) vite balayés par un réel sens de l’énergie. C’est la deuxième fois que je vois ces garçons, lors de la première il n’y avait eu personne -vive les concerts du dimanche soir- et c’est devant une audience grandissante et acquise au fur et à mesure que 37500 enchaîne un set impeccable, visiblement de plus en plus à l’aise.
Fait nouveau pour moi, le guitariste donne de la voix sur le dernier titre. Les explications d’après concert seront des plus simples : il le fait toujours -là je me traite d’imbécile, comme si je n’avais jamais écouté Astero, le premier album du groupe- sauf que la dernière fois au Sonic il était aphone depuis déjà une bonne semaine et que bien entendu il n’avait pas été en mesure de le faire. Définitivement un groupe à suivre de près.


















Première grosse sensation annoncée de la soirée : Ned. Les potes sont dans la salle (désormais bien remplie) et la déconnade est attendue au tournant. Le groupe se fait rare, autant sur scène que sur disque -à noter tout de même un excellent petit single paru cette année- aussi pas mal de personnes se sont déplacées pour eux et leurs beaux yeux (vous avez déjà fait attention à ceux du guitariste ?). Cela commence bien évidemment dans le bordel le plus notoire, ça gratouille sur la droite façon Fred Frith (jeune) tandis que le bassiste envoie quelques notes incohérentes et que le batteur fait tout ce qu’il peut pour jouer tout le temps debout. L’exemple parfait du faux groupe arty qui se fout de tout et qui ne se prend pas au sérieux, des branleurs magnifiques, des plantages sans vergogne, des pures moments de folie punk, du riffage de neuneu, des blagues de quatrième sous-sol, des hits incontournables -Bob Denard- et au résultat une musique noise et groovy bien envoyée et libératrice. On aime ou on déteste. Moi, j’ai longtemps détesté et depuis quelques concerts, j’aime plus que de raison, j’impute forcément ce virement de cuti au poids de l’âge et au temps qui passe.






















Ils n’ont jamais eu d’oreille, ils font une musique que personne ne danse, c’est le leitmotiv de Doppler, groupe qui malgré une musique sombre, tendue, bruyante et limite dépressive n’a pas oublié ce que signifie le mot plaisir. Le concert débute dans la pénombre, petite mise en scène efficace -il y aura d’autre gimmicks comme les stroboscopes ou les lumières aveuglantes dans la gueule du public- qui fait monter la pression. Le groupe jouera une bonne partie de son nouvel album Songs To Defy qui s’il contient un nombre impressionnant de hits est également parfaitement taillé pour la scène.
J’admire le jeu incroyable du batteur, sa cohésion parfaite avec le bassiste, tandis que la moitié du temps le guitariste a cette position qui lui est si caractéristique, plié en deux, à chaque fois cela me fait mal au dos pour lui. Le groupe est survolté, enthousiaste, généreux et quelques titres anciens font leur apparition dans la setlist. C’est le guitariste qui assure la plupart du chant mais cela n’empêche pas le bassiste de donner également de la voix dans un mégaphone (l’effet obtenu fait immanquablement penser à Condense). Doppler s’impose toujours plus comme un groupe où l’instrumentation est non seulement majoritaire mais surtout primordiale : les influences mathématiques se font particulièrement sentir à plusieurs moments, vite relayées par les explosions noise et les accélérations supersoniques.


















Malheureusement, sur le final de We Are Not Sick…, l’ampli du guitariste donne des signes de faiblesses, on n’entend plus que la guitare par intermittence. Changement de tête d’ampli, c’est le guitariste de 37500 Yens qui prête la sienne, et malgré l’altération du son qui s’en suit fatalement, Doppler reprend vaille que vaille son concert pétaradant -dommage la guitare est moins présente et surtout beaucoup moins incisive, comme diminuée. Cela n’empêchera pas le groupe de conclure sur un The Coming Out anthologique et captivant à souhait, définitivement mon titre préféré du dernier album. Doppler salue, remercie, visiblement content, belle fête.