mardi 4 novembre 2008

De bruit et de fureur


Deuxième concert de la semaine et grosse entorse au règlement interne familial qui stipule avec fermeté que je n’ai droit qu’à un seul concert par semaine, que le reste du temps je dois m’occuper de ma progéniture et entretenir de bonnes relations avec leur mère. Mais, réalisant tardivement que les anglais de Silent Front passent à Lyon -je les avais ratés la première fois au Sonic, mais qu’est ce que j’ai foutu ce jour là ?- et de plus en plus émoustillé pour tout le bien que j’entends dire ou lis sur le groupe, je décide de jouer au rebelle domestique, de risquer une engueulade conjugale (bien mérité ceci dit) et je décale également mon travail (alimentaire mais à faible valeur nutritive) : il est hors de question que je rate ce groupe une nouvelle fois.
Je me presse tellement que j’arrive en premier, il est pourtant 20h30 passées, les portes de Grrrnd Zero à Gerland sont encore fermées mais ne vont pas tarder à s’ouvrir, tant mieux parce qu’il pleut toujours et encore -ce qui à bien y réfléchir n’est finalement pas si mal, cela m’évitera peut être en rentrant d’avoir à faire du slalom entre des sorcières et des magiciens ivres morts car aujourd’hui c’est le 31 octobre, la fête des citrouilles flambées à la gnôle, des caries dentaires et des violeurs d’enfants.
J’ai donc le temps de boire quelques bières tout en refouillant pour la énième fois les bacs de la distro Grrrnd Zero, juste pour le plaisir parce que j’y ai déjà mis mon nez et les doigts deux jours auparavant mais cela me fait toujours plaisir de voir ces beaux disques, certains devenus introuvables. Cela me fait plaisir mais en même temps je me dis qu’ils ne partent pas, qu’ils ne font envie à personne et que c’est bien dommage. J’ai eu raison de m’attarder parce que je trouve quand même Life Is A Picnic, le nouvel album de Kabu Ki Buddha. Je l’embarque tout en me disant que rien à faire, je n’arriverai pas à me libérer vendredi prochain -le 7 novembre- pour le concert que le groupe donnera au Sonic avec Boxing Elena et un DJ set du Colonel (alias Marc des feu Condense en plein délire mod/soul/sixties).



















Le premier groupe qui joue ce soir c’est Shield Your Eyes, trio londonien dont je ne connais pas grand chose mis à part les inévitables titres en écoute à l’endroit habituel, c'est-à-dire rien. Les trois membres du groupe sont habillés de la même façon, avec des gilets, le guitariste a juste rajouté une tunique chinoise dessous, et j’imagine bien qu’il y a une signification secrète derrière ce dress code.
Je suis assez partagé avec ce groupe, certaines choses -un bon sens du chaos par exemple (bon sens du chaos, expression élue à l’unanimité générale oxymore de l’année 2008)- me plaisent mais beaucoup me déplaisent, à commencer par les voix (criardes mais dans le mauvais sens du terme) et le guitariste qui se lance quasiment sur chaque titre dans des solos approximatifs (faire semblant de pas savoir jouer n’est pas à la portée de n’importe qui). Conséquence directe : pas mal de titres interprétés finissent en eau de boudin. Le groupe est venu pour s’éclater c’est évident, j’ai depuis longtemps arrêté de compter le nombre de cannettes de bière qu’ils ont été capables de s’enfiler avant et pendant le concert, ils ont bien ce côté braillard, violent mais absolument pas méchant des anglais qui ne sont là que pour se mettre à l’envers, du moment que personne ne vient les emmerder. Le concert s’achève par un petit happening vocal digne d’une fin de soirée au pub. Ils ont bien rigolé, moi un peu moins. 



















Les Chick Peas jouent en second, c’est eux également les organisateurs du concert de ce soir et ils peuvent être relativement contents, ils ont un peu de public, la bière est tiède et tout le monde est détendu. Tandis que les trois Shield Your Eyes continuent d’alambiquer en compagnie des trois Silent Front (qui joueront donc en dernier), nos régionaux de l’étape commencent un set qui marque la sortie de leur tout premier album sans titre sur Boom Boom Rikordz, un album qu’ils ont mis du temps à concocter dans leur cuisine mais cela en valait vraisemblablement la peine.
Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures, le noise rock des Chick Peas fonctionne essentiellement à l’énergie, deux basses, une batterie et un peu de chant. De l’énergie ils en ont ce soir, portés par un public qui est donc venu les voir. Quelques blagues spécial loose de nerds fusent (on va vous jouer un nouveau titre de trois ans qui n’a donc pas encore de nom parce que trop récent), quelques rires au moment des plantages et tout se passe bien.Je regrette juste qu’il n’y ait pas un peu plus de voix (je n’ai pas dit du chant) dans la musique des Chick Peas, un petit reproche que l’on peut également faire au disque : un titre chanté comme Motorway To Solaize a particulièrement bien relancé le groupe à la presque fin du concert et lui a donné un élan considérable pour clore son set par un dernier morceau -instrumental lui- en guise de rappel. Remerciements et tutti quanti, place aux Silent Front.
























Encore un trio mais cette fois ci dans une configuration des plus classiques, guitare/basse/batterie, c’est le guitariste qui assure la voix, disons tout simplement qu’il hurle comme un forcené. Mais s’il n’y avait que ça. Les Silent Front aussi ont décidé de donner ce concert en gilet, décidément tout ceci m’échappe -c’est parce que le lendemain tout le monde retourne en Angleterre, fin de tournée ? Le batteur, qui ne paie pas de mine lorsque il ne joue pas mais se contente de gouloter sa vingtième bière, est un batteur de remplacement : le groupe en a changé depuis sa dernière tournée en France mais ce nouveau batteur étant lui-même indisponible pour la tournée 2008, c’est un vieux pote du groupe qui dépanne. Il n’avait pas joué depuis deux ans. Ces infos, c’est l’un des membres des Chick Peas qui me les a données après le concert, il faut dire que les deux groupes se connaissent bien et s’apprécient, ils ont partagé une jolie petite tournée ensemble en 2007 et ont même envisagé de sortir un split (mais les Silent Front mettent tellement de temps à enregistrer, haha).


















Pour l’heure les anglais démarrent à fond la caisse, tout d’un bloc, une rythmique lourde mais rapide et donc puissante et surtout un guitariste/chanteur incroyable, contorsionniste à ses heures, hurleur patenté (ça je l’ai déjà dit) et doté d’un jeu de guitare bulldozer qui n’oublie pas non plus d’être subtil et plein de détails. Les bons groupes de noise ont été rares pendant des années, il y a un retour au genre depuis quelques temps, un retour qui me replonge directement au début des années 90 -attention intermède souvenirs de vieux con. Voyons voir. Depuis quand est ce que je n’avais pas autant tripé sur un groupe à guitare ? Je me rappelle du genre de choc que j’ai eu lors des deux premières fois avec Unsane ou lors d’un concert de Jesus Lizard à Clermont Ferrand (tournée Shot) et sur ma petite échelle de Richter personnelle le concert de Silent Front atteint le même niveau d’érection sonique. La baffe. Enorme.
Après le concert je m’empresse l’aller acheter un disque du groupe. Celui-ci n’a pas d’enregistrement plus récent que 2004/2005 à proposer (un 10 pouces partagé avec un autre groupe et un mini album), les Chick Peas ont bien raison de dire que Silent Front n’est pas un groupe pressé… Le quatre titres intitulé Delete est tout simplement excellent. J’attends donc la suite avec impatience.
[mon vœu a secrètement été exaucé : la pluie a balayé tous les baltringues d’halloween, je ne croise même pas un seul cadavre de diablotin ou de harpie en train de vomir sur un trottoir, je rentre tranquillement à la maison avec du bruit plein la tête]