dimanche 18 janvier 2009

Save the Sonic (part 1)


Un mois sans concerts dignes de ce nom, c’est vraiment très long surtout lorsque le mois en question est le dernier de l’année, celui de toutes les putasseries familiales, sociales, consuméristes, angéliques, religieuses -j’en passe et des meilleures, liste non exhaustive, on peut toujours essayer de rayer les mentions inutiles mais je n’y crois pas. Maintenant que tout le monde a digéré sa dinde, a baisé sa femme, a pourri ses gosses avant de les tarter parce qu’ils font trop de bruit et que ce n’est pas le bon jour, maintenant qu’on a taxé de la thune à papa-maman et qu’on s’est repenti d’avance pour l’année prochaine, les choses sérieuses peuvent enfin recommencer. Les choses sérieuses : bouffer des pâtes au riz pour pouvoir acheter plus de skeuds, baiser avec sa femme (ou son mec) sans arrières pensées, dilapider son épargne-retraite que l’on ne touchera de toutes façons jamais dans quelque passion aussi dévorante qu’inutile et se promettre qu’on ne va surtout pas s’arrêter là.
Un mois sans concerts si ce n’est celui, habituel, de grosses conneries et une pièce de choix pour commencer. Une pièce de choix qui fait à la fois plaisir et qui met en colère -le double concert de soutien au Sonic, la salle lyonnaise la plus poissarde de la décennie (quelques anciens du Pezner qui s’y connaissent très bien en la matière étaient d’ailleurs présents ce jeudi soir) mais dont l’utilité n’est plus à démontrer : on ne va pas refaire non plus l’inventaire des toutes les associations qui ont organisé des concerts dans cette salle et qui veulent encore pouvoir compter sur elle dans l’avenir. La poignée d’irréductibles qui ont mis la main à la pâte pour organiser les deux soirées ont très bien fait les choses, bonne programmation et organisation impeccable. Les fétichistes et les matérialistes n’ont pas été oubliés, le pass valable pour les deux soirs est un gros badge (format pedzouille) reprenant le visuel de l’affiche. Chouette.
























Agathe Max et son violon magique attaquent en premier alors que le Sonic se remplit doucement. This Silver String, son premier album sur Xeric/Table Of The Elements m’a accompagné pendant une bonne partie de l’automne et figure logiquement en bonne place dans mon top ten 2008. La violoniste a installé ses habituelles pédales d’effets sur la scène et se lance directement dans un mouvement aussi percutant qu’incroyable, long souffle chargé de virulence hypnotique et ascensionnelle. Cette fois Agathe Max joue encore plus sur les textures que sur les mélodies et surtout elle joue bien plus serré que lors des deux ou trois concerts précédents auxquels j’ai pu assister (malheureusement j’ai raté celui de Slashers, le nouveau projet qu’elle a monté avec Marion d’Overmars/Abronzius). Elle joue même avec une virulence renouvelée, comme d’habitude elle ne s’encombre pas d’artifices inutiles et le flot de boucles et de surimpressions qu’elle déverse prend lentement la forme d’une plainte à la fois effroyable et captivante. Sauvage et beau, animal et cérébral, une fois de plus je suis complètement abasourdi par cette musicienne qui avec un dispositif composé de trois fois rien et une optique musicale que l’on pourrait jugée usée jusqu’à la corde (pour faire simple celle de Tony Conrad et compagnie), arrive à créer une telle musique. Fascination.
La performance d’Agathe Max a duré une demi heure, lorsque je me retourne le Sonic s’est bien rempli, certains regrettant d’être arrivés en retard, les autres un peu trop allergiques au magma sonore et quasi bruitiste de la violoniste s’étant réfugiés vers le bar ou même dehors malgré le froid hivernal.
























Cela fait quelques années que je n’avais pas revu Kabu Ki Buddah en concert. J’avais même franchement laissé tomber, pas toujours très convaincu par le groupe et ça tombait bien puisque eux aussi s’étaient mis en stand-by. Un troisième album réussi (Life Is A Picnic) a relancé la machine et l’intérêt porté à ce groupe de déconneurs en survêtement, humour débile et blagues degré zéro garantis. Mais vous savez, les artistes ne sont jamais contents d’eux-mêmes -c’est comme ça qu’on les reconnaît- et ces branleurs de Kabu Ki Buddah n’échappent pas à la règle. Conversation d’après concert : ouais bon on ne devait pas jouer en janvier du coup on avait un peu laissé tombé les répètes, on n’est pas trop content de ce qu’on a fait ce soir, blah blah blah. La lose totale devrait on croire.
La réalité -objective, cela ne fait pas de mal de le répéter de temps à autres- est bien sûr toute autre. OK j’avais bien révisé mon petit Kabu Ki Buddah illustré donc j’étais parfaitement au courant des nouvelles chansons mais il n’y a rien à redire : le trio sait y faire pour torcher ses gags musicaux à forte richesse mélodique ajoutée. C’est drôle, cela ne se prend pas au sérieux (alors qu’il y a forcément du gros boulot derrière tout ça) et moi qui déteste tout ce qui ressemble de près ou de loin à du ska festif ou de la bourrée auvergnate je m’amuse avec ces trois grands enfants. Le travail sur les voix, complémentaires, mélangeant les registres à volonté, est précis, l’instrumentation tournante -basse, batterie, violoncelle, synthé, trombone : les Kabu Ki Buddah ne sont que trois, faites vos jeux- fonctionne bien elle aussi. Je reconnais quelques uns de mes titres préférés du dernier album (Life Is Shit, Self Destruction But With Style), je n’ai aucune raison de ne pas être content, hop une bière.























Si on m’avait dit que j’allais un jour voir deux fois Savage Republic à un an d’intervalle je ne l’aurais certainement pas cru -arrête de me raconter des conneries. Pourtant ils sont bien là, effectuant une nouvelle tournée européenne privilégiant cette fois la France et l’Italie. Greg Grunke n’est plus de la partie, le bassiste black (complètement stoned et ne servant d’ailleurs pas à grand-chose) non plus. Je constate avec plaisir qu’aux côtés des inamovibles Thom Furhmann et Ethan Port c’est toujours Alan Waddington qui tient la batterie. Et puis il y a un nouveau membre, Kerry Dowling, dont je ne connais absolument pas le pedigree mais qui parait il est un vieil ami de Savage Republic et un musicien activiste du côté de San Francisco (il est crédité comme coproducteur sur 1938, l’album de la résurrection publié par Neurot en 2007).
Le concert démarre sur les chapeaux de roues par le versant le plus guitares/surf/balkanique de Savage Republic. Le groupe s’amuse à jouer vite et fort quelques instrumentaux et compositions parmi leurs plus ethniques et ensoleillés. La basse est impeccable de puissance et forme avec la batterie un couple rythmique imparable (Alan Waddington joue à l’ancienne, il tient ses baguettes comme un jazzman mais tape comme un taré, le tout avec son éternel sourire de surfer). Comme Greg Grunke n’est pas là, Savage Republic joue souvent à une seule guitare -tenue alternativement par Dowling, Furhmann ou Port- ce qui donne un côté plus direct, encore plus rock à sa musique. Les titres s’enchaînent et le concert passe progressivement du surf sauce macédoine à un post punk plus méchant et taillé à l’énergie. Le groupe joue bien sûr Viva La Rock’n’Roll immédiatement suivi de The Hanging Garden dans une version monstrueuse de rage et de noirceur, confirmant que Savage Republic a très bien su gérer cette reprise de Cure (ce qui n’est pas vraiment le cas des autres groupes figurant sur la compilation Coal Fire, extrêmement décevante). Le bidon qui n’a fait son apparition qu’à partir du quatrième titre du set est utilisé avec plus de parcimonie que l’année dernière, Ethan Port (le petit tambour du groupe) étant souvent sollicité pour jouer de la guitare. Il s’y remettra une dernière fois, alors que Savage Republic invite Agathe Max et son violon à rejoindre le groupe sur scène pour une débauche noisy de stridences et de polyrythmie tribales qui explose tout. Savage Republic conclut avec un ultime 1938 qui bien qu’étant une de ses chansons les plus récentes sera la meilleure de tout le concert. Au passage Thom Furhmann ne peut pas s’empêcher de lâcher quelques mots d’insultes sur G.W. Bush et les fascistes du parti républicain américain balayés par la victoire présidentielle d’Obama. Ce n’est pourtant pas gagné pour le monde.