dimanche 23 août 2009

Mark Feldman-Uri Caine-Greg Cohen-Joey Baron / Secrets


Mais à quoi peut on bien passer son temps durant les mois d’été alors que l’on prétend à qui veut l’entendre que l’on s’est reposé les oreilles, que l’on a relâché l’attention de son esprit borné et que l’on a fait fi d’un insatiable appétit naturel pour le bruit et ses quelques variantes salutaires ? Et bien (dans la réalité) on écoute de la musique -oui, quand même- et on en profite pour s’enquiller tous les disques que l’on a passés sous silence ou pire sur lesquels on a carrément fait l’impasse tout le restant de l’année. Aux premiers rangs de ceux-ci, les productions de Tzadik, label que l’on a pu croire important et novateur en des temps immémoriaux mais dont l’activité se révèle aujourd’hui aussi palpitante qu’un concours de crachats de noyaux de cerises avec mon beau-frère sur la terrasse de sa résidence au bord du lac Léman. Oui, l’été a vraiment été dur, mais maintenant cela va beaucoup mieux, surtout depuis que -à peine de retour d’un petit voyage organisé dans un paradis fiscal lové dans un pays émergent d’Europe de l’Est- j’ai appris que les actionnaires de la grande entreprise financière qui m’emploie allaient contre toute attente me verser le bonus défiscalisé auquel j’ai naturellement droit en fin d’année. Ce n’est pas tout d’enculer les pauvres, les moyennement pauvres, les pas très riches qui n’ayant rien compris voudraient l’être bien davantage, il faut aussi que cela rapporte. Mon cynisme naturel et intéressé sera donc récompensé encore cette fois-ci. Et en plus je donne du boulot aux services sociaux et aux agents de replacement de pôle emploi, de quoi se plaignent ils ? Qu’ils aillent voir chez Adecco si j’y suis.























Tzadik donc, label d’un John Zorn qui ferait mieux de ne plus faire de musique au lieu de tenter de nous faire croire qu’il a encore de la ressource et de l’imagination pour mieux choisir les poulains qu’il produit. En fait de poulains, parlons plutôt de vieux canassons tant ce Secret est l’œuvre d’un quartet de musiciens sclérosés par leur virtuosité. Au violon Mark Feldman, principale attraction du Masada String Trio et du Bar Kokbha Ensemble. Au piano : Uri Caine dont le jeu grandiloquent parfait lorsqu’il se lançait dans le réarrangement et la réorganisation d’œuvres de Gustav Mahler ou de Richard Wagner (au siècle dernier, pour le label Winter & Winter) se révèle toujours plus lipideux et indigeste. Greg Cohen (contrebasse) et Joey Baron (batterie) assurent la rythmique.
Secret
est un recueil de chansons populaires et traditionnelles du folklore juif principalement d’Europe de l’Est -rien à voir avec le paradis fiscal où j’ai pu passer mes vacances d’été- et a été coproduit par Zorn et Daniel Zamir dont c’est le grand retour aux affaires (mais on en reparlera une autre fois). Cela ne surprendra personne d’apprendre que ce super groupe de musiciens made in Brooklyn joue la carte de la joliesse, du plaisir mélodique, de l’interprétation carrée et sans bavures mais massacre systématiquement ces standards autrement magnifiques pour exactement ces mêmes raisons. Uniforme et ennuyeux. Le jazz dans toute sa splendide platitude de musique de salon. Amateur de Klezmer, de banane juive et de Victor Pivert, passe ton chemin : ce disque n’est ni drôle ni poignant et même mon beau frère (qui a pourtant beaucoup d’humour) en a recraché tous ses noyaux de cerises d’un seul coup.