mardi 26 janvier 2010

We Are The Real Men























Deuxième soirée et on peut déjà affirmer que c’est un vrai plaisir d’avoir retrouvé Neige Morte et Savage Republic au Sonic. On avait découvert les premiers sur scène en première partie de Keelhaul il y a deux mois – une très bonne surprise même si on s’en doutait plus que très fortement vu le pedigree de haute volée des trois protagonistes. Quant aux seconds on ne les présente plus, les californiens de Savage Republic avaient été la bonne nouvelle de l’année 2008, ils étaient revenus l'année d'après, ils avaient tout cassé (c’est une expression profondément vulgaire mais elle est si proche de la réalité parfois) et donc ils sont à nouveau repassés par la case Sonic en 2010 au cours d’une tournée dont ils ont le secret – la veille ils étaient dans un bled perdu au fin fond de l’Italie, le lendemain ils seront à Anvers – mais de toutes évidences entre eux et la salle lyonnaise c’est une grande histoire d’amour, le groupe tenait absolument à venir y rejouer et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre, bien au contraire.
Bien au contraire mais tout le monde n’a pas l’air de cet avis puisque la salle n’est que raisonnablement remplie (quatre vingt personnes en gros, c’est décevant non ?). Celles et ceux qui ne se sont déplacés que la veille pour assister au naufrage de David Yow avec les matelots Ventura ont fait le mauvais choix. Les autres, ceux qui sont (re)venus pour Savage Republic, vont franchement pouvoir se rattraper.
















Depuis son premier concert Neige Morte a enregistré une poignée de titres dont le groupe a mis certains en ligne. Aucun doute à avoir à l’écoute de la version ultra primitive de Fausses Victimes : le trio a décidé d’appliquer à fond la définition du mot sauvagerie à sa musique. La violence crue et barbare de Neige Morte est encore plus flagrante sur scène. Le chanteur et le batteur se sont amusés à se maquiller – mais on est très loin des corpse paints des guignols norvégiens – sûrement histoire de pousser l’hommage (et la parodie ?) encore un peu plus loin. Massif, impressionnant, hurlant comme un forcené (ou un dément, j’hésite encore), le braillard en titre éructe la bave aux lèvres, un véritable flot de haine qui éclabousse littéralement la scène. La prochaine fois les gars il faudra envisager les choses en plus grand, prévoir les jets de sang et les têtes de cochons empalés sur les pieds de micro sinon je risque d’être déçu.
Musicalement ce deuxième concert est assez proche du premier, je veux dire que Neige Morte joue les mêmes titres que la fois précédente, mais avec une maîtrise et une violence accrues. Les progrès du groupe question mise en place, intensité et épaisseur sont flagrants, tout le monde joue ou chante nettement mieux. Ainsi, le hurleur dont nous avons déjà parlé se lance donc dans des assauts sidérants de brutalité avant de psalmodier des insanités, le guitariste met au service de la musique de Neige Morte tout son savoir-faire en matière de boucles et immisce ses sonorités de guitare plutôt inhabituelles dans le black metal du groupe, lui donnant une couleur vraiment originale.
Le grand équarrissage continue de plus belle – merde j’ai l’impression que le groupe joue toujours plus fort – et Neige Morte alterne avec à propos vomi malsain et ultra speedé avec passages ambiants inquiétants, s’il y a accalmie c’est pour mieux se faire déchiqueter dans les secondes qui suivent. Et c’est si bon parfois de se faire maltraiter. A bientôt les gars.
















Place au gros morceau de la soirée avec Savage Republic. La bonne nouvelle c’est que la formation du groupe est exactement la même que celle de l’année passée à savoir le batteur Alan Waddington et le guitariste/bassiste Kerry Dowling autour des deux anciens Thom Fuhrmann et Ethan Port, les gardiens du temple en quelque sorte. Le stand du groupe est bien fourni, toutes les chouettes rééditions des albums du groupe y sont et il y a même ce single Sword Fighter/Taranto sorti par le label italien A Silent Place et réputé épuisé… single dont Savage Republic possède visiblement les derniers exemplaires et que le groupe vend exactement au même prix que ses CDs à savoir quinze euros – la moitié d’un rein en ce qui me concerne lorsqu’on parle d’un vinyle ne comprenant que deux titres (pas formidables pour tout dire, ils sont disponibles par ailleurs de partout sur internet et gratuitement en plus).
Passé cette navrante déception – spéculer sur ses propres disques je trouve ça assez moyen – il est temps de passer aux choses sérieuses. Lesquelles ne le sont jamais tout à fait avec Savage Republic : pour un groupe typiquement des années 80 (le baratin post punk et tout ça) on a plutôt affaire à une musique certes tendue, parfois agressive, mais surtout complètement décomplexée et entraînante bien loin de la rigidité mortuaire et des idiomes cérébraux que le genre impose souvent. Les Savage Republic sont californiens et ils aiment le soleil. Il y a bien Ethan Port qui comme toujours fait un peu la gueule mais Thom Fuhrmann est en très grande forme, affublé d’un affreux futal de surfer, sirotant du redbull avec assiduité et chauffant les filles du public (il ira même jusqu’à offrir un exemplaire de Siam à l’une d’elles au moment des rappels).























Comme d’habitude le groupe a aligné tous ses hits – il y en a un paquet et je crois que je ne me lasserai jamais de réentendre Real Men – y compris la crème de la crème de son dernier album, notamment un 1938 fort réussi et au leitmotiv repris en chœur par tout le public (Waiting For The Fall / Waiting For The Fall, c’est pas dur à brailler, même moi j’y suis arrivé). Un titre dont Thom Fuhrmann explique qu’il a été composé au plus noir de l’ère Bush Jr mais que pour lui il reste toujours d’actualité malgré l’espoir nourri par l’élection d’Obama à la maison blanche. Par contre le groupe a bien failli complètement foirer sa reprise de Viva La Rock’n’Roll d’Alternative TV, ce sont des choses qui arrivent, on pardonnera.
C’est que techniquement, la mise en place du groupe peut être franchement approximative et les musiciens jouent plutôt décontractés, bien à l’aise, multipliant les léger plantages mais s’en foutant complètement, toujours avec un enthousiasme furieux qui va aller en grandissant pour terminer dans une débauche de bonne humeur et un bordel que l’on pourrait qualifier de festif si ce n’était pas une grave insulte. Tant pis pour les contours de l’interprétation, ce qui compte c’est le résultat, la fureur rigolarde d’un Ethan Port tapant sur son bidon – pour cette nouvelle tournée européenne le groupe a même choisi d’amener le sien – ou les provocations d’un Thom Fuhrmann toujours un peu dictatorial sur les bords. Kerry Dowling est celui qui assure le mieux (il est vraiment très bon bassiste) et Alan Waddington déçoit un peu sur son final tribal, son enthousiasme lui faisant un peu oublier de taper droit au moment où il est le dernier à jouer encore. On passe aussi sur la séance de démagogie appliquée que l’on attribuera à l’ivresse du moment : this is the best place in Europe and I shouldn’t say that but you’re the best audience we ever had – c’est bon Thom, n’en rajoute pas, on a compris que tu étais heureux avec nous.
Mais tout ça ce ne sont que des détails, limite de la mesquinerie de la part de quelqu’un qui a vu trois fois Savage Republic sur scène en deux ans de temps, parce qu’assister à une telle débauche et à un tel plaisir ce n’est pas tous les jours donc on ne va pas chipoter. Par contre il semblerait bien que le groupe arrête à nouveau les frais avec cette tournée : Ethan Port (mais il le disait déjà l’année dernière) voulant à nouveau quitter le groupe, les habituelles incompatibilités d’humeur avec Thom Fuhrmann. See you next year ? Hum, pas si sûr…