jeudi 4 février 2010

Loser un jour, loser toujours*























Non mais qu’est ce que je fous là ? Qu’est ce que je fous là un mardi soir à attendre que le temps passe alors que je suis dans une salle de concert, qu’il y a des gens sur la scène visiblement en train d’essayer de faire de la musique ? Je m’emmerde. Je m’emmerde à en mourir. Mais j’attends quand même. J’attends le troisième et dernier groupe de la soirée, Gay Beast. Et je reprends une bière.
Il y a de nombreuses années je serais allé à n’importe quel concert à partir du moment où l’étiquette Skin Graft était apposée sur l’affiche. Skin Graft : un label à fortes sensations sortant des disques tous plus fabuleux – et beaux : fallait voir ces artworks et ses éditions spéciales – les uns que les autres. Et le premier concert avec des groupes issus cette écurie de rêve fut un fantastique doublé US Maple/Melt Banana au Rail Théâtre de Lyon Vaise. Quelques groupes plus tard – Flying Luttenbachers, encore US Maple, toujours Melt Banana, Arab On Radar ou Gorge Trio – tout cela est bien fini. Le soufflet a fini par retomber bien qu’il ait tenu assez longtemps. Depuis quelques années Skin Graft ne fait que sortir des disques de groupes qui ne sont que des mauvaises et pales copies de ceux qui avaient fait sa renommée. Ou alors le label réédite ses vieilles références.
C’est sûrement par faiblesse que j’ai cru un instant que Gay Beast allait pouvoir y changer quelque chose. Quel con. Quel vieux con. Je suis donc là, à m’emmerder, accoudé au comptoir ou alors à discuter avec d’autres qui ont eu la même mauvaise idée que moi : aller à un putain de concert tout ça parce que le groupe de tête d’affiche a publié son deuxième album sur un label foutrement bon au siècle dernier. Une éternité.
















En attendant que les stars de la soirée apparaissent il faut supporter deux premières parties. La première est une fille qui joue toute seule sous le nom de Golden Disko Ship. Elle vient de Berlin, s’appelle en réalité Theresa Stroegtes, ressemble à un bisounours et chante et joue de la guitare sur des bandes préenregistrées – même sa voix est déjà posée dessus, elle ne fait que doubler le chant sur scène, laissant clairement apparaître qu’elle chante en réalité comme une patate mais finalement le décalage entre le chant studio et le chant live est drôle pendant au moins cinq minutes.
La pop très vaguement expérimentale de Golden Disko Ship ne me concerne absolument pas (j’aurais pu m’en douter avec un nom pareil) et le vide abyssal créé par cette musique sans intérêt n’est même pas comblé par les projections de films sur un écran. Je sors de la salle pour aller fumer ma quinzième cigarette de la soirée et vérifier que les chiottes sont toujours complètement bouchés. Je suis complètement incapable d’en dire davantage, c’est le report le plus court de ma funeste carrière de râleur.
















Deuxième partie. Encore une fille qui joue (presque) toute seule : Jasmina Maschina vient elle aussi de Berlin, a une coupe de cheveux au bol, chante et joue de la guitare assise tout en surveillant sur un laptop que ses bruits de fonds se déclenchent comme il faut là où il faut. Musicalement on navigue carrément dans le folk le plus diaphane qui soit. Mon mauvais esprit ne peut s’empêcher de rajouter une touche de variette bon marché à cette mixture, plusieurs fois il me semblera en effet reconnaître les premières notes d’une célèbre chanson d’amour interprétée par un ancien mannequin reconverti dans l’industrie phonographique et la turlutte présidentielle.
Sur les derniers titres Jasmina Maschina est rejointe par la fille de Golden Disko Ship qui joue de la guitare ou du xylophone sans que le résultat ne s’améliore pour autant. Je suis proprement atterré et me demande ce que ces deux filles font sur la même affiche qu’un groupe comme Gay Beast. Le fait que ce concert soit la fusion de deux programmations distinctes ayant entrainé une coprod (Barbe A Pop d’un côté, le Sonic de l’autre) doit pouvoir expliquer cette aberration. Là aussi je ne saurais en dire plus, deuxième report expéditif.
















Jamais deux sans trois. Pour une raison que j’ignore, pendant tout le concert de Gay Beast, je n’ai pas arrêté de penser à un groupe que je déteste : Numbers. Pourtant les deux n’ont rien à voir entre eux bien qu’ils aient quelques points en commun comme le fait d’avoir une batteuse en leur sein. Sauf que la batteuse de Numbers est (était ?) aussi la chanteuse du groupe alors que chez Gay Beast c’est un binoclard tonsuré qui donne de la voix, d’une manière totalement insupportable, avec un timbre aigu et nasal aussi irritant qu’un rasage de poils de couilles à l’épilady. C’est lui aussi qui plombe le disque du groupe, enfin le seul que j’ai écouté, le second, celui sorti sur Skin Graft – et merde. J’imagine que si c’est une fille qui avait chanté dans Gay Beast on aurait pu immédiatement lui trouver quelques excuses – premièrement c’est une fille, deuxièmement elle est sans doute étudiante en sociologie appliquée à la fac de Berkeley – mais non. En plus le dit chanteur passe aussi son temps à tapoter sur un synthé aux sonorités pour le moins imbitables. Et je ne parle pas de son son de saxophone. Ténor, le saxophone, comment peut on arriver à faire sonner aussi mal un instrument aussi magnifique ?
Je me concentre donc sur la fille qui joue de la batterie et la seule chose que je vois c’est qu’elle passe son temps à compter. Oui elle en fout de partout, non ça n’a aucun intérêt. Reste le guitariste qui a lui aussi une bonne petite gueule d’étudiant. Quelques plans intéressants à la guitare, un peu de torsion, un peu de barouf. Il devrait jouer tout seul ou bien virer les deux autres du groupe pour en remonter un autre tout de suite après. Je songe sérieusement à fuir cette noise skingraftienne académiquement foutraque lorsque le chanteur/clavier annonce que c’est déjà le dernier titre du set. Au moins ils n’auront pas joué trop longtemps. Mais c'est une soirée foutue en l’air pour rien quand même. Loser un jour…

* un titre déjà utilisé mais cela s’imposait à nouveau.