mercredi 17 mars 2010

CaVe CaNeM / Ssoiffe? ou Rrache!













On a déjà parlé du label marseillais XcRoCs records à l’occasion de la parution d’¡El Secundo! de Red Space Cyrod. Tenu par deux compères musiciens et activistes de la scène locale, le principe de ce label – je ne m’en lasse pas – est des plus rigolos : d’abord XcRoCs ne publie que des CDs de trois pouces, ensuite le label propose soit des enregistrements de groupes complètements inconnus au bataillon, soit il s’agit d’inédits/raretés/curiosités de groupes ayant déjà fait un petit bout de chemin (dans le catalogue il y a du live de Binaire par exemple, il y a aussi Le Complexe Du Choix pour l’élaboration duquel Overmars est allé trier dans ses poubelles, on en reparle très bientôt). Les tirages sont plutôt du genre très limité mais ce n’est pas une raison pour ne pas se laisser tenter et ne pas aller jeter un coup d’œil à un catalogue qui commence à être sérieusement étoffé.
A tout seigneur tout honneur : commençons par évoquer le dernier double mini CD en date de CaVe CaNeM. Il y a deux raisons à cela. La première c’est que CaVe CaNeM est précisément le groupe de Fred et Jul, nos deux idéalistes forcenés qui ont justement monté XcRoCs records, on n’est jamais aussi bien servi que pas soi-même, vous avez tout à fait raison les gars, vive la libre entreprise. La deuxième et principale raison est que ce disque de huit titres (les quatre premiers sont regroupés sur Ssoiffé? tandis que Rrache! comprend les quatre derniers, un peu comme si on avait affaire aux deux faces d’un LP) est sacrément bon. Qu'est ce que j'ai dit ? Sacrément ? Non en fait il est foutrement bon, un point c’est tout.













Arrivé en classe de quatrième, l’élève réfractaire à la langue de Goethe mais consciencieusement tanné par des parents dramatiquement préoccupés par son avenir serein et heureux se devait de choisir le latin comme option s’il ne voulait pas se retrouver dans le dépotoir du collège en compagnie d’aspirants au CAP. J’imagine que les choses n’ont guère changé, qu’elles ont même sûrement empiré alors qu’apprendre un peu de latin et savoir que cave canem signifie grosso modo attention chien méchant (l’une des rares choses dont je me souvienne encore avec oderint dum metuant*) sert à pas grand-chose quand on a treize ans, du moins pour embrasser les filles et leur palper les nichons. Le chien en question – canis, canis – c’est celui qui aboie dans les premières secondes de More Noise For Edmond, brûlot punk qui vous prend à la gorge et ne vous lâche pas, tout comme le reste de ce disque. Dans le groupe Fred s’occupe de la guitare, de la voix, de la programmation de la boite à rythmes et des machines tandis que Jul joue du saxophone, chante et programme également et ce qui frappe d’emblée c’est l’incroyable vivacité et l’énergie qui se dégagent de cette formule instrumentale pourtant rabougrie. Ces deux là ne s’en laissent sûrement pas compter par leurs collègues punkers du littoral. Mieux, malgré l’utilisation d’une boite à rythmes, The CaVe CaNeM possède un allant formidable bien loin de toute rigidité métronomique. La gaillardise de l’humain, l’instinct rageur et la rugosité qui sied à cette musique sont bel et bien présents. Ajoutons que les deux sont des brailleurs efficaces, que la guitare est capable de soulever des riffs de 3.5 tonnes comme de vous propulser des éclats acérés à la vitesse d’une sulfateuse stalinienne et on en parle plus : CaVe CaNeM est un sacré bon groupe, inventif et direct à la fois.
Attends, je n’ai pas encore parlé du saxophone. Oui, je suis du genre à vénérer cet instrument. Oui je serais même du genre à écrire des phrases stupides à propos d’un groupe particulièrement apprécié, tiens prenons l’exemple d’Oxbow et d’Eugene Robinson – vous ne trouvez pas que son chant ressemble à une imitation de pleurs de bébés par le saxo de Coltrane ?** Sur Improve Yourself le saxophone de Jul frise l’hystérie pure et simple tout comme il sait se faire plus coulant dès le titre d’après, Porc II. Un biniouteur d’une telle amplitude on n’en croise pas tous les jours dans le petit monde des punks sans vergogne.
Précisons que techniquement c’est Nicolas Dick qui a enregistré, mixé et masterisé ce disque, pas seulement parce qu’il est marseillais, mais peut être parce que Fred (De Benedetti) est aussi l’autre guitariste de Kill The Trill et on note également que Fast Car n’est pas une reprise des Buzzcocks mais que ses paroles ont été écrites par Marylin Tognolli, bassiste de Kill The Thrill comme chacun le sait également. Une grande famille.

* qu’ils me haïssent pourvu qu’ils me craignent, soit la devise du rock critic qui confond toujours son trou du cul et faim de moi
** n’empêche que j’aurais bien aimé être