dimanche 28 mars 2010

Michael Gira / I Am Not Insane


The Swans are not dead. C’est ainsi que Michael Gira, chanteur/performer charismatique des Swans, a fait savoir qu’il voulait réactiver son groupe. Le monospace officiel des Swans a instantanément été rebaptisé de ce The Swans are not dead (en référence au dernier enregistrement officiel du groupe, un live datant de 1998 et a contrario intitulé The Swans Are Dead) tandis que Young God records, le label de Gira, lançait une imposante campagne d’information sur le pourquoi du comment du parce que et annonçait la parution d’I Am Not Insane, un pack CD + DVD comprenant les démos acoustiques du futur album des Swans (actuellement en cours d’enregistrement ?) ainsi que les images de deux performances solo de Michael Gira, tout aussi acoustiques. L’objet est strictement limité – mais on ne sait pas vraiment à combien d’exemplaires – et toutes les pochettes sont uniques, faites à la main et numérotées par Gira lui-même. I Am Not Insane est déjà réputé sold out mais une version CDr (et sans DVD) est annoncée pour tous les retardataires.
Le but avoué de la manœuvre est de lever des fonds pour financer le nouvel album des Swans et permettre au groupe de recommencer une nouvelle vie, de repartir en tournée par exemple. J’en connais parmi les plus chanceux qui ont pu voir les Swans à l’Elysée Montmartre en 1987 avec les débutants Treponem Pal et les excellents Dazibao en première partie (pour donner une idée c’était la période Children Of God des Swans), j’en connais d’autres qui ont assisté quelques dix années plus tard à la tournée d’adieu des Swans, tournée passant entre autres par un Pezner lyonnais pas aussi rempli qu’on aurait pu l’imaginer (honnêtement le souvenir de ce concert est également loin d’être très bon) et donc on pourra peut être à nouveau voir Michael Gira et son groupe sur une scène… peut être parce que si j’en crois tous les racontars à propos du cachet réclamé par les new-yorkais, voilà qui est très loin d’être gagné. Pour celles et ceux qui voudrait aider encore plus Michael, le portfolio de vingt dessins originaux est lui toujours disponible.























Le CD comprend donc des démos. En fait il s’agit de Gira enregistré tout seul à la maison, assis dans son bureau, avec sa guitare et sa voix. On entend son siège qui grince, il marmonne deux ou trois trucs entre les titres. Siobhan Duffy (God Is My Copilot, Angels Of Light, etc) vient pousser la chansonnette sur My Lazy Clown et on remarque une vieillerie : le toujours très prenant Failure. Après, difficile de s’extasier ou tout simplement de se dire que sacré bondiou de saperlipopette le prochain Swans risque d’être un sacré bon disque qui va tout emporter avec lui. Musicalement on se situe entre les Swans dernière période (post goth/neo folk) et Angels Of Light (post folk/neo goth), aucune surprise donc, uniquement – et c’est déjà énorme – l’immense plaisir de retrouver la voix si particulière et unique de Michael Gira ainsi que son songwriting hanté.
La partie DVD est bien plus intéressante. Elle commence pourtant par une courte séquence enregistrée elle aussi à la maison, dans le bureau que Gira nous fait visiter (alors c’est le casse-noisettes que m’a offert mon papa avant de partir pour refaire sa vie en Allemagne, ça c’est ma collection de CD, ça c’est mes livres et ça c’est une photo de ma maman, vraiment une très belle femme, elle est morte maintenant) avant d’interpréter trois nouvelles chansons.
On passe et on se concentre sur les deux concerts en solo qui se trouvent juste après. Le premier est un peu mou, enregistré dans un club à New York en juillet 2007 mais comprenant déjà certains des futurs nouveaux titres des Swans – du moins ils sont aujourd’hui annoncés comme tels – et saupoudré de titres issus de The Great Annihilator, du repertoire d’Angels Of Light ou d’albums solo de Gira (surtout Songs For A Dog de 2006). Puis on se concentre principalement sur le second concert, enregistré à Toronto en juin 2009. Sur celui-ci la performance vocale de Gira y est autrement meilleure, donnant au passage bien plus de relief aux titres figurant déjà en version démo sur le CD et présentant encore un panachage varié de titres de tous les groupes du chanteur depuis la fin des années 80 (mais aucun titre de Skin, le duo qu’il avait monté avec Jarboe, laquelle ne fera pas non plus partie de la (re)formation 2010 des Swans). Principaux moments, la version de My Brother’s Man – de l’excellent album We Are Him d’Angel Of Light en 2007 – et Surrogate tiré de Soundtracks For The Blind des Swans (1996) sur lesquels Michael Gira, tout confortablement assis sur une chaise et derrière un pupitre qu’il soit, se transforme le temps de quelques minutes magiques en incantateur démoniaque.

Passé la nouvelle d’une résurrection des Swans, passé l’enthousiasme que cela suscite forcément, I Am Not Insane c’est un peu comme mes deux bonnes actions annuelles, lorsque quelques semaines avant Noël les éboueurs de la ville puis les pompiers viennent sonner à ma porte pour me vendre un calendrier aussi laid qu’inutile. Je le leur prends quand même leur calendrier, dessus je mets des petites croix aux dates correspondantes pour ne pas oublier les concerts où (je veux) j’ai le droit d’aller. I Am Not Insane sera donc ma troisième (et dernière) bonne action de l’année et ce sera également mon pense-bête : en 2010, les Swans vont publier un nouvel album !