dimanche 7 mars 2010

Robert Hampson / Vectors





















Après Loop et après avoir brièvement servi de sideman à Justin Broadrick au sein de Godflesh, Robert Hampson a monté Main en compagnie de son petit camarade Scott Dawson (ex Loop également), un projet visant à désacraliser – je cite de mémoire – l’importance de la guitare dans la musique moderne, à briser son statut iconique, vaste programme il faut bien l’avouer. Dans les faits la musique de Main était aquatique, cotonneuse, à base de boucles de guitares empilées bien sûr mais aussi parfois de basses lancinantes (pouvant lui conférer ainsi un vague côté dub) et beaucoup plus rarement de voix. La musique de Main était surtout d’une rare beauté – je pense notamment à la série de maxis intitulés Hz compilés après coup (1996) sous la forme d’un double CD par le label Beggar’s Banquet – et bien en avance sur toute la vague de one man drone qui a sévi dans le monde moderne à partir du début des années 2000 (et qui sévit encore aujourd’hui) sans jamais atteindre le niveau de pureté et d’élégance de ces maîtres anglais de la musique minimaliste. Minimaliste cela ne veut pas dire grand-chose mais cela a toujours plus de signification que le terme fourre-tout d’expérimentale. En 1996 Scott Dawson a quitté Main, laissant Robert Hampson tout seul aux commandes, lequel a peu à peu donné une nouvelle orientation au projet : les guitares, même loopées, même pitchées, même traficotées dans tous les sens, ont peu à peu disparu, laissant de plus en plus leur place aux fields recordings et aux sons concrets. Les dernières productions de Main, plus rares également, sont ainsi nettement moins passionnantes* parce qu’ayant perdu ce côté organique et chaud nécessaire à toute musique qui vous pousse du côté intraverti et cérébral de la force. Bienvenue dans le monde de la musique électroacoustique.
Vectors, le premier véritable album solo d’Hampson parce que publié uniquement sous son propre nom par le label anglais Touch records, regroupe trois pièces de longueurs égales, composées sur un laps de temps assez long (trois années) et surtout commissionnées par le GRM (le Groupe de Recherche Musicale fondé par Pierre Schaeffer en 1958) ou pour une diffusion en 7.1 au planétarium de Poitiers en 2007. C’est cette dernière (intitulée Ahead – Only The Stars) qui est finalement la plus passionnante des trois parce que jonglant avec les sons, délivrant des ribambelles de fréquences cristallines en hommage aux astronautes de la Nasa et surtout aux petites étoiles qui brillent dans le ciel et qui, me souffle t-on, ont servi de thématique à cette pièce. Bruits de sonar, passages de moteurs supersoniques à la vitesse du son, écoulements de fluides électroniques, bruits de salles des machines, Ahead – Only The Stars possède un beau dynamisme qui malheureusement fait trop défaut aux deux autres pièces (Umbra de 2006 et Dans Le Lointain de 2008), beaucoup plus engoncées et académiques. Du bel ouvrage certes, un effort d’imagination certain également, mais l’empreinte des tics formels de la musique électroacoustique vous plombe tout ce qui pouvait y avoir de poésie dans l’utilisation de sons collectés pourtant assez originaux. Surgissent toutefois ça et là de purs moments de grâce qui tentent de vous réconcilier avec un univers encore en plein éclosion et alors cela marcherait presque. On reste cependant trop souvent en deçà de l’immersion ou alors on se surprend à s’imaginer butinant ça et là dans Umbra et dans Dans Le Lointain pour en retirer uniquement ce qui nous intéresse et/ou nous émeut et construire avec tout autre chose : je crois que, malgré toutes les tentatives de Robert Hampson pour atteindre un idéal de beauté formelle, ces deux pièces finissent pas souffrir d’un singulier manque de souffle vital, trop souvent le gros problème de ce genre de travaux. Faudrait pas oublier que la musique c’est aussi de la vie**.

* je n’inclus pas l’album Decrease de 2006, qui est le dernier enregistrement officiel de Robert Hampson sous le nom de Main et que je n’ai jamais écouté, un album publié sur un label aujourd’hui malheureusement en stand-by, N-Rec
** par exemple j’ai toujours trouvé amusant que le Groupe des Musiques Vivantes de Lyon avait justement choisi ce nom alors que la plupart du temps les travaux qui en sortent traitent les sons comme une langue morte