lundi 31 mai 2010

Weasel Walter - Sheik Anorak - Mario Rechtern / The Forbidden Beat























Il y a deux disques à l’intérieur de The Forbidden Beat, élégant digipak fait maison : un CD (rayures noires) et un DVD (rayures rouges). On y trouve deux concerts du trio réunissant le batteur Weasel Walter, le guitariste Sheik Anorak et le souffleur Mario Rechtern et enregistrés lors d’une tournée commune au printemps 2009. Evidemment, ce disque est une production Gaffer records, le label du guitariste/multi-instrumentiste/bidouilleur lyonnais Sheik Anorak.
Tel que le line-up du trio le laisse largement supposer, cette musique est constituée à 100 % de pure freeture, genre une mixture bouillonnante, chaotique et énervée. Et à ce titre je conseillerais plutôt de commencer par le disque rouge, donc le DVD, lequel reprend la majeure partie du concert donné par le trio le 08 mai 2009 au Grrrnd Zéro de Lyon/Vaise (et dont on peut visionner un large extrait ici). Pourquoi ? Tout simplement parce que si on est guère familier avec ce genre de cacophonie improvisée et avec ces plaisirs enfantins, l’image aide à une meilleure compréhension/acceptation d’une musique sinon éreintante du moins difficile d’accès. De plus, ce concert lyonnais est presque plus musical et dans les normes acceptables que celui proposé sur le CD donc autant commencer en douceur... Mais que l’on se rassure, sur ce DVD l’auditeur a tout de même droit à son lot de blasts surhumains et autres pitreries de la part d’un Weasel Walter déchainé – et quel magnifique t-shirt de Repulsion, vraiment – ou aux facéties et bricolages d’un Mario Rechtern toujours très étonnement inventif. Un mystère que ce gars là soit resté un parfait inconnu pendant toutes ces années (il compte tout de même plus de soixante dix printemps). La guitare n’est pas à la traine, dans un registre à la fois noise et déstructuré, inventive elle aussi. Un bon concert et un bon souvenir*.
Le CD propose lui un concert donné par le trio Weasel Walter/Sheik Anorak/Mario Rechtern quelques jours plus tôt à Montaigu. Un concert donc plus aride que celui donné à Lyon, un peu plus éclaté aussi, ce qui n’empêche pas les trois musiciens de partir à la conquête du barouf éternel avec la spontanéité et l’enthousiasme d’une armée d’ostrogoths lancés au galop à la conquête des pleines d’Europe centrale, et ce toujours sous la houlette d’un Weasel Walter qui actionne sa double pédale comme un jeune adolescent vigoureux et épris de death metal. Il n'y a pas c’est vrai de différences réellement fondamentales entre les deux concerts sauf que celui de Montaigu a à la fois moins de tenu et est logiquement un peu plus bordélique (si c’était possible). Mais ce ne sont là après tout que des détails d’appréciation. Et il n’en demeure pas moins que ces deux enregistrements sont un excellent témoignage de l’esprit d’un trio composé de musiciens qui n’avaient jamais joué ensemble auparavant** – l’expérience avait d’ailleurs été si concluante que ces trois là ont remis ça pour une nouvelle tournée au Printemps 2010. On ne peut que souhaiter une longue vie à ce trio inventif et foutraque.

* à titre un peu plus personnel, je regrette juste que l’on aperçoive un peu trop souvent ma calvitie naissance de quarantenaire et peut être aussi que je prends un peu trop de photos au lieu de me consacrer plus activement au défoulement que propose un tel concert – quelle honte vraiment
** et l’improvisation totale et libre était alors une aventure vraiment nouvelle pour Sheik Anorak

dimanche 30 mai 2010

Psychic Paramount au Sonic (on ne peut pas toujours être au sommet)























Il y a un an presque jour pour jour, pour leur précédente venue au Sonic, les Psychic Paramount avaient bénéficié de l’effet Nuits Sonores : le concert était gratuit, avait été annoncé comme tel avec toute l’armada de moyens dont dispose le Festival electro/indie lyonnais et résultat, la péniche avait été prise d’assaut par toutes sortes de curieux, de jeunes gens désœuvrés et de teuffeurs égarés, le plein de personnes qui n’avaient jamais foutu les pieds dans ce lieu qui n’y sont probablement jamais retournées depuis. On comptait en gros deux cents personnes à l’intérieur du Sonic et deux cents autres à l’extérieur. J’en connais quelques uns qui, dégoûtés, avaient préféré rebrousser chemin plutôt que d’assister à un concert de loin ou carrément du dehors (et ça peut se comprendre).
Toujours sans nouvel album sous le bras, ce II annoncé depuis longtemps, enregistré il y aurait presque deux ans et qui devrait finalement paraître incessamment sous peu sur No Quarter (et non pas Thrill Jockey comme il en avait été un temps question), Psychic Paramount est donc de retour et va à nouveau faire le plein, cette fois uniquement de fans enragés et déjà convaincus, voilà ce que j’appelle un groupe populaire. L’équipe du Sonic a donc très bien fait d’intercepter le trio new-yorkais sur la route qui le menait au festival Primavera. Et elle a également bien fait en mettant Deborah Kant en première partie.
















 Mais avant Deborah Kant et Psychic Paramount, il y a Red Horn Cannibals, un duo dont on ne connait que quelques informations très parcellaires grâce aux moyens habituels. A ma droite un guitariste blondinet qui joue par terre, devant la scène. A ma gauche un beau brun (un vrai) qui joue sur la scène, assis devant une table. Un rapide coup d’œil permet de se rendre compte que dessus sont posées deux lapsteels, que les doigts du garçon sont tous ornés d’anneaux griffus qui l’aident à martyriser les cordes de ses instruments et qu’il dispose également de quelques pédales d’effet au sol. La disposition des deux membres du groupe est assez étrange, complètement décalée, le premier étant bien plus bas que l’autre – est ce pour cette raison que naîtra l’impression gênante que ces deux là ne jouent pas toujours ensemble ?
Le premier titre est pourtant diablement convaincant. Red Horn Cannibals cite Neil Young (Dead Man j’imagine) et Earth comme influences, j’y rajoute une bonne dose de Loren Mazzacane Connors, même gros grain épais et sévère du son de guitar/lapsteel, même ambiance crépusculaire. Rien de très surprenant mais du bien foutu qui malheureusement part en eau de boudin dès le deuxième titre, après une séance de réaccordage bien trop longue – intro planante puis chouette riff joué à l’unisson par les deux compères qui fait son apparition mais lorsque le guitariste part en solo, il se retrouve complètement perdu dès que son petit camarade change de tonalité, les deux finissent par jouer l’un à côté de l’autre et non plus ensemble. Sans compter que ce même guitariste se met à faire beaucoup trop de notes à mon goût, oui trop de note tue la note (ou alors va ailleurs jouer du jazz). Les gars, la prochaine fois, essayez de vous installer au même niveau, ce sera plus facile pour vous regarder dans le blanc des yeux et je suis sûr que votre musique pétera plus que la piètre démonstration que vous nous avez infligée. Dommage.
















C’est enfin au tour de Deborah Kant de monter sur scène. On a déjà vu ce groupe un nombre incalculable de fois en concert sur Lyon et alentours et on ne le présente plus. Mais c’est un groupe bien trop discret à mon goût, qui ne tourne jamais vraiment et qui sort un enregistrement tous les 36 du mois – Deborah Kant a d’ailleurs un nouveau CD single à proposer, CD dont le guitariste/chanteur dit non sans une certaine ironie que ceux qui nous connaissent bien savent que nous l’avons enregistré il y a plus de deux ans. Au moins ça leur fait un point commun avec les Psychic Paramount.
Les titres de Deborah Kant sont longs, très longs et le groupe attaque par un instrumental très dans le lignée de l’album Goo de Sonic Youth, la grosse influence à laquelle on pense forcément en premier dès que l’on entend sa musique. Mais un Sonic Youth bien plus rallongé, presque psychédélique avec ces longues digressions instrumentales, et parsemé de passages jazzy – le batteur est tout simplement incroyable, il a un regard de tueur et il porte en outre une moustache, ceci explique sûrement cela. Non, plus sérieusement, ce garçon a un toucher d’exception.
La basse me semble par contre un peu trop rigide et pas assez groove – le comble parce que le bassiste joue tout aux doigts – mais cela n’empêche pas Deborah Kant de développer une belle énergie, une bonne dynamique, les quatre ne se perdant jamais en cours de route lors de leurs longues compositions qui permettent alors aux deux guitaristes toutes les fantaisies/explosions noise pendant des breaks proches de l’hallucination (Daydream Nation inside). Le concert s’achève avec le « nouveau » single du groupe, Mars Hell/Day Dee, excellent titre, faussement calme au démarrage, qui comme son nom l’indique raconte la vie à la campagne de Marcel et Dédé. Je ne regrette qu’une seule chose, c’est de ne pas entendre un peu mieux la voix du chanteur qui le fait vraiment lorsqu’il veut bien s’en donner la peine, pour s’en persuader il n’y a qu’à écouter The North Bay Moustache Ligue, exquis duo pop/folk/country/cajun qu’il a monté avec une jeune fille – ces deux là harmonisent et chantent comme des anges.
















Le Sonic est maintenant rempli, une affluence qui fait réellement plaisir pour un groupe tel que Psychic Paramount, le meilleur de tous les meilleurs groupes du monde selon certains ayatollahs mélomanes, juste un bon – voire excellent – groupe pour tous les autres. Au petit jeu des comparatifs, puisque on commence à ne plus compter le nombre de passages de Psychic Paramount à Lyon, quelques petits malins et/ou vieux de la vieille prenant même un malin plaisir à se remémorer les monstrueux concerts de Laddio Bolocko au Pezner*, on peut toutefois affirmer que ce vendredi soir les trois new-yorkais ont délivré une bonne prestation mais sans plus.
Ils ont l’air bien fatigué, le bassiste est aussi défoncé que d’habitude et chaleur étouffante aidant, les trois Psychic Paramount ne vont pas résister très longtemps à la pression physique – le dernier titre joué pour le rappel, parce qu’il y aura tout de même un rappel, finissant même en eau de boudin et on hésite alors un peu sur ce qu’il faudrait en penser : le groupe s’est il perdu dans une impro à mi parcours (ça avait pourtant très bien commencé tout comme il faut, exactement à la façon des hits psyché noise comme Psychic Paramount sait si bien les faire) et dont il n’a pas su ressortir ? y avait il une reprise du morceau initial de prévue après ce passage chaotique ? Le bassiste titube, le batteur – qui s’est vraiment donné à fond pendant tout le concert – ferme les yeux comme s’il allait s’endormir et le guitariste décide alors de tapoter énergiquement sur son tom pour le réveiller et qu’il se remette à jouer mais la musique du groupe ne redémarre pas.
Le concert était excellent bien que n’apportant pas son lot de nouveautés ni de surprise et a finalement été gâché par ce rappel que le groupe aurait mieux fait de ne pas jouer malgré l’insistance d’un public déchainé. A la frustration d’un concert trop court s’est donc ajouté celle d’une fin en demi-ton. La première eût été suffisante et n’aurait certes pas empêché de classer ce concert dans les meilleures prestations du groupe. A l’année prochaine les Psychic Paramount.

* conversations qui se termineront par des et toi tu y étais au Caméléon pour le concert de Cop Shoot Cop en 1992 ? auxquels répondront des n’empêche que c’est les Silly Hornets qui ont organisé le première venue de Zeni Geva au CCO en 1995.

vendredi 28 mai 2010

Little Women / Throat






















Quand je pense à tous les blaireaux hyper virils et autres sportifs en pantacourts qui écoutent du metal et/ou du hardcore comme s’ils faisaient un concours de biroute – qui c’est qui a la plus grosse, qui c’est qui pisse le plus loin – tout simplement parce qu’ils ne cherchent qu’à être enivrés d’ultraviolence et de distorsion. Et bien, messieurs les ratatinés du bulbe et les frustrés des gonades, je ne peux que fortement vous conseiller l’écoute intensive et répétée de Little Women et de son nouvel album, Throat, publié chez Aum Fidelity, éminent label new-yorkais spécialisé dans le free jazz (de David S. Ware à William Parker, rien que du bon). Le premier enregistrement de Little Women, Teeth, un LP monoface, avait déjà quelque chose de radicalement terrifiant. Celui-ci le surpasse allégrement et le fait d’être sorti sur un vrai label, bénéficiant qui plus est d’une réelle distribution dans la plupart des pays du monde civilisé, va enfin lui permettre d’être bien mieux diffusé. Tremblez, jeunes gens.
Litte Women est donc un groupe de free jazz. Du free jazz ? Oui ! Et du vrai : pas le free jazz de salon/à papa comme peut en faire à l’occasion Ken Vandermark lorsqu’il s’ennuie trop à jouer du hard bop ou comme l’a tartiné John Zorn avec son projet Masada. Imaginez plutôt ce bon vieux free cher à Peter Brötzmannn, Evan Parker, Alexander Von Schlippenbach, Han Bennink, Fred Van Howe, Manfred Schoof et autre Sven-Åke Johansson (on pense plus d’une fois à l’extrémisme d’un Machine Gun, aux envolées du Global Unity Orchestra ou aux cataractes métalliques du Waves Of Albert Ayler du Mount Everest Trio) mâtiné d’une épaisse surcouche de no wave new-yorkaise, eh oui Little Women est un groupe originaire de Brooklyn et ça s’entend. Ça s’entend parce que le guitariste, Andrew Smiley, joue comme un forcené avec ce son épineux et écorché, lacérant comme aux bons vieux jours de Mars et de DNA.
Throat a été enregistré en une seule journée, le 11 décembre 2009, et a été divisé en sept parties. Certaines vous explosent littéralement la cervelle comme Naked City à l’époque de Torture Garden ou de l’album sans titre, mais un Naked City qui n’aurait pas oublié d’être punk et crade (ou qui jouerait sans lire ses partitions en même temps). D’autres prennent le temps d’installer un thème, les deux saxophones (Travis Laplante – également dans Extra Life – au ténor et Darius Jones à l’alto) dialoguant dans la surenchère énervée avant que dissonance brutale et dérèglement rythmique (Jason Nazary à la batterie) ne soient instaurés comme règles ultimes d’un jazz cataclysmique, finalement dangereux. Intense et violent.

jeudi 27 mai 2010

Extra Life au Sonic























Belle affiche que le concert de ce mercredi au Sonic avec d’un côté Sic Alps et de l’autre les très attendus (pour moi) Extra Life, groupe dont le deuxième album Made Flesh continue de caracoler au sommet de mon top 10 personnel – et il y a fort à parier que ce disque finira également dans le peloton de tête à l’heure des bilans de fin d’année.
Trop attendre d’un groupe en concert alors que l’on apprécie particulièrement sa musique sur disque peut se révéler particulièrement mauvais pour le moral en cas de grave déception mais j’assume ou plus exactement je préfère prendre le risque. J’en entends tous les jours et de toutes sortes à propos d’Extra Life sur scène – je ne parle même pas de toutes celles et de tous ceux qui détestent cordialement Extra Life sur disque – et de l’incapacité supposée du groupe à recréer en concert son rock arty à tendance médiéval. Ah ouais, médiéval, le mot est lâché et il fait beaucoup trop peur à beaucoup trop de gens… Charlie Looker, tête pensante maniérée et un rien tatillonne d’Extra Life va juste prouver ce soir que son groupe est aussi bon sur une scène qu’enfermé dans un studio et qu’il n’a pas à rougir de la comparaison avec des formations plus classiques.























Du plus classique on va y avoir droit avec Sic Alps, encore un groupe généreusement adoubé par ces grands seigneurs de Sonic Youth et qui sort des disques à la pelle sur une multitude de labels. Des singles comme s’il en pleuvait et d’ailleurs récemment compilés sur un magnifique double LP chez Drag City. Je n’avais auparavant jamais entendu parler de ce groupe ou plutôt je n’avais pas réellement prêté attention au cas de ces trois chevelus, je l’avoue, à l’inverse de la grosse vingtaine de personnes ultra motivées qui elles ont l’air d’être venues spécialement ce soir pour gigoter en rythme devant le trio. Bah, je me dis aussi qu’un groupe qui comprend dans ses rangs un type (Matt Hartman) qui fut un temps batteur des Coachwhips aux côtés de John Dwyer ne peut pas non plus être un mauvais groupe
Je m’attendais donc à quelque chose de plutôt garage et de franchement lo-fi, les joies des mp3 glanés ici et là sur internet et écoutés à l’arrache histoire de se faire une idée et de ne pas avoir l’air trop ignorant le moment venu, et j’avais (presque) tout faux. Sic Alps œuvrerait plutôt dans le domaine d’un rock assez mou, oui mais agréablement mou, on va dire nonchalant. Des tournures grungy post seventies et de temps à autres des explosions de fuzz bienvenues. C’est vraiment bien foutu, curieusement mélodieux et le chanteur a une voix délicieusement traînante. Les compositions se ressemblent un peu toutes – je crois entendre plusieurs fois le riff d’intro d’Astronomy Domine de qui-vous-savez – mais ce n’est pas bien grave, la musique de Sic Alps colle plutôt bien avec le roulis de la péniche qui abrite le Sonic.























Tous les membres d’Extra Life sont déjà sur scène et je me sens quelque peu déçu : ils ne sont que quatre, je cherche désespérément Travis Laplante, l’un des deux souffleurs de Little Women qui joue du saxophone et des claviers sur Made Flesh mais il n’est pas là. La mouture actuelle d’Extra Life est une formation resserrée et tout-terrain destinée à endurer une tournée européenne avec Caley Monahon Ward au violon, Tony Gedrich à la basse (et affublé d’un magnifique t-shirt de ALL, je ne pensais même pas que cela puisse encore exister) et enfin Nick Podgurski à la batterie et aux percussions. Charlie Looker va s’occuper du chant bien sûr – mais le bassiste du groupe tiendra également un rôle de choriste non négligeable –, des guitares et du synthétiseur. Cela fait beaucoup pour un seul homme vous me direz mais tout cela il va parfaitement le faire.
Citer tous les musiciens d’Extra Life n’est pas gratuit non plus : certes le groupe est la créature de son chanteur/leader et seulement la sienne mais la musique de Charlie Looker ne serait rien sans l’appui de tous ces excellents musiciens. Le violoniste ajoute énormément de textures – surtout lorsque la guitare ne joue pas parce que Charlie se concentre sur son chant de ménestrel new-yorkais –, le batteur est une vraie bûche qui tape comme un malade et le bassiste joue ultra puissant, avec un son particulièrement dur et sec, presque hardcore – allié au batteur il assurera les deux ou trois rythmiques pachydermiques et/ou très marquées (comme sur The Body Is True ou The Ladder) qui dans la musique d’Extra Life peuvent parfois faire penser aux Swans de la vieille époque… mais à bien y réfléchir c’est vraiment là le seul aspect du groupe de Michael Gira que l’on retrouve dans celui de Charlie Looker.
















En attendant tout le monde poirote, sur la scène comme dans le public : Charlie met beaucoup de temps à s’installer, à faire deux ou trois réglages, à réaccorder ses deux guitares, à vérifier un jack. C’est long, pointilleux, méthodique, une mise en place comme un rituel de cérémonie. J’exagère ? A peine : on sent bien que tout doit être parfait, que rien n’est laissé au hasard – on a rarement entendu ces derniers temps une musique aussi composée et aussi arrangée que celle d’Extra Life donc c’est tout à fait compréhensible. Le risque c’était évidemment de produire sur scène un truc complètement figé et froid, sans vie. Ou alors complètement incohérent si les trois musiciens derrière Charlie Looker n’avaient pas été capable de le suivre.
C’est tout le contraire qui s’est produit. Le concert a démarré tout doucement avec Black Hoodie, l’une des magnifiques balades de Made Flesh et tout l’album va y passer, magistralement. Il n’y aura qu’un seul titre du premier album qui sera joué, à cette occasion une voix se fait entendre dans le public, affirmant que les anciens titres sont bien meilleurs que les nouveaux, que c’est ceux-là qu’il faut jouer – affirmation à laquelle une autre voix répond positivement mais désolé les gars, vous vous plantez complètement, Made Flesh est bien plus abouti que Secular Works que j’aime pourtant aussi beaucoup. Les plans s’enchaînent, les rythmes varient à une intensité folle, le chant reste plutôt bien en place (c’était un autre de mes sujets d’inquiétude avant le concert).
Looker nous sort également un petit speech maniéré sur sa passion à propos de Guillame de Machaut – qui ca ? – ajoutant qu’il adore ce prénom, Guiliome, qui évoque invariablement pour lui le Moyen Age (les trois Guillaume présents au Sonic ce soir là, représentant tout de même 6.66 % du public, ont su apprécier). Il ne reste alors qu’une petite trentaine de personnes devant la scène, les fans de Sic Alps ont définitivement déserté, mais tout le monde est au taquet et réclame un rappel. Le groupe s’exécute de bonne grâce, Charlie Looker ne pouvant s’empêcher d’expliquer qu’il ne comprendra jamais cette manie toute européenne du encore. C’est donc un One Of Your Whores, proprement divin, qui retentit dans le Sonic. Tout comme l’album Made Flesh, ce concert d’Extra Life est bien placé dans la liste des futurs grands souvenirs de l’année 2010.

mercredi 26 mai 2010

Room 204 / Balloons























Les groupes instrumentaux pullulent en ce moment on l’a déjà dit mais celui-ci, Room 204, ne date pas d’hier (le premier disque du duo a été publié en 2003 si je ne m’abuse) bien qu’il se soit fait un peu trop rare à mon goût (précédent album : Trans Panda en 2005). Bande de branleurs. Ce nouveau méfait – façon de parler car tout y excellent – attire l’attention et la sympathie immédiate pour deux raisons essentielles : premièrement sa pochette rigolote et colorée particulièrement réussie et qui nous change vraiment et son titre, Balloons, qui décrit un jouet universellement indémodable chez les enfants petits et grands mais qui décrit également mon état d’immobilisme avancé un lendemain de cuite à la bière/vodka ou après un bon repas de famille.
Or d’immobilisme il n’y a en pas chez Room 204, parlons au contraire de dynamisme (Bar Diving, The Chinese Plot, Hey Friendly J.!). Le crédo du duo n’est pas l’extravagance folle et le canardage/pilonnage en règle (Pneu) ni la complexité ardue mais inspirée (Don Caballero, Rumah Sakit, Chevreuil et tous leurs suiveurs, beaucoup moins inspirés, eux) mais un rock instru point trop matheux, absolument pas progressif, parfois indolent (Patrick Swayze, un titre sûrement nommé de cette façon parce que Patrick a eu la bonne idée de mourir et qu’un cadavre ça gigote rarement) et rempli de petites étincelles vivaces, de pétillements qui vont bon train, de rythmiques entraînantes, de guitares lapidaires et sournoisement crades – presque noise parfois – et d’un bon sens de l’instantané à deux : écouter ce disque c’est se taper une bonne tranche de vie, Pierre-Antoine (batterie) et Aymeric (guitare) n’ont pas ce travers du duo scientifiquement autiste et viscéralement calculateur. On est donc constamment surpris et entraîné par ce Balloons – à la liste des titres ci-dessus on pourrait sans problème ajouter tous les autres : Race To Death, Plate Pan, etc) et surtout Room 204 ne cherche jamais à s’attarder, pas de précipitation ni de fulgurances on l’a dit mais pas d’étalage et de confiturage non plus, un équilibre magiquement préservé entre le rentre-dedans et le fais comme chez toi. Les huit titres de Balloons sont donc logiquement (très) courts, tellement courts qu’ils arrivent même à tenir sur toute la première face de ce douze pouces, celle qui est orné d’une rondelle jaune.
L’autre face (rondelle rouge) est gravée des explications techniques qu’on lit habituellement sur le livret ou l’insert d’un disque tout en l’écoutant parce qu’on s’emmerde un peu. Là, ce n’est tout simplement pas possible : soit tu lis, soit tu écoutes, et de toutes façons il te sera impossible de t’emmerder lorsque ce Balloons aussi frais que coloré tournera inlassablement sur la platine. Un disque Kythibong.

mardi 25 mai 2010

Nervous Kid / self titled























L’écoute du split entre Pneu et Nervous Kid a fini par réveiller en moi quelques vagues souvenirs d’un monde oublié. D’autant plus qu’une rapide consultation du monospace de Nervous Kid m’a remis en mémoire un détail que je n’aurais très certainement jamais du oublier : avant ce 12 pouces (qui est en fait la réédition d’une très vulgaire cassette audio mais passons) le duo italien avait publié un 7 pouces chez Gaffer records. Comment appelle t-on le fait de se procurer un disque pour ne jamais l’écouter ou presque ? De la pure connerie. Tout simplement.
Rattrapons vite fait bien fait cette lamentable erreur et lavons cet honneur honteusement bafoué. D’abord ce disque et les cinq titres qui le composent sont tout simplement excellents : math rock foutraque chargé de parasites noise et joué à la va que je te pousse oui d’accord mais pousse moi vite et fort oh que c’est bon. Cinq déflagrations qui vous scotchent et vous assomment, je ne vois justement que Pneu pour rivaliser avec autant de furie et de hargne. On s’en remet même difficilement : cette guitare assassine, savante mais sauvage, la batterie qui martèle avec la rapidité démoniaque des orgues de Staline et avec la précision sadique du scalpel de Josef Mengele, les extrêmes se rejoignent toujours.
Mais le plus intéressant c’est bien évidemment de mesurer le chemin parcouru depuis par Nervous Kid qui sur son dernier disque se la joue plus kraut que maths, plus hypnotique qu’hystérique. On note au beau milieu de Kid Kid Kid ou de Hair Strike II de courts passages avec la guitare en mode taping qui laissent augurer de la suite c'est-à-dire de l’allongement de ces parties de six cordes en apesanteur pour un résultat résolument stratosphérique mais rien ne peut réellement laisser présager des orientations actuelles de Nervous Kid. Entendons nous bien : ce disque est excellent et d’ailleurs il est toujours disponible auprès du label bien que datant maintenant de presque deux ans mais l’évolution musicale du groupe est tellement impressionnante et passionnante que l’on ne peut qu’affirmer que ces deux là ont parfaitement eu raison. Vivement la suite.

lundi 24 mai 2010

Pneu - Nervous Kid / split























Les splits fleurissent à l’heure actuelle, je ne vais pas m’en plaindre surtout lorsqu’ils sont de l’excellente teneur de celui-ci. Sorti par une tripotée de labels avant-gardistes – tu es prêt ? accroche-toi bien : Aïnu records, Head records, Electric Junk (contact), Les Pourricords (contact) et Wild Love records (des italiens, des vrais) – ce magnifique 12 pouces est emballé dans une pochette sérigraphiée sur du carton recyclé, ça veut dire que le dit carton est de la même couleur que celui dont est fabriqué les supports de rouleaux de papier-cul, et il est pressé dans un vinyle de couleur dans des tons parfaitement raccord avec ce même carton. Il n’y a que lorsque on regarde le disque par transparence devant une source de lumière que l’on peut s’apercevoir que sa couleur est vraiment jolie, un peu ambrée, preuve irréfutable pour ceux qui en doutaient encore que la lumière/vérité ne se trouve que rarement au fond de la cuvette des chiottes.
Pour une fois on va provisoirement laisser de côté les stars du disque pour s’intéresser à l’autre groupe, j’ai nommé Nervous Kid. De ce duo guitare/batterie italien je ne connais rien, tout juste ai-je le vague souvenir d’un concert où je n’étais pas allé, voilà qui est constructif (et intéressant). Les deux titres proposés par Nervous Kid – dont un très long Mystic Moustache – sont tout simplement excellents. Le groupe y développe un kraut rock hypnotique du meilleur effet, lancinant, répétitif à souhait, limite shamanique et envoûtant. La surprise est d’autant plus de taille que Mystic Moustache démarre en trombe comme n’importe quelle cavalcade de math instru machin truc chose et que les répétitions – en langage châtié on appelle ça des patterns – s’immiscent rapidement mais efficacement, deviennent majoritaires, le chaos arty laissant sa place à des coulées de guitare jouée en taping (mais pas comme chez Eddie Van Halen) avec roulements free de batterie et beat soutenu à la grosse caisse en guise de balises. Le second titre de Nervous Kid, Shaver Laser, est beaucoup plus court mais tout aussi bon, sorte de math rock psychédélique, plus syncrétique qu’outrancier. Nervous Kid est donc l’inventeur du math kraut rock.
On compte trois titres sur la face Pneu dont un Hallemagne que l’on retrouvait déjà sur le split single partagé avec Revok chez Music Fear Satan. Dommage, sauf pour celles et ceux qui ne connaissent pas ce disque, les autres pourront toujours en profiter pour réviser leur Pneu et vérifier que question pression et équilibre, le duo guitare et batterie (encore) de Tours est le champion du monde des fouteurs de merde (on y revient) en matière de math rock. Non pas que ça dégouline et que ça tapisse, au contraire, Pneu est sec et rapide comme un pet de nonne agenouillée à confesses. Oiseau-Aigle, le premier des deux inédits, confirme que Pneu est le seul groupe de noise instrumentale et trigonométrée qui n’a pas peur de traverser hors des clous. Le second inédit, Chaours, est ce titre que le groupe joue actuellement en fin de set avec un final ralenti – sauf qu’en concert ça dure jusqu’à la torture doom pure et simple – et qui fait tirer la langue. Avec ce split, on a tout simplement deux facettes opposées d’une même formule musicale, les deux sont tout aussi excellentes l’une que l’autre et ce disque scelle définitivement une nouvelle étape dans l’amitié franco-italienne.

dimanche 23 mai 2010

My Disco (oui mais en pas de deux)






















My Disco ce n’est définitivement pas un nom de groupe qui fait envie et c’est pourtant le nom du groupe que joue ce jeudi soir au Sonic. Car, à tout bien y réfléchir, l’ironie de la chose, si tant est qu’il y en ait vraiment, m’échappe complètement. Je suis dans un mauvais jour. La musique des australiens peut effectivement être groove mais elle est surtout robotique et répétitive, assez post pounk (ce truc de vieux datant d’il y a une bonne trentaine d’années maintenant) option Wire et pourquoi pas Gang Of Four. La section rythmique rappelle parfois complètement Shellac, on peut dire la même chose de la voix – il n’y a qu’à écouter le son de basse et/ou le chant sur des titres tels que An Even Sun extrait de Paradise, le dernier album en date du groupe et datant déjà de 2007.
Évidemment, le rapprochement avec Shellac est facile puisque My Disco a enregistré ses derniers disques à Chicago chez l’homme à lunettes et à l’inépuisable collection de microphones fabriqués dans l’ex Europe de l’Est. Paradise est un album étrange parce que – en y regardant de plus près – pas si jusqu’au-boutiste que ça bien que complètement réfrigéré, taillé au scalpel et trop volontairement spartiate. Messieurs, trop de visibilité du pourquoi du comment finit par être au détriment des intentions de départ. Le déclic dépend donc des jours et des écoutes : il arrive que la musique de My Disco fonctionne, réussisse à faire tourbillonner mes quelques neurones survivants sur ses rythmiques décérébrées. Il arrive également que My Disco laisse aussi indifférent qu’un plat de lasagnes surgelées acheté au supermarché discount du coin parce qu’il n’y a plus rien d’autre à se mettre sous la dent. Une couche de batterie, une couche de basse, une couche de guitare et une (petite) couche de voix pour faire croire qu’il y a du goût. Tout le plat y passe mais n’enlève pas la faim.















Mais n’allons pas trop vite, la soirée ne fait que commencer et elle commence plutôt mal puisqu’il n’y a pas grand monde qui se précipite au Sonic pour y voir et y entendre les australiens. Trop de concerts tuent le concert ? C’est toujours le même (faux) débat. On a certes pu frôler l’overdose entre un mois d’avril incroyablement dense et un mois de mai qui n’était pas en reste – les Nuits Sonores accaparant pas mal l’attention la semaine précédente avec au passage un concert de Gang Of Four parait il merdique de chez merdique (je vous répète que c’était il y a trente ans les gars), il faudra quand même qu’un jour j’aille y faire un tour pour me défoncer la couenne sur Vitalic et autres putasseries electro et voir si ça fonctionne encore chez moi. Ou pas.
Le groupe qui joue ce soir au Sonic en première partie de My Disco m’est complètement inconnu et doté d’un nom qui fait beaucoup rire : PAN PAN PAN. Un nom qu'il va être facile de retenir et ça tombe bien car il va absolument falloir se souvenir de ces trois lyonnais et retourner les voir en concert lorsqu’ils auront la bonne idée de jouer à nouveau. Les titres, apparemment enregistrés en prise direct lors de concerts précédents (le Bal Des Ardents c’est bien une librairie ?), avec un son riquiqui et que le groupe a mis en écoute sur son monospace, ne sont guère convaincants mais ils ne sont pas non plus vraiment représentatifs de ce qu’est la musique du trio.
Pour faire vite, on a affaire à deux guitares et une batterie – oui Pan Pan Pan est encore un groupe instrumental – qui défouraillent du côté de Psychic Paramount et pourquoi pas de Maserati (ou plutôt de Turing Machine, le groupe que le batteur Jerry Fuchs avait auparavant monté avec deux anciens Pitchblende). Même si on peut reprocher à Pan Pan Pan de ressortir la même formule sur chaque titre joué, on ne peut pas non plus nier que le groupe maîtrise parfaitement cette formule : les guitares jouent des notes parcellaires, les décalent comme dans un jeu de puces, presque insensiblement (à la manière des minimalistes américains des années 60), les lignes mélodiques prennent donc corps petit à petit. Le batteur suit le même mouvement, il joue beaucoup sur ses toms qu’il a montés à plat et au même niveau que sa caisse claire. Le groove rapide est assuré avec la grosse caisse qui ne s’arrête jamais, jamais. Pan Pan Pan botte le cul, arrive à chaque fois à se désempêtrer d’introductions qui semblent pourtant bien hasardeuses. Du chaos et du magma nait une musique folle et intense, soutenue et pleine de souffle. Cela a déjà été dit mais il faut absolument aller les voir lorsqu’ils rejoueront.





















Quand un groupe australien bénéficiant d’un succès d’estime signe sur Blast First (sorte de garde-manger arty de Mute), les foules ne se déplacent pas pour autant. Il aurait été intéressant de voir l’année passée un concert de My Disco pendant la tournée avec les Scul Hazzards – la date lyonnaise avait été annulée pour les raisons que l’on sait, un van qui tombe en panne, etc – tant les deux groupes représentent deux facettes vraiment différentes de la musique à guitares avec rythmique qui appuie lourdement derrière. En attendant, My Disco se retrouve avec des disques enfin disponibles de partout dans le monde civilisé, un maxi est prévu pour la fin du mois de mai sur Blast First Petite et je ne doute pas que cela finira bien par décoller pour le groupe qui semble y consacrer beaucoup d’effort.
Il y a deux entités dans My Disco. D’un côté le bassiste/chanteur et le batteur, cheveux courts voir moustache finement taillée, pantalons serrés et t-shirts moulants. Un parfait look d’homo sapiens gay friendly. De l’autre côté on trouve le guitariste, chevelu, bottes de motard, t-shirt de Young Widows (My Disco figure sur le quatrième volume de la série de split singles que les américains ont publiés l’année dernière) et roi incontesté du headbanging. Ce guitariste s’appelle Ben Andrews et je comprends maintenant mieux pourquoi il a monté Blarke Bayer/ Black Widow, un duo free atmosphérique avec l’ancien batteur/guitariste de Grey Daturas, Robert MacManus.















Ben Andrews joue avec un son démoniaque de scie circulaire, super fort – bien plus fort que pendant les balances me dira plus tard le homeboy du Sonic. Il fout en l’air une bonne partie de My Disco, étouffant le chant, la basse et presque la batterie. Le début du set des australiens est ainsi franchement bancal et manque de tenue.
Certains regretteront que les trois My Disco ne jouent pas quelques uns de leurs hits – tel Perfect Protection ou You Came To Me Like A Cancer Lain Dormant Until It Blossomed Like A Rose (rien que le plaisir d’en écrire le titre) – et le groupe ne sera enfin convainquant que pour la deuxième moitié de sa prestation et surtout avec un dernier titre (avant le rappel), long, très long, répétitif, très répétitif et parfaitement hypnotique. Il était temps, j’ai failli m’ennuyer un brin. Ce n’était pas le grand moment escompté, mais juste un moment honorable de défoulement.

jeudi 20 mai 2010

Thursday Night Fever























Fin avril 2009 : c’est la bave aux lèvres que j’attends le concert de Scul Hazzards et de My Disco et ce sera donc la larme à l’œil que j’apprendrai que les deux groupes australiens ont pété leur van quelque part dans le sud ouest de la France et que le concert est annulé. Depuis, les Scul Hazzards sont effectivement repassés dans le coin et c’est au tour de My Disco de venir envahir le Sonic, CE SOIR.
Lisez le flyer et appréciez l’effort : les australiens seront en pleine tournée européenne, perdus entre deux villes allemandes et ils n’hésiteront pas à faire un détour jusqu’à Lyon pour laver l’affront du printemps 2009 et retourneront ensuite du côté de la Teutonie. Bravo.

Outre My Disco, la soirée proposera en première partie Pan Pan Pan dont je ne sais rien (mais que je vous laisse écouter).

mercredi 19 mai 2010

Ventura / We Recruit





















Auteur d’un bon premier album (Pa Capona sorti en 2006 chez Get A Life records!) et d’une poignée de singles ou de 25 centimètres, Ventura était un bon petit groupe que l’on aimait comme tel : des disques que l’on prenait plaisir à écouter de temps à autre mais rarement, comme une connaissance que l’on croise un peu par hasard et donc, oui, pourquoi pas, passons un moment ensemble. Avec ce deuxième album, l’extraordinaire We Recruit, Ventura ne peut que passer dans la catégorie supérieure, celle dont les disques sont systématiquement sur le dessus de la pile, là juste à portée de main, celle dont les mp3 ne quittent pas la machine infernale – je parle de la machine que l’on se met tous les matins sur les oreilles pour se donner un peu de courage quand on sort de son home sweet home – et celle d’une musique que l’on a envie de faire découvrir tout autour de soi. On pensait Ventura capable de bonnes choses, de savoir trousser honorablement une composition, d’avoir un son qui lui est propre : il va falloir réviser son jugement, tellement We Recruit dépasse nos plus folles espérances. Quitte à remuer également quelques préjugés bien ancrés chez nos contemporains en matière de rock noisy et poppy.
Le trio suisse ne donne en effet pas dans la facilité, œuvrant dans un genre à priori accessible par tous mais guère en vogue à l’heure actuelle. A l’écoute de We Recruit, on saute à pieds joints dans les 90’s mais pas n’importe lesquelles, les 90’s d’une musique fine mais énergique reliant les Pixies à Nirvana, certains groupes du label Prohibited records aux diamants finement ciselé par Bob Mould le temps de trois albums avec Sugar. Ici pas de surenchère matheuse ni de surlignage post quelque chose, tout est dans la finesse, le détail voire même la délicatesse. Un réel plaisir pour les sens et qui parle également à votre tête. Pour une fois les termes de musique intelligente ne seront pas usurpés. Si vous pensez également que emo signifie systématiquement geignard et pleurnichard, ce disque vous rappellera surtout qu’en l’occurrence l’émotion – non ce n’est pas un gros mot – n’est rien sans une bonne mélodie. Les compositions sont donc le point fort de We Recruit et de ses huit titres ouvragés, travaillés amoureusement, rivalisant de profondeur à tel point qu’en choisir un seul, déterminer lequel est son préféré devient impossible : le préféré c’est forcément celui que l’on est en train d’écouter puis ce sera celui d’après, etc. S’il fallait vraiment en choisir un, on opterait peut être pour le dernier, Demons, parce qu’il est le plus long (sept minutes) au sein d’un album assez court (35 minutes) et qu’il synthétise toutes les facettes de la musique de Ventura, mettant aussi bien l’accent sur l’accroche mélodique du chant et des guitares que sur l’énergie – ce batteur est incroyable –, passant d’un pop rock illuminé à quelques envolées noise qui vous déchirent le cœur.
Finissons avec les deux autres grandes qualités de We Recruit. Tout d’abord le son de l’enregistrement, équilibre parfait entre soucis du détail et puissance de feu, c’est un certain Serge Moratell qui n’en est pas à son coup d’essai qui a enregistré ce disque. Enfin, la voix pas toujours très évidente du chanteur est pour la première fois réellement convaincante, mixée légèrement en retrait mais parfaitement distincte, la retenue du chant ne le rend que plus expressif.
En se laissant convaincre de publier We Recruit, le très actif label Africantape a donc fait coup double : non seulement il nous permet d’écouter l’un des disques de l’année et en plus il élargit son catalogue vers des horizons qu’il n’avait jusque là jamais envisagés.

mardi 18 mai 2010

TV Buddhas / self titled EP























Un groupe de garage israélien, cela a de quoi intriguer. Pourtant c’est exactement ce dont il s’agit avec TV Buddhas, trio chevelu basé à Berlin mais originaire d’Israël. Si vous ajoutez à cela que les six titres de cet EP ont prétendument été enregistrés en deux heures seulement sur un lecteur cassette pourri et vintage des années 70 (je ne fais que recopier la bio), que l’illustration de la pochette est un hommage à Raymond Petitbon (toujours la bio) et que ce disque sans titre est également un hommage mais cette fois-ci à peine déguisé au seul, unique et merveilleux album sans titre lui aussi des mythiques Modern Lovers de Jonathan Richman (dois-je me répéter ? la bio…), voilà trois bonnes raisons théoriques d’écouter un disque qui sans cela ne serait jamais arrivé jusqu’à mes pauvres oreilles.
Parlons-en de mes oreilles. Oui elles sont encombrées et fatiguées mais pas au point d’accepter n’importe quel son cradingue à n’importe quelle heure de la sainte journée ou de la nuit : il est fortement déconseillé d’écouter autre chose – même un vieux truc moisi de Darkthrone – avant cet EP de TV Buddhas tellement le son en est riquiqui. Oui c’est bien ça, un micro posé au milieu de la salle de répétition et ce magnéto d’un autre âge qui tourne. Pourtant ce son, tout crado et limité qu’il soit, colle parfaitement aux compositions de TV Buddhas. Des compositions très influencées par MC5 mais plutôt mid tempo et avec un chant un peu trop soul à mon goût mais efficace (en matière de revival 60’s je suis plutôt adepte des voix blanches et pédérastes à la Lou Reed). Par contre il y a une fille dans TV Buddhas, c’est elle qui tient les baquettes derrière la batterie et lorsque elle se met à chanter de manière parfaite comme une patate atonale sur Fun Girls et qu’en arrière plan l’une des deux guitares se lance dans une pseudo ligne mélodique jouée à deux doigts, l’influence du Velvet Underground jaillit brutalement, presque miraculeusement.
On cherche aussi un peu la basse dans cet enregistrement et on ne la trouve pas, normal – malgré la présence d’une fille dans le line-up – il n’y a pas de bassiste chez TV Buddhas et ça manque aux entournures pour booster un peu plus des compositions qui réussissent tout de même à vous embringuer. Cet EP serait en outre un teaser annonçant un nouvel album pour bientôt, d’ici la fin de l’année quoi – s’il vous plait, messieurs-dames de TV Buddhas, si vous tenez absolument à utiliser du matériel préhistorique pour son enregistrement, servez-vous au moins d’un Revox – et que j’imagine à paraitre toujours sur le même label, à savoir Trost records. On en reparlera sûrement.

lundi 17 mai 2010

Io Monade Stanca - Calva / split























A Tant Rêver Du Roi et Africantape : deux bons labels qui ont eu la bonne idée de s’associer pour nous présenter ce 12 pouces partagé entre deux groupes différents – à chacun le sien, pour le collectif de Pau il s’agit de Calva (parfaitement inconnu au bataillon), le label franco-italien nous proposant lui Io Monade Stanca grâce auquel on avait déjà pu goûter à l’automne dernier aux joies d’un The Impossible Story Of Bubu délectable. Un projet qui sur le papier est plein de promesses, je sens que l’on va à nouveau être gâté.

Commençons donc par Io Monade Stanca, au moins on est en terrain connu même si – on s’en doute bien – les trois titres proposés par les italiens et regroupés sont le nom de Eravamo Partiti Coi Piedi Per Terra ne vont pas être particulièrement facile d’accès. Surprise : sur cet enregistrement les Io Monade Stanca sont quatre. A Edouardo Baima (guitare et voix), Nicolas Roncea (guitare) et Matteo Romano (batterie) s’est adjoint un autre gugusse, Maurizio Busca, qui joue de l’orgue – du Jumbo Organet nous dit-on dans les notes au dos de la pochette, en tous les cas un instrument qui sonne vraiment cheap et décalé. Ils appellent cette formation en quartet le 4 Brains 40 Fingers Big Band. On regarde ces mêmes notes : s’agit-il d’un ancien line-up de Io Monade Stanca ? d’un nouveau alors ? Non, ces trois titres ont été enregistrés à la même époque que The Impossible Story Of Bubu (en septembre 2008), par la même personne (Sacha Tilotta de Three Second Kiss) et dans les mêmes conditions c'est-à-dire en prise direct avec un son aride et sec divisé en deux (on n’entend pas forcément la même chose à gauche et à droite).
L’adjonction de l’orgue – bien qu’il ne soit pas omniprésent – a pour principale conséquence d’adoucir la noise pataphysique de Io Monade Stanca. L’ensemble est toujours aussi foutraque et clownesque, chaotique et déréglé mais ce Jumbo organet, généralement sucré et arrondi, ajoute à la fois un côté psyché et traînant parce qu’il frotte les angles des compositions du groupe au concentré d’opium, et un surcroit non négligeable de mélodies (la toute fin de la troisième partie). On écoute la vingtaine de minutes de musique des Io Monade Stanca comme s’il s’agissait d’une longue suite en continu, façon trip et révélation, la lumière est au bout du chemin – on n’est pas éclairé pour autant mais qu’importe puisqu’on ne veut pas sortir de là. Camisole pour tout le monde.

On retourne le beau vinyle vert transparent et on s’attaque à Calva. Là c’est carrément l’inconnu en ce qui concerne ce duo batterie/guitare + synthés et voix originaire de Pau qui n’en est pourtant pas à son premier essai. Un duo qui en concert se transforme en trio, je ne vois effectivement pas comment Calva pourrait faire sinon pour retranscrire en live ses enregistrements. Mon petit doigt me dit aussi que le batteur de Calva a carrément quelque chose à voir dans l’hyperactivité actuelle du label A Tant Rêver Du Roi.
Malgré le descriptif ci-dessus, il serait faux d’enfermer Calva dans la catégorie bien trop exiguë de groupe de math rock. Rien à voir même. Et on a beau chercher – un peu mais pas trop, hein, il y a des choses bien plus intéressantes à faire dans la vie – on se demande toujours dans quelle case l’entomologiste pseudo mélomane rangerait un groupe qui possède déjà une telle identité, aussi forte qu’affirmée. Justement : Calva, en louvoyant entre instrumentation électro (le synthé de Central Pub, le vocoder fin de siècle sur Kato) et ambiances sourdes (le magnifique Melinda 2.0), échappe aux règles et aux codes en vigueur. Nerves est une excellente composition dynamique et chantée, traversée par des glissés à la guitare qui rehaussent des lignes de synthétiseurs entêtantes. Mais comme rien n’est jamais définitivement arrêté avec Calva, Nerves évolue aussi en son milieu vers quelque chose de plus débridé et anguleux. Urban Cowboy porte bien son nom, sorte de blues alourdi et narratif avec émanations toxiques comme seule atmosphère respirable. Encore un groupe à suivre de près et émanant du collectif A Tant Rêver Du Roi qui décidément nous propose toujours autant de qualité et d’indispensable.

samedi 15 mai 2010

Comme à la tv : Eric Aldéa, les Deity Guns, Bästard et Zëro





Une interview réalisée par The Drone, qu’ils en soient chaudement remerciés.

vendredi 14 mai 2010

Jubilé - Ntwin / split























Boom Boom Rikordz, le label qui aime bien les splits. Celui-ci est d’une qualité hautement supérieure pour au moins une bonne raison : il n’existe qu’en format 12 pouces. Sa première face est occupée par les excellents Jubilé, la seconde par Ntwin, un peu moins bon. Deux groupes qui savent malgré tout se défendre pour un cru qui reste bien en bouche. Mais ne nous emballons pas, terminons d’abord le petit descriptif technique qui s’impose. Qui dit vinyle de grand format dit également artwork et celui, assez inquiétant, de ce split est signé Pier Gvi (Pierre Guy ?) : on se croirait perdu sur la lune ou dans un désert quelconque, s’il y avait de la neige l’action se passerait quelque part sur une base isolée en Antarctique à la merci d’un scénario écrit et filmé par John Carpenter, en tous les cas voilà un endroit où la vie n’a pas vraiment cours. La pochette se déplie pour laisser apparaitre un poster et l’impression sérigraphiée a été assurée par les irremplaçables artisans du Dernier Cri. Ce disque est une coproduction Boom Boom Rikordz (donc) et Katatak (de Marseille).
Old Man est le nom donné à la face Ntwin, un trio lui aussi originaire de Marseille. Et c’est par celle-là que l’on commence. Le moins que l’on puisse dire c’est que le son est rachitique, qu’il manque singulièrement d’ampleur mais on concède également que les cinq titres enregistrés par Ntwin l’ont sûrement été dans des conditions aléatoires pour ne pas dire précaires, dans un local de répétition ou dans le garage du beau père, on s’en fout – et puis on a déjà entendu bien pire : le résultat, honorable malgré tout, laisse entrevoir un noise rock parfois un peu trop linéaire pour le manque de puissance qui se fait sentir derrière mais, surtout, laisse espérer des jours meilleurs car il y a toujours des bonnes idées qui traînent ici ou là. En résumé je trouve juste que ça manque soit de gras, soit de tension (les deux en même temps ce serait exagéré ?) et je suppute que les intentions de Ntwin se trouvent plutôt du côté de plus de tension… je ne doute pas qu’ils y arriveront, avec pour preuve l’excellent Glued qui porte bien son nom tellement il vous colle et vous englue dans un tempo ralenti et malsain tout ce qu’il faut.
On – Mo – No est la face envoyée par Jubilé, encore une formation postulant au club de moins en moins fermé des groupes au nom improbable qui pullulent actuellement (Pneu, Cheveu, Poutre et j’en passe). Ce duo originaire de St Etienne joue lui aussi dans la catégorie noise rock avec un sens de la brutalité combiné avec une sècheresse souvent toute répétitive qui me donnerait presque envie de comparer Jubilé avec quelques formations new yorkaises nihilistes de la fin des années 70/début des années 80 mais je vais m’abstenir, ce genre de référencement arbitraire étant souvent bien trop lourd à porter. N’empêche que dans le genre Nein Nein ! est un pur bonheur. Question enregistrement, les neufs (!) courts titres proposés par Jubilé l’ont été dans le local de répétition des potes de Chick Peas, avec Mr diGo (bassiste/chanteur de ces mêmes Chick Peas) en grand faiseur de son. Ce que l’on entend a été capté en direct live sur un deux pistes mono (On – Mo – No ?) et ça sonne formidablement bien. Si on ajoute que les compositions vous éclatent à la gueule, intensément, violemment, et grâce cette fois-ci à la rusticité du son, On – Mo – No est un parfait concentré de noise tripale et acérée. Vivement la suite !

jeudi 13 mai 2010

Le Singe Blanc - Gumbi / split























 A : Mettez le grill là où il ne sera pas facilement visible de vos partenaires pendant que vous cuisinez… B : Prenez une bière. C : Une fois le grill propre, buvez la bière.

Saison 2 : l’été. Ainsi continue la série des splits de saison initiée par Boom Boom Rikordz avec cette fois ci la participation du Singe Blanc et de Gumbi. On saute allègrement le printemps sans doute parce que c’est bien connu ma bonne dame, il n’y a plus de saisons, la faute à leurs radiations d’usines atomiques du diable et à ces puits de pétrole priapiques qui font pipi dans la mer. Passons.
Gumbi est en deuxième position sur ce mini CD mais c’est le premier groupe que nous allons pourtant évoquer. Voilà un trio originaire d’un bled américain dont le nom a été immortalisé par les frères Cohen, des jeunes gens à la discographie encore ultra limitée – un single en plus de ce split – mais comment le directeur marketing de Boom Boom Rikordz a t-il eu l’idée d’aller les chercher ? Si on s’arrête à Chimes, le premier titre proposé par Gumbi, on risque fort de laisser aussitôt tomber ce groupe sauf si on aime la power pop indolente (presque) typiquement américaine. N’est pas Pavement qui veut (d’ailleurs qui voudrait être Pavement, hein ?) bien qu’un petit côté cradossé dans le chant laisse planer quelques doutes… Bingo ! Whammy ! Sur King Of Summer les choses s’arrangent instantanément, la musique s’alourdit, les guitares s’épaississent, la batterie s’intensifie et le chant vous donne envie de vous décoller la mâchoire. Sur Halloween Gumi change à nouveau de registre, éjaculation faciale à la punk et ritournelle torchée en moins de deux minutes c'est-à-dire bien plus de temps qu’il n’en faut pour se dire que l’on va être obligé d’écouter le premier album de Gumi lorsque il sortira pour comprendre où ces gars là veulent vraiment en venir. Nulle part, si ça se trouve. Ce qui peut être bien aussi.
Les deux premiers titres de ce disque sont donc ceux du Singe Blanc. Question référence cinématographique, ça peut le faire également, bien que, rappelons-le, ce split soit consacré à l’été. Deux basses, une batterie et du chant lorgnant du côté de celui de Tatsuya Yoshida des Ruins (lequel avait tout piqué à ce sale kobaïen de Christian Vander), Le Singe Blanc c’est le grotesque et le foutraque d’abord, l’énergie ensuite et enfin une bonne dose de postpounk – celui qui fait rire et danser, pas celui qui donne envie de se pendre. Les deux basses se partagent le boulot : la première fait celui habituel d’une basse, l’autre rêve de devenir une guitare lorsque elle sera enfin grande, ce qui bien sûr n’arrivera jamais. Les amateurs de stupidités assumées apprécieront, les autres iront jeter des cacahouètes ailleurs. Encore un excellent split CD de la part de Boom Boom Rikordz.

mercredi 12 mai 2010

Graffen Völder - Poutre / Split























On connait Boom Boom Rikordz pour quelques (co)productions de haute tenue – le premier album des Chick Peas, celui des Rubiks, Poutre, La Seconda Volta (le groupe de mademoiselle Raymonde Howard dont on reparlera bientôt – bref que du bon. L’orientation noise ou tout simplement rock du label ne fait aucun doute et avec cette série de splits de saison les choses ne vont pas s’arranger. Le principe est simple : deux groupes se partagent un mini CD de trois pouces, la présentation en est fort jolie et ferait presque oublier les splits sur vinyle qui fleurissait au siècle dernier et nous permettait de découvrir tant de nouveaux et bons groupes – pratique qui fort heureusement existe encore aujourd’hui. J’imagine également qu’un tel format revient moins cher au label, en tous les cas celui-ci propose ses mini CDs à un prix défiant toute concurrence, 4 euros ports compris, tous les détails du catalogue de Boom Boom Rikordz se trouvent ici.
Ce volume 1 publié il y a plus d’un an est consacré à l’hiver : lors de la fermeture, si vous laissez vos valves au froid, un bon truc est de placer toutes les poignées à 45°, et vous pouvez aussi desserrer les bagues pour éliminer tout risque d’éclatement pendant l’hiver peut on lire dans les notes, soit de très bons conseils antigel pour préserver les canalisations de sa résidence secondaire dans le Haut Forez. Pour se déboucher les oreilles et les débarrasser de toutes les impuretés et autres pollutions sonores, ce disque assure également parfaitement le boulot. On commence par les deux derniers titres, ceux concoctés par Poutre dont le premier album teinté d’une noise très classique mais foutrement efficace a donc déjà été évoqué ici avec ferveur. Rien de particulièrement nouveau sur Vixen et Autodafé, peut être un peu moins de nervosité, surtout en ce qui concerne Autodafé, le meilleur des deux, un titre au tempo ralenti mettant une nouvelle fois la basse bien en avant (on parle de noise rock là), avec son chant d’écorché et un long final lancinant avec une guitare qui débite et taille dans le vif. Décidément ce groupe originaire d’Arles est l’un des meilleurs du genre.
Question surprise et surtout découverte on se rabat donc sur les trois premiers titres du split, ceux occupés par Graffen Völder, un duo belge composé d’un bassiste et d’un batteur et a qui a tiré son nom d’une bière allemande qui donne forcément envie de pisser. Là aussi on nage en pleine noise, ça tourneboule et ça tourmente à souhaits, une trompette (?) apparait sur Boys To Army et sur Clitokat, donnant un petit côté proche des groupes du Dernier Cri et affiliés (ceux que l’on pouvait entendre sur les deux compilations Discotrauma). Vladivostock ne dépareille pas, à la fois plus basique mais également plus complexe, alternance de passages lents qui laissent supposer une nouvelle séance de torture S/M – tu as toujours envie de pisser ? c’est l’heure de la golden shower – et de plans plus matheux/défouraillages qui remettent les idées en place et de s’ébrouer. Graffen Völder est décidemment un excellent groupe et si je résume, un split (même en CD) avec deux bons groupes dessus ça nous donne un bon disque, tout simplement.

mardi 11 mai 2010

Poutre / Escalade






















Ah cette mode des noms de groupe parfaitement ridicules : Pneu, Monosourcil (RIP), Rien, Marvin, Cheveu et maintenant Poutre. Ah oui, j’en vois quelques uns qui rigolent déjà de tous les jeux de mots bas du plafond qu’un tel nom de groupe va me donner l’occasion de faire à répétition et ils ont parfaitement raison. Mille fois raison : Poutre œuvre dans un noise rock tout ce qu’il y a de plus classique et de plus efficace, en un mot érectile et jubilatoire – oui ça fait deux mots mais disons que c’est l’effet deux en un, normal lorsque on s’appelle Poutre (ça, je vous avais prévenus mes petits chéris).
Beaucoup plus sérieusement – parlons un peu musique, ça va nous faire du bien – Escalade (c’est effectivement le nom de ce disque de Poutre et le moins que l’on puisse dire c’est que ça sent la métaphore filée à plein nez) donc Escalade propose onze titres dont trois instrumentaux de haute tenue mais de toutes façons le chant n’est pas ce qu’il y a de plus prépondérant chez Poutre, les parties purement instrumentales suffisant à mon bonheur de noiseux moisi : excellence de l’exécution, solidité des compositions, qualité du son et de l’enregistrement, vivacité des rythmiques, énergie décuplée, interprétation sans faille, bonheur du bruit, fureur du rock’n’roll. Et ce chant donc, qui frise l’irritation lorsqu’il est trop forcé. Je ne suis pas très fan du timbre du garçon qui braille ainsi mais je reconnais que lui au moins sait hurler tout comme il faut et je n’ai rien à dire contre son accent anglais de sudiste qui vaut bien mon accent de lyonnais. Il sait aussi se faire plus insidieux à l’occasion, tapi dans l’ombre, je te caresse dans le sens du poil et hop je te saute dessus comme la bête immonde que je suis – Chaudelande (presque un slow), l’énergique et très bon Broke et surtout Hidden (A Mass) qui part complètement en sucette, débouchant sur les braillardises pourtant moins appréciées.
OK, j’admets qu’avec Escalade on repassera pour l’originalité et que pour se gaver avec du neuf on ira tout simplement voir ailleurs – d’accord mais où ? – puisque Poutre applique à la lettre le deuxième credo ardemment défendu ici – le premier consistant, je le rappelle, en partialité et mauvaise foi – et qui est tout simplement ce que beaucoup trop de groupes gentiment aventuriers mais absolument pas pertinents oublient systématiquement : qualité, savoir faire, tradition. Avec Poutre, aucun problème, on en prend pour notre grade, ce groupe originaire d’Arles connaissant ses gammes par cœur et ne déviant de l’orthodoxie noise que pour s’octroyer quelques plages de repos relatif et plus nuancées, tel cet Etirements final qui donne tout de suite envie de réécouter Escalade tant il ressemble à une pente douce bien propice pour reprendre son élan.

[ce disque est une coproduction entre Les Disques Du Hangar 221 et Boom Boom Rikordz auprès de qui on peut se le procurer sans grande difficulté et pour une somme modique, c’est même plus que fortement conseillé, vous l’aurez compris]

lundi 10 mai 2010

Pneu, l'échappée belle























C’est dans le cadre du premier Grand Salon De La Micro Edition qu’a lieu le concert de ce samedi à Grrrnd Zero. N’ayant pu venir dans la journée j’espérais au moins voir une partie des expositions le soir (Mattt Konture, Le Dernier Cri, Arrache-toi Un Œil, etc) mais au moment où je débarque les portes du Grrrnd Zero sont fermées, tout le monde est dehors sur le parking, les bières, verres de rouge et autres assiettes vegan sont vendus à qui les demandent et servis par une petite porte restée ouverte, option passe-plats. Je vois des bouteilles de whisky et des ballons de foot qui volent, chaude ambiance et il y a du monde si j’en crois le paquet de vélos accrochés au grillage extérieur.
Une connaissance de concert – on se croise très régulièrement et donc nous avons forcément fini par lier connaissance – m’explique qu’elle a vu les expos mais qu’elle est dehors depuis 19 heures à attendre que la salle réouvre enfin. Je comprends donc que je ne verrai rien de tout ça, tant pis pour moi, d’autant plus que je ne pourrai pas revenir le lendemain alors qu’il est prévu que les expos perdurent et qu’il y a même l’édition d’un bouquin collectif et sérigraphié à la clef.
J’hésite une dernière seconde entre rester et attendre sur le parking du Grrrnd Zero ou bien me rendre une nouvelle fois au Sonic où doit avoir lieu le énième concert à Lyon d’Enablers* (featuring Doug Scharin) mais même la présence de l’ancien batteur de June Of 44, Codeine, Directions In Music – je vous fait grâce de HiM que je n’ai jamais aimé et d’Out Of Worship, tout simplement imbuvable…– ne me décide pas à changer d’avis. Je ne me sens pas l’humeur d’un poète.
















Je pensais que Shield Your Eyes allait jouer en premier et bien non, c’est Courge qui s’y colle. Courge c’est surtout le groupe de Mattt Konture, redoutable auteur de BD et dont les dreads feraient rougir de jalousie n’importe quel rasta gothique lyonnais. Le line-up est le suivant : Mattt à la guitare et au chant, un deuxième guitariste (très classe), un bassiste, un batteur et un organiste. Courge joue du garage super crade, mega lo-fi et assez mollasson – au début je pense que c’est une blague mais non. Le groupe traine la réputation de toujours jouer complètement bourré, ça je veux bien le croire, par contre je n’arrive pas à savoir si ces gars le sont un peu trop pour jouer un truc correct ou bien s’ils ne le sont pas assez pour balancer quelque chose de vraiment barré.
Certains titres décollent mais la grande majorité non. Mattt Konture chante délibérément très mal et d’une voix totalement désagréable, prenant un malin plaisir à détruire tout ce que le groupe derrière lui essaie de construire de potable – Courge/Wampas même combat. Je jette un coup d’œil sur la playlist du jour et je suis effaré par sa longueur. Je déserte alors le devant de la scène où quelques agités se trémoussent en hurlant comme s’ils avaient l’air d’adorer Courge (c’est leur droit) pour suivre moi le concert de loin, ce qui a l’avantage de me faire apprécier le son du groupe dans son ensemble (et non pas le seul son crin-crin de la guitare de Mattt Konture et sa voix mise trop en avant).
Quelques passages des textes – principalement en français – me font rire (comme sur Chaussette où Mattt répète ad lib On Ne Fait Pas De Reprises/On A Les Chaussettes Trouées) mais les remarques qui fusent me font plus rire encore : ils ne doivent pas jouer trop souvent, c’est pour ça qu’ils s’éternisent ou bien si personne ne leur dit d’arrêter ils vont continuer à jouer. Courge ne peut pas non plus s’empêcher de nous servir plusieurs fois le coup du dernier titre… Mention spéciale au batteur du groupe qui était le seul à avoir l’air de s’amuser pendant qu’il jouait (très bien en plus), s’il n’avait pas été là ce concert aurait été une catastrophe, il ne fut qu’un profond ennui. On ne peut pas être doué pour tout.
















Les Shield Your Eyes jouent en second. Je n’avais guère apprécié le groupe lors de sa précédente venue à Lyon à l’occasion d’une tournée commune avec les excellents Silent Front il y a un an et demi et même si le titre figurant sur le split single partagé avec ces mêmes Silent Front était convainquant, jusqu’ici j’ai toujours préféré Push To Fire, le précédent groupe de quelques uns de ces jeunes gens. Surprise, le bassiste barbu de Shield Your Eyes qui a subitement abandonné le navire juste avant le démarrage de la nouvelle tournée avec Pneu et Don Vito puis Nervous Kid (ça doit faire toujours plaisir) a été remplacé fissa par une bassiste avec toute la panoplie de Barbie Ramone. Il ne faut pas se fier aux apparences parce qu’en l’occurrence la demoiselle sera diablement efficace avec sa quatre-cordes.
Pour la première fois je suis séduit par Shield Your Eyes. Ou bien jusqu’ici j’étais complètement sourd et aveugle à tout le savoir-faire de ce groupe délirant ou bien il a fait de sacrés progrès ces derniers mois. Bien évidemment j’opte pour la deuxième explication. La voix du chanteur – très personnelle, c’est un euphémisme – ne semble plus aussi irritante qu’auparavant et la personnalité de ce petit rouquin électrisé qui tient aussi la guitare est renversante, au moins autant que les compositions foutraques et tordues menées droit au but par un batteur que je n’avais pas remarqué aussi impressionnant et carré, une vraie brute.
Ce que je remarque aussi c’est la guitare qui n’a plus que quatre cordes (les deux du haut et les deux de bas), ce qui, allié à de drôles d’accords auxquels je ne comprends rien, explique le son de guitare un rien perturbant au premier abord. Les copains de Pneu qui assistent devant au concert de Shield Your Eyes installent un spot derrière la batterie et font éteindre les lumières de la salle ce qui donne au groupe un air encore plus surnaturel et incroyable.
Malheureusement, alors que le guitariste enchaîne les accords d’Iron Man de Black Sabbath dans une version méchamment vicieuse et violente, il casse ce qui lui reste de cordes du bas, coupant brutalement court à un concert qui devenait tout simplement grandiose. Dommage, on en aurait bien pris davantage.
















Pneu joue donc en dernier et c’est toujours le même plaisir de retrouver ces deux grands malades. Et en plus, ce soir, ils sont particulièrement en forme. Que le duo n’ait rien de véritablement nouveau à offrir importe peu : Pneu prouve une nouvelle fois qu’ils sont les rois du math core à forte tendance débridée et chaotique. Et ils s’en donnent à cœur joie dans l’option je te tapisse la rythmique de double pédale et je te fais couiner ma guitare jusqu’à t’en déchirer les oreilles.
Les plans virtuoses se succèdent à une vitesse et avec une folie impressionnantes, à la punk, faisant de Pneu le groupe instrumental à la fois le plus technique et le plus crade de la sphère math rock – sphère que ces deux là éclatent haut la main tellement elle semble bien trop petite pour eux. Le concert, intense et absolu, s’achève avec le désormais habituel titre hyper ralenti et doomesque (qui figure en version courte sur le split 12 pouces partagé avec les excellents Nervous Kid**), faisant lentement monter la pression puis l’attente et la frustration avant une dernière salve de grind punk mathématique. J’en tremble encore.

* concert d’Enablers qui de l’avis général s’est révélé excellent
** on en reparle bientôt

samedi 8 mai 2010

Le Grand Salon c'est aujourd'hui*























Aujourd’hui, samedi 8 mai, a lieu une initiative très intéressante : Le Grand Salon de la Micro Edition. Cette manifestation qui se tiendra à Grrrnd Zero Gerland à partir de 11 heures accueillera plein de petites maisons d’édition underground et DIY, des dessinateurs, des graphistes, des ateliers de sérigraphie, en tout une bonne quarantaine d’exposants. Je reprends tel quel l’édito mis en ligne par les gens organisant cet évènement, tout le détail du déroulement de cette journée se trouvant sur le site officiel :

Depuis deux ans les projets de micro édition se multiplient à Lyon, notamment autour du collectif Arbitraire, de la galerie All Over, de la salle de concert Grrrnd Zero, de la Luttine, des librairies Grand Guignol, Expérience, Bal des ardents, et Ouvrir l'œil. Quelques uns de ces artistes et éditeurs se sont d'abord fédérés pour représenter leur travail sur des salons à l'extérieur de Lyon, puis leurs liens se resserrant, l'envie a émergé d'organiser ensemble le premier salon de la micro édition à Lyon, le GRAND SALON.
Le week end des 8 et 9 mai 2010, vous pourrez donc découvrir à Grrrnd Zero une trentaine d'éditeurs, principalement de dessin, de tous horizons, qui tous travaillent sur l'idée de petites séries, que ce soient des livres objets, livres d'art, livres punk, fanzines, livres hybrides,... bref qui développent des traits, formes et paroles libres et personnelles. Ces projets évoluent dans une culture DIY « Do It Yourself », c'est à dire autofinancée, autodistribuée, alimentée par la passion de quelques uns à produire des livres rares, uniques avec le plus grand sérieux, dans le soucis d'une belle finition, du détail ou d'un contenu important, nécessaire. Les techniques d'éditions représentées sont multiples depuis le traditionnel Offset en passant par l'impression numérique, la traditionnelle photocopieuse, la gravure, la sérigraphie, sur des supports et formats également variés.

Et comme nous sommes gourmands, nous vous proposerons par la même occasion des concerts, expositions d'affiches et dessins, des projections de films d'animation, des espaces de discussion et de restauration conviviaux. Nous vous inviterons aussi à fabriquer un livre collectif avec nous et les artistes invités, sur les deux jours du salon. Des ateliers de sérigraphie, gravure, écriture, de dessin, reliure, de fabrication de fanzine seront organisés pour que le livre soit finalement terminé et distribué en conclusion du week end, le dimanche soir.

* Et comme vous avez tout lu, vous avez bien évidemment noté que se tiendra à partir de 20 heures un excellent concert avec au programme avec Shield Your Eyes, Pneu, Courge (le groupe à bordel de Mattt Konture).