dimanche 30 mai 2010

Psychic Paramount au Sonic (on ne peut pas toujours être au sommet)























Il y a un an presque jour pour jour, pour leur précédente venue au Sonic, les Psychic Paramount avaient bénéficié de l’effet Nuits Sonores : le concert était gratuit, avait été annoncé comme tel avec toute l’armada de moyens dont dispose le Festival electro/indie lyonnais et résultat, la péniche avait été prise d’assaut par toutes sortes de curieux, de jeunes gens désœuvrés et de teuffeurs égarés, le plein de personnes qui n’avaient jamais foutu les pieds dans ce lieu qui n’y sont probablement jamais retournées depuis. On comptait en gros deux cents personnes à l’intérieur du Sonic et deux cents autres à l’extérieur. J’en connais quelques uns qui, dégoûtés, avaient préféré rebrousser chemin plutôt que d’assister à un concert de loin ou carrément du dehors (et ça peut se comprendre).
Toujours sans nouvel album sous le bras, ce II annoncé depuis longtemps, enregistré il y aurait presque deux ans et qui devrait finalement paraître incessamment sous peu sur No Quarter (et non pas Thrill Jockey comme il en avait été un temps question), Psychic Paramount est donc de retour et va à nouveau faire le plein, cette fois uniquement de fans enragés et déjà convaincus, voilà ce que j’appelle un groupe populaire. L’équipe du Sonic a donc très bien fait d’intercepter le trio new-yorkais sur la route qui le menait au festival Primavera. Et elle a également bien fait en mettant Deborah Kant en première partie.
















 Mais avant Deborah Kant et Psychic Paramount, il y a Red Horn Cannibals, un duo dont on ne connait que quelques informations très parcellaires grâce aux moyens habituels. A ma droite un guitariste blondinet qui joue par terre, devant la scène. A ma gauche un beau brun (un vrai) qui joue sur la scène, assis devant une table. Un rapide coup d’œil permet de se rendre compte que dessus sont posées deux lapsteels, que les doigts du garçon sont tous ornés d’anneaux griffus qui l’aident à martyriser les cordes de ses instruments et qu’il dispose également de quelques pédales d’effet au sol. La disposition des deux membres du groupe est assez étrange, complètement décalée, le premier étant bien plus bas que l’autre – est ce pour cette raison que naîtra l’impression gênante que ces deux là ne jouent pas toujours ensemble ?
Le premier titre est pourtant diablement convaincant. Red Horn Cannibals cite Neil Young (Dead Man j’imagine) et Earth comme influences, j’y rajoute une bonne dose de Loren Mazzacane Connors, même gros grain épais et sévère du son de guitar/lapsteel, même ambiance crépusculaire. Rien de très surprenant mais du bien foutu qui malheureusement part en eau de boudin dès le deuxième titre, après une séance de réaccordage bien trop longue – intro planante puis chouette riff joué à l’unisson par les deux compères qui fait son apparition mais lorsque le guitariste part en solo, il se retrouve complètement perdu dès que son petit camarade change de tonalité, les deux finissent par jouer l’un à côté de l’autre et non plus ensemble. Sans compter que ce même guitariste se met à faire beaucoup trop de notes à mon goût, oui trop de note tue la note (ou alors va ailleurs jouer du jazz). Les gars, la prochaine fois, essayez de vous installer au même niveau, ce sera plus facile pour vous regarder dans le blanc des yeux et je suis sûr que votre musique pétera plus que la piètre démonstration que vous nous avez infligée. Dommage.
















C’est enfin au tour de Deborah Kant de monter sur scène. On a déjà vu ce groupe un nombre incalculable de fois en concert sur Lyon et alentours et on ne le présente plus. Mais c’est un groupe bien trop discret à mon goût, qui ne tourne jamais vraiment et qui sort un enregistrement tous les 36 du mois – Deborah Kant a d’ailleurs un nouveau CD single à proposer, CD dont le guitariste/chanteur dit non sans une certaine ironie que ceux qui nous connaissent bien savent que nous l’avons enregistré il y a plus de deux ans. Au moins ça leur fait un point commun avec les Psychic Paramount.
Les titres de Deborah Kant sont longs, très longs et le groupe attaque par un instrumental très dans le lignée de l’album Goo de Sonic Youth, la grosse influence à laquelle on pense forcément en premier dès que l’on entend sa musique. Mais un Sonic Youth bien plus rallongé, presque psychédélique avec ces longues digressions instrumentales, et parsemé de passages jazzy – le batteur est tout simplement incroyable, il a un regard de tueur et il porte en outre une moustache, ceci explique sûrement cela. Non, plus sérieusement, ce garçon a un toucher d’exception.
La basse me semble par contre un peu trop rigide et pas assez groove – le comble parce que le bassiste joue tout aux doigts – mais cela n’empêche pas Deborah Kant de développer une belle énergie, une bonne dynamique, les quatre ne se perdant jamais en cours de route lors de leurs longues compositions qui permettent alors aux deux guitaristes toutes les fantaisies/explosions noise pendant des breaks proches de l’hallucination (Daydream Nation inside). Le concert s’achève avec le « nouveau » single du groupe, Mars Hell/Day Dee, excellent titre, faussement calme au démarrage, qui comme son nom l’indique raconte la vie à la campagne de Marcel et Dédé. Je ne regrette qu’une seule chose, c’est de ne pas entendre un peu mieux la voix du chanteur qui le fait vraiment lorsqu’il veut bien s’en donner la peine, pour s’en persuader il n’y a qu’à écouter The North Bay Moustache Ligue, exquis duo pop/folk/country/cajun qu’il a monté avec une jeune fille – ces deux là harmonisent et chantent comme des anges.
















Le Sonic est maintenant rempli, une affluence qui fait réellement plaisir pour un groupe tel que Psychic Paramount, le meilleur de tous les meilleurs groupes du monde selon certains ayatollahs mélomanes, juste un bon – voire excellent – groupe pour tous les autres. Au petit jeu des comparatifs, puisque on commence à ne plus compter le nombre de passages de Psychic Paramount à Lyon, quelques petits malins et/ou vieux de la vieille prenant même un malin plaisir à se remémorer les monstrueux concerts de Laddio Bolocko au Pezner*, on peut toutefois affirmer que ce vendredi soir les trois new-yorkais ont délivré une bonne prestation mais sans plus.
Ils ont l’air bien fatigué, le bassiste est aussi défoncé que d’habitude et chaleur étouffante aidant, les trois Psychic Paramount ne vont pas résister très longtemps à la pression physique – le dernier titre joué pour le rappel, parce qu’il y aura tout de même un rappel, finissant même en eau de boudin et on hésite alors un peu sur ce qu’il faudrait en penser : le groupe s’est il perdu dans une impro à mi parcours (ça avait pourtant très bien commencé tout comme il faut, exactement à la façon des hits psyché noise comme Psychic Paramount sait si bien les faire) et dont il n’a pas su ressortir ? y avait il une reprise du morceau initial de prévue après ce passage chaotique ? Le bassiste titube, le batteur – qui s’est vraiment donné à fond pendant tout le concert – ferme les yeux comme s’il allait s’endormir et le guitariste décide alors de tapoter énergiquement sur son tom pour le réveiller et qu’il se remette à jouer mais la musique du groupe ne redémarre pas.
Le concert était excellent bien que n’apportant pas son lot de nouveautés ni de surprise et a finalement été gâché par ce rappel que le groupe aurait mieux fait de ne pas jouer malgré l’insistance d’un public déchainé. A la frustration d’un concert trop court s’est donc ajouté celle d’une fin en demi-ton. La première eût été suffisante et n’aurait certes pas empêché de classer ce concert dans les meilleures prestations du groupe. A l’année prochaine les Psychic Paramount.

* conversations qui se termineront par des et toi tu y étais au Caméléon pour le concert de Cop Shoot Cop en 1992 ? auxquels répondront des n’empêche que c’est les Silly Hornets qui ont organisé le première venue de Zeni Geva au CCO en 1995.