lundi 28 juin 2010

Sax Ruins / Yawiquo























Ils deviennent quoi chez Ipecac ? Fidèle à ses habitudes le label ne sort pas des tonnes de disques par an mais essaie de soigner chaque sortie avec le même amour et Mike Patton – malgré son gros complexe d’infériorité par rapport à Freddy Mercury et John Tardy à la fois je l’aime bien quand même celui-là – avait prévenu que ce rythme d’escargot consciencieux n’allait pas s’arranger. Le catalogue du label est toujours aussi disparate, faisant le grand écart entre le très bon et le pire (et juste quelques rien à foutre au milieu). Depuis la parution de Chicken Switch, l’insupportable album de remix des Melvins, Ipecac n’a semble t-il pas offert grand-chose* à se mettre sous la dent et il faut remonter au dernier album de Zu (Carboniferous) pour manger vraiment à sa faim. En attendant que je chronique le cinquante-troisième album des Melvins – malheureusement toujours parasités par une greffe malencontreuse à base de Big Business, l’album s’appelle The Bride Screamed Murder et est sorti début juin (il y a quelques semaines, quoi) – on peut faire un léger retour en arrière dans le catalogue Ipecac et s’apercevoir qu’un disque était complètement passé inaperçu en 2009 : Yawiquo de Sax Ruins.
Les Ruins ont longtemps été le duo basse/batterie (avec des bassistes jouant sur des 5 cordes voire même 6 cordes…) et voix de référence en matière de jazz core/prog punk/magma addiction mais, pour l’instant, les Ruins ne sont plus un duo : Tatsuya Yoshida continue tout seul sous le nom de Ruins Alone… Dans la foulée le batteur tentaculaire a également monté le projet Sax Ruins qui comme son nom l’indique reprend des titres des Ruins réarrangés pour batterie et saxophones. Yawiquo est la résultante de cette nouvelle version des Ruins et c’est un enregistrement assez bluffant et à la dynamique joyeuse.
Tatsuya Yoshida s’est donc accoquiné avec une saxophoniste, Ono Ryoko. Elle joue de l’alto mais également de la flûte. Elle possède un son très clair et très tranché, pas très original à dire vrai mais elle compense par une technique de jeu et une dextérité à toutes épreuves. Les parties de saxophone enregistrées pour Yawiquo l’ont visiblement été en multipiste et je vois mal comment Mlle Ryoko pourrait arriver à reproduire de tels arrangements sur scène, même en soufflant dans trois binious en même temps à la façon d’un Rahsaan Roland Kirk, ce qu’elle ne fait pas de toutes façons.
Sur Yawiquo on a systématiquement la sensation d’entendre un petit big band, avec plusieurs saxophones à l’unisson tandis qu’un autre alto prend éventuellement la liberté de partir en solo en même temps, dans une tempête de notes hystériques rappelant plus que fortement John Zorn lorsqu’il n’est pas fatigué ni trop conceptuel. Qu’importe finalement que la folie de ce disque soit transposable ou non sur scène, on parle bien d’un enregistrement là, un enregistrement jubilatoire et foldingue, en rajoutant consciencieusement dans le côté Muppet Shô du Ruins des origines. Il y a par contre des choses qui n’ont pas changé ici comme le jeu de batterie proprement délirant de Tatsuya Yoshida (mais qui par contre ne chante pas une note sur Yawiquo) ou comme la fulgurance punk des dix sept titres proposés, du hard-bop sous la double influence du speed metal californien et du prog fiévreux de Vander and C°. C’est lyrique à souhait mais pas gratuitement tordu, plein d’humour mais pas inutilement, déglingué et en même temps tellement droit au but : aussi efficace pour se réveiller le matin qu’un gel douche parfumé à la citronnelle chimique et qui pue mais autrement plus vivifiant. Pas un grand disque mais une sacrée bouffée d’oxygène.

* si : il y a Monde Cane de Mike Patton himself mais je ne veux même pas en entendre parler, il y a également l’album de Beak mais il est complètement hors sujet lui aussi