vendredi 23 juillet 2010

Nadja / Ruins Of Morning























On ne pourra surement jamais en finir avec l’énumération des enregistrements signés Nadja et Aidan Baker mais voilà la parution la plus récente du duo de Toronto : Ruins Of Morning est en plus le tout premier 10 pouces jamais réalisé par Nadja. On aurait préféré pour l’occasion un artwork un peu moins laid mais ce n’est que du chipotage, hein… N’empêche que cette œuvre picturale digne d’un groupe dark prog en quête d’obsessions apocalyptiques et post industrielles fait un peu froid dans le dos. Qu’est ce qu’on attend pour interdire aux graphistes et illustrateurs sans talent l’usage unique de l’ordinateur ? – tout comme on devrait bannir Protool des studios d’enregistrements… Et puisque on parle art, chiffons et emballage : Ruins Of Morning a été gravé dans un vinyle quant à lui annoncé par le label Substantia Innominata (une filiale de Drone records, spécialisée dans le 10 pouces à tirage limité) comme étant de couleur gold. Doré ? Oui si tu veux. J’y verrais pour ma part plutôt une tentative réussie de la reproduction colométrique d’un breuvage sudiste, également parfait compromis entre le Perroquet et la Momie et que ces couillons de Marseillais appellent gas-oil par simple soucis d’identification pertinente et de rationalité objective. En résumé cette couleur est autant à vomir que l’artwork de la pochette, regrettable constat parce que lorsqu’on aime bien un disque on apprécie également que sa présentation soit à la hauteur.
Ce n’est donc malheureusement pas ici le cas mais on saura s’en contenter. Ruins Of Morning est en effet l’une des meilleures choses enregistrées par Nadja depuis longtemps, un très long titre de presque quarante minutes et séparé distinctement en deux. La première face prolonge les récents travaux de Nadja, ceux d’une musique plus intimiste, presque acoustique et on pense alors très fort à Clinging To The Edge Of The Sky, un disque ambitieux mais franchement raté du duo. A la lumière de Ruins Of Morning tout s’éclaire enfin à propos de Clinging To The Edge Of The Sky (enregistré quatre mois plus tôt) : Nadja en pleine transition, Baker cherchait visiblement quelque chose d’un peu nouveau et ce quelque chose il l’a enfin trouvé sur Ruins Of Morning, titre qui commence comme une ballade acoustique à peine perturbée par les beats assourdis de la boite à rythmes et quelques fréquences graves qui rappellent que la musique de Nadja ne s’éloigne que rarement du drone. Il manquait trois fois rien et ce trois fois rien c’est un peu de chant neurasthénique, une vraie chanson (certes rallongée au-delà des formats généralement admis), un leitmotiv tout simple à la guitare et une progression palpable qui semble aboutir précisément alors que la première face s’achève.
On se lève vite pour retourner la galette et attaquer la suite de Ruins Of Morning exactement au moment où l’explosion sonique est proche, où les rythmes s’alourdissent, ou la guitare partirait presque dans un solo sans queue ni tête mais comme rien ne doit jamais être simple, la tension redescend et la violence s’estompe, laissant derrière elles ce gimmick de guitare toujours aussi entêtant mais plus marqué qu’auparavant, c’est vrai. Le titre passe alors en mode planeur des hauts plateaux, la vue est belle mais lointaine et l’auditeur a tout le loisir de la contempler alors qu’il redescend lentement, lentement, lentement… pour atterrir sur un tapis de mousse au milieu des pâquerettes et des amis de la nature. Nadja semble avoir définitivement abandonné le metal vaporeux et avec Ruins Of Morning le duo réussit enfin là où il achoppait régulièrement sur ses derniers enregistrements, remplaçant la densité et les mouvements telluriques par des trames plus affinées et des glissements plus pointillistes. Moins metal et peut être plus folk la musique de Nadja est à nouveau passionnante.