mardi 27 juillet 2010

Zs / New Slaves























C’est une erreur de penser que l’on a fait le tour de la question Zs lorsqu’on a précisé que ce quartet vient de Brooklyn, New York : alors comme ça, Zs est encore un de ces groupes de binoclards jouant sur partitions un free jazz mi électrique mi psychorigide ? La bonne affaire. Voilà en fait un descriptif nettement insuffisant bien qu’ayant un fond de vérité et bien qu’ayant pu convenir à certains des enregistrements antérieurs de Zs, et encore... Mais avec New Slaves, superbe double album gavé de plus d’une heure de musique et publié par un tout petit label qui fait du bon boulot, The Social Registry, les barrières tombent, les a priori s’envolent et les préjugés peuvent aller se rhabiller : la musique de Zs ne ressemble à aucune autre.
On peut théoriser qu’en matière d’avant-garde new-yorkaise les Little Women et leur deuxième album Throat représentent le côté organique, flexible et désaxé de la scène arty locale alors que Zs en serait le côté cérébral, calculé et trigonométrique – oui il y a de ça… Le cas Zs est bien plus complexe que celui de ses petits camarades de Little Women qui après tout n’est qu’un groupe de free jazz. Un groupe de free jazz particulièrement foutraque et érigé à la punk (comme un majeur bien dressé) mais de free jazz quand même et puis c’est tout. Alors que dans Zs on trouve au passage un peu de freeture mais également du contemporain, du minimalisme, du kraut, de l’electro, du metal… Oui ça fait beaucoup pour un seul groupe. Non New Slaves n’est pas un disque indigeste. Uniquement un disque étonnamment ouvert pour ne pas dire versatile mais toujours d’une grande fraîcheur bien que ne recelant aucune tentative de compromis par rapport à une ligne directrice que l’on pourrait définir à l’aide d’une seule et unique phrase – toujours de l’expérimentation, encore de l’expérimentation et rien que de l’expérimentation.
Ouais : expérimentation. Pour une fois, cette terminologie agressive et obscure pour le sens commun n’est pas usurpée à propos de Zs. Comment expliquer sinon que le groupe arrive avec autant de facilité et d’à-propos à enchaîner bidouille sur bandes à l’envers (Concert Black) avec du happy kraut acidulé (Acres Of Skin), passer du breakcore bruitiste (Don’t Touch Me) à du minimalisme céleste (le gamelan intersidéral de Mansory) pour finir sur du jazz mécanisé comme une horloge suisse et se déréglant petit à petit, par petits glissements insidieux et se fracassant dans le plus pur chaos, un chaos presque borbetomagussien (New Slaves) ? C’est très simple : on note, outre les morceaux de bravoure composés à quatre, que chaque musicien a droit à un titre solo sur New Slaves. Certains relèvent un peu trop de l’évidence stylistique comme le saxophone de Sam Hillmer esseulé et mis en boucles sur Black Crown Ceremony I : Diamond Terrifier mais d’autres s’inscrivent totalement dans la logique de big bang fondateur d’un album protéiforme – par exemple le Gentleman Amateur de Ben Greenberg offre une certaine continuité avec Acres Of Skin qui est pourtant l’œuvre du groupe tout entier, le Don’t Touch Me d’Amnon Freidlin prend alors logiquement le relai alors que Mansory (bidouillé par Ian Antonio) prépare parfaitement à New Slaves, retour d’une composition à quatre. Alors si Zs est la somme de ces quatre talents ajoutés on peut également affirmer que chacun de ces talents peut aussi dignement représenter à lui seul l’identité d’un groupe génial, phénomène plutôt rare à vrai dire. Sam Hillmer (saxophone ténor et effets), Ian Antonio (batterie), Ben Greenberg (guitare et électronique) et Amnon Freidlin (guitare) ont donc le droit d’être traités de grands malades : même si leur intransigeance est mise en scène et calculée on croit dur comme fer à leur bordel d’extra-terrestres, il nous fait mouiller dans nos culottes, au moins autant sinon plus que le free jazz organique et humain d’un… Little Women.
New Slaves, terreur auditive mais ô combien imaginative de l’année 2010 a été enregistré par le guitariste en chef de Zs, Ben Greenberg. Le mastering a été assuré par Colin Marston (Behold... The Arctopus, Dysrhytmia, Krallice et plus récemment Gorguts) qui est dans tous les mauvais coups ces derniers temps. Enfin l’illustration de la pochette est signée par un certain John Dwyer.
Et puis si vous voulez voir ce groupe incroyable en concert, sachez que Zs tourne en Europe fin juillet/début aout : le 30 juillet au Grrrrnd Zero de Lyon avec L’Ocelle Mare et le 31 à Paris dans une salle encore non déterminée – renseignez vous ! On note aussi que depuis l’enregistrement de New Slaves Amnon Freidlin a déjà quitté le groupe. En fait les trois autres forment le noyau dur de Zs, l’un des prédécesseurs d’Amnon Freidlin n’était autre que Charlie Looker, parti pour fonder Extra Life, et son successeur actuel est Tony Lowe, un ancien Skeletons.