samedi 18 septembre 2010

Marvin, Papier Tigre, Electric Electric et Pneu : la colonie de vacances à Grrrnd Zero























La colonie de vacances. C’est comme ça que Electric Electric, Marvin, Papier Tigre et Pneu (quatre des meilleurs groupes français actuels option je fais du bruit, je saute dans tous les sens et j’aime ça) ont décidé d’appeler leur tournée commune, soit une petite dizaine de dates en France au mois de septembre 2010. De quoi franchement rigoler, entassés à dix-sept dans deux ou trois camions vénérablement pourris. De la bonne ambiance et de l’éclate comme seules feuilles de route.
Les labels Africantape, le Collectif Effervescence, Head records et Kythibong se sont en outre réunis pour éditer un double 45 tours comprenant un inédit de chaque groupe enregistré spécialement pour l’occasion (avec des réussites variables, on en reparlera), sorte de carte postale de cette tournée d’automne.
La colonie de vacances s’est donc arrêté le 16 septembre à Lyon, au Rail Théâtre/Grrrnd Zero de Vaise, avant-avant dernière date d’un périple qui a emmené tout ce petit monde de Limoges à Paris en passant par Nantes, Strasbourg ou Freiburg (seule date allemande) pour finir à Toulouse via Marseille. Détail qui ne gâche rien, le Grrrnd Zero profite de cette date exceptionnelle pour fêter son sixième anniversaire – on est encore loin de l’âge de raison mais on y arrive tout doucement. L’affiche, la date anniversaire ainsi qu’un prix des places résolument attractif sont très certainement la cause d’un Rail Théâtre rempli à bloc. Cette soirée va être complètement folle. Et qu’importe si j’ai déjà vu ces quatre groupes plusieurs fois en concert.
En bons kolkhoziens, les quatre groupes jouent dans un ordre différent chaque soir. Ils ne tirent pas au sort comme je l’avais cru au départ mais ils tournent, tout simplement. C’est ce qui explique que les Marvin jouent en premier ce soir alors que la veille ils avaient joué en dernier. Vu la renommé grandissante du groupe, beaucoup s’attendaient à ce que les Montpelliérains soient systématiquement en tête d’affiche mais il n’en est rien. Comme je connais un certain nombre de soiffards qui ne se déplaceront que pour absolument voir Marvin en concert et qu’à cette heure là ils doivent encore être scotchés en terrasse je passe un ou deux coups de téléphone pour prévenir les intéressés du bordel. D’un autre côté, cette façon de faire désacralisée et communiste d’organiser le passage des groupes sur scène me fait particulièrement rire et, après tout, on a déjà vu Marvin au même endroit en premier partie des Thugs pour leur reformation éphémère en 2008.
















C’est donc devant un public encore un peu clairsemé que Marvin commence à jouer. Le groupe va avoir la tâche assez difficile de chauffer la salle. Dehors la queue pour pouvoir entrer est interminable. On peut dire ce que l’on veut du bitch disco noise hard rock kraut instrumental* du groupe et que l’on aime ou que l’on n’aime pas Hangover The Top, le deuxième album de Marvin paru cette année, on ne peut pas nier que le trio en connait un rayon sur comment mener un concert à bien et surtout comment le transformer en grosse fête. Non seulement le groupe possède un répertoire complet de hits incontournables mais qui plus est sur scène ces trois jeunes et beaux athlètes envoient la sauce avec une fraicheur et un enthousiasme parfois sidérant. Le plus spectaculaire est Fred, guitariste mais aussi maintenant clavier et chanteur, qui a fait des progrès de géant, il monopolise pas mal de l’attention alors que jusqu’ici c’était plutôt Emilie** (synthés et voix) et Greg (batterie et ventre plat) qui attiraient les regards. En plus on sent bien qu’il s’amuse comme un petit fou, il a constamment un air de sale gosse.
On admettra par contre que – fidèle à ses habitudes – le public lyonnais met lui du temps à l’allumage et lorsqu’il s’est enfin réveillé (et la salle presque complètement remplie) il est déjà temps pour Marvin de laisser la place au groupe suivant. Un dernier titre (Conan Le Bastard dédicacé comme il se doit aux amis de Zëro) en guise de rappel et c’est fini, tant pis pour les retardataires et les piliers de comptoirs***.























Le groupe suivant n’est autre que Papier Tigre. Après le concert, lors d’un échange d’impressions, je disais à un autre adorateur de ce trio nantais que je ne comprenais pas pourquoi ces trois garçons n’étaient pas des stars mondiales du rock indépendant connues de tous et pourquoi ils ne vendaient pas leurs albums par semi-remorques entiers. Le lendemain matin, la première et unique chose définitivement urgente à faire a été de ressortir les deux LPs du groupe, le premier sans titre et The Beginning And End Of Now et de les réécouter avec autant de passion que lors de leur première découverte.
Tous les groupes de l’escale lyonnaise de la colonie de vacances ont été bons mais Papier Tigre a surclassé tout le monde et de loin bien que la musique du trio soit la moins évidente par rapport à celles jouées par ses trois petits camarades : mélodies curieusement tordues mais mystérieusement catchy, mesures impaires, breaks incroyables, batteur complètement impressionnant, guitaristes incisifs, chanteur haut perché mais toujours une musique fluide, coulant de source. Un vrai bonheur, autant pour les yeux que pour les oreilles et que pour le cœur.
















Arrivent les trois Electric Electric (de Strasbourg) qui avaient fait une très grosse impression au Sonic en octobre 2009. Ici, la recette disco noise du trio est exactement la même, ultra efficace, ultra enlevée, mélange de groove imparable, de lignes de synthés froides, de riffs de guitares stridents, d’un peu de chant et d’un peu de tribalisme, le tout emmené par un batteur toujours aussi ahurissant de puissance, véritable moteur d’un groupe et d’une musique qui certes manquent un peu de nuances et de finesses. Mais on ne va quand même pas chipoter, hein ?
Allez si, juste un peu. Ne bénéficiant pas de l’effet de surprise, le post punk mâtiné de turbo funk de Electric Electric me surprend donc moins, voire me parait un peu moins convainquant. Surtout le groupe joue trop fort à mon goût, ce qui finit par gâcher mon plaisir et m’entraîne en dehors du devant de la scène où la jeunesse locale palpitante et frénétique danse comme une folle. Que le groupe se rassure, je ronchonne mais il y a des signes qui ne trompent pas : après le concert j’entendrai plein de commentaires sur l’excellence d’Electric Electric et croiserai plein d’heureux acheteurs avec le LP Sad Cities Handclappers du groupe sous le bras. Les strasbourgeois ont visiblement explosé les ventes.
















Le dernier groupe qui joue ce soir est donc Pneu et c’est une excellente chose. Les tourangeaux sont les plus foutraques et barrés du lot, ils ont toujours pour habitude de jouer à même le sol avec leur propre sono au milieu du public (Lightning Bolt style) et ils s’apprêtent à foutre dehors les personnes du public qui n’attendaient que ça pour ne pas rater le dernier métro. Après le volume sonore de Electric Electric celui de Pneu me parait presque faiblard pourtant il ne doit rien en être puisque JB (batterie) arbore un magnifique casque anti bruits et que certaines réactions dans le public sont sans aucune équivoque.
Les deux Pneu sont en excellente forme ce soir, oppressés par le public qui les cerne, et envoyant avec une rage punk décuplée leur math noise. Régalade de riffs tordus, batterie épileptique, rien ne les arrête si ce n’est quelques obligations administratives et légales**** – depuis que des immeubles d’habitation ont été construits derrière le Rail Théâtre les problèmes de voisinage se sont multipliés et ce soir le concert doit se terminer au plus tard à 01h00 – ce qui fait que Pneu choisira la fureur permanente et l’instabilité sonique comme seuls langages, délaissant le final heavy/sludge avec lequel le groupe a pris l’habitude de terminer ses concerts ces derniers temps et écourtant son set à la demande des personnes du Grrrnd Zero (c’est le prix à payer s’ils veulent continuer à bénéficier de la salle pour organiser d’autres concerts). Ce sera finalement une bonne chose car Pneu joue exactement le genre de musique qui ne devrait jamais s’éterniser et qu’ainsi je peux rester sur une excellente impression.

* tu es bien avancé maintenant avec un descriptif pareil
** on ne félicite par contre pas les connards priapiques et leurs remarques macho-sexistes au sujet de la jeune femme mais j’imagine qu’elle doit être blindée, depuis le temps
*** ceci est une private joke, ne cherche pas
**** et un passage des flics qui avaient l’air de se demander d’où pouvait bien provenir tout ce bordel