jeudi 16 septembre 2010

Swans / My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky


Allons. On peut bien pester sur les airs retro-nostalgiques actuellement empruntés par la musique, on peut bien insinuer que tous les groupes qui se reforment le font uniquement pour le fric – mais si c’est pour éviter d’aller à l’usine ou à la soupe populaire ça peut être une excellente raison, non ? – et on peut bien jouer à l’ancien (moi je les ai déjà vus et tu penses bien que c’était à leur meilleure période), il n’empêche qu’avec toutes ses reformations de groupes plus ou moins mythiques – ça dépend des goûts – il y en a forcément une qui va te faire rêver, te mettre du plomb dans le cœur et te donner envie d’écouter la nouvelle version de ce groupe que tu as tant aimé autrefois, quand tu étais encore jeune, fou et insouciant, autant dire une éternité.
Michael Gira peut bien raconter tout ce qu’il veut à propos de la remise en activité des Swans, comment les anges et la lumière lui sont apparus, on s’en moque un peu. La seule évocation du nom des Swans suffit. On connait l’histoire, les démos que Gira a enregistrées et sorties lui-même en CDr pour, disait il, se faire un peu de fric et financer l’enregistrement d’un nouvel album de l’un des deux groupes new-yorkais les plus importants des années 80. I Am Not Insane, qui finalement ne sera pas réédité, n’avait rien de mirobolant mis à part le fait d’être porteur de deux bonnes nouvelles : les Swans qui se reforment (donc) et Michael Gira vraiment en très grande forme. We Are Him, le dernier album en date d’Angels Of Light – groupe que Gira a monté après les Swans – paru en 2007 était déjà très prometteur, au point même d’être le meilleur enregistrement de ce groupe neo folk pour hippies gothiques car marquant ça et là un certain durcissement bienvenu de sa musique. Alors on finit forcément par attendre beaucoup de ce My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky, confiant dans les beaux restes de Gira et tout du moins heureux de pouvoir à nouveau entendre sa belle voix inimitable.



















Pour résumer la situation et en faisant très court, on peut avancer sans trop se mouiller que My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky s’inscrit dans la droite lignée des derniers albums des Swans tout en la combinant avec le côté plus pastoral d’Angels Of Light. Dans le détail on ne s’attendait pas non plus à autant de virulence et de lourdeur que celles que l’on peut entendre sur l’excellent My Birth et le plus basique Eden Prison. Martèlement tribal de la batterie (tenue par Phil Puleo de Cop Shoot Cop et qui avait déjà joué avec les Swans, sur la tournée d’adieu du groupe en 1997), glissés de basse typiques, tranchant venimeux des guitares (dont celle de Norman Westberg, guitariste originel du groupe et de retour au bercail) et chant incantatoire de Michael Gira : les années viande froide (1982/1986) des Swans sont loin derrière eux mais elles continuent d’influencer le groupe. Mieux : même sur les titres emprunts de cette grandiloquence épique dont les Swans se sont fait une véritable spécialité depuis le diptyque White Light From The Mouth Of Infinity/Love Of Life on est surpris par l’acharnement du groupe. Ainsi, sur l’inaugural No Words/No Thoughts ou sur Inside Madeleine – ces deux titres comportent deux parties distinctes, le fracas de la première laissant dans un deuxième temps la place aux crooneries mystiques dont Gira ne sait plus se passer – les Swans enfoncent à la fois le clou de la colère et la croix d’un romantisme musical certes un peu désuet. You Fucking People Make Me Sick représente une certaine curiosité avec ses voix d’enfants et son final aux résonnances vaguement empruntes de musique contemporaine. Jim, magnifique, est le titre qui se remarque le plus sur My Father Will Guide Me Up A Rope To The Sky : la musique des Swans y est représentée dans tout ce qu’elle a désormais de classique mais sublimé, Gira est le grand ordonnateur d’un blues gothique mais bien sûr sans paillettes sur fond de chœurs de galériens. Little Mouth fait une nouvelle fois la part belle aux voix – comme sur tous les autres titres du disque on remarque que celle de Jarboe, évincée des Swans version 2010, ne manque absolument pas – et ce titre s’achève sur une ligne de chant solo de Michael Gira, oui les Swans est bien son seul groupe.