vendredi 12 novembre 2010

Basement Fest


Belle affiche noise en ce jeudi 11 novembre – jour de nausée persistante puisque commémorer dans l’hypocrisie patriotique la plus totale les quelques millions de morts et mutilés de guerre occasionnés lors d’une lointaine boucherie internationale n’a jamais empêché l’histoire de se répéter – donc (excusez-moi, je me suis juste un peu égaré) belle affiche noise avec le tandem Dupek/Basement au Sonic. Pourtant il y avait le choix ce jour là avec le concert des Movie Star Junkies à Grrrnd Zero mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, je n’avais encore jamais revu Basement depuis la remise en activité du groupe aux alentours des années 2005/2006. Il est vrai que je ne leur avais pas spécialement couru derrière non plus puisque je ne suis pas du tout du genre à me taper quelques kilomètres pour sortir de ma ville chéri afin d’assister à des concerts d’exceptions*.
J’étais alors resté dans l’ignorance de cette inattendue et incroyable résurrection. Et donc, encore une fois, le choix a été vite fait bien qu’avoir à choisir entre deux concerts se déroulant le même jour est l’une des expériences humaines les plus éprouvantes que je connaisse.
Les groupes à l’affiche ont beau être des groupes à guitare, c’est Jarring Effects qui programme la soirée via l’asso Active Disorder et dans le cadre de la 12ème édition du festival Riddim Collision. Je vous vois bien venir, bande de snobinards à lunettes et autres musicologues intolérants : Jarring Effects est un label essentiellement electro-dub et hip-hop (une spécialité lyonnaise comme tant d’autres, un peu écœurante pour certains) aussi comment ces gens peuvent ils oser se mêler d’autres musiques ? Et bien tant mieux. Et l’avantage – il faut bien le reconnaître – c’est que si c’est l’une des associations habituelles organisant au Sonic qui avait programmé Basement et Dupek, le public aurait cumulé à quarante personnes maximum or une soirée Jarring Effects c’est au contraire l’assurance d’avoir beaucoup de monde et une grosse ambiance (chose que certains expérimenteront en toute fin de soirée mais c’est une autre histoire). C’est ça, d’avoir du following.















Mais cela ne signifie pas que le public en avait rien à faire des groupes. Au contraire. Nombreux sont ceux qui étaient même venus voir et entendre le premier de la soirée : Gameboy Physical Destruction. Des lyonnais et je crois même comprendre que l’un d’eux fait partie du staff de Jarring. Nous avons donc sur scène un bassiste/hurleur barbu et un guitariste/brailleur masqué entourant un clown qui ne fera rien d’autre de tout le concert que d’avoir l’air ahuri ou épileptique (plus rarement). Derrière, une boite à rythmes bastonne à grande vitesse des beats d’un binaire à rendre un punk intelligent tandis que des programmations lancent des lignes hérissées de synthés façon console de jeu donnant également un fort relent électro à la musique du groupe. Alors ? Plutôt Unlogistic ou plutôt Binaire ? Incontestablement Gameboy Physical Destruction piétine sur les platebandes de notre duo stéphano-marseillais chéri sans toutefois arriver au même niveau**. Par contre il compense par une rapidité et une gaillardise vraiment très gauloises.
C’est justement un peu ce qui me rebute, Gameboy Physical Destruction sent trop fort le groupe alterno pour moi, un improbable croisement entre Ludwig Von 88 et The Locust ou Metal Urbain découvrant les joies du marteau-piqueur à roulettes. Je m’éloigne de la scène et je passerai toute la fin du concert de Gameboy Physical Destruction à faire des allers-et-retours entre le bar pour toper une bière et la terrasse de la péniche pour m’engoudronner les alvéoles pulmonaires sous la pluie (il faut savoir faire des sacrifices lorsqu’on veut assouvir ses vices préférés). Je ne ronchonne même pas et après tout, il en faut pour tous les goûts. Ah oui : j’aime bien la voix du bassiste, ce genre de voix qui laisse à penser qu’il ferait un carnage millésimé s’il jouait dans un groupe de death grind progressif.
















C’est le tour de Dupek, groupe totalement inconnu en ce qui me concerne. Mais la confiance règne, Dupek ayant prévu d’enchainer quelques dates aux côtés de Basement. C’est un peu la surprise lorsque j’apprends que le trio – formation classique : guitare, basse et batterie – est venu en voisin puisqu’il est originaire de Macon et de Chalon Sur Saône. Ces trois là m’ont l’air de ne pas être nés de la dernière pluie et je tombe rapidement sous le charme de leur noise rock étrangement atmosphérique. Oui cela peut sembler quelque peu étrange comme formulation mais Dupek a une façon très personnelle de construire ses titres (en général assez longs) comme si le groupe procédait par strates.
Le batteur n’est pas pour rien dans ces structures horizontales avec un jeu original lui aussi mais ce qui m’épate le plus c’est qu’il chante en même temps, plutôt bien d’ailleurs, et qu’il est au passage le chanteur principal de Dupek. Plus loin une ligne de basse presque dub ravit les oreilles et le guitariste joue également à l’économie ce qui n’est pas pour me déplaire. Le bassiste nous fait alors un sketch en tombant incompréhensiblement de la scène en avant et en se rattrapant en exécutant un magnifique salto – mais finalement plus de peur que de mal***.
Vers la fin de son set Dupek joue un titre plus musclé que les autres et tranchant quelque peu mais l’impression générale reste. Le groupe serait un train de préparer un nouvel enregistrement et je suis assez curieux d’en entendre le résultat. En tous les cas les titres mis en ligne par Dupek ne me semblent pas tous absolument représentatifs du concert qu’a donné le groupe au Sonic.
















Je les attendais, ils sont là, venus de Libourne : Basement. Après tout, je ne vais pas trop m’étendre sur le sujet puisque le groupe a tout simplement été excellent, généreux et complètement furieux. Alignant les hits comme s’il en pleuvait, matraquant des rythmiques imparables, alignant des riffs irrésistibles, explosant de temps à autre dans des maelstroms d’une folie invraisemblable, la bande des quatre a fait preuve de tout son talent et de toute sa grande classe.
On me dit que Basement n’est qu’un groupe de noise ultra classique voire scolaire et formatée et je ne comprends pas. Ou plutôt je comprends que l’on se place là encore sur le terrain des goûts et des couleurs mais que l’on ne peut rien enlever à la prestation formidable et digne de grands seigneurs donnée par Basement. Et je ne pense pas qu’être les héritiers et qu’assurer la continuité d’une certaine tradition noise 90’s soit un horrible défaut, bien au contraire. Mention spéciale tout de même à cette rythmique hallucinante et à cette basse omniprésente (et à la bassiste championne du monde de grimaces de clown sur scène). Et puis mention spéciale aussi aux deux guitaristes qui ont tout déchiré. Ce fut grand, ce fut beau et ce fut violemment fort. Certain(e)s en tremblent encore.
Pour les parisiens et les gens de passage à Paris retrouvez Basement et Dupek accompagnés de Ed Wood Jr, Pord, Royal McBee Corporation et quelques autres aussi le dimanche 21 novembre pour le festival An Intuitive World Of Arts à Colombes.

[toutes les photos du concert sont visibles ici]

* mais bientôt, moi je vous le dis, tout le monde voudra aller à Lyon pour assister à l’évènement de l’année 2011 en matière de concert
** un ami ayant particulièrement mauvais esprit me fera même cette blague d’un goût plus que douteux : tu connais Binaire ? je te présente Binouze
*** ce qui donnera lieu à l’autre blague de la soirée : Dupek, ça veut dire cascadeur en quelle langue ?