mardi 14 décembre 2010

The Feeling Of Loss























Il parait que les contraintes c’est exactement comme avec les problèmes : moins on en a et plus on s’en crée soi-même. Pendant toute la journée j’ai vaguement et stupidement cherché toutes les décales possibles pour ne pas aller à ce concert qui pourtant me faisait très envie : n°1 c’est lundi, n°2 il fait froid, n°3 je suis fatigué de ne rien faire, n°4 je ne possède toujours pas de voiture, n°5 j’ai déjà vu The Feeling Of Love en concert, n°6 j’aimerais bien aussi regarder ce film particulièrement débile que l’on m’a conseillé et dont j’ai déjà oublié le nom.
Je me retrouve donc aux alentours de 20h45 devant le Grrrnd Zero, du côté de Lyon Gerland. Il n’y a pas encore grand monde et si je suis finalement là c’est aussi pour voir deux ou trois personnes avec qui j’ai rendez-vous. Je fais mon mec important mais non. J’espère secrètement que le concert ne finira pas trop tard, après tout il n’y a que trois groupes au programme.






















Le premier d’entre eux s’appelle Draïek et est un duo : un garçon qui joue de la guitare, qui chante, qui gère une boite à rythmes récalcitrante et une fille qui joue de la basse, qui chante, raconte des blagues et qui surtout joue des ondes Martenot. L’album de Draïek est écoutable/téléchargeable et même achetable ici. Un truc assez bizarre, variant du duo psyché lo-fi à la bande son d’un film sci-fi de série Z puissance 10. Le groupe est accompagné par de drôles de projections derrière lui sur le mur, projections qui émanent d’un appareil très intrigant sur lequel est posé un gros bloc concave où sont mélangées toutes sortes de couleurs.
L’effet est vraiment chouette et va bien avec la musique de Draïek et les ondes Martenot. Mais, malheureusement pour le groupe, il semble avoir quelques petits soucis de son (?) ou alors c’est que je dors déjà à moitié : cela me parait cafouilleux plus d’une fois, on n’entend pas toujours tout distinctement et c’est bien dommage car la voix féminine a un chouette timbre. A revoir donc dans de meilleures conditions.















Le groupe d’après s’appelle Primordial Undermine et c’est ce que l’on appelle un plan dépanne : le groupe avait semble t-il un day off à combler. Sur le papier la musique de Primordial Undermine est séduisante et à l’écoute des titres mis en ligne sur le monospace du groupe on peut également être conquis. Le line-up est du genre changeant et ce soir la formation qui joue est composée d’un bassiste à lunettes rondes, d’un batteur et d’un guitariste/chanteur. Dès que ces trois là commencent à jouer il devient clair qu’ils savent se servir de leurs instruments mais il est également évident que leur musique ne correspond pas beaucoup à ce que l’on avait pu en écouter ni au descriptif croisé sur internet : « on a affaire à un collectif à géométrie variable, qui existerait selon les sources les plus fiables depuis 1989, fondé par un certain Eric Arn, ils sont aujourd'hui basés en Autriche, ont l'air très gentils, ont sorti pas mal de disques, et pratiquent une sorte de mix d'impro, drone, psyché, noise hallucinogène bien vrillé » et « quelque part entre Grateful Dead, 13th Floor Elevator, Bardo Pond, Stockausen, Pink Floyd, Sir Richard Bishop, etc… ».
Merde, le truc que j’entends en ce moment même à Grrrrnd Zero a plus à voir avec du blues rock ou même du pub rock qu’autre chose et s’en est à se demander s’il s’agit bien du même groupe. C’est totalement incompréhensible et surtout c’est blasant au possible. Voilà, on te promet de la musique de drogués et tu te retrouves avec un clone d’Eric Clapton sevré de toutes sortes d’abus quoique légèrement shooté à la disto pas chère. Je fuis parce que j’en ai marre de penser que le bassiste a les mêmes lunettes qu’Harry Potter au lieu de pouvoir me concentrer ou m’amuser sur cette musique, je fuis mais non sans constater qu’une petite partie du public apprécie. Pourquoi pas.















Reste The Feeling Of Love, le groupe pour lequel je suis finalement venu. L’album OK Judge Revival fait partie des musts de l’année 2009 et ne contient que des hits incontournables, hits dont j’espère que le groupe va les jouer ce soir. Mais il y a donc des jours avec et des jours sans. Pour moi ce sera incroyablement sans : rien à redire sur la prestation de The Feeling Of Love, les trois musiciens sont des grands seigneurs et une fois de plus j’admire ce batteur hyper droit et concentré (et éventuellement avec un regard de tueur). Rien à redire donc sur la mise en place du groupe, son implication, son interprétation sauf qu’inexplicablement la sauce ne prend définitivement pas avec moi alors que je suis dangereusement cerné par les fanatiques de The Feeling Of Love qui eux s’échauffent, hurlent et s’agitent dans le bonheur.
OK, je me sens bien seul, de plus en plus décalé et m’éloigne pour assister de loin au concert et contempler le public qui est toujours plus à fond. Ça ne sert à rien de s’excuser et ce n’est que vers la fin du concert et surtout au moment des rappels que The Feeling Of Love commencera enfin à réveiller en moi quelques frissons plus que bienvenus. Devant ça continue de s’agiter, les autres persistant à garder une bonne longueur d’avance en slammant un peu, braillant de plus belle. Moi je commence seulement maintenant à reconnaitre le groupe que j’aime.
C’est fini. Le batteur et le synthé disparaissent. Comme on en redemande dans la salle, le guitariste/chanteur remonte sur scène, bientôt rejoint par le batteur et ils attendent en improvisant que le troisième larron revienne également, rebranche son synthé et c’est parti pour un dernier titre qui sera violent, sale et brulant à souhaits – une dernière poussée de folie qui finalement sauvera mon concert. Mais je ne peux pas m’empêcher de me sentir frustré par tous ces regards, ces regards croisés après et avec des étoiles accrochées dedans, alors que moi je n’ai pas du tout su ou pu suspendre les mêmes dans le mien. Fuck. Mais à bientôt.

[les photos du concert sont ici]