lundi 27 décembre 2010

Motörhead / The Wörld Is Yours























Si vous avez eu la mauvaise idée de regarder Lemmy, le documentaire péniblement coréalisé par Greg Olliver et Wes Orshoski consacré au bassiste/chanteur de Motörhead et disponible en DVD depuis le début du mois de décembre, vous n’avez peut être plus du tout eu envie d’écouter The Wörld Is Yours, quelque chose comme le vingtième album de Motörhead, groupe méritant pour beaucoup d’appartenir au patrimoine mondial de l’humanité occidentale. On voit en effet dans ce film un Lemmy Kilmister complètement momifié et en bonne voie de déification, à l’abri sous le climat et au milieu du show bizness écœurant de Los Angeles, ville dans laquelle il s’est installé depuis une bonne quinzaine d’années. Lemmy soulève en effet le douloureux paradoxe qui stipule que pour qu’une légende devienne immortelle, il faut d’abord que l’homme meure. On sort de la vision de ce documentaire avec un désagréable sentiment de pitié. Et c’est un vieux fan de Motörhead et de Lemmy qui vous le dit.
On écoute donc The Wörld Is Yours comme par habitude, le rendez-vous avec Motörhead est pris pour tous les deux ans et on s’y tient malgré tout. Et on s’attache à quelques détails qui avec le temps ont fini par avoir presque plus d’importance que la musique du groupe : ah oui cette pochette est une énième et très laide resucée du monstre de chairs mécaniques imaginé par Joe Petagno il y a plus de trente ans et c’est Cameron Webb qui a produit ce nouvel album, il avait déjà mis son nez dans Inferno (2004) et Kiss Of Death (2006). C’est triste quand même, de se raccrocher au nom d’un producteur pour chercher à espérer d’un disque : Inferno est pourtant le dernier très bon album en date de Motörhead et Kiss Of Death, bien plus poussif, n’a pourtant rien de déshonorant. Alors ? Alors The Wörld Is Yours remonte sans grande difficulté la pente dévalée il y a deux ans par un Motörizer pas très loin d’être vraiment indigne.
On ne cherchera pas d’évolution musicale significative – on parle de Motörhead, bordel ! – bien qu’il faille admettre que le groupe de Lemmy n’est plus qu’un groupe de boogie rock musclé et couillu, une façon comme une autre pour arriver à faire encore un peu de rock’n’roll, ce rock’n’roll si cher au leader de Motörhead. Très mid tempo, The Wörld Is Yours n’arrive pourtant pas à décevoir totalement. Des chansons débordant de swing telles que Bye Bye Bitch Bye Bye et l’excellent I Know How To Die ou celles plus volontiers métalliques (Born To Lose, Outlaw et I Know What You Need, seule concession de l’album à une relative rapidité) comblent aisément les attentes du headbanger. D’autres se montrent franchement pépères et syndicalement efficaces : Get Back In Line, Devils In My Hand et dans une moindre mesure Waiting For The Snake. Par contre Rock’n’Roll Music ne passe pas et ne passera jamais : voilà un exemple typique des égarements de Lemmy dans les poncifs et clichés de la musique qu’il adore par-dessus tout, égarements qui avaient littéralement plombé l’album Motörizer, surtout au moment de refrains insupportables (le refrain est en effet devenu ces dernières années le très gros point faible du songwriting de Lemmy). Seule surprise de The Wörld Is Yours, Brotherhood Of Man est le titre le plus lent et le plus lourd de l’album : Lemmy y chante comme il ne l’avait peut être plus fait depuis Orgasmatron (1986), avec cette voix toujours aussi rocailleuse mais complètement dans les graves.
On sait que l’enregistrement de The Wörld Is Yours a été quelque peu chaotique, que Lemmy a terminé le disque tout seul dans un studio américain puisque Phil Campbell (guitare) était alors retenu au pays de Galles par la maladie de son père mourant et que Mikkey Dee, une fois ses parties de batterie enregistrées, était reparti rejoindre sa femme, ses enfants et sa collection de voitures dans sa Suède natale. L’accouchement aux forceps de The Wörld Is Yours fait malgré tout prendre une nouvelle dimension au disque : Lemmy peut encore être ce héro aussi vaillant que tenace. Moralité, ne regardez pas Lemmy, oubliez ce documentaire qui sera à peine bon à être rediffusé au moment de la mort de monsieur Kilmister et écoutez The Wörld Is Yours – mais seulement si le cœur vous en dit –, juste un album de plus de Motörhead. Et ce ne sera pas très grave si celui-ci s’avère un jour être le dernier album du groupe.