vendredi 7 janvier 2011

Clockcleaner / Auf Wiedersehen






















Au revoir Clockcleaner. Le groupe s’est séparé on le sait et nous envoie directement depuis son tombeau ces quatre titres gravés sur un EP à la pochette aussi noire que l’ambiance du disque, sans oublier l’image toute en noir elle aussi d’un crane (évidemment), juste au cas où quelqu’un n’aurait pas très bien compris le message. Ce disque aurait très bien pu s’appeler Good Bye Motherfuckers mais c’eût été un peu trop punk et bien trop évident. Non, John Sharkey III a préféré en dernier ressort se prendre pour un crooner à la fois complètement pouilleux et incroyablement magnifique, engoncé dans son nouveau – et dernier – costume d’Oberleutnant trop petit pour lui mais décoré d’une rutilante totemkopf.
Auf Wiedersehen est un album de rock mi gothique mi swamp qui avec une certaine logique marque le point final de l’activité d’un groupe parti de très loin, depuis des territoires franchement noise rock (The Hassler puis Nevermind) et avait précédemment atterri les pieds devant dans un bain de tourbe, de gnôle, de sexe visqueux et malade et de tripes grillées au barbecue au milieu de moustiques assoiffés (Babylon Rules). Obligé de bâfrer, de se saouler et surtout de baiser quoi qu’il arrive, même si on se répugne de plus en plus soi-même. Et après la sueur, la crasse et la merde voici donc l’odeur de la chair en putréfaction. Les quatre titres de Auf Wiedersehen sont ralentis au possible et raclé jusqu’à la moelle. On y entend des choses que l’on n’entendait plus vraiment depuis des années en musique – malgré le revival 80’s qui a malheureusement sévi ces derniers temps – à savoir des intonations de chant à la Peter Murphy (oui, le mec de Bauhaus, lorsqu’il se prenait encore pour un vampire), des lignes de guitares stridentes (pas très loin des premiers Death In June) et un nuage poisseux récupéré du côté des Sisters Of Mercy du single Alice/Floorshow et du Reptile House EP.
Sur ce disque Clockcleaner risque plus d’une fois de frôler le ridicule – c’est le « genre » qui veut ça, surtout lorsque John Sharkey III, plus grandiloquent que nature mais la voix libérée de toute réverbération, se lance dans des lignes de chant tout simplement impossibles. Mais puisqu’il y arrive quand même, on se dit que voilà une redéfinition de ce que doit être la classe en musique. Ce qui aussi sauve Clockcleaner du naufrage et du pathétique c’est le côté australien de Auf Wiedersehen, la tourmente rock’n’roll et chaude qui malgré tout fait rage derrière – et surtout sensible sur la deuxième face du disque.
Alors uniquement quatre titres comme les quatre planches d’un cercueil définitif c’est au final largement suffisant pour un disque posthume et testamentaire : plus et on n’y aurait peut être pas cru, on aurait même pu finir par en rire, par se moquer de cette dernière poussée de préciosité et de clinquant morbide car, après tout, mis à part un rapper sous coke et un alterno dubiste, qu’est ce qui fait plus rire dans la vie qu’un gothique attardé en pleine crise d’adolescence à presque trente ans ?