lundi 28 février 2011

Total Fucking Destruction / Hater





















Mine de rien Hater est déjà le quatrième album de Total Fucking Destruction, publié comme ses prédécesseurs sur Bones Brigades records*. Les Marx Brothers du grind – j’avais un temps songé à utiliser « les Ludwig Von 88 du grind core » mais cette dernière appellation manque singulièrement de résonnances internationales – sont de retour. De retour et qui plus est en très grande forme. Y a-t-il quelque chose de changé depuis Zen And The Art Of Total Fucking Destruction (2007) et Peace, Love And Total Fucking Destruction (2008) ? Non. Extérieurement, les artworks du groupe sont toujours aussi moches mais efficaces. A l’intérieur, sur disque, Rich Hoak est toujours ce dingue qui tient la baraque à longueurs de blasts semble-t-il inépuisables. Il y a toutefois ici un certain resserrement du propos, resserrement que l’on devine tout de suite mais qui est également loin de laisser de marbre : Total Fucking Destruction fait toujours rire même si on rit de plus en plus jaune.
On ne trouvera en effet sur Hater ni session acoustique avec tournebroche incorporé pour faire cuire le hippie-surfer s’étant aventuré dans le coin par pure imprudence pas plus que l’on y entendra une volée de reprises compactées d’Exploited. C’est tout juste si on remarque quelques passages débiles tels que ce pont bluesy avec solo de guitare génialement horrible sur Everything You Need But Nothing You Want**. Hater est un album qui file droit, développe des riffs d’une cruauté sublime (Crypto Apoptosis) et des rythmiques thermodynamiques (Dudehammer) à faire pâlir un ingénieur en fission nucléaire. Et souvent les titres sont tellement courts que l’on est déjà passé au suivant, ce qui donne un air vraiment enivrant à ce disque. Total Fucking Destruction, on l’avait peut être un peu trop oublié depuis Compact Disc Version 1 en 2004 (?), ne porte pas ce nom par hasard. Total Fucking Destruction joue aussi une musique de mort et donc pour la première fois depuis bien longtemps c’est cet aspect là qui prédomine à nouveau : le nihilisme militant, la violence implacable, le couperet qui tombe, la froideur du metal, la chaleur du sang et le gore qui en fout de partout – ce disque fait vraiment très mal.
Suivent les grosses blagues, un peu plus loin derrière. De la déconnade il y en a toujours mais en un peu plus subtile (hem) – essentiellement dans certaines lignes de chant souvent très originales (pour un groupe de grind) et dans ces paroles au ton résolument ironique. Alors on peut se rassurer : Total Fucking Destruction ne nous a pas fait le coup de « l’album de la maturité » (cette vue de l’esprit de chroniqueurs mal inspirés et de directeurs marketing*** en appétit), Rich Haok et ses petits camarades sont déjà beaucoup trop vieux pour finir en opportunistes et donc sont bien au dessus de tout ça. Derrière les nez rouges et les machettes sanguinolentes il reste un groupe de grande classe. Pas des donneurs de leçons ni des vétérans affalés, non, mais des révoltés comme au premier jour.

* en CD pour les blaireaux et en vinyle bleu cuvette plastique pour les esthètes (300 exemplaires et puis c’est tout)
** je n’ai pas pu m’empêcher de penser au Teacher’s Pet de Venom bien que la blague soit ici de bien plus courte durée
*** mais est ce qu’il en reste dans les maisons de disques moribondes ?

dimanche 27 février 2011

Yellow Swans / Going Place


















S’il y a bien un disque qui me fera définitivement et profondément regretter la disparition de Yellow Swans c’est Going Place… Vraiment ? Vraiment. Voilà, et de loin, l’enregistrement le plus beau du duo, oscillant entre mouvements de plaques bruitistes et déchirements harmoniques. Une dynamique de l’enfouissement comme on n’en avait plus entendu depuis les anciens (ré)enregistrements de Nadja. Du crépuscule martien avec impression soleil couchant dans les tentacules d’un extra-terrestre bercés par des vents cosmiques. Le grand trip quoi. Toi qui ne supportes pas le drone, la musique expérimentale et planante – ou appelles tout cela comme tu veux – tu as très bien compris que derrière ce vocabulaire maniéré et le descriptif pompeux qui en découle se trouve à peu près tout ce que tu détestes dans cette musique chose invertébrée et ectoplasmique. Mais tu as tort. Profondément.
Foiled
est une lente mécanique organique, les bruissements en arrière-plan sont comme autant de cliquetis engourdis d’un rouage ensablé, une mécanique sur laquelle la guitare de Gabriel Mindel Saloman se pose en apesanteur dans des torrents de vapeurs opaques. Opt Out est plus simpliste encore – un seul zigouigoui tel un chant de grillon métallique, la guitare qui plonge dans l’eau et de l’écho de toutes parts. Mais l’orage gronde, les nappes de guitare s’intensifient, psychédéliques, tandis qu’au loin on devine la voix de Pete Swanson qui doit sûrement raconter n’importe quoi. En un glissement progressif la musique de Yellow Swans passe radicalement du kitsch ambient à la tempête de bruits. Etourdissant. Sovereign accentue le côté nocturne et venté, encore plus prononcé et presque mystérieux, avec en écho une lointaine palpitation. Limited Place est le petit frère de Foiled. Normal, ces deux titres figurent dans des versions rallongées sur le fameux LP de Yellow Swans limité à cent exemplaires et qui se vend à prix d’or. Au passage, Foiled tout comme Limited Place sont vraiment les deux meilleures compositions de Going Place, en particulier cette dernière avec ses vagues grondantes comme autant d’assauts étouffés…
…Qu’est ce que je viens de dire ? Que Limited Place et Foiled sont les deux meilleures compositions de ce disque ? Oui. Pourtant New Life et Going Place pourraient également parfaitement prétendre au premier rang : sombres, profondes, mystiques (la guitare au début de Going Place rappelle invariablement les montées en arpèges de Godspeed You! Black Emperor), ces deux derniers titres sont en tous les cas ceux qui enfoncent le clou. Les deux Yellow Swans semblent y avoir trouvé le point d’équilibre entre le mur du son ésotérique et les échos funambules dont ils aimaient saupoudrer leur ambient drone. Comme s’ils avaient réellement voulu donner tout leur maximum pour ce point final. Alors il y a des jours où je trouve ce disque tellement beau et apaisant que je pourrais l’écouter sans discontinuer. Le son chaud et organique des Yellow Swans fera encore des miracles pendant quelques temps.

[Going Place a été publié par Type records en version CD ou LP + CD et il est en écoute intégrale ici]

vendredi 25 février 2011

Schoolbusdriver / Nursery Rhymes For Old Men























Vous vous moquerez peut être complètement de savoir que l’artwork de ce disque – l’oiseau mort au milieu – est signé Lionel Fahy. L’ancien chanteur/guitariste des Portobello Bones poursuit pourtant brillamment une carrière déjà bien remplie de tatoueur et je ne peux que vous inviter à découvrir une partie de son travail. Le détail le plus important sur cette pochette de disque ce n’est toutefois pas ce dessin tout simple mais les reflets qui apparaissent en filigrane derrière et autour en reproduisant la surface d’un LP, objet magique s’il en est. A l’intérieur on découvre effectivement un beau vinyle rouge car les ex membres de Schoolbusdriver ont tout particulièrement tenu à ce que Nursery Rhymes For Old Men paraisse sous ce format d’un autre âge.
Ex membres me dites-vous ? Oui : comme l’indique également la mention 2005 – 2010 sur la pochette, Schoolbusdriver s’est éteint tout doucement et de sa plus belle mort au début de l’année dernière et ce disque se veut être le digne témoignage de la musique du groupe. Et ces jeunes gens ont donc mis le paquet, enregistrant dix de leurs compositions et les faisant graver via le label Fuzz-Wire. Ces dix titres on peut les découvrir sur la page bandcamp du groupe mais, honnêtement, rien ne remplacera le LP et une véritable écoute pour dévorer la musique de Schoolbusdriver. Car c’est bien d’une découverte dont il s’agit. Schoolbusdriver a surtout joué chez lui (du côté de Paris) – assurant notamment les premières parties de Silent Front, Young Widows ou Ten Volt Shock – mais bien plus rarement dans nos belles campagnes provinciales. Nous sommes donc beaucoup trop à n’avoir pas pu croiser le groupe sur une scène où parait-il il savait ardemment défendre son morceau de viande et embraser les petites culottes. Dommage pour nous…
Oui mais non : Nursery Rhymes For Old Men est peut être une séance de rattrapage tardive et forcément un tantinet frustrante mais le disque est vraiment magnifique avec un je ne sais quoi de noble et d’altier – en langage rock’n’roll on appelle ça plus communément la classe. Il ne faut pas se fier trop complètement aux hymnes lizardiens qui constellent les deux faces de Nursery Rhymes For Old Men (Red Dwarf Dripping Blood en intro, le mega hit Santiag Breaks Your Balls juste après, My Black Hole Theory, Drowner, le deuxième super méga hit Multiples Vaginas – décidément ces titres respirent la poésie…), que des excellentes compositions qui après tout ne sont que l’arbre qui cache la forêt : Schoolbusdriver était tout aussi bon voire même excellait encore plus dans les tempos lents ou extrêmement ralentis. La valse déglinguée de Bob Kenchington ou de Do You Want To Fuck ?, peut être le meilleur titre de l’album, la rage contenue de Pages And Pages Of Sunshine Sunshine Sunshine et de Obstructing The Skull In Eleven Different Ways et sa fin merveilleuse constituent autant de grands moments. N’oublions pas le plus inhabituel I Am The Worm et son post punk presque décalé pour compléter le descriptif d’un disque qui au-delà d’un référencement un peu encombrant au départ – Jesus Lizard pour celles et ceux qui n’auraient pas tout saisi – s’impose chaque fois un peu plus, au fil des écoutes.
Des bons « petits » groupes comme Schoolbusdriver, on a beau savoir qu’il y a eu de partout et de tout temps, on espère qu’il y en aura beaucoup d’autres et toujours plus, à découvrir au gré du hasard. En ce qui concerne ces parisiens, si on n’a jamais eu la chance de les avoir vus et écoutés un jour il ne faut surtout pas passer à côté de la possibilité enfin offerte que constitue ce magnifique LP. Un disque regorgeant du simple plaisir de jouer et de la superbe des gens qui y croyaient vraiment. Vous ne le regretterez pas.

jeudi 24 février 2011

Jokari / Déformation






















Dès la première écoute, le truc qui vous saute à la gueule c’est le chant – le garçon s’égosille, râle, miaule, chouine et hurle, à s’en faire péter les cordes vocales et à faire péter un câble à l’auditeur. Le seul truc qu’il ne sache/veuille pas faire c’est de partir dans de hautes envolées lyriques d’opéra californien. Ouf... Mais pour le reste, il n’y aucun problème, pour une fois que l’on n’est pas obligé de se taper un chanteur monocorde et linéaire et que l’on en a enfin trouvé un qui possède une vraie personnalité. Ne pas accepter le chant dans Jokari c’est rejeter le groupe et sa musique. L’éternel débat sur les goûts et les couleurs me demanderez-vous ? Oui, sans aucun doute et laissons là les ronchons et autres réfrigérés qui n’ont pas su (pu ?) passer la « barrière » du chant de Jokari et apprécier ce groupe à sa juste valeur. Tant pis pour eux.
Déformation est un disque excellent en beaucoup de points. Dommage que ce soit le dernier enregistrement du groupe puisque celui-ci se sépare – au pire – ou se met en stand-by indéterminé – au mieux – suite à l’éloignement géographique du guitariste du groupe, parti de l’autre côté des mers et des océans. C’est pourquoi le patron de Boom Boom Rikordz, le chanteur de Jokari c’est lui et il est aussi guitariste/chanteur dans Jubilé, vous dirait que ce bien nommé Déformation est un peu un baroud d’honneur de la part du groupe, une façon de dire au revoir sur une bonne note – d’autant plus que le groupe semble assez content de son disque, tout du moins il le juge assez conforme à ce qu’était Jokari sur scène.
Le punk core emo deluxe (ou je ne sais quoi) de Jokari est des plus convaincants avec ses plans jazzy, ses breaks pointus, ses envolées sauvages et ses fausses accalmies. On aime même la basse slappée (?) qui chtwouingue sur …Really. D’ailleurs cette basse, on n’entend qu’elle, elle nous guide sur Story Of Condensator (sur lequel elle n’hésite pas à emprunter un plan dub), accélère sur 17 seconds, joue au chat et à la souris (Layer, le tube du disque malgré sa structure éclatée) et distribue les rôles sur What Is Fiction. Il n’y a guère que sur It Is Ahead que la guitare mène la danse presque toute seule. La maîtrise instrumentale de Jokari fait plaisir à entendre et encore une fois ce sont bien des regrets qui nous accompagnent au fur et à mesure de l’écoute de ce Déformation bien trop court (six titres, un quart d’heure). Les bons disques posthumes/enregistrements-épitaphes auront toujours ce double inconvénient de faire saliver et pleurer en même temps. En conséquence, afin de lutter contre tout risque de déshydratation ainsi que contre toute forme de tristesse insondable et afin de participer comme il se doit à une mise en bière de prestige, buvons-en une dernière à la santé du défunt. ¡Salud!

mercredi 23 février 2011

Looking For John G. / Robusta






















« On aurait pu partir en tournée, sortir ces titres sur de jolis splits-vinyles, renouveler le bail du local de répétition pour finalement continuer à faire notre route tous les trois, mais nous en avons décidé autrement ». Ainsi commence les notes imprimées à l’intérieur de Robusta, ultime CD complètement autoproduit de Looking For John G.... Les trois musiciens expliquent un peu plus loin qu’ils ont malgré tout tenu à faire absolument publier ce dernier enregistrement, comme un souvenir mais aussi et surtout comme un grand merci. Evidemment, si on ne lit pas tout ça on ne ressentira peut être pas cet incroyable sentiment doux-amer qui accompagne l’écoute des cinq titres – cinq titres seulement… – de Robusta. A la place on se dira plutôt « tiens voilà un bon petit groupe avec un nom bizarre, hop je vais le ranger avec les autres sur l’étagère marquée petits trésors intimes ». Et on en parle plus…
Mais qu’est ce que c’est rageant, en fait. Car Looking For John G. a vraiment tout fait pour réellement assurer : qualité des compositions, subtilité de l’enregistrement, soin apporté à l’objet et bel artwork (si, je vous jure que c’est vrai, même pour un CD). Alors je ne peux pas m’empêcher de ne pas les croire, d’espérer que le groupe existe encore. Ou bien je ne peux pas m’empêcher de leur en vouloir aussi un peu : un de perdu, dix de retrouvés, ça ne marche absolument jamais en musique. Sinon il n’y aurait pas autant de groupes merdiques se sentant obligés de reproduire vite et mal la musique de leurs propres héros.
Go Johnny Go, The Caveman (mon titre préféré), Hight Kick (mon deuxième titre préféré), Turkish Voodoo et Robusta sont comme autant de trésors, des tubes incroyables où vivacité et accroche ne disputent la première place qu’à une fausse simplicité, le genre de maîtrise du sujet sans en avoir l’air qui provoque l’admiration et suscite l’adhésion – dans la droite lignée par exemple de groupes tels que Papier Tigre ou Alaska Pipeline. Il faut croire que la mixture pop noisy et math rock a encore de sacrés secrets à nous révéler. Mais Looking For John G. a quelque chose en plus. Ce quelque chose, c’est le serrement de cœur qui vous gagne à l’écoute de The Caveman, cette pointe d’intimité virulente et de chaleur communicative qui vous assaille. High Kick n’est pas loin d’être parfait également, la ligne de chant et ce passage instrumental au milieu dépassant allègrement les canons pop pour atteindre un état de grâce comme on en entend peu souvent.
Avec Looking For John G. il va falloir apprendre à faire avec c’est à dire surtout à vivre sans. Le disque est là, on n’y peut rien, et il vous colle aux oreilles avec sa power pop irisée de breaks audacieux et de mélodies astucieuses. On devrait être content, voire on devrait être heureux et d’une certaine façon on l’est. Le disque ressortira souvent de l’étagère des groupes oubliés et des secrets à partager, ça on le sait également. Et puis l’intégralité de Robusta est en écoute ici avec en prime un lien pour se procurer le disque – non mais qu’est ce que vous attendez, maintenant qu’il est de toute façon trop tard ?

mardi 22 février 2011

Lucertulas à Grrrnd Zero






















Il y a des jours où on sent vraiment bien les choses, ce n’est pas une question de pronostic ou d’espérance mais uniquement une façon d’affirmer que oui, je vais y aller à ce putain de concert et oui je sais que ça va être du tout bon. Vous me suivez ? Non ? Et bien déjà relisez cette chronique de The Brawl, le deuxième album de Lucertulas. Et vous aurez une toute petite idée du genre de soirée dont je vais vous parler.
Les italiens de Lucertulas jouaient dimanche soir à Grrrnd Zero – à l’étage moquette, celui où des choses totalement inavouables se produisent parfois – et le groupe, précédé d’une réputation grandissante, était attendu avec une impatience de plus en plus déraisonnable. Dans l’après midi, une connaissance me confirmait justement avoir pris une bonne déculottée après avoir vu Lucertulas jouer la veille du côté de Marseille en compagnie des excellents x25x.
Pas question donc d’être en retard mais comme d’habitude lorsque j’arrive il n’y a encore personne. J’ai largement le temps de payer le prix (libre) de la soirée, de boire des bières au nom imprononçable et au goût indéfinissable et de papoter avec une ou deux connaissances ainsi qu’avec nos italiens du jour. L’un d’entre eux, le guitariste pour être plus précis, remarque l’affiche du Festival Africantape scotchée sur le mur d’entrée et remarque surtout le nom d’Aucan. Au début personne ne comprend ce qu’il dit, il prononce le nom du groupe [aouchane] et nous autres pauvres petits français n’avons pas l’habitude, mais tout le monde comprend par contre qu’il se moque avec assurance et humour mais gentiment tout de même du « virage electro grand public » opéré par Aucan sur son nouvel album, Black Rainbow. Au moins, entre adeptes de la sanctification hâtive et partisans de la mise aux ordures immédiate, ce disque ne laissera personne indifférent…















Le premier groupe qui joue ce dimanche s’appelle Do Nothing Store – les gars je vous le dis tout de suite : il faut absolument changer de nom – et ce soir c’est précisément le premier concert de ce trio guitare/basse et voix/batterie qui joue un noise rock hyper classique, genre « tu connais Shellac ? ». Je crois reconnaitre la trombinette du guitariste barbu mais le crâne rasé (une preuve absolue de bon goût selon moi) mais n’arrive pas à retenir tout de suite le nom du groupe dans lequel il aurait joué précédemment et que l’on me souffle à l’oreille. Les inconvénients d’une mauvaise mémoire alliée à une mauvaise audition.
Do Nothing Store s’en sort plutôt bien malgré la fébrilité apparente, le stress, les approximations, le fait que le guitariste soit malade et malgré donc un manque d’originalité certain. Ce n’est pas la grande découverte, plein de choses seraient sûrement à revoir, en particulier les parties de guitare souffreteuses dès qu’il s’agit de grimper en mode solo – un solo de guitare ça sert souvent à rien les gars. Le dernier titre joué par Do Nothing Store le fait vraiment et je ne pense pas que ce soit uniquement l’aspect libérateur d’une fin de concert imminente qui a ainsi permis à ces trois garçons de lâcher les fauves et de se lâcher tout court, ce titre était vraiment bon.















Suit Panchrome – bon ben vous devriez également changer de nom – soit un duo composé de deux guitaristes dont un chantant plus que l’autre et accompagnés de machines et de programmations. Là aussi on reconnait un ancien, il y a très longtemps dans Overmars et croisé également après dans Stagger Lee… Panchrome ne ressemble ni au premier ni au second mais joue un rock plutôt noisy et shoegaze. C’est même tout le contraire de Do Nothing Store : l’originalité est bien là, palpable, mais Panchrome joue trop avec les contours floutés de sa musique et manque d’efficacité.
OK, je reconnais également que je ne suis pas très friand du genre non plus, que le côté introspectif me pèse même si on sent toujours par derrière cette bonne vieille tension punk rock qui vous tire par le haut. J’abandonnerai le concert mais n’arrêterai pas de tendre l’oreille et ce à plusieurs reprises, attiré par la richesse d’une musique qui m’échappe malgré tout complètement. Après le concert, j’ai trouvé sur l’une de tables de merchandising un papier qui indiquait « Démo Panchrome – Free » mais malheureusement il n’y en avait plus, tout le monde s’était déjà servi. Tant pis pour moi, j’aurais bien réécouté Panchrome à tête reposée.















Ce qui est complètement dingue c’est qu’il y a maintenant pas loin de 70 personnes qui se pressent sur la moquette de Grrrnd Saloon. Il y a bien sûr les potes des deux premières parties locales et c’est bien normal mais rien ne saurait expliquer non plus une telle affluence, surtout un dimanche soir d’hiver. Tant mieux pour les organisateurs et surtout pour les groupes. Lorsque j’entends dire autour de moi qu’il y a un vrai renouveau à propos des groupes à guitares débridées, je finis presque par y croire.
Lucertulas
est un trio de forme classique (guitare, basse et batterie) qui joue un noise rock très tendu voire violent, avec de grosses poussées hard core et des développements hallucinants – il y a même des plans plutôt métalliques mais toujours bienvenus. Cela vous fait penser aux Dazzling Killmen ? Et bien oui, Lucertulas s’inscrit totalement dans cette veine là, celle d’une noise chaotique avec des plans jazzeux jamais chiatiques et des accélérations punk as fuck pour dégommer les traine-savates.
Démarrant gonflés à bloc mais attendant les deux ou trois titres règlementaires habituels pour passer confortablement à la vitesse supérieure, les trois Lucertulas enchaînent plans sur plans, accélérations grisantes et passages ralentis et oppressants. La rythmique est énorme, la guitare assassine et le monde alentour devient cet espace-temps où plus rien d’autre n’a d’importance. « Cathartique » disait-on à propos de la musique de Lucertulas dans la chronique de The Brawl et c’est encore plus vrai en concert : le trio fait penser à Pord, même genre d’énergie, même genre de maîtrise, même ultimatum apocalyptique, même fracas instantané et même au-delà sans confusion ni hésitation – la musique est éternelle.

[les photos du concert sont ici]

dimanche 20 février 2011

Zeitkratzer / Whitehouse (et aussi beaucoup de Metal Machine Music)


Autant dire tout de suite que ce disque est absolument magnifique mais trompeur. Zeitkratzer, formation protéiforme fondée par Reinhold Friedl en 1997, est l’un des plus importants ensembles contemporains à l’heure actuelle. Le répertoire de Zeitkratzer va de compositions originelles de Friedl (Xenakis [A]live!) à des collaborations (la série « Electronics » avec Carsten Nicolai/Alva Noto, Terre Thaemlitz ou Keiji Haino) en passant par des réinterprétations d’œuvres de grands compositeurs (la série « Old School » : John Cage, James Tenney et Alvin Lucier – on rêve d’un volume entier consacré à Morton Feldman). Jusque là tout va bien.
Ce qui prête plus à rire confusion c’est la relecture par Zeitkratzer du Metal Machine Music de Lou Reed. Malgré tous les retournements de veste du new-yorkais, on sait pertinemment que Metal Machine Music est avant tout une mauvaise blague. Lou Reed a pourtant participé et cautionné cet enregistrement de Zeitkratzer et qu’il s’enorgueillisse à nouveau de ses petites pitreries facétieuses d’antan est après tout rassurant pour tous ses détracteurs : il prouve ainsi qu’il est toujours égal à lui-même. Par contre il a l’air de vraiment y croire et ça c’est la faute à des gens comme Reinhold Friedl qui le plus sérieusement du monde donnent une caution musicale à ce qui n’aurait jamais du en avoir. S’amuser à retranscrire ou à réécrire Metal Machine Music est une chose. Prétendre que l’œuvre de départ était réellement sincère en est une autre. Car aucune autre œuvre au monde ne mérite autant le nom d’« accident sonore » : à la base Lou Reed a fait n’importe quoi en enregistrant Metal Machine Music même si ce double LP a ensuite donné naissance mais sans le vouloir à des vocations et des axes de recherche sonore alors inédits et qui perdurent encore aujourd’hui. Si en réenregistrant Metal Machine Music Reinhold Friedl et Zeitkratzer ont avant tout voulu saluer (un peu trop ?) respectueusement la naissance hasardeuse de la musique bruitiste et bien soit. Mais qu’ils arrêtent de mettre Lou Reed et sa blague fétiche sur un piédestal qu’ils ne méritent pas. Le malentendu Metal Machine Music est total mais c’est ça également qui rendait les choses aussi drôles et le méfait historique. Vouloir dissiper le malentendu c’est comme nier les lois du hasard ou du big bang. Et tenter vainement de remettre le monde de force dans la jolie boite bien trop petite d’où il n’aurait prétendument jamais du sortir.
Autre problème, plus formel : transcrire sur partitions les vieilles bandes de Lou Reed passées à l’envers et à des vitesses différentes parait bien vain et techniquement douteux. Ce n’est pas une question de rendu – en écoutant Metal Machine Music on peut même être subjugué par le résultat – mais de pertinence. Pourquoi dans ce cas là ne pas carrément retranscrire également les Cinq Etudes De Bruits de Pierre Schaeffer, les ondes sinusoïdales employées par La Monte Young dans sa « Dream House », le Rainbow Electronics de Merzbow ou le Systemisch d’Oval ? Il y a comme un paradoxe à absolument vouloir mettre sur papier ce qui a été créé pour n’exister que sur bandes, c’est comme si on voulait l’enfermer dans un cadre bien trop étriqué pour lui. On en revient à la même conclusion que précédemment.





















Et on en arrive donc à Whitehouse (le groupe). Retranscrire la musique de William Bennet parait tout aussi absurde. C’est pourtant ce que prétend avoir fait Reinhold Friedl qui dans les notes du livret se lance dans des explications d’un obscurantisme aussi drôle que celui de Lou Reed naguère – et avec quelques erreurs discographiques en prime, Nzambi Ia Lufua est un titre de Asceticists et non pas de Cruise. On remarque que les retranscriptions ne concernent aucun disque de Whitehouse antérieur à Cruise (2001), toute la période vraiment sauvage et trouble de Whitehouse ayant donc été écartée. On regrette ensuite que tout l’aspect vocal ait été mis de côté. Il s’agit pourtant là d’un aspect non négligeable de cette musique : que serait Whitehouse sans les éructations indécentes de William Bennett, Philip Best et Peter Sotos ? On en conclue aussi que ce que l’on entend sur ce disque n’est absolument pas du Whitehouse. Ce que l’on entend est indubitablement puissant et beau mais n’a rien à voir. Où est le côté dérangeant ? Où est l’ambiguïté ? Où est la violence ? Où est la merde ? Où est la mort ?
Whitehouse (l’album) démontre finalement très rapidement l’échec de Reinhold Friedl : le disque stoppe brutalement au bout d’une demi-heure, comme à court d’idées et de ressources. A croire que ce n’était pas si facile de « traduire » Whitehouse et qu’il valait mieux s’arrêter à temps avant de risquer de faire réellement n’importe quoi. En fait ce disque est une captation d’un concert donné à Marseille. Alors où est le reste du concert ? Le rendu ne sonnait pas assez Whitehouse pour être ainsi amputé sur disque ? En effet et apparemment : comme pour Metal Machine Music le résultat peut être de qualité – là n’est pas le problème – mais encore une fois le résultat est autre chose que ce qu’il prétend être. Que Zeitkratzer se contente de collaborer avec d’autres musiciens sur du matériel neuf ou de reprendre les compositeurs contemporains plus simplement à sa portée. Et que Reinhold Friedl laisse à certaines musiques leur part d’inconnu et d’insaisissable. Car heureusement que ces musiques là gardent pour elles le mystère de leur existence. Cela ne les rend que plus fortes.

samedi 19 février 2011

In Zaire - The Skull Defekts / split


Le nouvel album des Skull Defekts, Peer Amid, est l’un des deux disques les plus attendus de ce début d’année – l’autre étant bien sûr le deuxième enregistrement studio de Psychic Paramount – et avant de vérifier si cette attente était justifiée ou pas, petit retour en arrière avec un 12’ split publié par le label italien Holidays records avec d’un côté nos suédois préférés en effectif réduit et de l’autre In Zaire, un groupe italien avec des membres de G.I. Joe dedans. Ce disque est sorti il y a à peine moins d’une année mais est complètement passé inaperçu… la faute à un artwork spatio-loukoum sous acide ? tout ça parce que le groupe italien n’a pas l’air bien terrible ? ou alors parce que lorsque les Skull Defekts jouent en formation resserrée on se doute que l’on va entendre le mauvais côté expérimental/drone-indus du groupe et qu’en général ça ne vaut pas tripette ?
On s’attaque courageusement à la face In Zaire et à un long titre de quinze minutes intitulé Space Age (les clichés continuent). Entre psychédélisme baba et space rock à la Hawkwind, Space Age ravira les béotiens qui sont nés trop tard pour avoir été traumatisés durablement par les disques de leurs parents ou de leurs grands frères et grandes sœurs – ces derniers les ayant fort heureusement jetés à la poubelle avant que leurs cadets aient eu la mauvaise idée de les leur piquer. Tout confère donc à ce que l’on découvre dans Space Age les joies véritables d’un rock progressif jouant au long court, avec surcharge d’échos et faille interstellaire que n’aurait pas reniées un Pink Floyd lénifiant. A partir de sa seconde moitié Space Age passe en mode autoroutier façon Maserati, la basse vrombit dans les limbes et le batteur devient le roi du déhanchement en tapant à contretemps sur sa charley. Puis retour à Hawkwind avec un chant de baleine en pleine overdose de plancton fluorescent… En vérité tout ceci est réellement à vomir : on a déjà mis beaucoup trop d’années à tenter de se débarrasser du rock progressif, on avait cru y être arrivé pour de bon mais non, l’échec est en fait total – alors pendant combien de temps devrons-nous encore supporter ce genre d’étrons musicaux pour arriérés mentaux ?





















La journée est foutue. On a entre les mains un LP dont la première face nous a atrocement fait souffrir et on écoute la face B – celle des Skull Defekts – uniquement pour en avoir le cœur net. Comme on pouvait le craindre lorsque les suédois jouent en formation resserrée, The Lower Part Of Yourself est un titre expé à base de bourdonnements de salle des machines à peine dérangés par des grincements plastifiés et une guitare moulinée au delay. Comme d’habitude ce n’est pas si mal mais on préfèrera toujours et encore les Skull Defekts dans la version deux guitares + batterie + chant et bidouille du groupe. Or, miracle, c’est exactement ce qui se produit sur Human Horse Head pour une version ralentie, sale et psychotique de la musique des Skull Defekts qui n’est pas sans rappeler non plus les sables mouvants diaboliques d’un Chrome. La guitare égrène trois ou quatre notes répétitives et aigrelettes tandis que la rythmique pédale dans les bas-fonds alors on se dépêche de vérifier dans les notes de pochette au milieu desquelles on repère le line-up suivant : Daniel Fagerström à la guitare, Joachim Nordwall à la deuxième guitare et à la voix et Henrik Rylander à la batterie, les trois étant crédités à je ne sais quelles manipulations sonores le reste du temps. On comprend beaucoup mieux comme ça
Et on comprend surtout que l’on a donc eu tort de soupçonner le groupe d’avoir encore succombé aux tentations arty-bruitistes dont il ferait mieux de se défaire. Sur Skull Oscillator on retombe pourtant dans le même type de remplissage qu’avec The Lower Part Of Yourself et il faut attendre XXX pour goûter à nouveau au post punk tribal et enlevé des Skull Defekts, mélange de dissonances garages et de froideur noisy. XXX pâtit par contre un peu de son côté inachevé et du caractère souffreteux du chant. Malgré une fin pyrotechnique la tendance est à l’essoufflement et XXX finit par ressembler à ce qu’il doit sûrement être : une composition que les Skull Defekts auraient jugée trop faible et donc n’ont jamais enregistrée pour un de leurs albums. Pourtant il ne manquerait pas grand-chose à ce XXX pour atteindre le niveau d’excellence habituel du groupe mais comme on reste également bien au dessus des plages bidouillées et autres facilités pseudo expérimentales, ce split – au moins en ce qui concerne les Skull Defekts – devient un disque à écouter avec soin et à apprécier avec plaisir. Finalement cette journée n’a pas été si foutue que cela.

jeudi 17 février 2011

Gods And Queens et Le Singe Blanc en concert à Grrrnd Zero






















J’aurais du me méfier et lire un peu mieux le flyer ci-dessus : certes il y est écrit en toutes lettres Le Singe Blanc ainsi que Gods And Queens mais on peut également y lire Gigotronc, Le Musée Des Horreurs ou encore Bonne Humeur Provisoire… ouais, hein… L’explication est pourtant très simple : ce soir deux organisations différentes se sont associées pour mettre en place ce concert et l’une des deux a programmé des performances d’artistes gravitant autour de l’Embobineuse, salle marseillaise bien connue.
Quel est le problème me direz-vous ? A priori absolument aucun si je me fie aux renseignements pour le moins rassurants fournis par un membre de l’autre orga et complètement au courant de rien du tout, lequel m’affirme que la soirée va se dérouler sans aucun accroc et de la façon suivante : une performance d’un quart d’heure, un groupe qui joue pour de vrai (Gods And Queens), une deuxième performance d’un quart d’heure, un deuxième groupe encore pour de vrai (Le Singe Blanc) et enfin une troisième performance.
Dans les faits tous les performers vont passer en premier, qui plus est ils vont largement occuper le terrain plus d’un quart d’heure et il faudra attendre très longtemps – au moins jusqu’à 23 heures – avant de pouvoir enfin entendre un peu de musique… attendre que la première performance se passe, puis attendre à nouveau que la seconde s’achève avant qu’elle ne m’achève moi (malgré son côté plus musical). J’ai déjà de violentes poussées d’urticaire et des montées d’intolérance dès qu’il s’agit de simple théâtre, alors des performances c’est tout simplement et humainement impossible. Je n’en parlerai donc pas d’avantage, risquant d’être complètement hors sujet et ne trouvant de toute façon rien à en dire.















Il est donc très tard lorsque les Gods And Queens s’installent enfin sur la scène. Gods And Queens c’est le groupe de hard core américain typique, trois petits mecs qui ressemblent à rien, portent des chemises à carreaux ou des t-shirts, ont des beaux tatouages (y compris sur les doigts en ce qui concerne le guitariste), n’ont pas fait réellement de balance avant le concert, ont annoncé qu’ils n’allaient pas jouer plus d’une demi-heure et vont bientôt envoyer tout ce dont ils sont capables en un minimum de temps. Et ce dont ces trois là sont capables ça fait vraiment beaucoup, même sur un set aussi court – de toute façon les Gods And Queens n’ont pour l’instant jamais enregistré un disque qui dure plus d’un quart d’heure.
Mis à part la voix que l’on entendait vraiment pas assez, tout était assez parfait chez ce bon petit groupe qui allie fureur hard core (quel batteur !), noise et un chouïa d’emo – ça c’est uniquement pour le chant et certaines lignes mélodiques et on se rappellera au passage que sur leur premier EP (Untitled II) les Gods And Queens avaient repris Quicksand.
Nouvelle preuve irréfutable de bon goût, le chanteur demande dans la salle s’il y a des amateurs ou connaisseurs d’Hüsker Dü et il annonce en guise de dernier titre une reprise de la bande à Bob Mould et Grant Hart, ce sera Girl Who Lives On Heaven Hill envoyé la rage au ventre. Un petit cadeau qui fait définitivement toute la différence. Dommage que le groupe ne tourne pas davantage en Europe (à peine plus d’une douzaine de dates) parce que voilà exactement le genre de concert qui vous rappelle ce que guitare et énergie signifient. On en connait beaucoup trop de ces groupes pseudos punks qui n’arrivent même pas à être aussi sincères et vrais que Gods And Queens (et on reparle très bientôt du nouvel EP que le groupe vient tout juste de publier).
















C’est enfin le tour du Singe Blanc, improbable trio de Metz avec deux basses et batterie et surtout ce chant onomatopéique à faire passer le kobaïen pour un langage des signes à l’usage des déficients mentaux. La musique de ces trois là est vraiment barrée, doit autant à Magma (donc) qu’aux Ruins, aux Molecules et à Franck Zappa et dégage une énergie exponentielle qui ira même jusqu’à retenir le groupe en otage – quatre rappels quand même, soit six titres joués en plus, avant épuisement.
Mais au delà du côté décalé, traviolé, désaxé et taré de la musique, ce que l’on remarque surtout c’est le sens du groove du Singe Blanc, cette impertinence répétitive qui force même les plus psychorigides d’entre nous à remuer les fesses. Les titres de Babylon, l’album le plus récent du Singe Blanc, ressortent encore mieux sur scène et il est impossible de résister bien longtemps aux ♫♫♪♪ lalala lala ♫♪♪♫ simiesques d’un Tapadi, assurément l’un des meilleurs moments d’un concert qui pourtant n’en a pas manqué.
Le Singe Blanc est un vrai groupe de funk, il aurait pu être aussi lancinant et débridé qu’un Parliament s’il n’avait fait en même temps le choix du défouraillage punk et de l’hystérie radicale. « Le LSB, la meilleure des drogues » avait déclaré en début de soirée l’un des performers marseillais déguisé pour l’occasion en monsieur Loyal et pour cette fois je veux bien être d’accord avec lui.

mercredi 16 février 2011

Shub en concert, lucky me
















Après avoir fait l’impasse entre la fin du mois de janvier et le début du mois de février sur tellement de concerts que je n’ai même plus le droit d’ouvrir ma grande gueule pour râler que le public lyonnais est jamais au rendez-vous – mais que voulez-vous : j’étais tout simplement malade – c’est reparti pour une drôle de semaine bien chargée (en exagérant un peu : un concert tous les soirs, il va donc falloir faire le tri). Une semaine qui pourtant a très mal commencé… lundi le choix se portait entre Germanotta Youth et Zea à Grrrnd Zero et Desappears et Deborah Kant au Sonic mais la conclusion de ce dilemme n’a jamais été qu’une pauvre soirée pépère, bien calé au fond du lit devant la saison 2 de Breaking Bad, plus une dernière grosse rasade de médicaments dégueulasses pour en finir avec les ultimes soubresauts d’un mal aussi rampant qu’hivernal. Ne faites jamais de gosses : vous allez choper toutes les saloperies qu’ils vous ramèneront de l’école.
J’ai l’air de raconter ma vie ? Merde alors. En ce mardi ça va tout de même beaucoup mieux et direction le Tostaki, un bar situé sur les quais de Saône et où je n’ai encore jamais foutu les pieds, même à l’époque où, parait-il, le lieu s’appelait encore le Melting Pop (c’est l’une de mes rengaines habituelles). Sur la porte d’entrée je remarque ce petit panneau indiquant « la soirée jazz manouche du 15/02 est déplacée à la Mi-Graine », encore un patron de bar qui aura programmé deux choses différentes le même jour sans s’en apercevoir – hypothèse qui me sera confirmée de vive voix un peu plus tard, en fin de soirée.





















L’organisateur du jour n’est autre que Mr Seb Radix (que l’on ne présente plus : Miss Goulash, Kabu Ki Buddah, The Rubiks…) qui à l’aide de sa propre structure aussi active que conquérante en a même profité pour se programmer lui-même : ce soir, mesdames et messieurs, nous allons pourvoir assister au tout premier concert donné en dehors du salon familial par Seb & The Rhââ Dicks. Comme son nom l’indique, Seb est plusieurs et en plus il fait tout, tout seul : il chante de sa voix d’éphèbe, il gratouille sur une douze cordes acoustique, il joue du synthé du pied droit, il bat la mesure du pied gauche et éventuellement il se lance corps et âme dans un happening à l’harmonica au milieu du public, effet garanti.
Notre homme orchestre a concocté un répertoire de pop songs oscillant entre mélancolie sixties (les Kinks et ce genre de trucs, mais en beaucoup moins bien) et folk bâtard, le tout étant joué avec un certain sens du spectacle et toute la désinvolture pounque que l’on pouvait espérer du bonhomme. C’est la plupart du temps très drôle pour ne pas dire complètement crétin. En guise de (faux) rappel Seb & The Rhââ Dicks choisit une victime dans le public, victime qu’il samplera en train de s’égosiller d’une voix de fausset pour servir de refrain/gimmick sur le I Don’t Care des Ramones. Succès assuré.















Suit directement Jubilé, duo guitare/voix et batterie encore jamais vu en concert alors que ces deux là ne viennent vraiment pas de loin – St Etienne et alentours – et ont déjà joué un nombre de fois sûrement conséquent dans les parages (encore une de mes rengaines habituelles). Je découvre donc un duo puissant et carré, qui mettra un tout petit peu de temps à vraiment assaisonner – disons que les premiers titres étaient excellents mais que sur les derniers les deux Jubilé ont violemment explosé le mur du son – et malgré un problème récurrent au niveau de la voix le concert aura globalement été à la hauteur. Ce n’est pas parce que le chanteur braille qu’il doit être dispensé d’être correctement sonorisé. Et c’est dommage qu’il n’ait pas été davantage entendu parce que ce garçon a une façon bien à lui de chanter, confère son autre et excellent groupe Jokari dans lequel il tient également le micro (mais on en reparle très vite…).
Qu’à cela ne tienne, Jubilé écrase vite fait bien fait les quelques velléités mélodiques que le duo a pu montrer jusqu’ici sur disque et privilégie la charge héroïque de mammouths et le pillage/mise à sac par derrière des couvents de bonnes sœurs. Le batteur surtout gagne de plus en plus et considérablement en assurance, cogne comme un malade mais cogne vite et droit, une bien belle brute grâce à laquelle Jubilé file sans dévier. A revoir rapidement, donc.















Suivent les Shub de Nîmes. Ce n’est pas parce que Fuck My Luck, le dernier album en date, a été plutôt fraîchement accueilli par ici que l’on va faire l’impasse sur un concert de ce groupe dont les membres ont quoi qu’on en dise une sacrée réputation de scène. Cette réputation, le trio va la tenir haut la main. Après un échauffement de bon aloi sur The Last Battle Of Mohamed Jimmy Mohamed (le titre instrumental qui ouvre également Fuck My Luck), Shub enchaîne directement sur Prok’o’Fiev qui est l’un des meilleurs titres de l’album d’avant de Shub et peut être même bien mon titre préféré du groupe tout court. Autant dire que ce concert ne pouvait pas mieux commencer.
Shub va ainsi alterner les meilleurs titres de Fuck My Luck (dans le désordre : Snob Song, Success, Faster et Slaughterhouse Five – que des titres de la seconde face du disque, il est vrai bien supérieure à la première) et hits interplanétaires extraits de The Snake, The Goose & The Ladder (l’incroyable et génial Franky Vincent Goes To Hollywood et le toujours très drôle Rock Critic Song). C’est le sans faute absolu. Quelques blagues récurrentes comme les faux départs sur Faster et un final orgiaque avec manche de basse astiqué à la cannette de bière auront raison des dernières résistances d’un public bien échauffé quoi que toujours aussi lyonnais. Shub est actuellement en tournée (par exemple le 16 à Besançon, le 17 à Nancy, le 21 à Paris, le 22 à Nantes, etc…), surtout ne les ratez pas !

[comme d’habitude, des photos floues et tremblotantes du concert ici]

mardi 15 février 2011

Moha! / Kriiskav Valgus






















Kriiskav Valgus est le nom du nouveau disque de Moha! et c’est un tout petit vinyle de 7 pouces, publié par Le Petit Mignon dans sa série Bugaboo! – ce qui signifie que le disque est accompagné d’un livret sérigraphié de dix pages et concocté par Bongoût. Toutes les premières publications du Petit Mignon avaient déjà vraiment la grande classe (avec à chaque fois un dessinateur/illustrateur/graphiste différent aux manettes) mais celle-ci les surpasse allègrement. L’alliance du plaisir des oreilles et de celui des yeux. Et quoi de plus normal pour un label très arty qui est également une salle de concerts et surtout un lieu d’exposition hébergé dans les locaux berlinois de Staalplaat, célèbre maison de disques s’il en est (au passage également distributeur des productions du Petit Mignon) ?
Côté musique Moha! ne déçoit absolument pas avec deux titres enregistrés en décembre 2009 et dans la droite lignée des travaux les plus récents du duo, l’album One-Way Ticket To Candyland chez Rune Grammofon et le split chez Gaffer records. Sur Naajlos Ljom Anders S. Hana (guitare, claviers et bidouille) et Morten J. Olsen (batterie et électronique) ont même semble t-il un peu plus radicalisé leur propos – c’est le format court qui leur donne des ailes ? – avec une déferlante sans discontinuité de rythmes pour lesquels employer les termes de pilonnage explosif ne serait absolument pas usurpé. Programmation de boite à rythmes et batterie s’entremêlent, techno indus d’un côté et breakcore tribal et harsh de l’autre, avec option gamepiece pour console de jeux poussée dans ses derniers retranchements, complètement disjonctée, à la limite du court-circuit généralisé. Fin de la face XX.
Face XY Brikjande Glime poursuit dans l’optique mitraillette brésilienne et flipper mécanique pour le moins incohérent. Les deux Moha! n’ont toutefois pas bloqué la pédale d’accélérateur au plancher et les rythmes sont moins barrés. On a plus le temps de se rendre compte des allers et retours rythmiques entre les deux musiciens, de leur capacité à jouer au Tetris les yeux bandés et les mains liées dans le dos, comme s’ils passaient leur temps à se donner des coups de boule. On ne sait finalement ce qui fait le plus mal : la déculottée bio-ionique de Naajlos Ljom ou le mode d’emploi sadique de Brikjande Glime. Mais on aime.

lundi 14 février 2011

Sol 6 / self titled




















Après le toit (Roof) et les murs (4 Walls), Luc Ex s’attaquera-t-il aux fondations de la maison ? L’un de ses derniers projets en date s’appelle Sol 6 – parfois décliné en Sol 12 – et n’est pas sans rapport avec les deux autres groupes cités. D’abord une instrumentation complètement atypique : batterie, violon alto, violoncelle, saxophone, chant et basse acoustique. Ensuite on retrouve aux côtés de Luc Ex et du formidable batteur australien Tony Buck le pianiste Veryan Weston, celui-là même qui avait illuminé de ses interventions audacieuses les deux albums de 4 Walls*. Enfin et surtout, c’est musicalement que l’on décèle moult points communs entre Sol 6 et ses deux ancêtres supposés : une approche transversale à la fois du rock, du jazz et de la musique contemporaine par le biais de l’improvisation. Les influences sont aussi multiples qu’éclatées, parfois un rien savantes mais cela fonctionne parfaitement, en dépit du caractère très sérieux de l’ensemble.
Plusieurs voix se partagent les rôles autrefois détenus par Phil Minton même si le chant n’est plus ici l’élément prépondérant : deux sont féminines (Mandy Drummond et Hannah Marshall) et la troisième masculine (Veryan Weston). Tous les registres sont abordés, de l’onomatopée à la ligne mélodique en yaourt (plus rarement) en passant par l’interprétation de réelles chansons, composées jadis par Burt Bacharach (Close To You), Charles Ives (magnifique Sick Eagle) ou Eric Satie Georges Russel (Chanson Hollandaise, très drôle). On croise également le chemin de Georges Russel et hormis quelques compositions explicitement crédité Luc Ex ou Veryan Weston, Sol 6 est un travail collectif.
On ne peut alors que remarquer – autre point commun avec Roof et 4 walls – que malgré les horizons très divers d’où sont issus les différents musiciens et malgré la multiplicité des sources d’inspiration ce premier album de Sol 6 conserve toute son unité. Les plages improvisées servent en quelque sorte de liant entre les parties plus composées et malgré la densité du disque (17 titres ou interludes pour plus de 50 minutes de musique) on reste accroché bien comme il faut tout au long d’un disque qui n’hésite pas à passer des bruits de tuyauterie et autres grincements de cordes à du cabaret désuet sans oublier pour cela d’emprunter les voies d’un jazz modal ou le chemin des dissonances contemporaines. Un disque d’héritages en quelque sorte, mais surtout un disque de continuités pour un groupe que l’on sent prêt à aller fouiner partout où l’idée lui en prendra.

* il faut également écouter (si on arrive à mettre la main dessus) l’incroyable Ways de Phil Minton et Veryan Weston paru chez Jazzwerkstatt ainsi que le magnifique Allusions, album solo de Weston paru chez Emanem en 2009 et lui toujours disponible

samedi 12 février 2011

Une interview de G.W. Sok rescapée des archives (2004)


Les questions de cette interview consacrée à The Ex ont été lancées un beau jour dans le vide d’internet et malgré quelques espoirs plutôt fondés les réponses ne sont jamais arrivées à temps pour être publiées dans le journal pour lequel elles étaient prévues. Il s’en est fallu de quelques jours seulement, saloperie de dead line.
C’est le chanteur/parolier G.W. Sok qui avait finalement répondu, sans doute débordé par toutes sortes de sollicitations alors que The Ex venait de publier Turn et que le groupe s’apprêtait à effectuer une tournée très spéciale pour célébrer son 25ème anniversaire (tournée racontée dans le DVD The Convoy Tour, 25 Years Of The Ex). On pardonnera la naïveté de certaines questions – je n’ai jamais été très doué pour les interviews – ainsi que leur manque de pertinence au regard de l’activité beaucoup plus récente du groupe (cette interview à été réalisée en 2004) mais les réponses de l’ancien chanteur de The Ex étant restées inédites depuis tout ce temps, sans doute cela en vaut-il encore un tout petit peu la peine.
On rappellera également que G.W. Sok sera en concert avec Cannibales & Vahinés pour quelques dates bien trop rares au mois de mars – le 16 à Genève, le 17 à Lyon (le Sonic) et le 18 à Macon (La Cave A Musique).

Peux-tu nous parler du nouvel album, Turn ?
Turn a été enregistré fin 2003 dans la foulée d’une mini tournée sur la côte Est américaine. Nous avons enregistré pendant trois jours au Electrical Audio Studio de Steve Albini à Chicago ces quatorze chansons constituant notre set-list actuelle pour les concerts et composées pendant une période d’inactivité en 2002. Turn est un double album édité en France chez Vicious Circle et nous en sommes vraiment très fiers. Si nous avons à nouveau travaillé avec Steve Albini c’est pour une raison toute simple : nous avons aimé son travail sur nos deux précédents albums Starters Alternators et Dizzy Spells, nous nous sommes appréciés mutuellement et puisque notre tournée s’achevait à Chicago et qu’il avait du temps disponible en studio, le choix a été évident.















Il y a un nouveau membre dans le groupe : Rozemarie qui joue de la contrebasse. Comment l’avez-vous rencontrée ?
En 2000 nous avons fait ce big band/The Ex en version étendue [nb : Ex Orkest, un album Een Rondje Holland sorti sur leur propre label et reprenant des titres de The Ex façon grosse fanfare free et avec aussi des impros collectives]. The Ex était alors devenu une formation de vingt personnes avec entre autres deux contrebasses. Lorsque nous avons fait une seconde tournée l’année d’après avec ce big band, l’un des deux contrebassistes était alors indisponible. A la recherche d’un remplaçant, Andy s’est souvenu d’elle, elle nous a rejoint, a aimé l’expérience et plus tard lorsque Luc nous a quittés, nous avons pensé à Rozemarie puisqu’elle avait été si enthousiaste, pourquoi ne pas lui demander de rejoindre The Ex dans sa version habituelle ?

Considérez-vous le départ de Luc comme une nouvelle étape pour le groupe ?
Oui, parce que Luc a joué avec nous pendant presque 20 ans. Nous étions une vraie famille, un peu comme un mariage et soudain nous avons du divorcer. Cela a été pour nous une expérience difficile, ce n’est d’ailleurs pas le moment le plus agréable dans la vie des gens. Nous avions déjà discuté plus d’un an et demi pour faire le point sur nos différences mais à la fin Luc sentait bien qu’il n’avait plus assez d’enthousiasme pour continuer. Après son départ et l’arrivée de Rozemarie la seule chose à faire était de jouer de la musique, nous débarrasser de notre vieille peau pour nous réinventer.

Avez-vous réarrangé avec Rozemarie des vieux titres de The Ex ?
La première chose que nous ayons faite c’est de faire des nouvelles chansons aussi vite que possible, cela pour pouvoir penser à faire des concerts le plus rapidement. Nous avons voulu commencer un nouveau groupe avec de nouvelles chansons. Nous n’aimions pas ces idées de recommencer avec des vieux trucs et Rozemarie devant jouer les lignes de basse de quelqu’un d’autre. Nous avons préféré d’abord tirer un trait. Alors, une fois que nous avons eu une dizaine de nouvelles chansons, nous avons enfin songé à en ajouter quelques unes en concert parmi les anciennes mais datant quand même de nos plus récentes parutions ou alors de juste avant la séparation d’avec Luc. Nous avons essayé mais cela n’a pas fonctionné alors nous avons abandonné l’idée. Encore une fois, nous ne sommes pas opposés au fait de jouer des vieux titres alors peut être qu’un jour…

Le livret de Turn mentionne des remerciements à Luc, êtes-vous toujours en contact ?
Apparemment Luc est occupé comme jamais, et c’est une bonne nouvelle. Il travaille toujours avec son autre groupe 4 WALLS [nb : deux disques sur le label Orkhêstra, le groupe est désormais en stand-by] et à côté il a aussi monté un groupe s’appelant FABLES, avec Andy Ex à la guitare et je sais qu’il joue également de la basse pour un nouveau projet du dessinateur/artiste belge Kamagurka. Nous sommes toujours en contact bien sûr, mais objectivement pas autant que nous l’étions avant.

Est-ce que tu peux nous parler de la chanson Huriyet sur le nouvel album ?
Nous avons trouvé cette chanson sur une vieille cassette, c’était un mauvais enregistrement chanté par deux jeunes enfants. Nous l’avons aimé et avons aussi apprécié que ce soit une chanson sur la liberté et l’indépendance. Elle provient d’une région de l’Erythrée où musulmans et chrétiens vivent ensemble sans problèmes. A la base cela n’a pas plus de signification que cela mais depuis les événements du 11 septembre 2001 et ses conséquences cela a soudainement beaucoup plus de sens.

Quelle est la signification de In The Event ? Qui parle à la fin de ce titre ?
Cette chanson parle de la prise de décision dans la vie, le fait que les décisions soient uniquement entre vos mains. La personne qui parle à la fin est le poète sonore Anne-James Charton qui nous a déjà rejoints quelques fois lors de nos concerts en France et qui sera à nouveau avec nous pour la prochaine tournée.





















Il y a quelques invités sur le nouvel album. Referez-vous un jour l’expérience de jouer avec des improvisateurs comme sur Joggers & Smoggers et Instant ?
Pour ce disque nous avons voulu restés aussi près que possible de la situation en concert, d’autant plus que c’était notre premier album avec Rozemarie. Bien sûr il y a toujours une chance pour que nous refassions des albums avec des musiciens issus de la scène de l’improvisation mais nous ne savons vraiment pas quand. L’avenir nous le dira : quand l’idée est bonne et qu’elle est réalisable, nous le faisons. Nous sommes toujours amoureux de la musique improvisée c’est évident ! Mais nous aimons tellement de choses différentes.

Pour la nouvelle tournée célébrant votre vingt-cinquième anniversaire, vous avez invité plein de musiciens…
Il y aura Getatchew Makurye, un épatant saxophoniste éthiopien de 70 ans, c’est la première fois qu’il vient en Europe, le groupe français Silent Block de Xavier Charles, le jazpunktrio italien Zu, The Evens avec Ian MacKaye à la guitare et au chant ainsi que Amy Farina à la batterie, un solo du légendaire batteur hollandais Han Bennink, John Butcher en solo également avec son saxophone, Hisako Horikawa qui est une danseuse japonaise, un duo pop-punk d’Amsterdam du nom de Zea, Jimmy Mohammed un extraordinaire chanteur aveugle venu d’Ethiopie accompagné de deux musiciens Messele Asmamaw et Asnake Gebreyes, The Living Ex Juke Box, en fait Wilf l’ancien batteur de Dog Faced Hermans (nb : qui sera peut être accompagné de l’ex NoMeansNo Andy Kerr) diffusant les vieilles chansons de The Ex à la demande. Tous ces gens ont vraiment été faciles à convaincre, ils nous ont tout de suite répondu oui parce qu’ils aimaient cette idée de jouer ensemble pour une tournée spéciale. Nous sommes vraiment très fiers de cela.

Avez-vous toujours la même vision de la musique ?
Nous continuons de penser à la musique comme une forme de protestation, une implication politique. La musique est avant tout un moyen d’expression que se soit avec des sons, des mots ou des idées. Mais la musique en est elle-même n’est pas suffisante, elle ne saurait exister toute seule en plein désert : elle doit être nourrie pour nourrir à son tour. Il y a une musique des pouvoirs ainsi que de l’ignorance et il existe une musique de la résistance. Le premier type de musique est aussi un style politique : ce sont les politiques du status quo, de la peur de l’inconnu. Nous sommes intéressés par l’autre type, nous croyons au pouvoir du changement et de la surprise.

Quels sont les projets de The Ex ?
Nous avons prévu d’éditer une compilation de singles épuisés et d’inédits. En fait, nous avons déjà annoncé cette parution depuis très longtemps, des années en fait mais d’autres projet ont toujours pris le dessus. Mais cette fois c’est sûr, la parution est pour le printemps prochain toujours sur Vicious Circle. Beautiful Frenzy va sortir en DVD toutes zones comme on dit, il s’agit d’un documentaire sur The Ex avec en plus une heure de concerts, une galerie photos et notre seule et unique tentative de vidéo-clip. Mais surtout, nous sommes très impatients d’être au mois de novembre pour ces concerts de la tournée du 25ème anniversaire de The Ex.

vendredi 11 février 2011

Ultralyd / Inertiadrome




















En 2009 Ultralyd a fait plus que décevoir en publiant son plus mauvais disque – et même l’un des plus mauvais disques de toute cette année là – avec Renditions. L’exemple parfait s’il en fallait un de plus des méfaits de la branlette arty et des dérives nombrilistes dans lesquelles finissent malheureusement par tomber tous les musiciens qui se prennent beaucoup trop au sérieux. Ah mais putain de merde, respirez un peu les gars, et desserrez les fesses. Cruelle et incroyable déception, d’autant plus incompréhensible que dans Ultralyd on retrouve Anders S. Hana et Morten J. Olsen (les deux lutins maléfiques des formidables Moha!) mais également le bassiste/bucheron Kjetil D. Brandsdal (ajoutez-le aux deux autres et vous obtiendrez Noxagt). Rajoutez enfin le saxophoniste Kjetil T. Møster (remplaçant de Frode Gjerstad depuis l’album Conditions For A Piece Of Music en 2007) et vous obtiendrez le line-up complet d’un groupe qui pourtant nous avait habitués à vraiment beaucoup mieux dans le passé.
Inertiadrome est déjà le cinquième album d’Ultralyd et constitue le retour du groupe sur le label Rune Grammofon*. Inertiadrome est surtout marqué par un recours aux rythmes vaudous et aux incantations shamaniques : l’album est en entier dévoué aux déferlantes noise, free et concassées. Dès les premières mesures de Lahtuma nous voilà donc bien rassurés par la ligne de basse simplissime mais colossale de Brandsdal et par la batterie de Olsen. Il ne reste plus pour Kjetil T. Møster qu’à s’époumoner joyeusement dans son baryton tandis que la guitare de Anders S. Hana fait de la voltige dans les cieux assombris et bombarde ça et là de ses stridences audacieuses. Mieux qu’un orage s’apprêtant à éclater, mieux qu’une tempête tropicale ou qu’une tornade au bord de tout balayer, la musique d’Ultralyd est un blizzard magnétique et cosmique, aux résonnances aussi tribales qu’électriques. Et ça continue avec Street Sex, même recette ou presque, avec juste l’incursion d’un peu plus d’électronique bondage pour mieux ligaturer les sens et provoquer l’implosion.
Chaque titre semble ainsi être une déclinaison aggravée de son prédécesseur et arrivé à la fin du génial Contaminated Men on est déjà complètement épuisés. C’était sans compter avec Geodesic Portico et un nouvel appel du saxophone à la rébellion, la rythmique tripode qui s’emballe comme toujours de côté – décidemment Inertiadrome est le disque d’Ultralyd le plus influencé par Noxagt (avec quand même trois membres en commun, rappelons-le) – et le déchainement bruitiste en rouleau-compresseur. Dernier titre de ce massacre, Cessathlon est fait du même moule que les quatre autres mais, pour la première fois, baisse (relativement) en intensité. Le temps de bien percevoir et de bien sentir venir les pieux et autres crochets qui vont nous déchiqueter les chairs pour un dernier tout de roue. Sorte de conclusion au sadisme avéré, la batterie, laissée toute seule, donne le coup de grâce comme pour rappeler définitivement que sur Inertiadrome c’est elle qui avait tout déclenché. On avait bien compris.

* même si The Little Record Company, qui avait publié Renditions, est en fait une sous-division de Rune Grammofon

jeudi 10 février 2011

Benoît Pioulard / Lasted






















En regardant d’un peu trop loin, Lasted, troisième album de Benoît Pioulard publié par Kranky à l’automne 2010, ressemble fort à une brindille arty : on s’apprête à rire tout doucement rien qu’à l’évocation de ce pseudonyme un tantinet ridicule – le bonhomme est américain et s’appelle en fait Thomas Meluch – et son disque semble tout juste bon à servir de cure-dents et/ou de tisane pour faciliter les digestions difficiles. De la pop de petit garçon esseulé qui s’enferme dans sa chambre à double tour pour bricoler et enregistrer tout seul ses considérations sur la vie ? Non, merci ! Autant s’auto-satisfaire avec ses propres aigreurs d’estomac et autres flatulences nauséabondes – Lasted apparait alors à peine plus digne qu’un pet dans l’eau.
Heureusement, les choses ne sont pas toujours aussi simples et monsieur Pioulard n’a rien d’un artiste faussement maudit ou d’un autiste maniéré faisant de son petit cœur en bandoulière et de ses vibrations intimes un fond de commerce aussi lucratif que transparent. La pop diaphane du jeune homme est même suffisamment convaincante pour qu’on lui passe ses quelques tics boutonneux ou autres bouclettes dorées et elle est – niveau formel – assez réussie pour qu’on y trouve notre compte. Légèrement expérimentale mais pas trop, folk mais sans l’odeur de feu de bois, murmurée mais pas susurrée, fragile et délicate mais jamais précieuse, la musique de Benoit Pioulard évite donc soigneusement le syndrome Mon Petit Poney Magique.
Certaines évidences et certaines facilités agacent pourtant quelque peu, appelons ça des gamineries, on aimerait aussi que ce trop-plein de lumière filtrée cache en réalité une part d’ombre que Benoît Pioulard ne pourrait décemment pas montrer autrement – chose que Marty Anderson a par contre sublimement réussi avec son projet solo Okay – mais dans l’ensemble Lasted finit par atteindre son but, celui d’une certaine quiétude, les yeux mi-clos, en attendant que l’écho du train dont le sifflet résonne au début de Purses Discusses se soit totalement évanoui dans l’atmosphère. Ce garçon, honnête artisan, se révèle aussi être un songwriter homogène (trop ?), manquant certes de profondeur, mais avec quelques bonnes idées (utilisation de field recordings et autres manipulations sonores à la Fennesz). A la réécoute on préférera tout de même Temper, l’album précédent que Benoît Pioulard a publié en 2008, toujours chez Kranky, en gros la même chose que ce Lasted mais en plus attachant et à la bricole plus évasive – sans doute aussi Lasted n’a-t-il tout simplement plus bénéficié de l’effet de surprise.












Par contre la surprise c’est la venue de Benoît Pioulard au Sonic de Lyon le 15 février prochain : c’est même l’ami Dark Globe qui organise la chose, ayant décidé – quel inconscient ! – de se lancer dans les concerts. A noter en première partie la présence de l’excellent Raymond IV.

mercredi 9 février 2011

Abwärts / Amok Koma






















« Abwärts était l’un des rares groupes que les Neubauten acceptaient dans le contexte du nouveau punk. Mufti [surnom de FM Einheit] jouait avec eux, mais pas avec des instruments normaux ou conventionnels : il se servait d’instruments-jouets, de radios et de tout ce qui pouvait faire du bruit. Bien entendu, cela créait un lien avec les Neubauten ». C’est Klaus Maeck – futur manager d’Einstürzende Neubauten et habitant de Hambourg où le groupe a donné à ses débuts dans le cadre du premier festival ZickZack un concert assez mythique en compagnie de Abwärts – qui parle ainsi dans le livre Pas De Beauté Sans Danger de Max Dax et Robert Defcon (Editions du Camion Blanc, page 94). Et de fait, deux membres de Abwärts rejoindront rapidement Einstürzende Neubauten, dès le début 1980 : il s’agit de Mark Chung (basse, business) et de FM Einheit (bruit, tôle et chaos). Nous sommes donc face au cas typique et banal où un groupe prend l’ascendant sur un autre en lui piquant certains de ces membres.
Avec son titre en forme de palindrome, Amok Koma est le premier album d’Abwärts, édité en 1980, et le seul avec les deux futurs membres de Neubauten faisant encore partie du line-up. Amok Koma a été publié par ZickZack records, tout jeune label monté par Alfred Hilsberg et qui a également produit les premiers disques d’Einstürzende Neubauten – les meilleurs. Hilsberg créera ensuite What’s So Funny About, continuant de publier des disques de Neubauten, toujours avec le même succès. La carrière et la discographie d’Abwärts s’arrêteront eux en 1982 après un deuxième album (Der Westen Ist Einsam, encore avec FM Einheit mais sans Mark Chung) avant de reprendre en 1988 puis de connaître les aléas des reformations/déformations à répétition. Le dernier signe de vie discographique du groupe date de 2007.
Aujourd’hui la musique d’Abwärts semble bien datée et pas très excitante : sur Amok Koma on entend surtout un post punk rapide, rigide et légèrement glacial mais sans grande originalité, tournant essentiellement autour de lignes de basse rondes et massives. Dans le genre Karo 1/4 - 08/15 Hoch 2 ou Softly, Softly sont des mauvaises copies du Wire de Pink Flag ou des Buzzcocks mais sans le génie pop. Pourtant, sur Maschinenland et ses bruitages de perceuses électriques, on sent le lien fraternel entre Abwärts et Einsturzende Neubauten, lien que des sons de trompettes en plastique/kazoo (?) n’arrivent pas à gâcher. Le côté punk de cirque est souvent gênant (surtout lorsque la voix entonne des lalalala lalalala potaches) mais finit par s’estomper : Monday On My Mind par exemple arrive même à convaincre et si on cale presque toujours sur des détails – appelons-les fautes goût – on trouve souvent une tournure qui attire l’oreille. Trop d’horreurs (Bel Ami, incompréhensible, Mehr et Türkenblues, trop longs et gâchés par le chant, Neon Kind, un très mauvais reggae qui finit par accélérer) côtoient pourtant le meilleur (Verzählt, assez impérial, Unfall avec ses percus métalliques et ses glissés stridents au violon et Ich Bin Stumm). L’album se conclue sur un Japan enregistré live en 1979, lors du tout premier concert jamais donné par Abwärts. On y entend un groupe certes maladroit mais bien plus inquiétant et froid que ce que les enregistrements en studio le laisseront supposer un peu plus tard. De quoi comprendre un peu mieux cette affinité qui liait Abwärts et les Neubauten (il existe une cassette reprenant l’intégralité de ce concert de 1979).

Amok Koma a été réédité un nombre conséquent de fois, même en vinyle, toujours par ZickZack et il se trouve encore très facilement. Si votre exemplaire comprend un livret de seize pages imprimé en noir et blanc au format 21 x 29.7 c’est que vous être l’heureux possesseur d’un original. Sinon, vous n’avez qu’une réédition au vague intérêt historique. Par contre même les rééditions se concluent par un lock groove germaniste.

mardi 8 février 2011

FM Einheit - Hans-Joachim Irmler / No Apologies


« Il ne se passait plus rien du point de vue artistique. Je n’ai écouté aucun des disques des Neubauten depuis Ende Neu et je ne suis allé à aucun de leurs concerts. Je n’ai même écouté Ende Neu qu’une seule fois. J’ai quitté le groupe parce que je n’écoutais plus. Pourquoi devrais-je écouter à nouveau ? Ce serait bizarre. Ce que les Neubauten sont aujourd’hui, je considère que ce n’est plus les Neubauten. De mon point de vue ce n’est rien de plus qu’une usurpation ». Qui parle ainsi ? Tout simplement FM Einheit interrogé par Max Dax et Robert Defcon pour les besoins de leur livre Pas De Beauté Sans Danger aux éditions du Camion Blanc. Cette sentence définitive est même l’une des toutes dernières interventions de l’ex percussionniste d’Einstürzende Neubauten dans ce livre (page 294 et 295). Elle en dit très long sur les dissensions entre Einheit et Bargeld, lequel a définitivement pris le pouvoir de manière absolue après le départ du premier.
Il faut toutefois avouer que FM Einheit a de fait guère chaumé depuis son départ d’Einsturzende Neubauten en 1994. Quelques albums de collaborations (avec Caspar Brötzmann, Andreas Ammer, etc), des participations à ceux de KMFDM (hum), Gry – avec la participation d’Alexander Hacke d’Einstürzende Neubauten – et surtout de la composition pour des émissions de radio et des pièces de théâtre. Il est regrettable qu’il n’ait jamais réellement donné suite à Stein, son premier album solo publié en 1990, même si il a monté après un groupe portant le même nom en compagnie de Katharina Franck et Ulrike Haage.




















En 2010 FM Einheit a enfin fait une réapparition discographique sous la forme d’un LP en compagnie de Hans Joachim Irmler (de Faust et semble-t-il dernier garant de l’esprit de ce groupe incontournable), un LP enregistré dans le propre studio de celui-ci et bien évidemment publié sur son propre label, Klangbad. No Apologies est il digne d’intérêt ? Ma foi oui si on aime les expérimentations hasardeuses bidouillées en studio et remontées par la suite afin que cela ressemble peu ou prou à quelque chose. C’est forcément l’impression qui se dégage de ce disque dont la recette et les ingrédients sont on ne peut plus simples : d’un côté Irmler bricole, bien planqué derrière quelques mètres cubes de machines invraisemblables et de câblage labyrinthique, et de l’autre Einheit tabasse une installation à base de pièces métalliques, percussions customisées et autres ressorts distendus ou sort de son sac son éternelle scie-sauteuse pour s’en aller poncer à rebrousse-poil de la tôle ondulée. En gros No Apologies c’est de la musique industrielle improvisée avec option voyage intersidéral juste avant que la navette spatiale ne s’écrase à la surface d’une planète aussi inconnue qu’hostile.
Rien de fondamental, rien de mémorable, rien d’extraordinaire mais un bon disque d’impro bruitiste devant souvent beaucoup plus à Irmler et ses synthés tridimensionnels qu’à Einheit et sa sauvagerie légendaire. Ces deux là on suffisamment d’expérience et de bouteille pour savoir où ils vont et on en conclut que FM Einheit est un bon musicien dès qu’il s’agit d’accompagner un esprit fort. C’est après tout exactement ce qu’il faisait lorsqu’il jouait encore au sein d’Einstürzende Neubauten : il était le faire valoir de Bargeld tout comme Bargeld arrivait à le rendre encore meilleur – exactement le genre de fonctionnement qui tombe à l’eau lorsque les deux personnes n’arrivent vraiment plus à s’entendre.