mercredi 2 février 2011

Fragment. / ...Is Your Truth Carved In The Sand ?






















En attendant de pouvoir parler un peu plus en avant de Home, le nouvel album en collaboration avec Nicolas Dick de Kill The Thrill que Fragment. s’apprête à publier bientôt, intéressons-nous donc un peu aux précédents travaux de ce garçon extrêmement discret bien que très prolifique. Un coup d’œil sur la page bandcamp de Fragment. permet effectivement de se rendre compte que depuis la création de son one man band notre homme n’a guère chaumé. A l’écouter parler il en aurait même fait un peu trop, certes composer et enregistrer lui plaisent toujours autant mais désormais le désir de sortir de sa tanière pour interpréter sa musique en concert se fait de plus en plus pressant.
L’un des meilleurs moyens de se familiariser avec une bonne partie de la discographie de Fragment. c’est de jeter son dévolu sur …Is Your Truth Carved In The Sand ?, un disque réalisé par le label japonais Happy Prince, label dont on avait déjà croisé la route au sujet de Nadja et de l’album Numbness du duo canadien. …Is Your Truth Carved In The Sand ? est une compilation ou plutôt un échantillonnage de titres – souvent remasterisés ou parfois même remixés – de Fragment. Les deux premiers albums du groupe y sont représentés, la plupart des EPs également et en fait il ne manquerait que Worldless 1 (qui est aussi me semble t-il une sorte de compilation) ainsi que le split partagé avec les anglais de Iroha et paru chez Denovali en 2009.
Influencé depuis tout petit par Godflesh et de toute évidence fan inconditionnel de la musique de Justin Broadrick, Fragment. explore de fait des territoires assez similaires à ceux du dernier projet en date de son idole : Jesu. Quel intérêt ? me direz-vous. Et bien si on était réfractaire à Jesu je n’en verrais effectivement aucun. Car il faut bien admettre que personne n’est parfait sur cette pauvre Terre et que tout le monde n’est pas forcément touché par la grâce lumineuse du metal liquéfié/ambiances brumeuses/chant autiste de Jesu, certains préférant même parfois aduler je ne sais trop quel obscur groupe originaire d’une ville pourrie du Rhode Island et tout fraichement sorti d’une cave infestée de rats, de seringues usagées et de tessons de bouteilles. Tant pis pour tous ceux-là.
Très loin de ces trop basses préoccupations terrestres, Fragment. navigue constamment entre légèreté et ambiances plombées, s’envolant avec aisance dans les airs malgré des guitares parfois bien chargées, une boite à rythmes qui sait aussi se faire appuyée, des synthétiseurs volontiers omniprésents – avec une utilisation très curiste de ceux-ci – tout en s’enfonçant dans une mélancolie finalement confortable et apaisante. Soyons clair, le metal shoegaze de Fragment. ne brille peut être pas par son originalité mais il dégage une personnalité authentique et une sensibilité à fleur de peau qui arriveraient même à remuer un cœur d’artichaut transplanté sur un fan nantais de The Ex. Les autres – dont, vous l’aurez compris, je fais partie – ne peuvent que ressentir et ne peuvent que penser à l’écoute de la musique de Fragment. qu’ils ont fait là une bien belle découverte. Ainsi sur des titres tels que Two Becomes One (un vrai tube, aussi lourd qu’hypnotique), Burn (plus synthétique et très aérien) ou Empire (à la fois pachydermique, brumeux et froid) Fragment. développe un niveau d’écriture et d’arrangement parfois supérieur à celui de ses modèles, n’ayons pas peur de le dire.
Fragment. pourrait donc logiquement s’imposer comme l’un des meilleurs prétendants à la couronne d’épines de Jesu, bien loin devant tout le monde, si le projet ne s’imposait dores et déjà en toute indépendance, tout simplement, pour ce qu’il est. Après tout, quels plus beaux compliments peut-on exprimer de part et d’autre ? D’un côté, faire des émules aussi brillants que Fragment. et de l’autre, démontrer que l’on peut exister par soi-même. N’oublions pas que la vie est un préalable à toute résurrection – même divine.