lundi 14 février 2011

Sol 6 / self titled




















Après le toit (Roof) et les murs (4 Walls), Luc Ex s’attaquera-t-il aux fondations de la maison ? L’un de ses derniers projets en date s’appelle Sol 6 – parfois décliné en Sol 12 – et n’est pas sans rapport avec les deux autres groupes cités. D’abord une instrumentation complètement atypique : batterie, violon alto, violoncelle, saxophone, chant et basse acoustique. Ensuite on retrouve aux côtés de Luc Ex et du formidable batteur australien Tony Buck le pianiste Veryan Weston, celui-là même qui avait illuminé de ses interventions audacieuses les deux albums de 4 Walls*. Enfin et surtout, c’est musicalement que l’on décèle moult points communs entre Sol 6 et ses deux ancêtres supposés : une approche transversale à la fois du rock, du jazz et de la musique contemporaine par le biais de l’improvisation. Les influences sont aussi multiples qu’éclatées, parfois un rien savantes mais cela fonctionne parfaitement, en dépit du caractère très sérieux de l’ensemble.
Plusieurs voix se partagent les rôles autrefois détenus par Phil Minton même si le chant n’est plus ici l’élément prépondérant : deux sont féminines (Mandy Drummond et Hannah Marshall) et la troisième masculine (Veryan Weston). Tous les registres sont abordés, de l’onomatopée à la ligne mélodique en yaourt (plus rarement) en passant par l’interprétation de réelles chansons, composées jadis par Burt Bacharach (Close To You), Charles Ives (magnifique Sick Eagle) ou Eric Satie Georges Russel (Chanson Hollandaise, très drôle). On croise également le chemin de Georges Russel et hormis quelques compositions explicitement crédité Luc Ex ou Veryan Weston, Sol 6 est un travail collectif.
On ne peut alors que remarquer – autre point commun avec Roof et 4 walls – que malgré les horizons très divers d’où sont issus les différents musiciens et malgré la multiplicité des sources d’inspiration ce premier album de Sol 6 conserve toute son unité. Les plages improvisées servent en quelque sorte de liant entre les parties plus composées et malgré la densité du disque (17 titres ou interludes pour plus de 50 minutes de musique) on reste accroché bien comme il faut tout au long d’un disque qui n’hésite pas à passer des bruits de tuyauterie et autres grincements de cordes à du cabaret désuet sans oublier pour cela d’emprunter les voies d’un jazz modal ou le chemin des dissonances contemporaines. Un disque d’héritages en quelque sorte, mais surtout un disque de continuités pour un groupe que l’on sent prêt à aller fouiner partout où l’idée lui en prendra.

* il faut également écouter (si on arrive à mettre la main dessus) l’incroyable Ways de Phil Minton et Veryan Weston paru chez Jazzwerkstatt ainsi que le magnifique Allusions, album solo de Weston paru chez Emanem en 2009 et lui toujours disponible