jeudi 24 mars 2011

Big'n / Spare The Horses






















J’écoutais à la radio une chroniqueuse musicale vanter avec force détails enthousiastes les mérites du quatrième et nouvel album d’un gang de new-yorkais portant converses et mèches rebelles tout en précisant qu’il y a dix ans ce même groupe avait beaucoup fait pour remettre les guitares à la mode – pourtant l’extrait musical proposé tout de suite après était juste lamentablement bourré de synthétiseurs. Mon incompréhension pour ce genre de démonstration concernant des musiques aussi excitantes qu’une soirée télé-plateau repas-pizza-bière passée avec bobonne le dimanche soir est incommensurable. Mais – et c’est rassurant pour ne pas dire plaisant – l’incompréhension doit sûrement être mutuelle : si être élitiste c’est s’opposer à la béatification populaire contrainte et forcée de la soupe marketée et sans passion, alors vive l’élitisme. Mais ce n’est pas le plus important. Car l’avantage des modes c’est qu’elles finissent toujours par passer.
Et c’est aussi ce qui est réellement frappant à l’écoute des quatre titres de Spare The Horses, le EP que Big’n vient d’enregistrer en ce mois de janvier avec l’aide de Greg Norman aux Electrical studios*. Big’n n’a peut être pas eu le même retentissement que certains de ses collègues de Chicago (Jesus Lizard, US Maple et Shellac) mais pendant cette première moitié des années 90, le groupe faisait vraiment partie des meilleurs. Et en 2011, Big’n est toujours dans le peloton de tête. Rien n’a changé. Les quatre ont recommencé les choses exactement là où elles s’étaient provisoirement arrêtées. Dans la droite lignée de leurs deux fantastiques albums, Cutthroat (1994) et Discipline Through Sound (1996). Ou plutôt quelque part entre les deux, alliant la méchanceté du premier et le vice du second. Tout est dit. La mode chez Big’n, cela n’existe pas.
La leçon d’authenticité démarre avec un Assholes & Elbows qui fait plus que rassurer : le son est bien là, cette basse emmanchée gros calibre, la frappe sèche de la batterie et la guitare qui taillade et charcle dans le vif. Mais ce que l’on préfère en fait c’est le chant. Après avoir broyé ses mots sur le couplet, Will Akins hurle comme un possédé sur le refrain et il hurle encore mieux qu’il y a quinze ans. A l’opposé du disque, Seaworthy vous prend en traitre avec son rythme lent, sa pesanteur appuyée, sa puanteur qui monte, ce gimmick de guitare qui fait tout pour vous torturer doucement et encore une fois Will Akins qui nous fait une démonstration de psychopathe. Après avoir éructé et essuyé des larmes d’acide pendant presque tout le titre, l’occasion est trop belle pour lui de se lâcher sur sa toute fin. Encore un grand moment.
Entre Assholes & Elbows et Seaworthy : deux autres perles noires. Long Pig est le titre le plus basique du disque, un titre tel que Big’n les affectionne tant – mais également le genre de titre qui nous fait comprendre pourquoi Big’n a tellement excellé à reprendre TNT et Dirty Deeds Done Dirt Cheap d’AC/DC – avec un changement d’humeur incroyable à la fin, non Long Pig n’est pas aussi basique qu’il semblerait. Enfin, Like A Killer est peut être la meilleure composition du disque et sûrement aussi l’un des meilleurs titres de Big’n tout court. Le groupe y sublime son noise rock avec une rage folle, appuie d’un seul bloc et ne lâche rien. A personne.

Spare The Horses envahira le monde le 2 mai sous la forme d’un joli vinyle 10 pouces. Africantape qui avait déjà en début d’année publié Dying Breed, une excellente compilation de singles, EPs et raretés de Big’n, remet donc ça. Entretemps Big’n sera venu en France pour effectuer trois concerts exclusifs – le 28 avril à Rennes avec Papaye et Oxes, le 29 à Paris avec les deux mêmes et surtout le 30 avril au Grrrnd Zero de Lyon dans le cadre de l’immanquable festival Africantape. Vous pouvez retrouver tout le détail de ces dates et bien d’autres encore ici.

* et non pas enregistré par Steve Albini comme j’ai pu le lire dans un encadré page 85 du n° 3 de (new) Noise mag – virez-moi donc ce journaliste amateur aussi incompétent que mal renseigné