mardi 22 mars 2011

Poino / Moan Loose






















J’adore ces courants d’air putrescents, ces odeurs de violence crasse, ces gueulantes parfois maladroites, ces bourrasques de bruits, ces éclats de saturation, ces déflagrations qui vous secouent la moelle épinière : il nous en vient de plus en plus, de partout et parfois même de manière totalement inattendue (dans le cas qui nous occupe ici : l’Angleterre). On va laisser aux débatteurs professionnels l’immense joie de polémiquer sur la pertinence de qualifier ou pas le regain d’intérêt actuel et persistant pour les guitares saturées et/ou tordues de revival nostalgique pour se réjouir de manière plus prosaïque de cette déferlante supposée – la nostalgie c’est soit un truc de vieux qui ne veut pas admettre que le temps a passé, en gros du fatalisme hormonal, soit un truc de jeunot qui n’accepte pas d’être né à quelques millions d’années-lumière de ze right place to be, banal complexe de castration refoulé quoi.
Parce qu’à dire vrai, je m’en tape le bourrichon de savoir vraiment s’il y a plus de groupes qu’auparavant qui ont envie de mordre mais je ne peux pas m’empêcher non plus de me réjouir à chaque fois que j’en découvre un nouveau, bien saignant et bien hargneux. Je m’en réjouis d’autant plus qu’on n’est plus du tout forcément obligé de se taper pour cela un énième groupe de metal core en short ou de screamo existentialiste dégueu comme il y a une dizaine d’année. Retour aux fondamentaux, les seuls, les vrais – bien qu’une fois de plus, la vérité ça n’existe pas – et en avant.
La spontanéité d’un groupe tel que Poino a donc tout pour donner la trique et mouiller les culottes. Oui, c’est un peu bancal, des fois aussi un peu approximatif mais ça respire un tel entrain virulent et une telle volonté d’en découdre que l’on ne peut être que séduit. Moan Loose, premier album autoproduit du trio (et que l’on peut se procurer ici pour un prix totalement dérisoire), cultive en outre un côté tordu et donc inattendu – de drôles de lignes de chant, des riffs de crabes, un peu de clarinette dans un registre free sur un titre (en hommage à cœur de bœuf ?), de la saturation qui bave, une batterie qui tousse, bref de quoi désarçonner suffisamment mais pas trop et donc de quoi attirer l’amateur de sensations sortes. Il y a un côté chien fou chez Poino, en cela le trio n’est pas très éloigné de ses excellents compatriotes de Shield Your Eyes, avec éruptions spontanées de jappements de plaisir comme autant d’aboiements de bête – et avec quelques glaviots en prime comme sur l’intro de Strengh Of A Cow Boy. Plus loin Widow’s Cube déborde de surprises, cette guitare qui vrille à la limite de la justesse, ce passage plus calme avec le chant qui s’adoucit avant la remontrance finale. Et tout le disque est ainsi, ou presque. Un bon disque dont il serait dommage de se priver, un disque comme on en écoute de plus en plus en ce moment – et donc c’est tant mieux –, un groupe à découvrir impérativement.





















Et pour la découverte on va être servis puisque Poino va sauter sans parachute de sa falaise pour entamer une tournée européenne avec (seulement) deux dates en France : le 26 à Paris au Rigoletto et le 24 à Lyon au Grrrnd Zero – un concert signé Active Disorder qui a eu la bonne idée de mettre également à l’affiche Don Vito et Ntwin. Pour vous donner une petite idée de l’ampleur de cette soirée, une chronique du dernier Don Vito et une autre de l’album sans titre de Ntwin.