samedi 12 mars 2011

Psychic Paramount / II


A priori, qu’est ce qui peut rendre un enregistrement de Psychic Paramount meilleur qu’un autre ? Pas grand-chose. Ou peut-être même rien. Laissons de côté Origins And Primitives vol 1 + 2 qui est une collection de démos enregistrées seul ou presque par Drew St Ivany et datant de la génèse du groupe. Essayons par contre de nous rappeler un peu de Live 2002 - The Franco-Italian Tour et surtout de Gamelan Into The Mink supernatural. On les a bien usés ces deux-là, on les a écoutés des nuits entières, albums à fantasmes, magiques, charnels mais irréels, qui ont surtout réussi l’exploit de nous soigner de notre chagrin d’après la séparation de Laddio Bolocko. Entre temps on a vu et revu plusieurs fois The Psychic Paramount en concert – parfois dans des conditions déplorables – et toujours on est ressortis de là complètement vidés, essorés, abasourdis, malmenés, meurtris, transpercés, à genoux, suppliciés mais transcendés et vibrants, tremblants, complètement dénudés. Progressive – dans le sens où elle vous transporte d’un point à un autre (plusieurs autres ?) – mais directe, hypnotique et cathartique, la musique de Psychic Paramount va très très loin. Et, surtout, elle va toujours le plus loin possible. La transe par la puissance des guitares et d’une rythmique pyromanes. Du psychédélisme à haute dose, du free, du kraut, du bruit, de l’incandescence, du chaos mais aussi de l’hébétude et un état de plénitude, par dessus tout, au dessus de tout.
Alors on s’en foutait un peu du nouvel album de Psychic Paramount : on avait déjà eu tout ce que l’on voulait et les concerts à chaque fois réalimentaient notre foi. On avait bien appris qu’il allait sûrement y avoir un nouveau disque studio du groupe un jour ou l’autre mais on avait fini par ne plus l’attendre. On pensait juste qu’il était enregistré depuis belle lurette – il y a un an et demi des bruits couraient même comme quoi sa parution sur le label Thrill Jockey était imminente – et tout au plus attendions-nous qu’il nous transporte une nouvelle fois, aussi loin que précédemment, telle une drogue dure dont on n’aurait pas eu besoin d’augmenter les doses à chaque nouvelle prise pour nous garantir un minimum d’effets persistants.





















Le bien-nommé II a fini par paraitre en février 2011, sur No Quarter comme la plupart des précédents disques de Psychic Paramount. On aura donc attendu sans attendre, pendant presque cinq années. Avec toute la confiance du fanatique mais presque de loin. Alors nous allons maintenant nous reposer la même question : A priori, qu’est ce qui peut rendre un enregistrement de Psychic Paramount meilleur qu’un autre ? Ou plutôt, maintenant que nous l’avons écouté ce disque : qu’est ce qui fait que II est incontestablement meilleur que Gamelan Into The Mink supernatural et Live 2002 The Franco-Italian Tour réunis ? Qu’est ce qui fait de ce disque le meilleur disque – et de très loin – de Psychic Parmount ?
Oui, c’est bien la seule conclusion que l’on peut tirer de son écoute : II transcende l’art lévitationnaire de Psychic Paramount. En quelques mots : plus fort, plus fou, plus loin, plus haut, plus beau. Psychic Paramount, tout en apportant davantage de soin et plus de liant à sa musique (la production est plus lissée, plus détaillée, le son bave moins, ne sature plus autant, les mélodies sont plus identifiables) la propulse dans un nouvel espace-temps, une nouvelle dimension, détruisant au passage quelques fondamentaux grossiers inhérents aux musiques progressives et enfonçant dans la boue d’où ils n’auraient jamais du sortir les besogneux virtuoses qui pensent que savoir jouer de son instrument comme un dieu est suffisant pour faire de la bonne musique.
La cosmogonie de Psychic Paramount ne prétend pas remplacer ou rivaliser avec quelque vérité ultime. II est cette lumière noire qui donne des aspirations spirituelles aux plus matérialistes des amateurs de musiques (dont je fais partie) avant de leur éclater tous les sens comme un éclair de lumière blanche vous explose la rétine et vous fait découvrir de nouvelles formes et de nouvelles couleurs au delà de l’aveuglement. Tout comme l’écoute d’Interstellar Space du duo John Coltrane/Rashied Ali a toujours suscité un incroyable sentiment d’élévation et de beauté déchirante. On touche ici à la musique sacrée – quelle que soit son inspiration première, en dehors de toute considération religieuse et donc dictatoriale de l’esprit – car à son écoute on atteint le point où rien ne peut être plus important qu’elle, même si l’effet ne dure que le temps du disque (40 minutes) ou réussit juste à persister quelques instants après la fin de sa seconde face, avant de redevenir aussi insaisissable que mystérieux.
On peut rester surpris que bien que proposant peu ou prou la même chose qu’auparavant, The Psychic Paramount ait ainsi réalisé ce pas de géant. On finit surtout par ne plus se poser cette question là. Ne plus considérer les quatre ou cinq années qui séparent Gamelan Into The Mink supernatural et II non plus. Parce que dans ces cas-là, comme on l’a déjà affirmé, plus rien n’a plus aucune importance.