mardi 19 avril 2011

The Austrasian Goat / Stains Of Resignation























Il n’y a pas vraiment de mystère autour de The Austrasian Goat : tout le monde sait ou peut facilement apprendre que derrière ce nom ce cache Julien Louvet, du label 213 records, auparavant dans un combo hard core du nom de ShallNotKill puis dans Meny Hellkin. Il est désormais le nouveau guitariste des géniaux Death To Pigs (dont on annonce un nouvel enregistrement pour cet été). Non, le mystère Austrasian Goat est ailleurs, dans ce flot d’enregistrements quasiment incessant depuis cinq années, enregistrements dont pas un seul ne saurait être mis de côté ou même ne serait-ce que légèrement déconsidéré. Le mystère c’est surtout cette musique à la fois organique et irréelle, dans la violence et la beauté de son propos. The Austrasian Goat ce sont donc des disques de plus en plus aboutis, de plus en plus ténébreux et inconfortables mais aussi des disques de plus en plus captivants pour ne pas dire ensorcelants.
Stains Of Resignation, sorti fin 2010 sur Music Fear Satan, est le deuxième album de The Austrasian Goat, après une flopée de 7’ et autres split singles ainsi qu’une excellente (demi) compilation, Piano & Stump. Toujours seul aux manettes – quelques invités toutefois sont venus poser une ligne de violoncelle, quelques touches de guitares ou un peu de glockenspiel – The Austrasian Goat présente sur Stains Of Résignation un travail de longue haleine s’étalant entre les années 2009 et 2010 et surtout il déploie des moyens d’une envergure, d’une multiplicité et d’une intensité encore jamais vus chez lui.
Even In Uneven démarre en trompe l’œil : le début du titre est muet, c’est une guitare sèche et un violoncelle que l’on entend. Pourtant c’est bien un black metal lent et lourd qui déboule, échappant non seulement à toute emphase mais surprenant avec son saxophone trublion. Even In Uneven est la première très grosse sensation d’un album qui ne va pourtant pas en manquer. A Liquid Manure Of Guilt est lui la première des incarnations folk de Stains Of Resignation – enfin on devrait plutôt parler de « dark folk », celui des Swans au tournant des années 90 et celui de Skin ou d’Angels Of Light, des références encore plus évidentes sur Miles From Anywhere, bien que le chant n’ait ici rien à voir avec celui de Michael Gira. Sur Voice Of Aenima c’est un chant féminin qui fait son apparition, celui justement de Jarboe : le moindre mérite de The Austrasian Goat et la moindre des qualités de Stains Of Resignation n’est pas d’avoir rendu la prestation de la dame pour une fois supportable – les allergies consécutives à son chant de Castafiore gothique ne refont pas trop surface mais Voice Of Aenima n’est qu’une agréable parenthèse au milieu du disque avec un featuring relevant certainement plus du fantasme de musicien que de la nécessité.
Comme pour une espèce d’hommage, Hands, le titre qui suit juste après Voice Of Aenima, développe un formidable riff digne des vieux enregistrements des Swans. Ce qui n’empêche pas Hands d’évoluer après vers un black metal processionnaire et glauque tout en gardant sa lourdeur oppressante d’origine. A l’opposé Arrheton est le titre le plus rapide et le plus norvégien, le plus true de l’album. Diseducation est un autre titre plus formalisé et plus classique, d’un black metal mid-tempo et guerrier finalement pas très original. The Austrasian Goat excelle dans ce genre d’exercice mais on le préfère plus nuancé, comme sur The Arsons Of Pride et No crowd Will Be Mine (qui empruntent à plusieurs genres et varient les ambiances, en particulier le second, au passage l’un des plus très beaux titres du disque).
Ce qui est vraiment convaincant sur Stains Of Resignation – exception faite peut être du titre avec Jarboe – c’est que quel que soit l’angle abordé, The Austrasian Goat n’en démord pas, ne lâche pas prise et ne concède rien. L’erreur à propos de ce disque est exactement celle opérée par cette chronique et sa description titre par titre : certes certains peuvent s’écouter séparément tant ils varient dans leur composition mais Stains Of Resignation doit surtout être écouté en intégralité et sans coupure pour en saisir toutes les nuances, tous les embranchements et tous les niveaux. Ainsi Diseducation juxtaposé avec Miles From Anywhere prend un tout autre relief de même que Arrheton met en valeur Voice Of Aenima ou que A Liquid Manure Of Guilt nous amène doucement à The Arsons Of Pride. Tout est lié sur Stains Of Resignation, tout se tient, avec une cohérence qui au fil de l’écoute vous saute au visage bien que sa construction échappe toujours à toute compréhension. Un album en forme de joyau aux multiples facettes se renvoyant les unes les autres les éclairs d’une lumière toujours plus noire.