mercredi 27 avril 2011

Festival Africantape : interview de Julien Fernandez (1)


Ceci est la première partie d’une interview de Julien Fernandez initialement parue dans le numéro 3 de (new) Noise mais publiée ici en version extra longue. Rappelons que Julien est le boss d’Africantape mais également batteur de Chevreuil et de Passe Montagne et instigateur du Festival Africantape qui se déroulera cette fin de semaine au Clacson et au Grrrnd Zero de Lyon. La suite demain.

Lorsque Chevreuil a débarqué au tout début des années 2000 avec un premier 12’ certes encore maladroit (Sport, coédité par Ottonecker et RuminanCe) puis deux albums dont je pense toujours qu’ils sont tout bonnement incroyables (Ghetto Blaster et Chateauvallon, sur les deux mêmes labels), le groupe était vraiment très éloigné pour ne pas dire en avance sur tout ce qui se faisait à la même époque en France. Maintenant que les groupes de « math rock » pullulent as-tu l’impression avec Tony [guitariste de Chevreuil] d’avoir insufflé un esprit, créé une dynamique ?
On était en avance, c'est certain… je veux dire : en avance aux répétitions. On était tellement mauvais qu'on se pointait bien avant pour voir si, par chance, le groupe d'avant n'était pas venu, pour que l'on puisse ainsi bénéficier de plus de temps et travailler davantage sur notre bordel.
On a commencé sans avoir l'intention d'être un groupe de musique. C'était juste absolument juste lié à nos études aux beaux arts. Et puis Tony a rencontré ses pédales de sample, il a eu cette super idée à l'époque (1998) de monter ce réseau étrange d'amplis, c'était digne de la machine à remonter le temps de Retour Vers Le Futur. Alors moi j'ai décidé d'acheter une vraie batterie.
Je me rappelle qu'à nos débuts nous étions vus comme des branleurs. Des couillons qui pétaient plus haut que leur cul. Mais en réalité, on était juste deux blaireaux qui avançaient maladroitement dans l'inconnu.
On essayait, tout simplement. C'était très drôle d'ailleurs. Et puis combien de fois on a du se battre pour jouer au milieu du public. On nous le refusait très/trop souvent. C'était très frustrant. Alors qu’ensuite c'est devenu la mode : soudain tout le monde devait jouer au milieu du public et ça c'était évident. C'est con les modes. Mais ça marche comme ça, c'est comme les mobylettes : Si tu es le premier dans ton bled à mettre un pot Pollini avec une superbe barre de renfort et si tu rabaisses ta selle, tu peux être sur qu'une semaine après tout le monde te copie dans l'espoir de se taper toutes les filles du quartier.
Créer une dynamique, j'aurai vachement aimé, mais la dynamique elle était déjà là. Insufflé un esprit ? Peut être… celui de faire des duos guitares/batterie et d'avoir un nom de groupe en français à la con.















Chevreuil est souvent cité comme une référence et/ou une influence et pas seulement en France. Mais toi, quelles sont tes propres références ? Quels sont tes disques préférés de tous les temps ? J’imagine que tu es un très gros fan de musique ? Tu achètes toujours des disque ?
Honte à moi, je n'achète plus de disques. Ou alors c'est extrêmement rare. Je suis un gros fan de musique, mais je ne suis pas pour autant un connaisseur. Je fais confiance à mes sensations, c'est tout. J'adore Today Is The Day, Shorty, The Jesus Lizard, Big'N, The Lapse, Snailboy, Led Zeppelin, Elvis Presley, Break Machine, Michael Jackson ou Sabrina par exemple. Mon disque préféré de tous les temps : Physical Graffiti de Led Zeppelin, ou peut etre bien le tout premier 45 tours de Shellac, The Rude Gesture : A Pictorial History. Shellac a commencé à me décevoir dès Action Park. La liste pourrait être beaucoup plus longue, j'aime trop de choses. Parfois je m'arrête aussi sur un passage d'un morceau de variété que je trouve très bien pensé. Ceci dit, je ne qualifierai pas ces musiques de références liées à la musique que je pratique. c'est des musiques auxquelles j'adhère, que je trouve bien. Gilles de Passe Montagne n'écoute presque que de la musique colombienne et des musiques traditionnelles, ça ne l'empêche pas d'avoir une Fender Mustang 69 et d'être un rockeur inimitable.

Pourquoi avoir monté Passe Montagne en plus de Chevreuil? A l’époque vivais-tu déjà en Italie ?
C'est à la suite de retrouvailles avec Gilles que nous avons commencé Passe Montagne. Gilles est un pote d'enfance (d’adolescence ?). On avait tous les deux une 103 SP kittée et on a commencé la musique ensemble. On a monté différents groupes plus ou moins pourris (à l'époque, je jouais de la guitare ou de la basse et je chantais, lui jouait de la batterie), puis vers nos 20 ans, on a filé chacun de notre côté pour se retrouver donc dix ans plus tard, à Nantes. Alors pour se rappeler le bon vieux temps, on a préféré recommencer à jouer tous les deux plutot que de réinvestir dans des mobs. Il jouait du Tiplé au début, une sorte de guitare acoustique colombienne, très aigue, et moi de la batterie [ndlr : en espagnol tiple signifie aigu ou soprano].
On a fait une répète avec un violoniste russe, une harpiste, puis ensuite une avec Sam. On a choisi Sam finalement. Voilà. Plus tard, je suis parti en Italie mais nous avons continué, malgré les emplois du temps serrés, notre amateurisme et la distance.

Pourquoi finalement avez-vous décidé avec Tony de réactiver Chevreuil ? Peut-on espérer un nouveau disque de votre part ? J’ai entendu parler d’un double LP et d’une expérience stéréophonique, peux tu m’en dire un peu plus ?
C'est grâce à Rodolphe, de la Cartonnerie à Reims. Tous les ans il m'écrivait : Alors ? C’est pour quand ? Au bout de la quatrième année, j'ai enfin craqué. J'ai dit OK. Let's go. Et puis donc voilà. On s'est dit, essayons… On va forcément s'amuser ! (et ça a été le cas pendant la tournée bien entendu). Il faut dire que je souhaite à n'importe qui de voyager avec nous pendant une tournée tellement c'est bien dans le van (rires).
Sinon oui, on peut espérer quelque chose. Quand ? Pas de réponse, mais on y pense, c'est déjà beaucoup. On a une idée de double LP quadriphonique. Ça va être spécial, invendable (merci Africantape) mais finalement, ça sera la seule et unique manière de pouvoir écouter notre musique, telle qu'elle est vraiment, de l'intérieur donc. Je n'en dis pas plus évidemment !