mardi 17 mai 2011

Vitas Guerulaïtis / self titled


Cheap Satanism record est un label (belge) bien étonnant, avec peu de références – le disque dont nous allons parler ici n’est que le septième de cette petite maison – mais avec semble t-il une volonté farouche de publier des disques sortant des sentiers battus. Un label de musique expérimentale ? Oui, si on veut… Mais pas vraiment non plus : disons surtout qu’en plus d’un humour apparemment assez féroce, les gens de Cheap Satanism records aiment surprendre. Après, on aime ou on n’aime pas, on accroche ou non à l’orientation d’un label dont les mots d’ordre seraient à trouver du coté de l’absurdité assumée mais aussi d’une certaine exigence stylistique.
Ce disque sans titre de Vitas Guerulaïtis – le premier du groupe – est en outre publié en coproduction avec Tandori records, label (Lillois) dont on a déjà parlé en bien ici à propos de Drive With A Dead Girl ou de Maria Goretti Quartet. Cet album est surtout le premier disque estampillé Cheap Satanism record qui nous accroche sincèrement et définitivement l’oreille.





















Derrière le nom de Vitas Guerulaïtis se cache en fait une poignée de musiciens expatriés mais dont certains sont originaires de Lyon et qui, pour être plus précis, ont fait leurs débuts au sein de Miss Goulash et de toute cette clique de joyeux allumés gravitant autour de l’ENM de Villeurbanne… Ah oui ça commence à remonter à vraiment loin tout ça mais pas besoin de se braquer autant sur le passé : on se rappelle très bien avoir vu Vitas Guerulaïtis en concert au Sonic il y a quelques mois ou peut être une paire d’années, un concert certes non exempt de défauts et incertitudes mais qui globalement avait finalement plutôt séduit.
On renoue donc à l’occasion de ce premier album avec le groupe et sa musique bourrée d'humour, expérimentale et déviante à mi chemin entre rock, prog, free, chanson, poésie sonore et autres joyeusetés. On reconnait tout de suite le timbre de voix assez particulier mais on admet en même temps adhérer à cette exubérance vocale composée de cris, de hoquets, de râles, de mélopées décalées et de vrais mots. L’outrance du chant est vraiment ce qui surprend de prime abord – que la voix soit masculine ou féminine – à tel point que tout semble construit autour de ces débordements entre yodelings expérimentaux et castafiorades alambiquées qui feraient passer Mike Patton pour un braillard de classe maternelle pleurant parce qu’il a fait pipi dans sa culotte (de fait avec Vitas Guerulaïtis on se situerait plutôt entre Phil Minton et Catherine Jauniaux). Si on est résolument du côté de l’effet voire de la théâtralité, on apprécie finalement la tenue et la pertinence des voix : le premier contact (en concert) avec Vitas Guerulaïtis avait risqué le crash à force de trop de préciosité et de logorrhée, sur disque le côté chien fou semble avoir été maîtrisé mais sans avoir été pour autant gommé.
Ce que l’on apprécie aussi ce sont les nombreuse cassures, les virages brutaux, ces structures à tiroirs pleines de passages secrets dans les murs et de faux plafonds qui s’écroulent (un peu justement à l’image du chant) et qui nous emmènent quasiment systématiquement là où on s’y attend le moins. On remarque également cette guitare mettant à l’occasion des sons presque surf en avant, les nombreux samples, bidouilles et que sais-je encore ainsi que ce batteur à la frappe impeccable et franche. Ce disque semble être d’une richesse et d’une luxuriance infinies, avoir des possibilités sans fin, receler des trouvailles à l’envie – seuls les ronchons à lunettes et les punks à roulettes trouveront qu’il y a ici trop de choses – et ainsi on n’en a jamais fait réellement le tour. On ne saurait assurer qu’il s’agit là d’un disque que l’on pourrait écouter en toutes circonstances et à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit mais ce premier album de Vitas Guerulaïtis s’impose déjà comme un bon cru de musique difficile pour public exigeant. Si déjà ça, ça vous fait peur, alors laissez tomber. Sinon, foncez !