mercredi 31 août 2011

HTRK / Eat Yr Heart b/w Sweetheart


HTRK bouge encore. Les australiens (basés à Berlin) s’apprêtent à publier leur troisième album, intitulé Work (Work, Work) via Blastfirst Petite et Ghostly International – tout dépend de quel côté de l’océan Atlantique on se trouve. Un disque principalement enregistré au cours de l’année 2008 et finalisé que récemment… On sait que HTRK a toujours eu du mal avec les délais : le premier album, Nostalgia, avait été enregistré à l’arrache entre 2004 et 2005 pour ne paraitre que tardivement, en 2007, tandis que le deuxième album, Marry Me Tonight, avait du attendre 2009 alors que son enregistrement datait déjà de l’hiver 2006, en compagnie du regretté Rowland S. Howard en guise de producteur*. HTRK aurait voulu avoir l’air d’un groupe je-m’en-foutiste, branleur et maudit voire méprisant qu’il ne s’y serait pas pris autrement. La morgue et la froideur calculées du groupe en concert n’arrangeant rien à l’affaire, c’est-à-dire la prétention et l’incommunicabilité quasi insupportables d’une musique spectrale et réfrigérante au plus haut point – rappelons que HTRK signifie « hate rock » et qu’à ses débuts le groupe s’appelait Hate Rock Trio, ce qui est aussi le titre de la première chanson de Nostalgia.





Mais il y a une autre raison à ce énième retard, le suicide du bassiste Sean Stewart en mars 2010. Difficile de passer outre : comme Sean Stewart a activement participé à l’enregistrement de Work (Work, Work), il est mentionné de partout, avec cette lugubre mention RIP, mention que l’on retrouve bien sûr au verso de Eat Yr Heart b/w Sweetheart, un maxi lancé en éclaireur de l’album par Ghostly International (un beau vinyle bien épais et limité à 350 exemplaires numérotés).
L’histoire se répète : il est fort probable qu’il n’y aura à nouveau rien de plus populaire (et de vendeur ?) qu’un musicien, un groupe ou un chanteur après une mort tragique. On ne devrait cependant pas trop soupçonner le groupe de jouer avec toute cette histoire. Il ne risque pas d’en rajouter beaucoup plus, ayant depuis longtemps atteint les limites de la mélancolie dépressive. Car rien n’a changé ou presque du côté de la musique de HTRK, mélange de cold wave et de post punk robotique mais sale avec de forts accents de shoegaze noisy et même parfois proto synthétiques. Tout était déjà sur Nostalgia puis Marry Me Tonight. Rien ne semble avoir changé non plus pour le groupe qui continue malgré tout, donne des concerts à deux devant des projections abstraites sur écrans ou dans une obscurité quasi complète. La froideur, l’absence de communication appuyée, le mur de glace et les frissons d’effroi (ou de dégout, puisque HTRK arrive très bien à déchainer des passions on ne peut plus hostiles à son égard) sont toujours là.
Plus que jamais ? Oui, sans doute… quoi que ce « plus que jamais » dépend avant tout de la perception de l’auditeur par rapport à la mort de Sean Stewart, exacerbant – ou non – la fascination morbide pour un groupe de zombis d’apparence handicapés affectifs. Sur la première face du disque Eva sert de courte introduction à Eat Yr Heart, bonne composition un rien lascive de HTRK et s’inscrivant dans une veine plutôt électronique. Sur la seconde face le groupe reprend Sweetheart, du très décrié deuxième album de Suicide… Un choix qui fera ricaner les détracteurs de HTRK tant il semble cousu de fil blanc et d’intentions malsaines** mais un choix qui ravira les fans et les amoureux du groupe tant la version que donne HTRK de Sweetheart, plombée et cristallisée, s’inscrit parmi les meilleurs enregistrements du désormais duo. Ce maxi est un excellent présage pour la suite, Work (Work, Work) bien évidemment***, mais on scrute déjà l’après de cet album : si la logique désordonnée du groupe est pleinement respectée, HTRK doit d’ores et déjà travailler sur un éventuel quatrième album.  

* on se rappelle même que Jonnine C. Standish avait interprété (I Know) A Girl Called Jonny en duo avec Rowland S. Howard en ouverture de Pop Crimes, l’ultime album de celui-ci
** avec des paroles qui répètent à l’envie I Love You/I Love You
*** un disque dont on reparle ici dès que possible

mardi 30 août 2011

American Heritage / Sedentary




Difficile d’imaginer qu’à la base, il y a même très longtemps de cela, American Heritage était un groupe de rock instrumental très typique de Chicago, la ville d’où le groupe est originaire, et emmené par un guitariste plutôt doué mais qui a abandonné le navire il y a quelques années : Andrei Cabanban (ex Brass Knuckles For Tough Guys, pour ceux à qui cela dit encore quelque chose)… Un groupe presque dans la lignée d’un Don Caballero en version musclée (le Don Caballero du premier album on va dire) mais maintenant on comparerait plus volontiers le American Heritage de cette époque là à du Keelhaul. Depuis le trop bien nommé album Bipolar en 2004 – un album toujours dispo auprès de Escape Artist – qui présentait deux line-ups du groupe et donc deux styles musicaux complètement différents et surtout depuis le relativement progressif Millenarian en 2006, American Heritage est petit à petit devenu un groupe de metal épais et de plus en plus lourd mais toujours aussi malade (et surtout avec du chant). Cette mutation avait entrainé à l’époque quelques doutes bien légitimes or les chicagoans, tout en divisant ses fans de base, avait fini par en convaincre quelques autres. American Heritage a toujours eu un côté monstrueux et fou, seule l’optique et le style ont changé.
Cela ne s’arrange évidemment pas avec Sedentary – parution en mars 2011 chez Translation Loss –, le premier enregistrement d’American Heritage en cinq années… cela ne s’arrange pas ou au contraire on applaudit à la poursuite de la mutation sans faille du groupe car Sedentary c’est même tout autre chose, encore un tout autre niveau, puisque ce nouvel album enfonce tous ses prédécesseurs question violence et trépidation : comment en effet résister au metal/hard core presque thrashy du morceau d’ouverture, l’imparable City Of God ? Celles et ceux qui ont laissé tomber American Heritage depuis longtemps ne reviendront pas sur leur décision. Tous les autres ne pourront que célébrer un groupe qui donne toute signification à des termes tels que furie ou tuerie : American Heritage a considérablement accéléré le mouvement avec Sedentary, se payant le luxe de jouer pied au plancher des riffs souvent inhumains sur les trois quart de ses titres. On retrouve toutefois toujours ces breaks assassins et éventuellement mâtinés de haute technicité, y compris sur les titres les plus bourrins (Sickening Rebellion).
Détail amusant, Sedentary comporte un nombre hallucinant d’invités, sur chaque titre et souvent plusieurs à la fois, principalement à la basse : remaniement de line-up oblige – le bassiste/chanteur Adam Nordem étant une nouvelle fois revenu à la guitare –, American Heritage n’avait plus de bassiste au moment de l’enregistrement du disque et les intérimaires se bousculent sur Sedentary, quelques illustres inconnus mais aussi quelques noms déjà croisés ici ou là (Leon Del Muerte de Exhumed, Sanfort Parker de Circle Of Animals et Buried At Sea, il a aussi produit Sedentary, Bill Kelliher de Mastodon ou Rafael Martinez de Black Cobra et Acid King). A noter que Erik Brocek, jouant sur le seul titre Abduction Cruiser, est depuis devenu le bassiste en titre d’American Heritage. Sur la même lancée on dénombre quelques featurings à la guitare (Ray Donata, un ex American Heritage d’ailleurs, sur Slave By Force) et surtout des featurings au chant, entrainant les seules variations stylistiques de cet album : un certain Rick Leech hurle sur Sickening Rebellion, Botchy Vasquez de Sweet Cobra s’occupe de Slave By Force tandis que Josh Rosenthal (?) s’accapare Morbid Angle*.
Cela n’empêche pas Sedentary d’être d’une cohérence folle, un gros bloc de violence dans ta gueule, tous ces intervenants extérieurs n’ayant pas réussi à dissoudre l’énergie d’American Heritage dans la bière et les fêtes de studio, bien au contraire. On se retrouve donc avec un album qui fonctionne du feu de dieu, un défouloir méchamment efficace et une bonne torgnole. Pas de quoi réfléchir au sens de la vie, mais un vrai bon moment d’intensité.

* Morbid Angle… Oui Sedentary comporte son lot habituel d’ironie et de jeux de mots, les meilleurs étant Fetal Attraction, Tomb Cruise : vous voyez un peu le niveau ?

lundi 29 août 2011

TeTsuo Big Band

Pour une fois, on va parler d’un DVD… mais d’un DVD de concert hein, pas d’un film ouzbek ou sud-coréen classé Art & Essai par le Centre National du Cinéma. Un concert filmé, donc, ce genre d’occupation qui consiste, bien callé dans son fauteuil ou sur son lit, à regarder une bande d’énergumènes tenter de faire de la musique ou à l’opposé de gesticuler en playback sur une scène ou ailleurs.
Et il n’y a pas trente six solutions : regarder un concert en DVD c’est soit de la nostalgie, soit du masochisme. De la nostalgie parce qu’on regarde un groupe que l’on n’a jamais vu en vrai et que l’on ne verra jamais tout simplement parce qu’il a splitté bien avant que l’on naisse et donc on essaie de se rattraper ainsi mais bien évidemment cela ne peut pas fonctionner*. De la nostalgie encore parce qu’au contraire on y était à ce putain de concert, qu’il a été filmé exprès par quatorze caméras haute définition reliées par ordinateur et que l’on n’attendait que ça, de pouvoir acheter le DVD, comme pour pouvoir affirmer à la terre entière qui s’en fout royalement que « oui j’ai acheté ma place de concert 80 euros, j’ai aussi acheté le t-shirt à 40 euros et maintenant j’ai trouvé l’édition collector du DVD de ce concert pour seulement 30 euros »**. Du masochisme, enfin, parce que regarder un concert sur un écran, il n’y a rien de plus pénible et de plus impossible. Je ne parle même pas de frustration, non, juste d’ennui. Bâillements.



C’est pourtant bien un DVD que nous propose A Tant Rêver Du Roi. Le DVD d’un petit concert***, un concert de TeTsuo, un groupe originaire de Pau (comme le label) et qui joue une sorte de cabaret rock aux accents free jazz et fanfare d’empoigne. Là où, pour une fois, le DVD a un quelconque intérêt c’est que TeTsuo apparait sur scène en formation big band, avec de nombreux musiciens invités – contrairement aux disques studio sur lesquels TeTsuo se révèle être un duo, deux disques que je n’ai encore jamais écoutés. Une fois que l’on en a compris le principe, on peut aussi également choisir d’écouter ce DVD sans forcément en regarder toutes les images, pour ne se fier qu’à la musique, ce que j’ai effectivement décidé de faire, et en profiter pour faire la vaisselle et ranger l’appartement, ce dont j’étais forcé par ailleurs. De toutes façons, cela revenait au même car je finis toujours par fermer les yeux lorsque je regarde un concert filmé, le tout étant donc de ne pas m’endormir. Et ne pas m’endormir a finalement été une tâche plutôt aisée.
Rien à dire sur la coloration arty show/cabaret/flonflon/magic circus/tournée générale aux frais du patron de ce concert et ce bien que je ne sois guère friand de fêtes foraines, y compris lorsque elles sont placées sous l’égide de Kurt Weill, de Tom Waits, de Jérôme Savary ou de De Kift – le côté théâtral dans la musique, la comédie musicale bavaroise pour les punks, ce n’est pas réellement mon genre. Mais écouter ce DVD sans le regarder s’est révélé être une petite erreur : le TeTsuo Big Band fait bien partie de ces groupes qui vous font passer un bon moment en live, vous donnant une bonne suée et l’envie d’en boire une dernière avant la dernière et d’embrasser votre voisine (votre voisin). Alors, pour que la fête soit réellement complète, il fallait regarder sur l’écran pour comprendre ce qui se passait sur scène, tant pis pour tout ce qu’on avait prévu de faire en même temps, tant pis si on avait les mains prises****. Et là, tout s’est subitement éclairé. Et surtout ce DVD m’a donné l’envie d’écouter les disques de TeTsuo en tant que duo, Cousu Main entre autres, un album que TeTsuo a publié en 2009 (toujours chez A Tant Rêver Du Roi). Je n’aime toujours pas les DVD de concerts car ils me mettent systématiquement dans l’embarras mais celui-ci m’a quand même permis de découvrir un groupe et voilà bien le principal.

* il n’y a même rien de plus frustrant qu’un DVD tel que Pleasure Heads Must Burn de Birthday Party (par exemple)
** alors que pendant tout le concert on était tellement loin de la scène que l’on y voyait rien et qu’il fallait suivre en regardant ce qui se passait sur les écrans géants placés de chaque côté, oui, exactement comme si on regardait un DVD
*** à prendre au sens littéral du terme : « petit » c'est-à-dire dans une salle à taille humaine, avec des vrais gens et sans écrans ni artifices… un concert, quoi
**** ah oui… le public était assis lors de ce concert, comme à un vulgaire concert de jazz ou de musique classique – quelle drôle d’idée

dimanche 28 août 2011

Baby Fire / No Fear






La première fois que la machine à musique a goulument avalé ce CD promo et que soudain la musique de Baby Fire s’est mise à retentir dans toute la maison, la mère de mes enfants – qui pourtant sait pertinemment que la musique c’est avant toutes choses une histoire de mecs et rien d’autre – a cru bon de pointer le bout de son nez hors de la cuisine pour me demander s’il ne s’agissait pas du nouvel album de P.J. Harvey. Voilà, en résumé, tout le drame de ce disque.
Tout dans No Fear – une production Cheap Satanism records – fait en effet inévitablement penser à mademoiselle Polly – je veux dire la Polly Jean Harvey de Dry et de Rid Of Me, quand elle ne faisait pas encore de la musique de fillette –, depuis la forme des compositions jusqu’au son de la guitare en passant par le timbre de la voix et la façon de chanter. Sauf que la chanteuse/guitariste de Baby Fire s’appelle en fait Diabolita et qu’elle n’est pas accompagnée d’une rythmique velue et puissante mais d’une batteuse répondant au nom de Cha. Autant vous dire que musicalement Baby Fire c’est du minimalisme de chez minimalisme et qu’il ne faut pas très longtemps pour comprendre où ces deux jeunes filles veulent en venir.
Pris d’un sursaut d’orgueil bien naturel, je décidais aussitôt de réserver à Baby Fire et à ce No Fear le traitement mérité par toute femelle se permettant d’outrepasser ses droits et ce d’autant plus que la mienne de femelle avait tendance à trouver ce disque foutrement bon et qu’il n’est bien sûr absolument pas tolérable que nous soyons d’accord, elle et moi, en matière de musique – il va sans dire également qu’elle a toujours tort avec ses goûts de merde alors que bien sûr j’ai toujours raison avec les miens.
Et bien je n’ai pas pu. Car, pour une fois arrêtons les conneries, Baby Fire, malgré cette affiliation envahissante, est un bon groupe, je suis bien obligé de l’admettre... Le problème de No Fear, c’est qu’il est un peu trop long et que l’on frôle plusieurs fois la lassitude avant d’atteindre l’écoute du seizième titre. Sinon, rien à redire, donc, et surtout pas à propos de ce son de guitare d’une pureté noisy à faire bander et mouiller la terre entière, y compris les amateurs de femmes de chambre guinéennes. Le songwriting est à l’avenant, c'est-à-dire imaginatif et cohérent et – à moins d’être allergique aux vieux albums de P.J. Harvey (donc) – il n’y a aucune raison de détester ça. On notera au passage que les influences citées par le duo dans la sacrosainte feuille biographique jointe avec le disque sont drôlement étonnantes, à tel point que l’on en vient à se demander si les deux filles de Baby Fire ne l’ont pas fait exprès pour brouiller les pistes, je cite : « Girlschool, Metallica, Siouxsie & The Banshees, Mr Bungle, Ches Smith et les Pixies »…quoi que l’excellent Bunny ait effectivement un petit côté early Siouxsie avec cette façon vindicative d’aller de l’avant.
Ah oui, juste une dernière précision : parfois un peu de thérémine vient agrémenter l’aridité de No Fear et surtout Eugene Robinson vient pousser la chansonnette sur Bureau D’Echange Du Mal II : Dust Soup… sacré Eugene.

[cette chronique machosexiste et rétrograde ne vous a pas convaincus ? et bien allez faire un tour sur le Soundcloud de Baby Fire, puisque vous savez bien que la vérité, cela n’existe pas]

vendredi 26 août 2011

Denizen / Whispering Wild Stories




Ce qu’il y a de vraiment bien avec Denizen, c’est que ces quatre garçons n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Whispering Wild Stories est quelque chose comme le troisième album du groupe – les deux premiers sont toujours dispos chez Prototype records – et avec celui-ci, publié dans les joies de l’autoproduction, Denizen prétend donner une coloration toujours plus « classic rock » à sa musique. Et bien, les gars, du classic rock comme ça, aussi culotté, aussi burné et aussi massif et énergique, je veux bien en bouffer tous les jours, à tous les repas, à toutes les sauces, jusqu'à l'os et jusqu’à la fin de mes pauvres jours.
Denizen joue du hard core. Mais Denizen joue aussi du stoner. Et enfin Denizen joue du rock. Les compositions de Whispering Wild Stories sont simples d’apparence mais d’apparence seulement car le groupe ne s’interdit jamais un changement de tempo suivi d’un pont qui loin de faire tout joli et de s’inscrire dans la veine devenue quasiment inévitable de nos jours chez les musclors enculeurs de mouches qui ne peuvent pas s’empêcher de nous montrer qu’ils savent trop bien jouer et changer de rythme, de tonalité ou de temps toutes les deux mesures et demi, bref, ce genre de changements de tempo et de pont qui, chez Denizen, loin d’être placés là pour épater la galerie, boostent des compositions et déversent la sainte électricité dans nos petites veines. Ces gars là ont le sens de l’efficacité sans avoir à faire les bourrins, ils ont surtout un sens de ce putain de groove de la mère de dieu qui donne des fourmis dans les jambes et envie de se trémousser comme un barbare.
Alors, même sans être friands des groupes 70’s, Denizen remporte tous nos suffrages et s’il fallait citer trois groupes de l’époque on n’hésiterait pas à vous dire AC/DC pour la simplicité efficace, Black Sabbath pour la lourdeur et Motörhead pour le speed – soit, si on y regarde d’un peu plus près, trois groupes qui font depuis longtemps partie du patrimoine mondial des musiques pour tous... c’était donc ça, « classic rock ». Et, si vous tenez toujours à avaler des références, disons que Denizen serait comme une sorte de Blue Cheer en version encore plus nerveuse et groovy. Et ce groove, on se demande décidemment où Denizen est allé le pêcher, tout comme – au risque de se répéter – on se demande dans quelle marmite naissent ces lignes de basse imparables, ces riffs tournoyants, ces soli jamais trop bavard à la wah-wah et ces ponts qui arrachent tout. Enfin, on apprécie tout autant ce chant écorché juste ce qu’il faut, un chant de braillard qui ne se vautre pas dans la mélodie sans la repousser non plus totalement.
Denizen a ainsi mis tous les atouts de son côté pour servir des compositions inévitablement tubesques et irrésistibles. On note toutefois une reprise du Sunshine Of Your Love de Cream, reprise peut être un peu trop évidente au vu de la haute teneur énergétique et de la nature power seventies de Denizen, mais une reprise réussie en tous points – y compris au niveau du solo de guitare : on se rappelle qu’en son temps Fudge Tunnel avait également repris Sunshine Of Your Love mais qu’Alex Newport avait préféré glisser une mare de larsens en guise de solo, sûrement parce qu’il ne voyait pas l’intérêt de risquer la comparaison avec un Eric Slow Hands Clapton encore à peu près frais en 1967.

Et maintenant, une page de publicité : 



Denizen mais également (par ordre alphabétique) Burne, Membrane, Morse, Pal, Pord, Quartier Rouge, Sofy Major, Stuntman, Verdun et Xnoybis sont tous à l’affiche du Yellfest ce samedi 27 aout à partir de 16 heures. Toutes les infos sont disponibles sur le flyer ci-dessus et que l’on peut agrandir en cliquant dessus. Alors si vous avez une voiture, si vous habitez raisonnablement loin et si vous n’avez rien (de désagréable et) de prévu demain, n’hésitez pas à aller faire un tour au milieu du Parc National des Cévennes, même s’il va y avoir beaucoup de montpelliérains dans les parages.

jeudi 25 août 2011

Ulan Bator / Tohu-Bohu




On pensait franchement avoir abandonné Ulan Bator sur le bas-côté de la route. Le groupe d’Amaury Cambuzat – depuis longtemps seul maître à bord et seul membre rescapé du groupe d’origine – semblait se perdre dans des textes au poétisme rimbaldien insupportable et soutenus par une musique de plus en plus faible. Non pas que cette musique s’adoucissait mais plutôt qu’elle s’étiolait, perdait toute saveur et tout intérêt. Le fond du fond semblait même atteint avec Soleils, un EP publié par Ulan Bator en 2009. Soleils se devait pourtant de marquer un nouveau départ pour le groupe : nouveaux musiciens, nouveau label maison (Acid Cobra records) et relocalisation à Londres. On doit une dernière fois avouer que l’écoute de Soleils était douloureuse et qu’elle ne laissait guère d’espoir sur l’avenir d’Ulan Bator. Qu’il est bon des fois d’avoir complètement tort.
Tohu-Bohu est le huitième album du groupe, le premier depuis 2005. Il a été enregistré avec un line-up sensiblement identique à celui de Soleils – seul Stéphane Pigneul a remplacé Rosie Westbrook à la basse – et a été publié en CD, toujours par Acid Cobra, fin 2010. La surprise, et ce fut une surprise de taille, fut de découvrir que le collectif A Tant Rêver Du Roi ressortait au printemps 2011 Tohu-Bohu en version vinyle et avec une pochette différente (et beaucoup plus réussie). On connait l’engagement musical d’A Tant Rêver Du Roi, publiant les disques de Kourgane, défendant bec et ongles Heliogabale et son album Blood pourtant fort décrié. Il ne s’agit pas de faire une confiance aveugle à un label quoi qu’il arrive et d’apprécier systématiquement toutes ses productions mais il y avait là quelque chose d’interpellant.
Si on avait pu remarquer une amélioration du côté d’Ulan Bator lorsqu’on avait écouté – peut être pas assez attentivement ni assez souvent – la version Acid Cobra de Tohu-Bohu, cette deuxième sortie a permis de réécouter le disque encore et encore : on est toujours heureux de retrouver, même partiellement, un groupe que l’on aime. On note un certain retour de la teneur énergétique des compositions (newgame.com, par exemple mais surtout Tohu-Bohu) bien que la douceur soit toujours présente car désormais inextricable de l’identité Ulan Bator (avec le très Bad Seeds Mister Perfect ou Donne). Mais on y retrouve surprenamment des accents que l’on n’avait plus entendus depuis les débuts du groupe (le bourdonnement de Speakerine n’est pas sans rappeler certains titres de , un bourdonnement symptomatique du son d’Ulan Bator et que l’on retrouve également un peu plus loin sur AT). Surtout l’apport de James Johnson (de Gallon Drunk, faut-il le rappeler) est essentiel, comme cet orgue sur un Missy And The Saviour endiablé ou le saxophone* qui tonitrue sur l’excellent morceau titre, Tohu-Bohu. On n’avait guère entendu Ulan Bator aussi nerveux et musclé, aussi inspiré et libéré depuis fort longtemps et on ne peut que s’en réjouir. « C’est le bordel dans nos têtes » chante Amaury Cambuzat… c’est encore mieux lorsque le bordel en question ressort avec une intensité renouvelée – la musique d’Ulan Bator n’en redevient que plus passionnante.

* James Johnson qui joue du saxophone ? Ne serait-ce pas plutôt Terry Edwards (également un éminent membre de Gallon Drunk) qui joue sur Tohu-Bohu ? Les notes en bas du verso de la pochette ne le précisent pas…

mercredi 24 août 2011

Ulan Bator / 2°




Killed By An Axe est un petit label bien curieux : après avoir édité une paire de singles garage punk, le label s’est lancé dans la réédition de disques introuvables ou presque et, surtout, inédits en format vinyle. Première victime de ce traitement de choc, le mini album Blind Sink de Bästard. Pas très pressé – ou manquant très certainement de moyens – Killed By An Axe a tout de même remis ça avec le deuxième disque d’Ulan Bator, (quelque chose comme « deux degré » et non pas « deuxième », mais il est vrai que cela porte à confusion). Qui se cache derrière une telle entreprise ? Quel allumé notoire ? Quel passionné ? Qu’importe : qu’il en soit ici remercié car est tout simplement l’un des tous meilleurs disques publiés au cours des années 90 – 1996 pour être plus précis – de ce côté ci de la planète.
a à l’origine été sorti par Les Disques Du Soleil Et De L’Acier de Gérard Nguyen, à une époque où être enregistré par François Dietz au studio du Centre Culturel André Malraux de Vand’Œuvre Lès Nancy était considéré par les snobs comme un gage de qualité (Nox, 60 Etages et plein de musiciens de la scène improvisée sont passés entre ses mains) mais il faut surtout voir là une raison pratique : le CCAM était un voisin de DSA, basé à Nancy. Contrairement au premier album d’Ulan Bator enregistré avec des bouts de ficelle, ce qui ne l’a pas empêché d’être une franche réussite, a donc bénéficié d’un vrai travail en studio et la qualité s’en ressent. Sur ce deuxième disque les compositions sont plus abouties, le son est bien meilleur et Ulan Bator ajuste à la fois ce que l’on n’a pas encore l’indécence d’appeler « post rock » (le premier titre, l’excellent quoiqu’un brin désordonné Polaire, un Silence encore plus sombre puis Episcope, en guise conclusion de quasi irréelle) et une version très personnelle car très aérienne de ce que l’on désignait déjà par « noise » : Sea-Room et surtout D-Press T.V. avec sa basse bourdonnante jouée à l’archet sont deux compositions éternellement magnifiques et incontournables.
Jugé bien trop court à l’époque (27 minutes), n’en possède pas moins une homogénéité et une rigueur qu’Ulan Bator aura ensuite beaucoup de mal à retrouver. Le line-up du groupe pour survivra jusqu’à l’album d’après (Végétale, toujours chez DSA et premier disque d’Ulan Bator à incorporer des paroles en français) et était alors composé d’Amaury Cambuzat (guitare/chant), d’Olivier Manchion (basse) et de Franck Lantignac à la batterie, un bordelais ayant même joué avec Voodoo Muzak. Sur scène Ulan Bator arrivait sans problème à atteindre la tension et la beauté de ses premiers enregistrements et a même servi en 1997 de support band à Faust, expérience s’il en est et dont on peut toujours retrouver quelques traces. Aujourd’hui Ulan Bator est un tout autre groupe, seul Amaury Cambuzat demeure, même si on peut trouver dans ses enregistrements les plus récents – l'album Tohu-Bohu – quelques réminiscences de ce  d’anthologie. Une autre époque.

mardi 23 août 2011

Prurient / Bermuda Drain






Il fallait bien que cela arrive un jour, que Dominick Fernow alias Prurient sorte un disque sur un label un peu plus gros que d’habitude ou tout du moins sur un label ayant une meilleure visibilité que ceux auxquels Prurient est abonné depuis de très nombreuses années – on n’oublie pas bien sûr Hospital Productions, son propre label à lui tout seul. Revoilà donc Prurient de retour sur Hydra Head, après un silence tout relatif : Bermuda Drain est le premier réel long format du groupe depuis bien longtemps – 2008 disent les mauvaises langues – alors que dans l’intervalle Prurient s’est « contenté » de publier des cargaisons entières de splits (un 7’ avec Wolf Eyes par exemple), de singles horrifiques, de vinyles ultra cheapos ou de cassettes aux origines aussi obscures que leurs tirages étaient limités. Ajoutons que Dominick Fernow est un grand malade mais un malade monophasé : si on n’a pas tellement évoqué Prurient ni chroniqué ses disques – mis à part l’album And Still, Wanting – c’est parce qu’ils se ressemblent un peu tous, Prurient pouvant être considéré comme l’héritier millénariste de Throbbing Gristle et de Whitehouse.
Il est donc très étonnant de constater que Prurient change sèchement d’orientation musicale avec Bermuda Drain. Les esprits chagrins ne manqueront pas de relever la coïncidence troublante entre la signature de Fernow sur Hydra Head et l’aspect désormais bien plus dégagé, acceptable et lissé de sa musique. Déjà, la qualité de l’enregistrement quitte les territoires du lo-fi, c’est presque fini la disto pas chère, le feedback du pauvre et les synthés vintages qui grincent ou – plus exactement – si on retrouve tous ces éléments qui jusqu’ici faisaient le caractère et l’identité de Prurient, on les redécouvre pas très subtilement enrobés dans une couche de propre à la limite du dragéifié. Pourtant ce disque a été enregistré comme la plupart de ces prédécesseurs dans le studio d’Hospital Productions et avec l’aide de Kris Lapke qui a déjà collaboré de nombreuses fois avec Prurient (sur les Albums Black Vase, Arrowhead, etc). Evidemment, la musique que Prurient fait toujours (un tout petit peu) mal et si on ne connait pas les travaux précédents du groupe on pourrait tout simplement trouver les neuf titres de Bermuda Drain aussi cauchemardesques que bruyamment merdiques.
Il s’agit donc bien d’un changement d’optique mais l’aspect le plus marquant de celui-ci réside dans la teneur des compositions… et c’est parti pour une énumération aussi fastidieuse que dégoutante : les synthétiseurs très Blade Runner et la narration proprette de Saturday, May 15th – pourtant annoncé par un hurlement ultrasaturé et symptomatique de Dominick Fernow –, la ryhtmique EBM de A Meal Can Be Made (Prurient ressemble alors à un croisement entre DAF et Front 242), la joliesse spectrale de Bermuda Drain, la cinématographie indus de Watch Silently (qui heureusement fini un peu mieux qu’il n’avait commencé), le ridicule apprêté de Palm Three Corpse (encore pire que sur Bermuda Drain, surtout lorsque le chant passe en mode braillé), à nouveau de l’EBM semi terroriste avec There Are Still Secrets, le retour de Vangelis sur Let’s Make A Slave, une (vraiment très vague) imitation de Coil sur Myth Of Sex et encore une narration, cette fois-ci sur fond de grandiloquence ridicule, avec Sugar Cane Chapel.
Alors oui, on soupçonne bien à l’écoute de Bermuda Drain que Dominick Fernow avait la volonté de faire et de dire quelque chose d’autre, quelque chose assurément de très profond et qui sans doute lui tenait à cœur. Mais on n’arrive absolument pas à savoir ou même à deviner quoi. Bermuda Drain est une sorte de puits sans fond, de vide abyssal, de néant amorphe d’où rien, et surtout pas un quelconque intérêt, ne pourrait ressortir. Jusqu’ici Dominick Fernow/Prurient était un chouette petit musicien à gimmicks rétrogrades – comprenez qu’il imitait non sans talent quelques musiques extrémistes nées il y a entre trente et vingt années – mais, maintenant que sa musique ne s’apparente plus à une irruption de vomi et de merde explosive et de tous les instants, il ne nous reste plus qu’à tirer la chasse et à tout oublier.

lundi 22 août 2011

Here We Go Again




Non, je n’étais pas parti en vacances. J’avais juste envie et besoin de souffler un peu et d’ouvrir les fenêtres pour aérer ce blog qui commençait à sérieusement sentir le renfermé.

Oui j’ai fait du vélo et j’ai un superbe bronzage de cycliste.

Non, je n’en ai pas profité pour courir les festivals d’été ou voyager dans des lointains pays constellés de magasins où les disques sont bradés à des prix ridiculement bas. Il n’y aura donc toujours pas ici de reports exotiques ou de chroniques de disques introuvables.

Oui, à Lyon Grrrnd Zero a reçu une lettre de dédite l’obligeant à quitter ses locaux de Gerland pour le 31 octobre. Et l’avenir du Sonic est quant à lui toujours aussi foireusement incertain.

Non, je ne désespère pas pour autant.

Oui, on va quand même pouvoir s’amuser, pour les voyageurs il y a le Yellfest dans pas très longtemps (pour être un peu plus précis : c’est le samedi 27 aout, du côté de la Lozère) et à Lyon, pour bien attaquer la rentrée, un concert de The Ex le 1er septembre au Clacson (Grrrnd Zero en camping à Oullins), au mois d’octobre le 13ème Riddim et sa désormais incontournable nuit bars-bars, un concert des Melvins le 2 à l’Epicerie Moderne et surtout il y a le Gaffer Fest au Périscope.

Non, je n’ai toujours rien d’autre à faire que d’écrire des chroniques de disques qui disparaitront en même temps qu’internet et le monde moderne.

Oui, mon avis ne vaut toujours que ce qu’il vaut, c'est-à-dire pas grand-chose, mais c’est mon avis.

lundi 1 août 2011

Fermeture pour inventaire




Tout est dans le titre… Mais, comme pendant la fermeture forcée des ateliers de production les bureaux de 666rpm restent ouverts, nous serons très heureux de répondre à toutes vos questions (ou presque) ainsi que de réceptionner vos envois promotionnels.

Et puis, tant qu’à faire, on vous laisse en compagnie du nouveau disque des Louise Mitchels, Trop Beau Trop Con, qui sortira le 11 septembre 2011, pile-poil pour le dixième anniversaire de la fin du monde (en attendant la prochaine).