vendredi 30 septembre 2011

Big Sexy Noise / Trust The Witch






Jusqu’ici je n’ai guère été charitable avec Lydia Lunch et son groupe Big Sexy Noise. Leur premier album sans titre me semble aujourd’hui toujours aussi bancal, pauvre parfois et sans grand intérêt sur les trois quarts de ses titres. Un vrai pétard mouillé. Le Son Du Maquis a choisi de publier Trust The Witch (« fais confiance à la sorcière »), le tout nouvel album de Big Sexy Noise non sans avoir entretemps réédité, comme il convenait de le faire, 13 13, le chef d’œuvre absolu de Lydia Lunch. L’appréhension refait naturellement surface mais l’envie d’écouter également. Alors allons-y.
Première constatation : le line-up de Big Sexy Noise est toujours le même, à savoir Lydia Lunch au chant et aux textes, James Johnston à la guitare, Terry Edwards à l’orgue et au saxophone ainsi que Ian White à la batterie. Et on pense toujours que les trois musiciens de Gallon Drunk sont bien ce qui peut convenir de mieux comme backing band à Lydia Lunch à l’heure actuelle. Toutes les compositions sont signées Lunch/Johnston – alors que sur le premier album il y avait des reprises pas toujours très heureuses (Lynyrd Skynyrd !) – et, effectivement, le niveau général de Trust The Witch s’en ressent automatiquement, de même qu’un sentiment d’unicité certain. Trust The Witch se révèle rapidement quelque peu supérieur à tout ce que Big Sexy Noise a pu enregistrer jusqu’ici, ce qui n’était pas bien dur au départ, on ne peut donc pas dire cela constitue un exploit.
Déjà, question chant, Lydia Lunch a décidé de faire quelques efforts, tentant d’oublier – sans malheureusement y arriver totalement – moult de ses tics gênants : tout est bien mieux en place, la dame ne se vautre pas de trop dans les tentations d’un phrasé rapé bien que restant toujours assez proche d’une scansion, mi parlée, sans aucun doute héritée des longues années de spoken words de la chanteuse/performeuse. Mais cette voix, abimée, colérique, se lâche enfin sur Trust The Witch, retrouve une vindicte, une conviction, une urgence et donc toute la vitalité qu’elle méritait et au service de laquelle elle se met parfois à hurler, pour notre plus grand plaisir. La fausse lascivité de Lydia Lunch – teintée d’ironie, ce qui fonctionnait parfaitement sur certains de ses enregistrements plus anciens, ceux pour lesquels elle prenait des airs de vamp destroy toujours armée d’un flingue ou d’une paire de cisailles (Honeymoon in Red, Shotgun Wedding) – a presque disparu, même si on en retrouve pourtant quelques traces sur Won’t Leave You Alone ou Collision Course, et laisse la place à un nuancier qui ne sent plus le passage en force : ainsi les presque chuchotements du morceau titre n’en sont que plus percutants, tout comme les cris de rage de Mahakali Calling.
La musique de Big Sexy Noise est toujours aussi lente et crue, se tournant éventuellement vers un mid tempo appuyé et presque boogie – exception notoire : les très dynamiques et enlevés Cross The Line et Forever On The Run, judicieusement placé à la fin du disque. Mais surtout Big Sexy Noise préfère le plus souvent gratter le blues jusqu’à l’os, lui donner cette coloration sale et puante qui hante les grands disques malades. Un grand disque, Trust The Witch n’en est certainement pas un mais on peut estimer que dessus Lydia Lunch et de ses trois musiciens renouent avec une bonne partie de leur talent.
Ce deuxième album de Big Sexy Noise est ainsi nettement plus recommandable que son prédécesseur, bien qu’il ait à subir une (relative) baisse de régime sur sa seconde partie. On a quand même un peu de mal à apprécier cette tierce de titres moins habités – et en pilotage automatique – que constituent Devil’s Working Overtime, Where you Gonna Run et Collision Course, trois titres rapidement contrebalancés par Not Your Fault et Forever On The Run. Un rebond nécessaire et la preuve, s’il en fallait encore une, que la sorcière et ses maléfices sont bien de retour.


Et pour fêter ces retrouvailles émouvantes, Lydia Lunch et Big Sexy Noise assurent quelques dates européennes dont un passage le 3 octobre prochain à Lyon, au Sonic.

jeudi 29 septembre 2011

Kong - Shield Your Eyes - That Fucking Tank - Castrovalva / split




Remettons-en une couche : que se passe t-il en Angleterre ? Depuis l’explosion punk de 1975/1976*, depuis l’effet de souffle post punk des années 1978/1981, après la soupe innommable de la new wave et de la new pop des années 80, après des années 90 dominées par les groupes américains et après des années 2000 dominées par la médiocrité mondiale et généralisée en matière de musiques électriques, on a aujourd’hui l’impression tenace de découvrir un nouveau groupe britannique toutes les semaines et surtout il y a ce sentiment que c’est bien de l’autre côté de la Manche qu’il se passe le plus de choses intéressantes. C’est fini les années de vaches maigres pendant lesquelles pour un Head Of David, un Slab!, un Terminal Cheesecake, un Headbutt, un God, un Fudge Tunnel, un Silverfish, un Penthouse, un My Bloody Valentine, un Jesus And Mary Chain** il fallait se taper une cohorte de groupes insipides et revendiquant de façon aussi puritaine que nationaliste un héritage pop sixities dont ils ne pouvaient en aucun cas se montrer à la hauteur.
Brew records a publié en cette rentrée un 25 centimètres qui a presque valeur de compilation ou en tous les cas de repère puisqu’il est occupé par quatre groupes anglais du moment : Kong, Shield Your Eyes, That Fucking Tank et Castrovalva. Ce disque démontre une fois de plus que plus on découvre, plus on a envie de découvrir.




On attendait avec plus ou moins de patience – mais à dire vrai de moins en moins, Snake Magnet datant déjà de 2009 – que Kong donne enfin de ses nouvelles. Kong (de Manchester) est un groupe de teigneux, détestant qu’on les confonde avec un de leurs nombreux homonymes ou que l’on orthographie mal leur nom, à ne pas confondre donc avec les doomsters suédois de Kongh, de toutes façons ils ne consomment pas les mêmes drogues. Ribbons est ce titre plein de promesses pour un avenir que l’on sait désormais au moins tout aussi bon que Snake Magnet. Une noise à la fois nerveuse et lourde, agressive et mélodique, ce titre est tout simplement parfait, idéalement plié en à peine plus de deux minutes.
En deuxième position arrive Shield Your Eyes dont on a déjà évoqué le Themes From Kindness et dont le quatrième album (déjà !) ne devrait plus trop tarder à paraitre maintenant. Avec Jessica le trio londonien en remet une couche question lignes mélodiques déstructurées et chant  de travers, sur fond de mid tempo traversé par les sautes d’humeur de ce batteur toujours aussi génial. C’est peu dire si on apprécie le groupe davantage de jour en jour.
On change de face. Les That Fucking Tank feraient presque figure de vétérans, d’autant plus que ce NWONWOBH peine comme d’habitude à réveiller les poncifs d’un rock instrumental, daté et mathématiques manquant quelque peu d’imagination et d’originalité. On aime pourtant bien le duo de Leeds mais il lui manque toujours quelque chose, presque rien pour assurer une érection durable de la part de l’auditeur.
Le disque se termine avec Castrovalva – rien à voir avec l’érection peine à jouir mentionnée si dessus – et voilà le groupe le plus méconnu et aussi le plus étonnant des quatre. Avec sa formation voix/basse/batterie + samples et bidouille, Castrovalva joue délibérément la carte de l’irritation et du poil à gratter. Sur In Our Prime on entend une sorte d’hybride chaotique entre metal électronique et spazz noise… On conseillera tout de même d’écouter l’album We Are A Unit (paru en avril 2010, toujours chez Brew records) globalement bien plus réussi et surtout barré à souhait.
En bonus track, le ticket téléchargement inclus avec le disque propose un cinquième titre qui n’est jamais que le remix du Ribbons de Kong par 65 Days Of Static. Etant donné que ce genre d’exercices ne me fait ni chaud ni froid, je ne l’ai pas écouté du tout et l’ai laissé pourrir dans toute son inutilité au fond de la poubelle à mp3, ne souhaitant pas gâcher le plaisir entier d’un bon petit disque. Sans rancune.

* je serais bien remonté jusqu’au swingin’ London, les groupes mods, les groupes psychédéliques anglais, etc. mais ce n’est pas non plus réellement le propos
** liste non exhaustive mais de toute façon très limitée

mercredi 28 septembre 2011

Faustine Seilman & The Healthy Boy / The Long Life's Journey






De The Healthy Boy on connait et apprécie beaucoup le 12’ Tonnerre Vendanges. De Faustine Seilman on ne connait rien. Tout juste a t-on un jour daigné poser une oreille inattentive sur l’un de ses deux albums (sortis chez Le Collectif Effervescence, belle maison s’il en est). Mais peut être bien que l’on y retournera un jour.
C’est donc par le biais du chanteur barbichu que ce disque est arrivé jusqu’ici. Peut être un peu par hasard, ou peut être pas : The Long Life's Journey, première collaboration de Faustine Seilman & The Healthy Boy, est un disque de chansons spectrales mais attachantes, dénudées et pudiques, décharnées mais vivantes. Un disque qui ravirait les fans d’un Leonard Cohen, d’un Bill Callahan, d’un Nick Cave (en version vieux crooner gentiment tapi au coin du feu), bref tous ces chanteurs auxquels la belle et profonde voix grave de The Healthy Boy peut faire penser sans pour autant les imiter stupidement.
Mais c’est pourtant bien Faustine Seilman qui ouvre le bal sur Promenade, d’une voix précise et émouvante, sans effusion mais charnelle. Il faut attendre le deuxième couplet pour qu’apparaisse Benjamin Nerot (le vrai nom de The Healthy Boy) puis une orchestration légèrement plus touffue (percussions et saxophone soprano). Le mélange des deux voix est sobrement épatant, détonnant presque, mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire qu’il se détourne du jeu habituel de la complémentarité facile – car, de toute façon, qui pourrait avoir un timbre et une tessiture de voix complémentaires à ceux de The Healthy Boy ? – pour appuyer doucement sur les contrastes sans en faire des tonnes, donnant naissance à de belles harmonisations. La voix de The Healthy Boy est peut être hors catégorie mais celle de Faustine Seilman est magnifique d’émotions (écoutez donc Thrown On The Floor en fermant les yeux). Aussi, lorsque elle apparait en soutien à la voix masculine sur la fin de Forthcoming Rising Of A Dear Friend, on assiste comme à une illumination.
La plupart des titres sont ainsi interprétés à deux, bien qu’il arrive souvent que l’un des chants prédomine légèrement sur l’autre. Parfois aussi les deux chantent en même temps, comme sur le magnifique To A Friend. Et puis The Healthy Boy émeut comme il sait si bien le faire sur The Long’s Life Journey, sobrement accompagné au piano par Faustine Seilman qui égrène également quelques chœurs lointains avant une partie finale enfin interprétée en duo. Il n’y a donc pas réellement de règles générales – et c’est tant mieux – concernant le chant sur The Long Life's Journey. Il y en a peut être à propos de l’accompagnement musical qui est d’une beauté acétique presque de rigueur et d’une simplicité remarquable, principalement à base de piano et de guitare. L’orchestration de Promenade reste une exception, tout comme You’re Gone Again avec ses chœurs à la limite de l’emphase et séparant la composition en deux parties distinctes pour donner l’impression que les deux voix se répondent successivement.
You’re Gone Again est précisément l’un des plus beaux titres de The Long Life's Journey. Avec le final Did You Ever, il contrebalance une deuxième moitié d’album où les deux voix semblent se compléter un peu moins que sur la première : soit on entend des titres interprétés presque en solo, où la deuxième voix n’apparait que trop tardivement et que beaucoup trop peu – Romances,  Among The Shadows – soit on écoute avec Thrown On The Floor une chanson interprétée seule par Faustine Seilman. Même s’il s’agit là de belles compositions et même si l’interprétation en demeure très touchante on reste en état de manque de cette alchimie qui réussit si bien sur les chansons où Faustine Seilman comme The Healthy Boy sont chacun beaucoup plus présent(e), chansons qui heureusement dominent le disque d’une luminosité généreuse.

[publié en vinyle et limité à 300 exemplaires, The Long Life's Journey est disponible sur Arbouse recording]

mardi 27 septembre 2011

FAT32 / Hard Drive






On n’a jamais tari d’éloges à propos de FAT32, notamment lors de la parution chez Gaffer records de ce split partagé avec Ahleuchatistas et sur lequel le duo lyonnais proposait un Ziiion-Ponk [part01] enregistré sur le vif. Les revoilà de retour, toujours sur Gaffer records, avec cette fois-ci un single, un vrai, enregistré dans les studios PWL, tenu par un des petits gars de The Good Damn et entièrement équipé en analogique – une raison suffisante pour expliquer la qualité sonore de cet enregistrement chaleureux et franc.
Car c’est vraiment du beau boulot, disons-le tout de suite. Hard Drive est l’un des nombreux tubes qui émaillent les concerts enflammés de FAT32. Pour être honnête, je me suis souvent demandé si ces deux là allaient pouvoir réussir le passage de l’enregistrement sans perdre de leur fraîcheur, de leur originalité et de leur côté ludique à outrances. Parce que FAT32 c’est un batteur octopussien infatigable dialoguant sans répit avec un instrumentiste – synthétiseurs, samples, etc. – au sujet duquel on se demande souvent s’il n’aurait pas lui aussi quelques doigts en plus. Toute l’ingéniosité et les trouvailles virevoltantes de la musique de FAT32, on les retrouve fort heureusement sur la première face de ce single. Et à moins d’être complètement réfractaire à des musiques aussi subtiles que le thrash tango, le casbah core, le grind musette ou le souk’n’roll, il est bien difficile de résister à la décharge positive d’adrénaline et à la puissance de feu joyeuse proposée par le groupe.
En face B on peut écouter une version différente de Hard Drive – sous-titrée Chipset Mode – et, malgré l’adjonction de sonorités qui rappellent une lointaine époque où Nitendo n’avait même pas encore inventé la Gameboy et où l’Atari 2600 régnait en maître dans les salons du monde entier, cette version remodelée est plutôt efficace et drôle sans être redondante.




Hard Drive est surtout le signe avant-coureur du premier album de FAT32 et qui parait en ce mois de septembre sur Web Of Mimicry, le label de Trey Spruance des Secret Chiefs 3 avec lesquels FAT32 s’est lié d’amitié et à beaucoup tourné. On en reparle bientôt tout comme on reparlera du Gaffer Fest pour lequel le duo est fort logiquement programmé (le samedi 8 octobre, avec Dehors Pythagore! et MoHa!).

lundi 26 septembre 2011

Report : Volx et Poino au bar des Capucins






Enfin un concert, un vrai ! Un concert avec des guitares, du bruit, de la fureur et de la sueur. C’est à peu près ce que je me suis dit en découvrant qu’Active Disorder refaisait jouer Poino moins de six mois après un premier passage remarqué à Grrrnd Zero, au mois de mars.  Mais bon… on sait très bien ce qui est en train d’arriver à Grrrnd Zero et des concerts là bas, il n’y en aura sans doute plus jamais.
Place donc aux Capucins, un bar plutôt chouette situé en bas des pentes de la Croix Rousse, doté d’une cave et surtout de deux patrons qui n’ont pas vraiment peur d’y accueillir des musiques pourtant idéalement parfaites pour emmerder les voisins. Seul inconvénient, la cave est vraiment toute petite, son plafond vouté vraiment bas et il est difficile d’entasser plus de quarante personnes là dedans sans provoquer un indéniable effet de vapocuiseur.




Malheureusement, lorsque du regard je fais le tour des gens qui sirotent consciencieusement une bière à la terrasse des Capucins en ce vendredi soir, je n’en vois pas beaucoup de susceptibles de descendre ensuite dans la cave pour se faire décrasser les oreilles. On ne sera donc pas très nombreux – une quinzaine peut être, en tous les cas très loin des quarante ou cinquante escomptés – pour écouter et découvrir Volx.
Volx c’est un duo guitare et batterie + chant qui vient de Marseille. C’est le batteur qui braille dans le micro tout en envoyant la sauce c'est-à-dire une cadence infernale (la plupart du temps) et des roulements de bagnard. La guitare est noise et inventive et en live Volx ça joue vite et fort, presque hard core mais il y a toujours cette petite touche qui va au delà.
Pour l’instant le groupe n’a publié qu’une cassette – qu’il vendait à prix libre, j’ai complètement oublié d’en prendre une alors que je la voulais – mais annonce un 45 tours pour très bientôt. Dessus il y aura les deux derniers titres que Volx a joués ce soir, deux titres plus alambiqués, groove et dissonants mais tout aussi francs et vifs. Hop, encore un bon groupe de découvert.



Les trois anglais de Poino s’installent à leur tour dans la cave des Capucins et se plaignent déjà de la chaleur. Il n’y aura pas beaucoup de monde non plus pour assister à leur concert – je les sens un peu déçus après l’accueil qui leur avait été réservé en mars dernier, ils s’attendaient sans doute à beaucoup mieux – et l’ambiance s’en ressentira un peu au départ.
Bon, les quelques personnes présentes ont montré tout l’enthousiasme dont elles étaient sûrement capables et le concert était bon mais on n’a pas non plus retrouvé la rage et la folie qui avaient scotché tout le monde au Grrrnd Zero. Le chanteur/guitariste en fait aussi un peu moins, comme il est plutôt grand il doit se sentir un peu à l’étroit dans cette cave, ce qui permet côté public de se concentrer davantage sur ce batteur à lunettes inamovibles toujours aussi impressionnant et surtout de se rendre compte que le bassiste n’est pas si réservé et statique que cela et n’est pas là pour faire uniquement de la figuration.
Après avoir joué à peu près tous les titres de leur unique album mais dans un ordre différent (plus un inédit à la fin), les Poino arrêtent les frais, malgré tout contents, sous les applaudissements et hurlements du maigre public. Il faut dire que malgré tout leur noise rock un peu bancal et frondeur est toujours aussi bon et cru – c’était un vrai bonheur que de pouvoir les voir et les entendre à nouveau. A la prochaine.

dimanche 25 septembre 2011

Lilidollrage / Horror Songs






C’est dimanche et on s’emmerde. Lorsque j’ai reçu ce charmant mail me proposant de chroniquer le disque d’un groupe dont je n’avais encore jamais entendu parlé jusqu’ici, j’ai fort lâchement choisi de ne pas y répondre, me disant que mon correspondant finirait bien par comprendre, qu’il serait sûrement en colère mais qu’il laisserait tomber. Pas de chronique. Rien. Et puis il a insisté le bougre. J’aurais préféré qu’il m’envoie un chèque libellé en euros avec plein de chiffres dessus – mais surtout pas de virgule – mais, non, il m’a directement envoyé le disque de son groupe avec un petit mot très enthousiaste qui disait « Bon, j’ai pas pu attendre ta réponse par mail alors je t’envoie notre CD autoproduit en espérant qu’il te plaise et qu’on peut espérer une chronique ». J’étais bel et bien pris à mon propre piège.
C’est en réécoutant – sur un vrai disque cette fois, pas des mp3 pourris via un site communautaire – la musique de Lilidollrage que j’ai décidé de chroniquer ce Horror Songs, premier album complètement autoproduit (donc) du groupe. Oui, moi aussi je déteste ce nom qui transpire à juste titre une certaine naïveté rock’n’roll. Oui l’illustration de la pochette du digipak laisse à désirer. Oui, Sandra (guitare et chant) et Serge (batterie/basse) se sont sûrement trompés de personne (et d’espoir) en m’adressant leur disque mais voilà, leur punk’n’roll primitif, loin de me faire grimper aux rideaux en compagnie de mon amazone préférée, me parle quand même quelque peu parce que Lilidollrage convoque le temps des huit compositions de Horror Songs certaines bonnes choses : du rock’n’roll donc, du garage, un quelque chose des Cramps, un peu de la bête à cornes australienne, une énergie et une immédiateté forcément nécessaires lorsqu’on veut jouer une musique aussi instinctive que directe. De ce côté-là, c’est plutôt réussi.
Il est ainsi plutôt difficile de rester sourd face à la vindicte, même si elle est aussi le pendant d’un musique un rien simpliste, d’un Horror Song ou d’un My Lady aussi survitaminés qu’enflammés. Mais là où Lilidollrage tendrait à exploser les compteurs, c’est lorsque le duo ralentit la cadence, graisse les rouages de sa musique à l’aide du brouillard suintant d’un marécage hanté et prend des allures un rien plus goth. Sur At Dawn le chant prend alors plus d’ampleur, rappelant quelques lointaines intonations à la Siouxsie.
Outre l’interprétation – car on ne peut pas dire qu’ici ça ne joue pas, précisément et généreusement –  ce disque possède une autre qualité : le son et l’enregistrement. Assuré par le groupe lui-même, celui-ci est à la hauteur, appuyant là où il faut, comme il faut. Evidemment on constate une mise en relief trop flagrante de la voix mais aussi un bon gros son de guitare et tout ce qui va bien pour attirer l’oreille sans provoquer l’écœurement.

samedi 24 septembre 2011

Fragment. / Home





On avait découvert Fragment. à l’occasion de la compilation …Is Your Truth Carved In The Sand ?. On attendait alors avec une certaine curiosité le nouvel album du jeune homme, intitulé Home, et publié par le label OPN. Home a mis un peu plus de temps à paraitre que prévu, chez 666rpm on a pris encore plus de temps pour l’écouter, le laisser reposer, le temps surtout de laisser passer la canicule estivale, de digérer ce disque très dense puis de le réécouter à nouveau. Car Home, malgré certaines évidences et un attrait certain, n’est pas un disque très facile.
Toujours marqué par la musique de Justin Broadrick/Jesu – mais pas que –, celle de Fragment. se détache rapidement de son ainée par une maîtrise de la dramatique nettement plus marquée. Fragment. ne compose et n’interprète pas des chansons – bien qu’une voix éthérée traverse plusieurs fois Home I de part en part – mais, sur ce premier titre, rassemble autour de longs mouvements des rythmiques, des riffs, des lignes de basse et des nappes de synthétiseur convergeant en des structures paroxystiques et épiques. Le lyrisme de Fragment. ne verse jamais dans le sucré* (sauf, peut-être, lors de la dernière intervention chantée), préférant même une certaine froideur et un certain éloignement, pas plus qu’il incommode ou tendrait à vous exclure : l’ambition généreuse de Fragment. est son plus bel atout. Titre à rallonge et aux structures changeantes, Home 1 réussit son examen de passage dans la catégorie composition fleuve tout simplement parce qu’ici il n’y a rien de trop – une petite demi-heure lui suffit à convaincre sans qu’il ait le temps de se perdre dans des développements inutiles ou des répétitions douloureuses.
Home II diffère quelque peu de Home I. Sorte de prolongement ambient à celui-ci, on croit pouvoir deviner que c’est sur cette seconde partie que Nicolas Dick (de Kill The Thrill, responsable de la masterisation de Home mais également crédité comme musicien additionnel) s’est le plus impliqué. On ne peut une nouvelle fois que vous inciter à écouter l’album Une Belle Journée de ce monsieur ou le split partagé avec Binaire et édité par les Disques De Plomb. Loin d’être caricatural, Home II est aussi un travail de fond mais qui joue lui presque exclusivement sur les nappes et les textures. L’absence de rythmique et l’absence de chant en font une composition invertébrée mais qui tient la route (et l’intérêt de l’auditeur) grâce au nuancier de couleurs employées et à la façon très délicate de jouer avec, une façon qui se révèle finalement très typique de Fragment. On précise surtout que Home II n’est pas un remix ou une bête version instrumentale de Home I pas plus qu’il est son faire-valoir.
Diptyque tout à la fois prégnant et vaporeux, Home est à l’image de sa pochette, sorte de tour de Babel jamais complètement terminée et donc toujours susceptible de laisser apparaître de nouvelles découvertes.

* l’excès de sucre anesthésiant étant la critique qui revient le plus souvent à propos des travaux de Broadrick ou de certains de ses imitateurs, tel Iroha

vendredi 23 septembre 2011

Trunks / On The Roof


Trunks est un groupe dont la musique est bourrée de toutes choses enivrantes et donc distille des sensations chaleureuses et des sentiments ardents qui débordent en tous sens, vous accaparent, vous subjuguent. Et, en même temps, quelle élégance, quelle finesse, quelle délicatesse et quelle justesse dans le propos…




On The Roof est le deuxième album de Trunks après un premier disque (Use Less, publié en 2007) plus éclaté, plus tâtonnant mais presque aussi ambitieux et des plus attachants. Entretemps les cinq membres du groupe ont perfectionné leur alchimie commune, des mécaniques sensibles, qui débouchent maintenant sur un album nettement plus homogène, sans doute plus immédiat bien que très travaillé, encore plus personnel et des plus réussis. Dans le line-up on retrouve Laetitia Shériff (chant et basse), Daniel Paboeuf (saxophones et qui doit en avoir un peu marre de voir rappeler à chaque fois qu’il a participé au siècle dernier à l’aventure Marquis De Sade alors que depuis il a fait tellement d’autres choses – Daniel Paboeuf Unity par exemple), Florian Marzano (à la guitare et que l’on retrouve également dans We Only Said), Stéphane Fromentin (à la guitare, membre de Chien Vert et de We Only Said également) ainsi que Régis Boulard (batterie et membre de Chien Vert, encore).
Si les deux premiers titres de On The Roof sont des instrumentaux (un Hardifscurry pénétrant puis un Screaming Idiot nerveux), Blue Dot et On The Roof donnent à entendre le chant de Laetitia Shériff, aussi fébrile que profond, entre état de grâce murmuré et rupture haletante. Il est assez rare de réussir à transmettre autant d’émotions dans un chant sans tomber dans le piège du velouté ou au contraire la tentation du passage en force – Laetitia Schériff est quelque part entre ces deux positions extrêmes, du côté de la conviction. Sur Clever White Youths* c’est la voix de Régis Boulard qui se fait entendre, pour une composition rythmiquement très influencée par The Ex mais toujours mâtinée de lignes de saxophone tirées en longueur par Dominique Paboeuf. Lequel s’amuse au baryton lors d’un Who’s Your Favourite ? espiègle et un peu déglingué. Kniee constitue la dernière intervention chantée de Laetitia Schériff et l’une de plus belles réussites de l’album, en ce sens qu’il s’agit du titre donnant le plus cette impression d’inéluctabilité un rien mélancolique qui parcours presque tout On The Roof en filigrane. Un titre qui s’éternise dans un long final subtilement répétitif et hypnotique s’éteignant tout doucement dans un brouillard de légèreté dissonante – permettant en outre d’apprécier le juste travail de Peter Deimel qui a enregistré l’album aux studios Black Box.

On The Roof a été en partie publié grâce à l’intervention de gentils souscripteurs. Mais des labels y sont également allés de leurs poches – les excellents Disques De Plomb qui comme d’habitude s’occupent de l’édition en vinyle (magnifique, évidemment, avec un insert qui se déplie pour faire un poster ) mais aussi Le Son Du Maquis ou Il Monstro. La sortie officielle de On The Roof est prévue pour le 29 septembre.

* Clever White Youths est en fait une reprise des Rootless Cosmopolitans de Marc Ribot, extrait de l’album Requiem For What's-His-Name (1992), excellent disque mais un peu difficile à se procurer de nos jours – une autre version portant le titre de Clever White Youths With Attitude, plus courte et moins bonne, apparait sur l’album Yo! I Killed Your God de Marc Ribot (2003, Tzadik), un disque cette fois-ci trouvable nettement plus facilement.

jeudi 22 septembre 2011

Doom Ribbons / The Violence, The Violence





Doom Ribbons est un nouveau groupe comprenant en son sein le guitariste/improvisateur/compositeur Shane Perlowin qui ne se contente donc pas de publier à un rythme soutenu des disques avec Ahleuchatistas ou sous son propre nom – il a même mis en ligne au début de cet été un nouvel album solo, Shaking The Phamtom Limb. Comme une frénésie d’enregistrements mais ne nous en plaignons pas.
A l’image d’Ahleuchatistas, Doom Ribbons est un duo, avec également James Owen à la batterie, aux samples et à la voix. On note la présence d’une poignée de musiciens invités : Meghan Mulhearn (U.S Christmas) au violon, August Hoerr (avec lequel Shane Perlowin a également monté Ashes In Order) à l’accordéon, Joseph Burkett à la contrebasse ainsi que Tyler Kittle au saxophone ténor et Simon Goldberg à la trompette. Inutile de préciser que, dans ces conditions, The Violence, The Violence est d’une variété pour ne pas dire d’une versatilité que l’on avait encore jamais entendues du côté de Shane Perlowin en solo ou d’Ahleuchatistas.
Doom Ribbons est surtout clairement plus « expérimental ». Un mot qui fait un peu peur, qui fait mal ou qui provoque le dégoût voire le mépris mais il s’agit bien de cela, d’expérimenter, c'est-à-dire, ici, d’aller trifouiller toujours plus loin dans des voies que l’on pensait déjà dûment explorées mais de toujours vouloir rester dans le cadre d’une certaine simplicité, d’immédiateté. Le prix à payer en contrepartie c’est le côté très décousu de The Violence, The Violence – six compositions, six optiques différentes –, aspect décousu qui parfois prévaut y compris au sein d’un même titre (Food For The New State, trop indécis et Drmfdbk, trop intentionnellement contemporain, même si la fin rattrape largement le début).
Mais l’alchimie fonctionne à de nombreux autres moments, tels sur Prayer For Collapsing Economies et Big Other – en fait assez proche d’Ahleuchatistas puisque seul titre sans intervention d’invités extérieurs –, le très beau Horvat Jerusalem avec son accordéon ralenti puis ses cuivres joueurs comme chez Moondog et le final Die Alone, pas loin d’être déchirant et avec une ligne de chant que l’on dirait empruntée à Robert Wyatt. Doom Ribbons puise ainsi son inspiration chez le meilleur des expérimentateurs loufoques des années 70 (le groupe cite également Robert Fripp, Fred Frith, Ennio Morricone ou John Cage, au moins ça ratisse large) et en propose une petite remise à niveau bienvenue, tout aussi poétique, à une époque où certains esprits faibles pensent que bidouiller des sons abominables sur des synthés sans caractères et sur fond de rythmiques froidement chaloupées reste le summum de l’extravagance et du bon goût, les pauvres.

Comme pour tous les autres enregistrements récents de Shane Perlowin, The Violence, The Violence est disponible en CD auprès de son propre label, Open Letter records. Une version vinyle a vu le jour en ce mois de septembre via Family Night records

mercredi 21 septembre 2011

Paramount Styles / Heaven's Alright


Peut-on tout pardonner à Scott McCloud ? Voilà… c’est à peu près toujours la même rengaine : on a passionnément aimé tel ou tel groupe dans notre jeunesse et forcément, presque fatalement, on déteste ce que certains de ses (anciens) membres sont devenus et la musique qu’ils jouent désormais. En l’occurrence il s’agit ici de Girls Against Boys – le groupe existerait toujours, à l’état de veille – et de Paramount Styles, le groupe actuel de Scott McCloud, ci devant chanteur et guitariste de GvsB. L’histoire se veut tellement simple et banalement prévisible qu’elle mérite pourtant quelques mises au point : même si on retrouve également le batteur Alexis Flessig dans le line-up de Paramount Styles, il ne sert strictement à rien de comparer les deux groupes. Et parce qu’on est très polis et bien élevés on n’ira pas jusqu’à traiter d’imbéciles celles et ceux qui le font mais le cœur y est. Evitons la confusion des genres et attelons nous à ce Heaven’s Alright, deuxième album de Paramount Styles, publié à l’automne 2010.





Avec Paramount Styles Scott McCloud réalise sans doute quelques vieux rêves, s’adonnant à un songwriting centré sur des mélodies simples et sa voix chaude et suave. Notre homme se paye même le luxe de s’accompagner d’une guitare acoustique et qui a déjà vu Paramount Styles en concert sait que Scott McCloud joue assis, perché sur un haut tabouret, comme tant de chanteurs américains de folk, de country et de pop l’ont fait avant lui. Derrière un groupe efficace assure l’écrin de velours qui sied parfaitement aux compositions et à la voix du monsieur.
Les américains ont des termes extrêmement réducteurs et déplaisants pour désigner la musique que joue Paramount Styles : soft rock, adult rock… j’en passe et des meilleurs. Il est vrai que Scott McCloud s’inscrit dans une veine qui irait de Bob Dylan à Neil Young en passant par Bruce Springsteen ou Lou Reed. Mais il est surtout évident que, contrairement à tous ces artistes mainstream et en pilotage automatique, Scott McCloud/Paramount Styles a encore quelque chose à proposer, écrivant de subtiles compositions la plupart mid tempo, très arrangées (les cordes sur Take Care Of Me et The Girls Of Prague), d’une énergie trainante (Amsterdam Again, White Palaces), des balades somptueuses (Steal Your Life), des titres que l’on dirait taillés pour les voyages (Give Us Some Time, Desire Is Not Enough) ou des appels vibrants (le magnifique The Girls Of Prague ou Come To Where You Are, ici dans une version enregistrée en concert et particulièrement réussie). Il n’y a guère que The Greatest, trop évidemment calibré pour être un tube et pour passer dans les college radio US, qui embarrasse l’écoute de Heaven’s Alright d’un doute quelconque.
Et par-dessus tout il y a cette voix que l’on a déjà évoquée et cette façon de chanter, addictive et résumant très bien ce que Scott McCloud déclarait il y a de nombreuses années lors d’interviews données afin d’assurer la promotion de l’album Cruise Yourself de Girls Against Boys : il avouait que ce qu’il préférait c’était conduire en voiture pendant des heures, souvent au hasard, pour écouter de la musique en même temps. Avec Heaven’s Alright (et son prédécesseur Failure American Style) il a sans doute réalisé ce dernier rêve, celui d’une musique qui l’accompagne et nous accompagne aussi, où qu’il aille et où que nous allions. Sa musique.




Bien que sa parution remonte déjà à presque une année, Heaven’s Alright reste d’actualité puisque Paramount Styles le défendra lors d’une tournée européenne, de la fin septembre à début octobre, et avec un passage lyonnais au Sonic le 1er octobre. On ne saurait trop vous répéter que Scott McLoud en concert ce n’est vraiment pas n’importe qui et que son charisme reste inégalé.

mardi 20 septembre 2011

Gay Witch Abortion / Halo Of Flies Sessions





Jusqu’ici on aimait bien Gay Witch Abortion, malgré toutes les maladresses d’un premier album, Maverick, paru en 2009 chez Learning Curve records (label dont le premier titre de gloire a été de publier en 2000 un fantastique split single réunissant Vaz et Sicbay). Gay Witch Abortion, en plus d’être doté d’un nom au goût tellement douteux mais drôle que l’on ne peut qu’acquiescer, est un duo guitare et batterie avec du chant. « Avec du chant » a son importance parce que cela signifie surtout que Gay Witch Abortion n’est pas un énième rejeton de la vague matheuse et psychorigide qui ravit depuis une bonne dizaine d’années maintenant les mélomanes à lunettes fanatiques de canard VC et de chasteté. Au contraire Gay Witch Abortion est un groupe sale, méchant, punk, sexuel et dégueulasse. Il n’y a que ce chant, justement, maladroit au point de rendre presque malheureux, qui péchait bien trop souvent sur Maverick, entrainant le groupe loin des sommets, vers les étages intermédiaires beaucoup moins prestigieux où partouzent les groupes honnêtement bons mais pas inoubliables.
Oubliés, Gay Witch Abortion l’est donc devenu. A tel point que leur disque suivant, publié en 2010 et toujours chez Learning Curve, a bien failli passer à la trappe. Son titre : Halo Of Flies Sessions. Croyez-le ou non, ce disque serait également une coproduction avec Amphetamine Reptile records, label dont les glorieux faits d’armes se passent de tous commentaires et régulièrement réactivé depuis la fin des 90’s par Tom Hazelmeyer (mon oncle d’Amérique). Voilà qui devient de plus en plus intéressant, non ? Le meilleur est pour la fin : sur Halo Of Flies Sessions Gay Witch Abortion s’est transformé en trio, incluant dans ses rangs au poste de bassiste, guitariste, bidouilleur et surtout chanteur Hazelmeyer lui-même. Autant dire tout de suite que le résultat est plus que spectaculaire. Comme si, tout ce dont avaient finalement besoin les deux puceaux acnéiques de Gay Witch Abortion, n’était qu’un vieux bouc puant leur astiquant consciencieusement les fesses.
Le noise punk’n’roll du groupe – distillé sur sept titres seulement et repartis sur les deux faces d’un 10 pouces – en prend ainsi un sacré coup. Une bonne basse, comme à l’époque d’Halo Of Flies, le groupe pour lequel Hazelmeyer avait initialement monté Amrep (ça y est ? t’as compris maintenant ?), c’est indubitablement ce qu’il manquait au duo d’origine. Mais la fureur sale qui anime Halo Of Flies Sessions n’est pas que le fait de l’adjonction d’un membre vigoureux. Gay Witch Abortion avait déjà de très bonnes bases, certes incomplètes, qui nous permettent de regoûter présentement à quelque chose qui rappellera nécessairement le chaos des groupes Amrep de la grande époque, dans un esprit de symbiose/total fuck plus que réjouissant. Les riffs sales et puants, les lignes de basses au taquet (donc), les chœurs de cheerleaders écartelées et les gimmicks électobidouilles (du théremine semble t-il) feront regretter aux constipés leurs chiasses d’antan, quand l’abus de bière frelatée et de booze de contrebande leur trouait le ventre. Et surtout, on s’en doutait, il y a ce chant de dément, déformé à la fois par la rage, le vice et je ne sais quel effet merdeux branché sur un micro pourri : Tom Hazelmeyer, qui en a profité pour « écrire » tous les textes, est le héro absolu de ce carnage sanguinaire.

L’histoire s’arrêtera-t-elle là ? Il semblerait que non. Gay Witch Abortion a annoncé être retourné en studio en septembre 2011 avec Hazelmeyer pour enregistrer la bande-son du prochain livre de Junko Mizuno (qui a déjà réalisé des artworks pour Amrep). En espérant que le côté supposé arty du projet n’atténue pas la virulence bienfaisante distillée à gros bouillon sur ce Halo Of Flies Sessions. Manquerait plus que ça…

lundi 19 septembre 2011

Report : Bad Body au Sonic





Retour au Sonic après quelques semaines de trêve estivale mais alléché par Bad Body, un side project de certains membres d’Action Beat. Action Beat, c’est très loin d’être ma tasse de thé – avec le temps le bordel/noise joyeuse/pseudo déglingue partouzarde des anglais me semble toujours aussi totalement hors-sujet et vain – mais, en ce qui concerne Bad Body, la noise tribale et indus de ces jeunes gens me paraissait au contraire nettement plus appropriée à mes goûts de vieux ronchon pourfendeur de punk festif et autres Ex-eries clownesques et pathétiques. En écoutant les quelques titres mis en ligne par Bad Body j’ai plus d’une fois pensé à un de leurs groupes compatriotes, décédé et perdu corps et âme depuis une éternité, Headbutt.




L’installation de Bad Body sur scène est on ne peut plus minimale, deux tables avec plein de bidouille diverse et variée (dont un mac*, l’arme imparable de celles et ceux qui ont de la ressource), deux micros, un simple tom basse et une cymbale esseulée. Sur scène Bad Body sont donc trois – alors que j’étais persuadé qu’ils étaient quatre – et je suis assez déçu de cette configuration de pousse-boutons.
D’autant plus que les sons envoyés par les deux techniciens manquent sinon de frontalité du moins d’originalité. Bad Body c’est de l’indus tribale qui ne casse pas trois pattes à un canard**. Le rendu est grisant cinq minutes – sûrement aussi parce que se prendre quelques sonorités perforantes dans la tête après deux mois d’abstinence cela fait toujours du bien et qu’après tout c’était l’une des raisons principales de l’intérêt initial porté à ce concert – mais l’intérêt, justement, baisse rapidement, au point de disparaitre dans un presque cauchemar d’ennui.
Sur le devant de la scène un chanteur/performer déclame à longueur de titres des tirades qui anesthésient totalement le peu de bordel que les deux autres arrivent à mettre en œuvre. Il était beaucoup trop bavard. Et que l’on ne me dise pas que cette logorrhée verbeuse (pléonasme) était justement le principe de Bad Body – j’attendais mieux qu’un spoken words vaguement amélioré par quelques roulades à terre ou le port d’une blouse blanche façon médecin en hôpital psychiatrique. Le spoken words est un genre qui de toute façon m’a toujours ennuyé. Pour mettre un peu plus d’action et dynamiser l’ambiance notre ami chanteur a eu de temps à autre l’idée de tabasser son tom basse et de sonner le tocsin sur sa cymbale – ce sera tout pour le côté tribal, vraiment léger là aussi. Je retire tout de suite les comparaisons faites avec Headbutt.




En première partie une jeune fille, sous le nom de Nirgends, installée derrière un mac elle aussi, a développé une sorte de dark ambient indus sur lequel elle chantait. C’est à peine si je l’ai écoutée mais par contre je l’ai beaucoup prise en photo : dans l’après-midi je m’étais aperçu que mon appareil avait un problème (une pièce déboitée au niveau de capteur) alors j’ai passé le concert de Nirgends à faire des essais pour m’assurer que tout refonctionnait correctement. Apparemment. Merci.
J’imagine que cela n’a pas du la faire rire beaucoup de me voir aussi prendre consciencieusement des photos du sol – certains ont par contre beaucoup apprécié – ou du mur en face de moi. Désolé mademoiselle. Mais cela a permis d’alimenter quelque peu les conversations blagueuses et traditionnelles d'après-concert, celles que l’on se raconte pour faire passer le goût d’une soirée un peu ratée. On a beaucoup rigolé également à l'écoute des frasques touristiques des trois Bad Body arrivés à Lyon depuis deux jours et apparemment bien plus doués pour faire des conneries que de la musique. On s’occupe comme on peut.

* je me suis alors rappelé la façon dont l’excellent duo composé de Zbigniew Karkowski et Peter Rehberg avait détourné le logo d’Apple pour son album Pop paru en 2001 chez Tochnit Aleph
** pour cela autant écouter le premier album de Cut Hands, le nouveau projet de William Bennett de Whitehouse, qui sera d’ailleurs en concert au même endroit le 28 novembre prochain

dimanche 18 septembre 2011

Regardons les Melvins à la télé


Comme à chaque rentrée, la même envie de tout arrêter et de faire toute autre chose mais aussi le désir de continuer quand même. Alors on rafistole, on fait du neuf avec du vieux, etc. 666rpm a donc décidé de ne pas innover en instituant une nouvelle rubrique sobrement intitulé « C’est Dimanche Et On S’Emmerde ». Au programme :

- des chroniques de disques que l’on n’aurait peut être pas chroniqués autrement mais à propos desquels on ne fera pas pour autant preuve de ce sadisme parfaitement justifié ou d’une descente en flamme en bonne et due forme et dont le seul but n’était que de déclencher des torrents de jouissance chez l’auteur de la dite chronique – la preuve qu’une certaine mansuétude – on n’a pas dit faiblesse – peut toujours être espérée.

- des chroniques de disques parus il y a tellement trop longtemps – oldies ou pas – pour lesquelles on se contentera de compiler (tout en  conservant leurs fautes d’orthographes) les avis d’autres blogueurs et webzinards de tous poils : l’éphémère frémissement et l’érosion de la mémoire due à l’avalanche d’informations et commentaires instantanés sur internet font que le plagiat passe désormais complètement inaperçu voire comme une pratique couramment admise et encouragée

- des chroniques de musiques métallurgistes toutes plus ignobles les unes que les autres

- des fiches cuisine et des conseils bricolage

- un atelier virtuel de réparation de vélos

- des niouzes plus ou moins attristantes et autres cancans totalement inintéressants

- des extraits vidéo parce que regarder de la musique sur un écran, il n’y a rien de plus abscons et que voilà bien une activité que l’on ne peut pratiquer qu’un dimanche, lorsqu’on a rien d’autre à faire

Mais, précisément, aujourd’hui c’est dimanche, on s’emmerde donc on peut regarder la vidéo complète du concert que les Melvins ont donné lors de l’édition 2011 du Hellfest, le festival des bisounours à clous. Un grand moment, selon les spécialistes.




Profitons-en pour rappeler que les Melvins seront en concert le dimanche 2 octobre à l’Epicerie Moderne de Feyzin et en tournée générale ailleurs.

[ pour l’agrandir, on clique sur cette magnifique affiche concoctée par Maquillage & Crustacés]

vendredi 16 septembre 2011

Peter Kernel / White Death & Black Heart





Fort intelligemment, White Death & Black Heart, le deuxième album de Peter Kernel, débute par les deux tubes du disque : Anthem Of Hearts (également publié en single monoface) et I'll Die Rich At Your Funeral. Une manière de se débarrasser des trop-pleins d’évidence tout en les mettant fièrement en avant. Attention : on ne dit pas que ces deux titres sont au delà de tout le reste de l’album, mais, étant les deux chansons les plus immédiates, les plus accrocheuses et les plus imparables de White Death & Black Heart, les placer ainsi en tête de gondole laisse le champ libre aux dix autres tout en exposant clairement tout ce qui séduit et émerveille chez Peter Kernel.
Car c’est en faisant peu que le trio arrive finalement à faire beaucoup. Peu c’est cette évidence pop et cette grâce magique qui traverse tout White Death & Black Heart, comme un courant d’air frais mais se passant surtout de toute frivolité inutile. La liste des choses, consenties ou non, que l’on peut entendre dans la musique de Peter Kernel pourrait se révéler très longue mais on ne retiendra – pour faire vite et aussi parce que réduire un groupe, si bon soit-il, à ses influences supposées, ce n’est pas lui rendre service à proprement parler – que l’esprit mutin d’un Pixies, les dissonances élégantes d’un Sonic Youth et, d’une manière générale, le meilleur de l’indie pop U.S., catégorie haute voltige, du début des années 90.
Peu c’est aussi la simplicité des compositions qui pourtant vont toujours droit au but et touchent juste. Il n’y a pas ici de riffs démoniaques, de lignes de basse ravageuses, de rythmes tribaux à vous faire rentrer en transe ni d’héroïques parties de chant ou des gargouillis divers mais un équilibre succinct et stimulant, une beauté simple, une rage joyeusement raffinée, une énergie renouvelable – essayer donc de ne pas écouter White Death & Black Heart plusieurs fois de suite –, un bonheur dénuée de toute niaiserie mais aussi une certaine mélancolie, vous prenant par surprise, comme sur le très beau et très émouvant The Captain’s Drunk !.
Le chant alterne une voix féminine et une voix masculine mais souvent les deux se répondent, se mélangent ou chantent à l’unisson. Plus particulièrement, en ce qui concerne la voix de la bassiste, on est touché par le côté acide, papillonnant et à la fois grave et emprunté. On remarque surtout que les voix sont réellement au centre des intentions de Peter Kernel, le groupe faisant souvent appel au sein d’une même chanson à toutes les combinaisons possibles et à la richesse induite par de tels procédés pour accentuer toujours plus la dynamique de ses compositions et de sa musique – ainsi les chœurs et contrepoints sont quasiment omniprésents ici, ce qui est aussi la marque essentielle d’un bon groupe de pop.

White Death & Black Heart sera publié le 3 octobre prochain par Africantape – le label peut se targuer d’une bien belle découverte – ainsi que par On The Camper records, le propre label de Peter Kernel. Le groupe sera en outre en tournée du 21 octobre au 10 novembre avec cinq dates françaises à la clef : le 5 novembre à Paris (La Flèche d’Or), le 6 à Besançon (La Cour des Miracles), le 8 à Clermont Ferrand (Raymond Bar), le 9 à Lyon (au Sonic, en compagnie de Sheik Anorak) et le 10 à Grenoble (Le Ciel).