mardi 25 octobre 2011

Årabrot / Solar Anus





Solar Anus, cinquième album d’Årabrot, peut être bien le quinzième enregistrement tous supports confondus en moins de dix années de la part des norvégiens, démarre par le morceau titre, comme une longue menace, sans aucune équivoque ni aucun répit. Nous sommes prévenus, nous pauvres profanes, si nous n’obéissons pas il va nous en cuire. Huit minutes de torture à froid, de laminage auditif et d’absence totale de compassion. La fête du slip sauf que le slip est en cuir, clouté, et que la pointe des clous est dirigée vers l’intérieur.
Årabrot était déjà allé très loin avec ses deux précédents albums, un The Brother Seed spectaculaire en 2009 puis un Revenge tentaculaire et presque génial en 2010, parus tous les deux sur Fysisk Format, coup sur coup, marquant l’accélération remarquable d’un groupe alors en plein essor créatif. Malheureusement Solar Anus marquerait lui plutôt un coup d’arrêt dans la progression d’Årabrot, surtout après les quatre faces du démentiel Revenge. La lourdeur, la lenteur, le sadisme du premier titre de Solar Anus n’y changeront rien. On n’y croit pas vraiment. Ou plutôt on y croit beaucoup moins. Comme si Årabrot s’était laissé gagner par le côté le plus trivial de ses influences metal. Du metal il y en a toujours eu énormément dans la musique des norvégiens mais là on sent comme quelques relents de caricature. Et pas des moindres. Le côté Noxagt sous influence noise a beaucoup perdu. Le côté Entombed imitant les Melvins a pris le dessus (Nubile, le presque atroce Auto Da Fe, l’affreux plagiaire Odine).
Si on devait résumer les huit titres de Solar Anus, on dirait que le côté torturé et salement malsain a été partiellement gommé au profit d’une trop grande simplification des compositions, d’une insistance dans la répétition des mêmes motifs, des mêmes riffs, jusqu’à l’étourdissement, la perte de connaissance. Or on ne peut que constater qu’Årabrot est bien plus doué pour la fraiseuse électrique à tête chercheuse – même tournant au ralenti dans les crânes – que pour le laminage des vertèbres au marteau-pilon. On regrette les quelques diversions chaotiques que le groupe savait si bien mettre en œuvre. On regrette ce lyrisme de noirceur plombée qui montrait parfois le bout de son nez, pour mieux nous mordre ensuite.
A la place, Årabrot – semble t-il réduit à seulement deux membres : le chanteur/guitariste et compositeur en chef Kjetil Nernes et le batteur Vidar Evensen – a décidé d’aller à l’essentiel mais y a trop perdu en carnation. Il n’y a plus de basse* (mais du gras ajouté parce que le guitariste a du doubler son amplification par un ampli basse), absence à peine compensée par les bidouillages – lesquels étaient très importants sans être non plus envahissants sur Revenge. Mine de rien, il n’est pas donné à tout le monde de jouer une musique lourde et oppressante sans la magie écrasante d’une quatre cordes en bonne et due forme. Et Årabrot n’y est pas totalement parvenu, surtout sur toute la seconde moitié du disque qui est d’une faiblesse généralisée assez consternante. Solar Anus n’est certes pas un mauvais album – il est même très supérieur à 95 % des disques publiés ces derniers temps – mais il est juste extrêmement décevant et beaucoup moins imaginatif que ses prédécesseurs. Tant pis.

* alors que lors d’un récent concert, les Årabrot étaient bien quatre sur scène, avec une bassiste (Åse Røyset, elle joue aussi dans Deathcrush) et en bonus l’habituel Stian Skagen aux machines et synthétiseurs