dimanche 23 octobre 2011

Comme à la télé : 1991 The Year Punk Broke



C’est dimanche et on s’emmerde. Et en plus il pleut. Alors autant rester au lit et regarder une nouvelle fois 1991 : The Year Punk Broke. Comment ? Vous n’étiez pas nés en 1991 ? Ou alors vous n’aviez que 10 ans ? Ce sont des choses qui arrivent à tout le monde. Je connais très bien quelqu’un qui lui aussi n’avait que 10 ans en décembre 1979 lorsque Joy Division a joué aux Bains Douches à Paris. J’en connais un autre qui était né de justesse lorsque les Stooges ont publié Fun House en 1970. Il y a des cas où on ne peut pas être et avoir été.
Réédité en DVD en ce mois de septembre 2011 par Universal – propriétaire de la marque Geffen –, 1991 : The Year Punk Broke, documentaire signé Dave Markey (qui sinon ne s’est guère illustré en tant que réalisateur) relate la tournée commune que Sonic Youth et Nirvana ont effectué ensemble au début de l’automne 1991. Rappel historique : à l’époque les Sonic Youth venaient de signer chez Geffen records, abandonnant le giron des labels indépendants, passant pour des sales traitres à la cause, se faisant insulter par les ayatollahs du bon goût et de l’éthique musicale, publiant pourtant avec Goo leur meilleur album tendance grand public ; Nirvana leur avait emboité le pas, quittant Sub Pop et s’apprêtant à publier Nevermind avec les conséquences désastreuses que l’on connait maintenant sur notre société déshumanisée. A noter que le même label vient également de rééditer Nevermind, album plus surproduit que jamais, en quatre CD s’il vous plait, mais profitez-en pour vous le procurer en vinyle puisqu’il a également été réédité sous cette forme et qu’il sonne moins pire mieux ainsi. Pour les trois CD de bonus, un coup de peer to peer devrait suffire. Et pour les geeks on peut aussi préciser qu’ils ne trouveront là rien de totalement inédit.




1991 : The Year Punk Broke joue donc à fond la carte de la nostalgie mais – phénomène mondial aidant – cette nostalgie touche plusieurs générations. Pour certains 1991 : The Year Punk Broke c’est ce témoignage d’un passé qu’ils ont vécu en vrai, cette madeleine qui fait chialer dans les chaumières tous les ex kids indés, trop vieux pour avoir été punk et/ou cold wave et qui a cet instant ne savaient pas encore qu’ils risquaient de finir emokids, la belle affaire. Pour tous les autres, et ils sont très nombreux, ce film représente un jalon de la culture rock, dans sa version soi-disant la plus « punk » et indie, un jalon comme le sont tous les groupes que l’industrie du disque n’a pas manqués d’enfermer et de ligaturer derrière les vitrines clinquantes du Rock And Roll Hall Of Fame. C’est ainsi. Sonic Youth est devenu le plus grand groupe indie de tous les temps et la récente séparation du couple Thurston Moore/Kim Gordon est vécue par les fans comme un véritable drame – puisque remettant l’existence même et l’avenir de Sonic Youth en cause (bref, je crois que je m’égare). Nirvana est devenu l’un des plus grands groupes de rock des années 1990 et son chanteur/guitariste/leader/compositeur s’est tiré une balle dans la tête, a fait l’objet d’un mauvais film de Gus Van Zant, de beaucoup de livres et n’a laissé derrière lui que le sentiment d’un grand gâchis mêlé à celui d’une surestimation notoire de son talent.
Tout ça, la célébrité et toutes les interférences qui en découlent, 1991 : The Year Punk Broke ne le montre pas mais donne au gentil spectateur l’impression de faire partie de l’histoire, d’être un privilégié, d’être dans le secret et de manier le sceptre magique qui transforme les rêves en réalité puis la réalité en gros tas de merde et enfin la merde en cauchemar. Sans doute inintentionnellement, 1991 : The Year Punk Broke a ce pouvoir de l’intimité rétroactive alors qu’à la base il ne s’agissait que d’un petit film de tournée publié en 1992 par les producteurs d’une maison de disques désireux de capitaliser sur le phénomène, vague, séisme Nirvana.
Mal filmé, mal monté, avec autant d’idées intéressantes en une heure que dans un épisode entier de Happy Days, 1991 : The Year Punk Broke montre Sonic Youth, Nirvana, Dinosaur Jr, Babes In Toyland, Gumball ou les Ramones (en fin de vie, pathétiques, sans Dee Dee, filmés de loin et heureusement complètement flous) sur scène. Toutes ces versions live sont pour la plupart excellentes mais les images sont souvent inutiles – comme dans le cas de Sonic Youth qui n’a jamais à proprement parlé été un grand groupe de scène – par contre avec Nirvana et Kurt Cobain elles nous montrent un groupe complètement rageur et parfois incontrôlable. Mais le groupe qui s’en sort le mieux c’est Dinosaur Jr qui le temps d’un The Wagon et surtout d’un Freak Scene démentiel écrase toute la concurrence. Sinon les extraits live sont entrelardés de scènes backstage et de délires divers pendant lesquels l’humour de Thurston Moore est aussi détestable que ce à quoi on pouvait s’attendre. Des gens comme Mark Arm et Matt Lukin de Mudhoney apparaissent aussi à l’écran mais malheureusement on ne les voit pas jouer avec leur groupe. Par contre cela fait toujours plaisir de revoir les Babes In Toyland.