dimanche 16 octobre 2011

Kiruna / Kalayaan






C’est dimanche et on s’emmerde. Alors on en profite pour jeter une oreille sur Kalayaan, l’album posthume de Kiruna. Voilà une chronique de « disque » qui commence bien mal puisque par un avis de décès et les quelques regrets qui vont avec : Kiruna a bel et bien splitté au tout début de l’été 2011, sans faire de bruit, après cinq années d’existence et son lot habituel de galères et de bons souvenirs – des concerts sauvages et intenses, deux tournées à rester enfermé dans le même van que Blackthread (qui a même assuré l’intérim au chant pour l’une d’elles), quelques tonnes de blagues à ne surtout pas divulguer ici et au moins autant de litres de houblon fermenté.
Kiruna était un groupe lyonnais que l’on a suivi de loin en loin, passant du stade du mépris le plus total et le plus snob à l’époque de ses premières apparitions sur une scène à un engouement de plus en plus fort et finalement sincèrement indéfectible : que de chemin parcouru entre ce concert de septembre 2006 au Sonic en première partie de Young Widows et d’Akimbo et ceux que le groupe a donné en première partie d’Heliogabale en novembre 2010 (toujours au Sonic) et celui à Grrrnd Zero en soutien à Rebellyon en mars 2011.
Kiruna a donc eu le temps d’enregistrer un premier véritable album – Penundaan était un mini LP de cinq titres et gravé uniquement sur la première face d’un vinyle 12’ – mais Kalayaan, contrairement à son prédécesseur, n’aura semble-t-il pas l’honneur d’une édition en format classique… À quoi bon ?, semblent penser les ex-membres de Kiruna qui ont mis l’intégralité du disque en téléchargement libre sur le bandcamp du groupe (de même que Penundaan et la première démo). Espérons qu’ils changent un jour d’avis – ou qu’ils deviennent subitement riches – et suivent l’exemple de certains de leurs petits camarades qui avaient eux décidé qu’au contraire il fallait marquer le coup de la postérité avec un disque, un vrai, et non pas se contenter de mp3 qui finiront comme tant d’autres par pourrir sur un disque dur d’ordinateur (Robusta de Looking For John G ou Nursery Rhymes For Old Men de Schoolbusdriver constituant autant de contre-exemples de disques testamentaires et posthumes réussis).
Kalayaan a été enregistré chez les amis de L’Epicerie Moderne de Feyzin par Cédric Béron (Spade & Archer) et masterisé par Jean-Michel Quoisse (ex Happy Anger). Le disque présente Kiruna sous son deuxième line-up à quatre et permet de mesurer tous les progrès du groupe, de constater là il en était désormais arrivé. Kiruna jouait de la noise hard core lourde et puissante emmenée par des lignes de basse brutalement massive et dominée par une guitare tranchante et un chant, parfois presque parlé/hurlé, en tous les cas proche de la scansion et se démarquant naturellement. Dans les faits, la musique de Kiruna n’avait rien de fondamentalement originale et novatrice mais elle possédait une identité et une personnalité propre. Ce chant y était sans doute pour beaucoup – à celles et ceux qui feront remarquer que Matt avait également un accent irréprochable pour le chanteur d’un groupe français on répondra que c’est bien normal puisqu’il est sujet de sa Gracieuse Majesté et est un fervent supporter de Manchester United – or on retrouve cette étrangeté également dans la musique de Kiruna, moins palpable que sur Penundaan qui était plus orienté post hard core avec les ralentis sur image qui vont bien, mais ici tout de même parfaitement décelable et intrigante.
Des titres tels que l’introductif Retibution Falls, les hits incontournables (Sundanese Smile209 Mt Aquino Street et Kalayaan), les compositions d’apparence plus lente mais tout aussi excellentes telles que Nakon R (particulièrement piégeux), KM 683 et See No Evil qui cache bien son jeu avec son excellente accélération finale* possèdent tous cette aura particulière. On regrettera encore longtemps Kiruna maintenant qu’il nous a été donné d’écouter cet ultime Kalayaan mais on espère aussi tout simplement qu’il sera un jour correctement édité comme il se doit, sur un beau vinyle qui sonne par exemple**, puisque après tout deux des anciens membres de Kiruna s’occupent également de Bigoût records

* mine de rien on vient juste de citer la quasi-totalité du tracklisting du disque
** même si on pourrait se contenter d'un CDr dans une jolie pochette cartonnée et sérigraphiée (rêvons encore un peu)