jeudi 27 octobre 2011

Pre / Third Album







Après l’album tassé sur un 12’ qui tourne en 45rpm, voici l’album qui tiendrait miraculeusement sur une rondelle de 7 pouces… comme son nom ne l’indique pas, ce nouveau disque de Pre est en fait un EP de cinq titres seulement. Et, pour faire court, il n’y a strictement rien de nouveau ici. Pre excellait dans l’imitation – en plus rock’n’roll – de Melt Banana et c’est toujours le cas. Ces anglais et leur chanteuse japonaise en petite culotte ont tout carotté à leurs illustres ancêtres nippons, à commencer par le chant féminin ultra aigu et ultra hystérique, les rythmiques au taquet, les guitares qui cisaillent (et dans lesquelles on trouve parfois une autre influence antédiluvienne : Arab On radar). Skingraft est toujours le label grâce auquel Pre a encore une fois obtenu l’immense privilège et le droit de publier ses enregistrements et il faut bien admettre que cette ex maison de prestige n’est plus bonne qu’à ça : produire – rarement – des disques qui ressassent de façon honorablement conforme mais sans génie ni aucun frisson toute une partie de son passé révolu.
Les cinq titres de Third Album, sans se départir totalement du côté poppy-pute habituel de Pre, délivre toutefois une musique bien plus tendue et agressive que celle du précédent Hope Freaks. Presque taillée au cordeau, même. Pas trop de chœurs fédérateurs mais toujours du peepshow à la limite du grand-guignol et de la bienséance arty – oui parce qu’avoir l’air dépravé et complètement branque tout en restant propre sur soi est un art à part entière et les cinq Pre y excellent toujours autant. Mais là, il y a quelque chose de plus… une nervosité autrement plus directe et plus resserrée que l’élastique des petites culottes de la chanteuse. White Castle avec ses enchainements à la batterie bien frappadingues de même que ses trois demi-frères Dweller, Cold et Love Peace & Hair Grease sont à compter parmi les toutes meilleures compositions de Pre. Voilà, c’est dit, Pre a correctement assuré son service minimum avec au moins (mais cette fois-ci un peu plus) un bon titre par disque. Pour finir, et pour faire plaisir aux gens qui ne peuvent pas faire autrement que de porter des lunettes, signalons que c’est leur maître à tous, Steve Albini, qui a enregistré Third Album, chez lui à Chicago.

[…]

Mais attends… en fait ce disque n’est pas tout à fait fini. Mark Fischer et Skingraft nous avaient déjà fait le coup pour le  Dustin’ Off The Sphynx de Aids Wolf : sur la version CD de Third Album il y a huit titres en plus – le label vend même une version 7’ + CD du disque pour satisfaire à la fois les fétichistes et les complétistes. Et ces huit titres, portant la longueur de Third Album à 23 minutes, sont très loin d’être des fonds de tiroir affublés d’un son innommable (même si la plupart d'entre eux étaient déjà disponibles sur des vieux singles et autres splits de Pre, je laisse aux archéologues le soin de déterminer quel titre figurait sur tel ou tel disque). Un certain Westminster Brown – en fait c’est lui qui avait déjà enregistré Epic Fits, le premier album de Pre – est le responsable de ces sessions supplémentaires et donc de la qualité de l’enregistrement… et il écrase le morveux de Chicago en un tour de main : jamais Pre n’avait aussi bien sonné, méchamment et durement.
Et puis – magie de l’enregistrement ? – le côté fun disparait presque complètement et Pre signe là et pour la seconde fois sur ce disque quelques-unes de ses meilleures compositions : Dead Peny (sur lequel on n’aura pas manqué de remarquer la présence d’un orgue et des plans de guitare plus étoffés et donc inhabituels pour Pre), Swollen, Silver Skull, Loughing ou Big Dique – un clin d’œil à Aids Wolf ? – et sa fausse fin. Même Treasure Trail, Duncan Banus et Goof, que l’on pourrait tous qualifier de basiquement typiques de Pre, attirent l’attention. On se demande pourquoi ces huit titres n’ont pas bénéficié d’une vraie sortie à part entière, genre une compilation de singles en bonne et due forme, ils auraient pu constituer un chouette 12’ et on doit bien admettre que grâce à eux Third Album n’est pas que le meilleur disque de Pre, il est aussi un bon disque, tout court.