samedi 19 novembre 2011

Submerged / Before Fire I Was Against Other People




 

Before Fire I Was Against Other People, troisième album de Submerged à proprement parler après Stars Light The End en 2007 et Violence As First Nature en 2008, semble directement s’adresser à un public restreint de connaisseurs patentés. On reconnait volontiers qu’il faut s’accrocher avec Submerged, que Kurt Gluck (le vrai nom du bonhomme), artificier monomaniaque, terroriste en chef ainsi qu’omniprésent et hyperactif patron du label Ohm Resistance, a une vision du monde actuel terriblement pessimiste et que cette vision nourrit une musique électronique très violente et d’une noirceur à nulle autre pareille – exception faite bien sûr de celle de Scorn, compagnon de label depuis 2007 – mais, en même temps, il y a un tel fourmillement d’idées dans Before Fire I Was Against Other People, une telle profusion de savoir-faire (mais sans ostentation) que ce disque ne peut que séduire et occuper l’une des premières places du palmarès des disques electro-bruististes/break core/machintruk/appelez-ça-comme-vous-le-voulez de l’année en cours.
Before Fire I Was Against Other People a été publié en mars 2011 par Ohm Resistance, quasiment en même temps que le Harvester de Gator Bait Ten, et il est le point culminant d’une frénésie créatrice de la part de Submerged qui, s’il n’avait pas publié de réel album depuis trois ans sous son propre nom, a multiplié les side projects et les collaborations. Collaborations qui traversent également ce disque, à commencer par le génial Nowhere To Hyde sur lequel Mick Harris/Scorn s’est occupé des beats et des textures pendant que Dr Israel toaste tel une ombre menaçante dans un brouillard industriel aussi épais que saturé. Sur No One Jason Selden de SST/Stepping Through  Shadows est venu jouer de la guitare alors que Joel Hamilton (Battle of Mice), à nouveau Jason Selden, Justin Broadrick, Balázs Pándi (déjà présent sur le disque de The Blood Of Heroes et collaborateur régulier en tant que live drummer de Venetian Snares ou Merzbow) et Ted Parsons sont venus donner des couleurs plus chaotiques encore à Dead, très éprouvant et ultime titre de l’album.
Pourtant les choses avaient commencé on ne peut plus étrangement avec un Space Arabs flirtant avec le chill-out et bientôt rehaussé d’une mélodie arabisante (procédé également employé – via quelques samples – sur l’excellent Borderguard). Transport est un pur moment de drum and bass, bolide affolé fonçant tout droit et à toute vitesse en direction d’un No One sur lequel une guitare méchamment saturée et concassée sert de pendant aux explosions des entrelacs rythmiques. Sur Death Sentence on sent nettement l’influence dubindus de Scorn mais Submerged aime les sons qui bavent et qui grésillent : sa version ressemble plus à une fraiseuse électrique qu’à un rouleau-compresseur.
Rorschach, Before Fire, Alive et évidemment l’apocalyptique Dead accélèrent considérablement le mouvement général vers plus de frénésie et de déconstruction. Une bonne partie du talent de Submerged consiste pourtant à refreiner la surenchère rythmique – en résumé : si les rythmes sont omniprésents, ils ne partent pas non plus dans tous les sens – alors qu’il travaille réellement sur les textures (basses et autres) de ses morceaux, ne se contentant pas de faire du remplissage. Mais toute la fin de Before Fire I Was Against Other People, particulièrement douloureuse, trop diraient même certains, allie déluge rythmique et hyper présence sonore : si on reconnait la qualité des agencements et des organisations des sons employés, on ne peut que remarquer la rage rythmique qui tente de tirer toute la couverture à elle. Une fin de disque que l’on aurait peut être aimée un peu plus nuancée mais qui vaut son pesant de frénésie hallucinée.