vendredi 11 novembre 2011

Zëro / Hungry Dogs (In The Backyard)



Hungry Dogs (In The Backyard) est déjà le troisième album de Zëro et ses premières écoutes n’ont pas tout à fait été exemptes de quelques questionnements – ce n’est pas parce qu’on a été un fan inconditionnel de Deity Guns puis de Bästard et de Narcophony qu’il doit automatiquement en être de même pour Zëro. En même temps il est nécessaire de préciser, et c’est un compliment, qu’avec Hungry Dogs (In The Backyard) Zëro s’affranchit encore plus clairement et donc définitivement de ses prédécesseurs, comme pour affirmer que s’appesantir sur un passé certes glorieux mais révolu serait bien évidemment pure nostalgie. Nostalgiques, Eric Aldéa, Franck Laurino, François Cuilleron et Ivan Chiossone ne le sont donc apparemment pas et il conviendrait logiquement d’éliminer d’emblée toute réticence d’auditeur liée au fait que les quatre musiciens ne veulent pas répéter ce qu’ils ont fait auparavant avec leurs anciens groupes – on ose également penser qu’ils ont de toute façon tellement changé/évolué avec le temps qu’ils en seraient sans doute incapables.
Les quelques petits doutes à propos d’Hungry Dogs (In The Backyard) ne concernent donc que la musique de Zëro proprement dite. L’écoute des dix titres du disque ne nous apprend ainsi pas grand-chose de prime abord. Ou plus exactement on y distingue peut être trop bien tout ce que Zëro a commencé à mettre en place depuis son premier album Jokebox et qu’il n’a cessé de développer au cours des enregistrements suivants. On se surprend même à identifier quelques passages qui sembleraient directement tirés des anciens disques… Y a-t-il réellement redite pour autant ? Non, pas vraiment : on préfère plutôt penser que Zëro se moque de jouer sur l’effet de surprise. Et Zëro en est effectivement arrivé à un stade avancé où on reconnait immédiatement le groupe en lui-même, ces sons de synthétiseurs, ces guitares en apesanteur, ces rythmiques, ces constructions… Zëro fait du Zëro et uniquement du Zëro, certes de mieux en mieux, ce dont d’ailleurs on ne peut que se réjouir.




Alors où est le problème ? Peut-être n’y en a-t-il pas vraiment ou sans doute est-ce plutôt un faux problème, encore une fois sournoisement relié au passé : on pensait, on avait cette ivresse de trouver que Deity Guns comme Bästard avançaient à grands pas, franchissaient les barrières toujours plus vite et explosaient d’idées « nouvelles » à chaque coin de disque – peut être était-ce la jeunesse qui nous poussait à une telle vision, c’était même très certainement elle et elle seule. Or aujourd’hui, lorsqu’on réécoute ces disques qui nous ont accompagnés tant de fois, la distorsion du passé ne peut que nous empêcher de réentendre toutes ces musiques avec un quelconque recul (mais heureusement que l’affect existe dans notre rapport à la musique… sinon, à quoi bon ?). Aujourd’hui également, avec Zëro, les (presque) même musiciens avancent donc beaucoup plus lentement, prennent leur temps, ne prétendent à rien – si tant est qu’ils aient déjà prétendu à quelque chose – et leur musique évolue comme un artisan peaufine son ouvrage. Si on admet que l’impétuosité du passé n’a plus tout à fait cours ici, on finit par apprécier qu’elle ait été remplacée par quelque chose d’autre. On découvre – ou on redécouvre – que Zëro n’est sans doute pas un miracle fulgurant mais une pierre philosophale aux reflets multiples et contrastés.
Alors des redites en forme de sauts de puce il y en a sûrement sur Hungry Dogs (In The Backyard) mais il y a en même temps suffisamment d’autres choses – écoutez un peu ce dernier titre, Queen Of Pain, Zëro n’y a jamais aussi bien résumé en moins de 5 minutes tout ce qui fait à la fois la fougue et l’étrangeté de sa musique – pour que l’on soit in fine intimement persuadés que seule cette musique importe, plus que tout. Les détails et nuances apparaissent alors, effaçant toute comparaison possible, à l’image du chant encore plus marqué et toujours plus assumé qu’auparavant. Et Hungry Dogs (In The Backyard) est tout simplement un bel album, résolvant à la longue une équation arithmétique et affective aussi simple qu’incontournable – dix titres, dix moment de bonheur.

Hungry Dogs (In The Backyard) a en outre été superbement enregistré aux célèbres studios Supadope par Monsieur Chris R. L’illustration de la pochette a été conçue par Yoan Puisségur, plus connu pour être le responsable Communication Visuelle & Propagande Illustrée du label A Tant Rêver Du Roi. Mais c’est bien une nouvelle fois Ici D'Ailleurs qui publie Hungry Dogs (In The Backyard) en vinyle (vert) et en version CD. Le même label s’apprête également à rééditer The Acoustic Machine, l’anthologie/intégrale de Bästard, sous la forme de deux double LPs…