lundi 5 décembre 2011

Report : Tarwater et Blackthread au Sonic - 29/11/2011





Jamais je n’aurais pensé revoir un jour Tarwater en concert. Et même plus : jamais je n’aurais pensé avoir un jour vraiment envie de revoir Tarwater sur une scène… La raison de ce subit regain d’intérêt pour le duo berlinois ? Tout simplement son dernier album en date, l’excellent Inside The Ships. Une raison largement suffisante pour tenter de donner une vague suite à ces deux concerts de Tarwater au Pezner à la fin du siècle dernier.
Non, ce n’est pas de la nostalgie. Ou plus exactement, il est encore un peu trop tôt pour parler de nostalgie. Les sonorités kraut et new-wave et l’excellence pop de Tarwater ont permis au duo de gagner dès le milieu des années 90 le prestigieux titre de groupe précurseur… mais précurseur de quoi exactement ? D’un énième revival à rallonge ? Oui. Sauf que Tarwater se distinguait – et se démarque toujours sur disques – grâce à sa petite originalité bien particulière, une musique très personnelle faite d’une sensibilité à part, d’une subtilité des compositions, d’une maîtrise assez radicale du sampling et d’une douceur poétique traversée d’élans mélancoliques forts.
Alors voilà. Tu la sens venir la cruauté de la déception ? Tu les sens venir les grognements d’insatisfaction ? Maintenant que ce concert est passé, qu’il commence à n’être que le lointain souvenir d’un truc honorable mais pas foncièrement génial et pas plus terrible-terrible que ça, elle repointe son nez, la nostalgie. Ou plus exactement cette salope fait enfin une apparition remarquée : désolé mais Tarwater c’était largement mieux avant – ma phrase préférée de vieux con proto hipster – et bien supérieur au triste spectacle tout guilleret dont le duo a gratifié le public lyonnais en ce mardi 29 décembre au Sonic, un spectacle complètement maîtrisé mais mécanique et prévisible.



Sur scène le matériel du groupe est on ne peut plus rudimentaire. Un mini clavier, deux pads, une basse, un micro et un iPod (ou un truc dans le genre). Et oui, Tarwater est un duo et on imagine très mal qu’il puisse jouer une musique aussi subtile et aussi finement arrangée sans avoir recours à des enregistrements tout bien préparés comme il le faut.
Bernd Jestram et Ronald Lippok montent sur scène, démarrent leur set par un Inside The Ships poussif et je ne m’inquiète pas plus que ça. Oui, il faut souvent un premier titre ou deux pour qu’un groupe prenne ses marques. Seulement cela n’arrivera pas. Ou plus exactement cela n’arrivera pas de la façon dont je l’aurais souhaité, du haut de mes petites exigences égoïstes de vieux fan de Tarwater : le duo a délivré un concert ultra dynamique et même sautillard, enchaînant les tubes tous plus efficaces les uns que les autres, ne semblant se soucier que d’un vague esprit festif bon teint et très propre sur lui.
Le duo a rapidement fonctionné en mode pilote automatique, ses compositions subtiles ont fini par toutes se ressembler, sacrifiées sur l’autel de la mécanique de précision. Le chant a fini par lasser également et on regrette que Tarwater n’ait pas appliqué cette méthode qui a pourtant si bien réussi à ses disques : alterner des titres chantés et des titres instrumentaux pour aérer le bousin, varier les plaisirs et éviter les pièges de la gonflette à paillettes. Même un ultime extrait de Silur – le meilleur album de Tarwater – a réussi à éviter le massacre que de justesse, privé de toute la poésie et de toute l’émotion dont le groupe était pourtant coutumier.



One man band tout seul, Blackthread s’est fait assez rare ces derniers temps, il n’avait pas joué dans le coin depuis plus de six mois (au même endroit et en première partie de l’ursidé Scott Kelly) et de son propre aveu il avait un peu délaissé ce très beau projet à mi chemin entre spoken words et pop shoegaze. En descendant de la scène après le concert, les premiers mots de ce garçon talentueux ont été pour affirmer que le concert avait été une pure horreur, certainement le pire qu’il ait jamais donné.
Blackthread, sa voix entre émotion tremblotante et lyrisme appuyé, ses mains qui se crispent toujours un petit peu, sa basse lointaine, son synthétiseur, ses boucles sonores, ses yeux qui brillent dans la pénombre délaissée par les projecteurs, sa chemise à carreaux et surtout ses belles compositions entre vignettes impressionnistes et chansons poétiques : si ce concert du 29 novembre 2011 au Sonic était vraiment un concert de merde alors cela signifie qu’il n’y a vraiment pas beaucoup de bons musiciens et de bons groupes qui viennent y jouer d’ordinaire. A bientôt mon garçon.