jeudi 12 janvier 2012

Sightings / Future Accidents





En matière de concerts, l’une des surprises de l’année 2011 fut sans contestation possible celui qu’a donné Sightings à la toute fin du mois d’octobre au Sonic : après avoir vu un certain nombre de fois le trio de Brooklyn en live, j’en étais arrivé à la triste mais inévitable conclusion que Sightings était un bien meilleur groupe de studio que de scène et là, tout à coup, presque un miracle, enfin un concert qui se tenait debout de la part de Sightings, voire même un concert habité et vraiment méchant.
D’un autre côté, on pourrait également objecter que Sightings sur disque ce n’est pas non plus toujours ça, que certains des enregistrements du groupe sont vraiment très durs à encaisser/supporter – par exemple l’avant-dernier album, City Of Straw, surtout si on le compare à son prédécesseur, Through The Panama, qui est sans doute ce que Sightings a enregistré de plus abordable. Tout ça pour dire que si ce concert n’avait pas eu lieu et, surtout, s’il ne s’était pas aussi bien passé, je n’aurais jamais jeté plus d’une oreille et demie sur Future Accidents, le dernier enregistrement en date du trio. En fait, je l’avais écouté ce disque, mais très vaguement, un peu avant le concert, puis j’avais décidé de l’oublier, purement et simplement. Maintenant, bonne surprise du concert oblige, je comprends beaucoup mieux où Sightings veut en venir avec sa musique et ses enregistrements les plus rudes, y compris les premiers disques ou l’album en collaboration avec Tom Smith de TLASILA, et même le City of Straw déjà mentionné ci-dessus.
Future Accidents n’est pas à proprement parlé un véritable album bien qu’il soit gravé uniquement sur un 12’ et qu’il soit d’une longueur plus que décente avec ses 39 minutes : la première face comporte trois (longs) titres alors que la seconde est entièrement occupée par un Public Remains destiné à nous faire passer un très mauvais quart d’heure. Bien que ce titre soit sur la face B du disque, on va commencer par parler de celui-ci, en essayant de ne pas lui régler son compte trop rapidement. OK : 20 minutes chrono d’expérimentations plus ou moins bruitistes ça ne vous fait peut être pas très envie, surtout venant de Sightings, mais Public Remains est un titre passionnant, plus grésillant que dissonant, plus atmosphérique (ahem) que bruyant, rempli de grincements et de crissements – on imagine à son écoute être prisonnier de la respiration monstrueuse d’un être mi-organique mi-mécanique (tu connais H.R. Giger ?), une respiration entravée mais impétueuse. Il y a quelque chose de captivant dans ce Public Remains et certains jours on irait même jusqu’à parler de beauté malade.
Les trois titres de la première face de Future Accidents sont du Sightings beaucoup plus conventionnel, entendez par là que le trio guitare/basse/batterie et voix y est formellement présent et que l’on peut entendre quelque chose de plus classiquement (re ahem) construit… enfin, cela reste du Sightings c'est-à-dire une musique qui n’est même pas du noise rock, on se rapproche plus de l’esthétique d’un Throbbing Gristle (c’est particulièrement vrai sur tout le début de To The World) mélangée à celle de Missing Foundation, autre groupe bruitiste et originaire de New-York lui aussi, considéré par beaucoup comme quasi mythique. Mais comme avec Sightings c’est toujours l’abstraction qui finit par primer, les sons se déforment, se mélangent, se contaminent entre eux et on aboutit – ce qui n’est plus une surprise – à un autre monstre déviant, mutant et malade qui nous emprisonne/empoisonne également, un autre monstre et parent pas très éloigné de celui qui sur Public Remains nous avait déjà bien malmené. Avec Future Accidents Sightings se révèle de plus en plus passionnant et… oui, on attend le prochain album impatiemment et on espère de même revoir le groupe un jour en concert.

Future Accidents n’existe (pour l’instant) qu’en vinyle et a été publié par Our Mouth records, le label des petits gars de Mouthus.